AUTOUR DE LA TABLE PLANETAIRE

 

 

 

Le tonnerre grondait le long de l'horizon pour le battement du tambour final. L'éclair déchirait les cieux divisés et éclairait les visages graves des Seigneurs Planétaires rassemblés autour de la Table de Paix.

Juste à ce moment Mars arriva en courant, avec son casque oblique et son manteau écarlate gonflant derrière lui. Dans un mouvement rapide, il dégaina son épée et l'envoya claquer plus loin dans un coin. Il s'assit alors près de Mercure, messager ailé argenté, et dit à voix haute "Les guerres surgissent comme des feux de brousse par temps sec, la fumée s'amasse sur les champs de bataille, et des conclaves de paix sont appelés! Ce dont nous avons besoin est davantage d'action, pas tant de discussion!"

Saturne, entrant sur un coup de fouet de l'heure cosmique, puisqu'il était devenu le Gardien du Temps, jeta un regard de biais sur l'impétueux Seigneur de Mars.

"Cesse cette légèreté irréfléchie", commanda t-il. C'est le temps que tu attendais à l'Ecole de Sagesse, frère. Depuis quand une action sans pensée a jamais apporté le bien? La parole en soi peut être puérile, mais la parole avec un dessein défini fait bouger les mondes".

 

Dame la Lune dessina une volute de nuage au delà de ses fines épaules et dit avec une douce patience, "Attends  comme je le fais, Jeune Seigneur, que les Anciens parlent. N'as-tu pas assez causé de dommages par ton action indisciplinée? Lorsque tous auront collaboré, alors Moi, l'intermédiaire, ferai ma part pour faire fructifier les germes de paix parmi les hommes de la terre".

Quand Dame la Lune eut cessé  de parler, le royal Soleil s'éleva, dans un tourbillon de draperies de nuages dorés, et s'avança majestueusement de son trône vers la table. D'un timbre royal, il dit:

"Nous nous rencontrons  pour faire  don de nos cadeaux  à la planète Terre, pour que la paix devienne une réalité dans les cœurs de son peuple. Les pouvoirs du Mal  les ont menés dans les abîmes de l'égoïsme et de la cruauté, mais à présent une grande peine et une souffrance leur sont apportées pour une réalisation de la folie de la guerre. La Paix viendra sur Terre".

Il s'arrêta et dessina de sa main un grand anneau avec un seul rubis, si radieux qu'il répandit la glorieuse lumière solaire dans toutes les directions.

 

"Cet anneau que je donne pour symboliser la guérison de notre Terre souffrante doit avoir avant la vie, remplacé la mort qui suit l'égoïsme. Je lui donne confiance en le pouvoir du bien, de la prospérité, et le succès dans une vie juste. Prends le don de ma vie, O Etoile de Chagrin. Ne pleure plus. Elève toi".

 

Maintenant Jupiter impressionné, s'avança, ses robes flottantes brillant dans le bleu du ciel. Il plaça sur la table un immense livre recouvert d'étain,  lourdement incrusté de luisantes turquoises et améthystes, et remplit les coins les plus éloignés du couloir céleste de timbres sonores  de noble gentillesse en disant:

"J'apporte mon cadeau pour la paix sur Terre dans ce symbole de vérité et de sagesse trouvé seulement dans les royaumes au-delà du matériel. Puisse notre planète sœur ensanglantée et déchirée bien utiliser mon don et construire plus sagement dans les années à venir, car aucune paix n'est permanente sans  être érigée sur les vérités de l'Esprit".

Il fit face à l'espace extérieur qui s'étendait au-delà et ouvrit ses puissants bras. "O sœur Terre, voici mon cadeau. Apprend à marcher joyeusement sur les chemins du moi supérieur". Alors à travers l'obscurité jaillit une fable lueur, palpitant,  toujours et toujours plus brillante, l'annonce heureuse que la Terre prenait un cœur nouveau lorsqu'elle recevait son Second Cadeau.

 

Puis vint Saturne avec des vêtements indigo contrastant étrangement avec le blanc doux et pur de la boîte d'onyx couverte de plomb tenue entre ses mains noueuses. Plaçant la boîte sur la table, il dit lentement:

"Je t'apporte  les fondations faites des sévères leçons de l'expérience—endurance, patience, et pureté. Bâtis bien avec mon cadeau, car Moi, le Grand Moissonneur, demanderai un paiement abondant un jour futur. Le cadeau que j'offre librement, tu ne peux pas encore en partager les trésors sans apprendre à obéir aux lois de l'univers. Je te passe au crible  et te soupèse, O peuple de la Terre. Apprends,  et mon cadeau se révélera riche. Résiste, et il ne t'apportera seulement que de la peine".

Lentement, la silhouette penchée se mut sur son siège. Il y avait un silence de mort. Alors de la Terre émana un gémissement, car le Troisième Cadeau était comme la myrrhe donnée par le Mage.

 

De sa chaise de roses jaunes se déplaça la gracieuse Vénus. De minuscules  cupidons souriants portaient son étincelante robe dorée. Des fleurs jaillissaient sous ses pieds de fées. Des oiseaux bleus volaient autour d'elle. Ses beaux yeux brillaient délicatement lorsqu'elle se glissa près de la table. Elle tenait un vase exquis de cuivre rutilant, richement garni d'agates, d'émeraudes, d'opales et de diamants qu'elle plaça avec les autres cadeaux tout en parlant en sons doux et caressants:

Ceci est mon cadeau: Prends le sur ton cœur et chéris le, O Triste Planète, car avec lui vient l'harmonie et l'affection—les pouvoirs magnétiques qui dissoudront les germes de haine et rendront vos cœurs neufs. Ceci O Sœur, est l'amour!"

Et maintenant, comme la lumière au loin grandissait, avec une douce et soudaine musique commença de l'intérieur le changement de vibrations de l'aura de la Terre. Ce fut le signe que celle-ci recevait le Quatrième Cadeau.

 

Alors Mars se leva lentement, se pencha en avant et ramassa son épée. Ses sourcils broussailleux se froncèrent sous l'intensité de sa pensée. Puis son fier visage s'éclaircit. Il s'avança, tenant son épée étincelante, et sa voix résonna comme une sonnerie de clairon:

"Prenez  mon épée, frères. Je n'en ai plus besoin, puisque la paix va régner. Avec elle j'ai engagé mon  génie organisé, mon courage invincible, et mon énergie sans limite. Je donne cette épée d'acier pour qu'elle soit  forgée en objets qui bénissent au lieu de maudire. Il y a  longtemps, O Sœur Terre, que j'aurais donné ce que tu réclames. A présent, avec un esprit courageux et une force intrépide, va de l'avant en éternel progrès!"

Il s'arrêta lorsque tous les Seigneurs Planétaires se  mirent  à applaudir spontanément, opinant de la tête en profonde approbation. Du vent lointain en bas vint une puissante chorale de voix humaines, comme si les hommes s'étaient unis en un chant de remerciement. La lumière rosée était maintenant projetée avec des étincelles de diamant bleu; l'atmosphère tendue et lourde s'était levée.

 

Puis vint Uranus en manteau d'arc en ciel bleu piqueté de pointes de cristal d'une lumière si brillante et si aveuglante que personne ne pouvait supporter de le regarder longtemps. Il portait dans ses bras un coffre de calcédoine et d'opale—brillant et étrangement fascinant comme s'il était illuminé à travers son aura du Verseau. Il  le posa parmi les cadeaux sur  la table et en ouvrit la serrure. Instantanément il en jaillit un magnifique arc en ciel qui était suspendu en l'air comme un miracle scintillant de Dieu.

"C'est mon cadeau", dit il. "L'arc en ciel d'espoir pour la grâce de la fraternité qui est à présent venu sur la Terre. Dans ce prisme de couleur s'étend la racine de chaque drapeau national basé sur la liberté, la vérité, et justice. Je donne mon cadeau  dans le nouvel éveil de tous les peuples pour l'unité et l'égalité, rendant un gouvernement du monde possible. Avec mon éclaircie, je te purifie, O Etoile de Tristesse. Maintenant par ma vision, laisse moi t'élever vers cette paix en Christ qui dépasse tout entendement".

Les paroles stimulantes s'effacèrent, mais l'arc en ciel grandit en brillance, se pencha pour s'étirer au-delà de l'espace incommensurable, et vint se reposer sur la lointaine Terre. Alors on put entendre les sons ineffablement doux des carillons astraux retentir pour le don du Sixième Cadeau.

 

A présent Neptune s'avança avec sa grâce magique, ses robes d'iridescence et d'argent se mêlant et se brisant comme des vagues d'écume, sa couronne s'embrasant de lumière. Dans ses mains, il portait un trident de platine scintillant, orné d'aigues marines et de coraux d'une beauté mystique.

"Regardez! Mon cadeau est ceci, grands Seigneurs", clama la séduisante musique de sa voix. "Une réalisation de la divinité—un idéal des hommes pour devenir des dieux. J'apporte l'initiation pour ceux  qui ainsi cherchent le chemin de la conscience divine. Dans l'offrande de ce cadeau, je t'élève, O Sœur  Terre, pour que tu puisses connaître les merveilles de la divinité".

Sur ces entrefaites, une grande symphonie musicale surgit d'un vide mystérieux et si vaste, si déconcertant, comme pour balayer la Salle en vagues d'une beauté surnaturelle qui fit trembler chaque cœur par la joie qu'il ressentait. Les étoiles chantaient leur grand cantique cosmique à l'Esprit Père-Mère.

Et ce fut le don du mystique Septième Cadeau.

 

Puis monta le sombre Seigneur Pluton, en vêtements rouge foncé         astucieusement tissés de noir avec de mystérieux dessins. De son obscur front une attirante pierre polie émettait des étincelles de feu; un joyau de brillante malachite et jaspe rouge regardait à travers sa poitrine comme un œil énorme. Il tenait ses mains en coupe fermée, alors lentement il les ouvrit en chuchotant ces mots:

"Voyez, je donne le germe que tous peuvent planter. Ici réside le mystère de la naissance, de la mort, et de la régénération. Je le donne, bien que je sache que l'homme de la Terre ne soit pas encore capable de réaliser la plénitude de son message. Je dois le donner afin que l'homme puisse être enseigné sur les mystères de la transmutation et être ainsi préparé à utiliser les secrets qui doivent encore lui être révélés. Prenez ce germe, O hommes de la Terre, et en le plantant, priez pour voir la vie en vérité—la vie transmuée de la base vers les royaumes divins. Dirigez soigneusement le germe que Pluton vous donne!"

Alors survint un bruit tel une graine géante se brisant à travers la croûte du sol avec son nouveau pouvoir germinatif, et duquel un peu plus loin  étincela un minuscule rayon doré. Ce fut le don du Huitième Cadeau.

 

Dans le silence lourd à présent monta Mercure, avec son bâton de croissante sagesse, ses pieds ailés, et sa cape d'argent. Ses mots étaient lumière comme des éclairs de vif argent qui faisaient un tel contraste avec l'obscur Seigneur de la Mort.

"Je porte un cadeau invisible comme l'air!" proclama t-il. "Je donnerai aux peuples de notre Planète Sœur une paire d'ailes pour élever leurs esprits, pour leur donner une mémoire de tout ce qu'ils ont vu et une image pour créer ce qu'ils voudront devenir. Par le moyen  de mon cadeau, les hommes utiliseront la pensée et la raison, et ne feront jamais à nouveau confiance à la folie de la guerre. Etoile Terre, je te donne ces ailes.

Il déploya largement ses bras, et une paire d'ailes, ressemblant  à un papillon violet et doré, étincelant comme des cristaux, sembla piquer en descente pour rester parmi  les autres cadeaux.

De la Terre parvint un clair murmure d'approbation. Et ce fut le don du Neuvième Cadeau.

Finalement Dame la Lune, en robes flottantes de vert et d'argent, tachetées de pâles pierres de Lune et de perles opalescentes. Son visage brillait d'une radiance intérieure lorsqu'elle planait avec légèreté comme un rayon de lune vers la pile de cadeaux donnés par les Seigneurs Planétaires.

 

De l'un de ses bras brillants, elle étreignit ces symboliques offrandes et cria: "Maintenant enfin je puis donner mon présent! A mon contact magique, les enfants de la Terre recevront vos cadeaux et en prendront soin jusqu'à leur pleine maturité dans leurs cœurs. Les Anges les attendront jusqu'à ce qu'ils viennent  rejoindre les rangs des dieux. La paix coule dans la musique de ma clarté lunaire—sagesse, paix, amour, et fraternité. Voici tes cadeaux, O Sœur Terre".

Elle s'éleva vers un magnifique sommet, des étoiles dans ses yeux compatissants et des nuages de lune suivant loin derrière elle,  rassembla toute la gloire des cieux vers sa tendre poitrine où reposait le trésor d'un noble hôte, et puis descendit à la vitesse de la lumière dans l'obscurité, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'une étincelle dans les espaces extérieurs.

 

Il s'ensuit un long et vibrant silence. Alors une Voix parla dans les hauteurs infinies:

 

"Paix sur Terre, aux Hommes de Bonne Volonté"

 

 

RAYS NOVEMBRE DECEMBRE  1999   Marguerite A. Wing

 

Traduction Chantal Duros