LE LIVRE SECRET DE JEAN
Seconde Partie
Le Christ qui est ainsi engendré est appelé le Monogène. Ce mot résonne de façon particulière, mais il signifie simplement l' "Engendré seul" comme dans l'ouverture de l'Evangile de Jean dans le Nouveau Testament. Dans celui-ci, également, si nous devions substituer la forme grecque des noms, notre texte serait méconnaissable; par exemple : "Je suis le Chemin, la Gnose, et la Vie". Ou, "Au commencement était le Verbe (Logos), et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu".
Du Christ viennent les Quatre Luminaires, les quatre Seigneurs Principaux du Karma, appartenant symboliquement aux quatre signes fixes du zodiaque. Certains disent qu'il y a sept Seigneurs du Karma; ceci se réfère, bien sûr, aux sept Principes Planétaires qui influencent la destinée humaine dans l'horoscope.
Après ces Pouvoirs Célestes, Adam fut créé, le premier homme de la Terre. Ceci est suivi (dans ce texte) de l'histoire de la "Chute de Sophia" qui voulait créer seule comme le Créateur et qui donna naissance à un monstre ressemblant à un lion et un serpent, qu'elle cachait dans un nuage—manifestement, les constellations du zodiaque, avec une référence spéciale au Lion et au Scorpion, ou autres dragons astronomiques des ciels. A nouveau nous répétons, cet apocryphe n'est rien qu'un poème—un poème compliqué, allégorique—et les étudiants se rendent eux-mêmes ridicules en le traitant comme s'il était un traité direct comme les travaux du Romain Lucretius.
L'histoire de Sophia—qui peut aussi être comparée à la Vierge, qui à présent tient le Soleil à sa chute à l'équinoxe d'automne—est suivie de l'histoire du combat des pouvoirs de la Lumière avec ceux des Ténèbres; qui survécut au Moyen Age, comme nous l'avons remarqué. Il est à noter que les Ténèbres ne peuvent seulement être détruites elles-mêmes lorsque qu'elles poursuivent la Lumière, parce que la Lumière détruit automatiquement les ténèbres par sa brillance.
L'Etre caché dans le Nuage devient le Créateur—Démiurge—des mondes inférieurs. Ceci est le "Jéhovah", le Cosmocréateur de l'Ancien Testament. Il crée Sept Rois pour gouverner les Sept Cieux (Planètes), et Cinq Rois qui gouvernent les Abysses—les royaumes du Chaos, les "Mondes Sombres" dans lesquels les âmes se rendent entre les incarnations. Ces cinq mondes sombres avec leurs Cinq Rois, représentent le "Chaos" des Grecs, et "l'abysse" dans lequel les germes de toute vie et formation se développent.
Plus tard des êtres furent créés, 360 ou 365 en nombre—un Ange pour chaque jour de l'année, évidemment. Ils sont symbolisés par les silhouettes à têtes d'animaux, dans la culture Egyptienne.
Chacun savait que les Egyptiens n'adoraient pas des animaux ou des animaux-démons; ils prenaient ces figures de façon symbolique. L'idée est précisément la même que nous trouvons dans notre Nouveau Testament, où un bœuf est dépeint pour l'Evangile de Luc, un Lion pour St. Marc, un serpent pour St. Jean, et un homme pour St. Matthieu. Il aurait été assez en droite ligne avec la symbologie Egyptienne d'avoir dépeint St. Luc comme un homme à tête de bœuf tenant un livre dans sa main. Nous pouvons ne pas aimer ce symbolisme, mais nous pouvons le comprendre.
Tous les Pouvoirs ont deux noms, en accord avec la doctrine magique de l'antiquité par laquelle le Nom "Secret" ou "Dieu" était un Nom de Pouvoir, et qui n'était jamais révélé; puisque le nom commun était le nom utilisé publiquement. Les Egyptiens donnaient toujours à leurs enfants deux noms pour cette raison, le premier étant le nom secret. Dans les Ecoles Initiatiques—comme dans le Baptême Chrétien—nous voyons une forme de coutume similaire, où le baptisé prend un nouveau nom. Il semblerait également qu'il avait un nouveau Nom Secret, comme un Initié; car le Baptême était une Initiation et une renaissance.
Chaque chose dans la vie a ses bons et mauvais aspects. Les planètes dans l'horoscope peuvent donner une destinée bénéfique ou l'opposé, ou les deux mêlées à la fois, ce qui est habituellement le cas. Par conséquent chaque Grand Ange a deux Noms, et chaque démon peut être contraint par l'usage du Nom du Grand Ange qui a gouverne sur ses activités. L'Apocryphe de Jean n'entre pas dans ceci, mais le concept est impliqué dans le fait que les Intelligences Créatrices sont dites avoir Deux Noms.
Lorsque sa création fut terminée, Ialdebaoth s'exclame fièrement : "je suis un dieu jaloux et il n'y a d'autre dieu que moi!" Et l'Apocryphe prévient que l'histoire de la création ne doit jamais être prise dans le sens que Moïse l'a décrite, mais d'un point de vue opposé.
Sophia, voyant que son fils pèche contre Dieu, va et vient comme un esprit sur l'abysse de l'espace, et elle est aidée dans sa détresse par d'autres pouvoirs. A la fin, fixant les eaux de l'abysse, les Pouvoirs, à leur étonnement, voient se refléter l'image de Dieu! Ialdebaoth commande alors que lui et ses compagnons créent un être fait à la ressemblance de cette Image dépeinte, qu'ils appellent Adam, et les Archéons (Pouvoirs) se mettent au travail. Archon est le terme Grec.
Comme pour les autres noms des Pouvoirs, le texte dit, "Si tu veux les connaître, ils sont écrits dans le livre de Zoroastre", montrant que l'influence Perse réside derrière les influences Hébraïque, Grecque, et Egyptienne de cet Apocryphe.
Adam fut créé, mais ne pouvait se tenir debout, et cinq messagers envoyés du Dieu véritable conseillèrent à Ialdebaoth d'insuffler le souffle de vie dans la bouche d'Adam. Il fit ceci, et Adam non seulement se leva, mais devint resplendissant, et Ialdebaoth craignit aussitôt qu'il ne lui dérobe son pouvoir.
Les Pouvoirs chassèrent alors Adam dans les ténèbres inférieures. Mais la Mère prit pitié d'Adam, et lui envoie une Etincelle de Pensée de Lumière, appelée Zoé, un autre mot Grec. Puis les Archéons construisent encore un autre corps, plus dense et plus matériel, dans lequel ils emprisonnent Adam. Ils créent le Paradis dans le monde inférieur, et l'y déposent, mais les joies de son Paradis sont illusoires et pleines d'amertume. L'Arbre de Vie appartient à Ialdebaoth, et son fruit est amer; l'Arbre de la Connaissance détient l'Etincelle, ou Germe, de Lumière de la Divine Mère.
"Qu'était le Serpent qui enseigna à l'Homme de manger de cet Arbre?"demande Jean. Le sauveur répond :"Le Serpent lui enseigna le germe du désir, pour mettre Adam en esclavage; mais il vit qu'Adam ne lui obéissait pas à cause du Germe de Lumière qui était en lui". Le Serpent est, comme montré ci-dessus, Jehovah-Ialdebaoth. Il est celui qui gouverne l'Arbre de "Vie", ou désir, des corps engendrés.
Le Démiurge crée alors Eve, qui est une partie de la Lumière Adamique, mais lorsqu'il ouvre le côté d'Adam, la part de lumière s'échappe, aussi il fabrique Eve avec ce qui reste. L'apocryphe dit que le Christ Lui-même se manifesta dans la forme d'un aigle et s'assit sur l'Arbre de la connaissance, pour inciter Adam et Eve à manger du fruit de la Connaissance, dans lequel était le Germe de Lumière appartenant à la Divine Mère, par lequel ils pourraient être rachetés des ténèbres de la matière et du pouvoir de Jéhovah-Ialdebaoth, le Serpent des Ténèbres. Le germe du Démiurge est à la fois dans Adam et Eve, qui apportent Caïn et Abel; mais Seth s'échappe. Seth est l'Homme Rempli de Lumière, qui plus tard renaît en tant que Jésus le Christ, le fils véritable de Sophia, la Sagesse.
St. Paul dit, parlant d'Abraham, Sarah et Agar :"lesquelles choses sont en allégories"; et il est évident que ces Gnostiques écrivaient en allégories. Elles ne peuvent pas être comprises d'une autre manière.
Nous voyons de ceci pourquoi les Catholiques croyaient que les Manichéens adoraient Satan, puisque pour les Manichéens Jéhovah était le Satan et l'Esprit de l'Arbre de la Connaissance était le Christ. Mais ils n'adoraient pas Satan, ils adoraient le Christ, comme l'Esprit qui donnait Sagesse et Connaissance à l'humanité. L'Arbre de Vie de Jéhovah n'était pas immortalité mais "génération", un arbre généalogique.
Il y a une raison de croire que le texte de la Genèse Hébraïque, écrite d'un point de vue opposé, comme Max Heindel l'a commenté une fois, a , en fait, donné la même interprétation lorsqu'elle dit que "Adam connut Eve, et qu'elle porta Caïn"; Adam connut Eve, et elle porta Seth"; identifiant ainsi clairement la génération avec l'Arbre de la Connaissance, alors que les Gnostiques et les Manichéens donnaient cette signification à l'Arbre de Vie.
Comme dans Pistis-Sophia, un long dialogue entre Jean et le Christ est donné, couvrant de nombreux sujets d'intérêt spirituel. L'Apocryphe montre qu'il y a un véritable Esprit, qui est Au-dessus, et un Esprit Contrefait (qui imite Le Véritable) qui est en-dessous, dans l'espace inférieur. Le Salut est libéré de la "caverne de perversité" dans laquelle l'homme est emprisonné, et où il passe tous ses jours regardant les ombres. (Comparez avec le Mythe Platonique de la Grotte dans la République, Livre VII).
Il y a une guerre constante entre le Véritable Esprit et l'Esprit Contrefait revendiquant pour les âmes de l'humanité. C'est le Démiurge qui envoie ses anges en bas pour séduire les filles des hommes à chaque fois qu'elles montrent quelque inclination à s'élever des cavernes de perversité, leur enseignant les soi-disant bonnes choses de la terre, leur donnant la santé matérielle, le bonheur, et le pouvoir; leur enseignant les arts, les habiletés, et les sciences du monde physique.
Mais la Grande Mère n'oublie jamais, et elle survole encore, aller et retour, sur l'abysse du temps et de l'espace, cherchant à sauver ses enfants. Elle va vers Adam pour l'éveiller de son sommeil dans les ténèbres, lui disant :
Je suis la mémoire de la Plénitude (de l'Esprit)
Je marchai dans les profondeurs des Ténèbres
Et je persévérai jusqu'à ce que j'atteigne le milieu de la prison, vers la fondation du Chaos…
Je pénétrai dans le cœur de la prison, c'est à dire, la prison du corps
Et Adam s'éveilla…disant, "Qui a appelé mon nom?'
Et l'Esprit répond : 'Je suis la Pensée de l'Esprit Vierge
Qui te ré-établit dans les royaumes de gloire.
Lève-toi, et souviens-toi que
C'EST TOI- MÊME QUE TU AS ENTENDU
Et retourne vers ta racine!
Car je suis Le Miséricordieux.
Abrite-toi des anges de destruction, des démons du Chaos,
Et de tout ce qui te gêne, et élève-toi du lourd sommeil de la demeure infernale'.
L'étudiant Gnostique français Jean Doresse qu'il n'est pas toujours clair de savoir qui parle, si c'est le Sauveur, ou la Reine Vierge des Anges; et il dit que sans doute ceci insiste sur l'histoire du Christ ayant été mélangée à l'ancien mythe de la déesse Mère. La ressemblance au mythe Babylonien de la Descente d'Ishtar et du mythe Grec de Déméter cherchant Perséphone est évidente; pas pour mentionner l'Isis Egyptienne cherchant Osiris. Le poète a fait un effort, apparemment pour construire un mythe parmi de nombreux, une allégorie éclectique, universaliste, acceptable aux anciens peuples, incluant les Juifs.
Le texte utilisé par les Manichéens médiévaux en Europe peut avoir été une version éditée par Mani ou ses disciples.
Puisque Doresse n'est pas un mystique ou un occultiste, et puisqu'il interprète ces textes avec un littéralisme qui est déplorable, nous ne pouvons prendre sa parole pour la substance véritable de l'Apocryphe de jean. Il n'est pas réellement intéressé, sauf comme un vivisecteur est intéressé en découpant un animal dans un laboratoire; et c'est uniquement lorsque nous prenons en sympathie ces anciens livres dans nos consciences, en méditation et contemplation, utilisant l'imagination poétique, que nous pouvons entrer dans l'esprit en lequel ils furent écrits et ainsi en arriver à une sorte de compréhension de ces textes.
RAYS MAI JUIN 2002 ANN BARKUST
Traduction Chantal Duros