LE PAYS DU SCORPION
Lorsque les portes du Sagittaire furent complètement fermées, Rex et Zendah regardèrent autour d’eux vers une prochaine entrée mais ils ne purent en voir aucune trace !
"Comment pouvons nous essayer d’ouvrir une porte qui ne semble pas être là" ? dit Rex. "Peut être Hermès viendra t il et nous aidera".
Pour passer le temps ils s’assirent sur le sol et commencèrent à regarder le parchemin des mots de passe qu’Hermès leur avait donné. Alors qu’ils le déroulaient, Zendah remarqua quelques curieux morceaux de pierre brillante qui semblaient bouger eux-mêmes l’un vers l’autre quand elle les frappait des pieds.
Elle s’assit tranquillement et regarda—non, ils ne bougeaient pas, ce devait être son imagination. Juste à cet instant Rex laissa tomber son couteau de sa poche ; comment cela arriva t il, il ne le sut jamais, et à leur plus grand étonnement, les étranges morceaux de pierre se déplacèrent vers le couteau et se disposèrent eux-mêmes autour de lui.
"Pourquoi", dit elle, "ils ressemblent à des parties de puzzle".
Alors ils commencèrent à choisir quelques uns d’entre eux. "Penses tu qu’ils puissent former un puzzle, Rex" ? s’enquit Zendah. "Essayons et trouvons de quoi faire un mot".
Ils rassemblèrent un tas de pierres bizarres, foncées et brillantes, et bientôt découvrirent qu’ils étaient capables de former le mot "SECRET".
A ce moment un curieux bruit derrière eux les fit se retourner. C’était une sorte de murmure, un bruissement, et ils virent ce qui semblait être de l’eau courant rapidement par delà les pierres dans le lit d’une rivière, lorsqu’il a beaucoup plu.
Ils virent alors un mouvement, là où auparavant il ne semblait rien y avoir. Au bas de la rivière il y avait un grand nombre de lignes sinueuses telles de l’eau, s’élevant graduellement de plus en plus haut, se déplaçant d’un côté à l’autre, et rapidement de haut en bas, jusqu’à ce qu’elles forment un grand entonnoir, un tourbillon d’eau, presque aussi haut qu’une maison et d’environ huit pieds au delà du sommet.
En bas il était d’un violet si profond qu’il en devenait proche du noir, mais les lignes mouvantes devinrent plus légères en couleur et de plus en plus rougeâtre, jusqu’à ce qu’il soit d’un splendide cramoisi. Puis une bulle se forma au pied de l’entonnoir et, s’élevant petit à petit vers le sommet, explosa sans un bruit.
Sept bulles de plus s’élevèrent, une par une et chacune plus large que l’autre, et comme la huitième et dernière éclata, toute l’eau disparut et ils aperçurent la porte. Elle était faite de fer admirablement formé et torsadé, avec une silhouette d’aigle énorme juste en travers du sommet.
Aucune voix ne demanda l’entrée—les portes oscillèrent soudainement avec un bruit métallique, et se refermèrent aussi soudainement derrière eux après qu’ils soient entrés à l’intérieur.
Le chemin devant eux était obstrué par de grands rochers imposants et s’étendaient jusqu’aux côtés des portes, mais qui étaient à nouveau invisibles.
Il n’y avait aucun autre chemin devant, ni aucun derrière, et pourtant, il semblait qu’il y pouvait y avoir une entrée, car un ruisseau d’eau sombre coulait sous le rocher près de leurs pieds.
"Essayons le Mot de Passe", dit Zendah. "Ceci peut être comme l’entrée de la caverne d’Ali Baba".
Donc ils chuchotèrent, "POUVOIR".
Huit fois l’écho rebondit sur les rochers, résonnant comme un chœur de gens invisibles se moquant d’eux. Alors soudain une ouverture se fit juste devant eux et un bateau se trouvait sur l’eau à l’intérieur de l’entrée.
Ils montèrent dans le bateau, et sans aucun avertissement, il s’éloigna comme une flèche à grande vitesse comme si le ruisseau descendait constamment la pente de la colline. Par les cavernes presque obscures, ils passèrent de petits rapides où le bateau secouait tant qu’ils pensaient en être expulsés ! Parfois il faisait un froid de glace et ils voyaient de grands blocs de glace, de toutes formes et de toutes tailles, s’élevant dans l’air de chaque côté d’eux comme des piliers d’une cathédrale. Plus loin ils passèrent à un endroit qui était aussi chaud que celui qu’ils venaient de quitter était froid. Des fontaines d’eau bouillante se précipitaient vers le toit de la caverne, et ils pouvaient difficilement respirer.
Ils avaient du mal à arrêter le bateau à un endroit, car les murs de la caverne étaient vivants avec des parcelles de lumières de toutes les couleurs qui ressemblaient aux bijoux que leur mère avait en collier, mais ils étaient incapables de faire cela.
A la fin le bateau se rua vers le pays ouvert, et stoppa à côté d’un banc sur lequel un sureau et un aulne poussaient. Sur le banc se tenait une silhouette qu’ils connaissaient et ils sautèrent et coururent vers lui, car c’était Mars.
"Il ne vous a pas fallu longtemps pour trouver le secret de l’entrée de la caverne", dit il, "et je suis très satisfait que votre voyage souterrain ne vous ait pas effrayés. Dans le Pays de l’Aigle-Scorpion vous aurez à découvrir la plupart des choses par vous-mêmes. Maintenant choisissez, irez vous vers l’est ou vers l’ouest ?"
"Ouest", dit Zendah, parlant la première, avant que Rex ait pu se faire une idée. Comme elle parlait, un chariot volant vint à leur rencontre, tiré par quatre aigles.
Ils volèrent loin, au delà de champs de glace, passant des chutes d’eau, à des mille et des mille de hauteur, jusqu’à ce que l’air devienne plus chaud et là un parfum vint à eux, tel celui d’un jardin. Sortant du chariot, ils se retrouvèrent à la surface d’un pays plat, disposé de lits de plantes ; ils en connaissaient quelques unes parce qu’ils en cultivaient dans leur jardin à la maison, mais ils n’avaient jamais vu la plus grande partie d’entre elles.
"Comme elles sentent bon", dit Rex, courant de lit en lit, et cueillant une feuille ici et là, comme ils se promenaient sur les différents sentiers. "Mais pourquoi sont elles toutes indispensables " ?
"Elles ont beaucoup d’usages, comme vous allez le voir", répondit Mars, les conduisant plus loin. Au milieu du jardin se tenait un immeuble peu élevé, et passant à l’intérieur, ils virent de nombreuses femmes déposant les plantes dans des corbeilles pour les sécher, puis les tamisant dans des passoires, et enfin les mettant en bouteilles. Ils virent les plantes, dans une autre partie de l’immeuble, être bouillies dans de grandes cuves pour en faire des remèdes à l’usage des médecins lorsqu’ils soignent les gens malades.
"Il y a une plante pour chaque maladie, si les gens voulaient seulement se donner la peine de la découvrir", dit Mars.
Dans le centre du bâtiment, il y avait une pièce avec des fenêtres en verre à travers lesquelles les enfants regardèrent huit vieux hommes rassemblés autour d’une table sur laquelle était posé un vase de verre avec un bouchon au col. A leur grande surprise, ils virent qu’il était plein d’un beau liquide qui se mouvait et jaillissait tout seul, comme s’il essayait de s’échapper. Il était d’un superbe pourpre, comme du vin, et contenait des centaines de bulles.
Il était si beau qu’ils supplièrent d’en ramener un peu chez eux, mais il leur fut répondu qu’il n’était pas encore fini, bien qu’une fois perfectionné, il guérirait toute maladie.
"C’est l’Elixir de Vie que les vieux alchimistes sages essayaient toujours de fabriquer", dit Mars.
La chose intéressante suivante qu’ils virent fut un grand nombre de gens faisant des lunettes. La chose étrange était que pas deux paires étaient semblables en forme et chacune avait des verres de couleur différente.
Ils demandèrent de regarder à travers une paire. Tous commencèrent à rire et dirent en chœur, "Pourquoi vous avez votre propre paire". D’où surgirent soudain ces lunettes, ils n’en avaient aucune idée, mais Rex portait des verres roses et Zendah des bleus.
Quelles merveilles ils virent à travers ! Ils pouvaient voir droit dans le sol, comme s’il était transparent, suivre les sources de pétrole gisaient, et voir les courants cachés d’eau souterraine. Les rivières, telles qu’ils les voyaient, étaient à présent pleines de nymphes d’eau, jouant les unes avec les autres, en haut et en bas des chutes d’eau.
Dans les airs il y avait des milliers de minuscules silhouettes, qu'ils n'avaient pu voir auparavant, et ils remarquèrent quelques unes bourdonnant autour des fleurs avec des brosses et des pots de peinture, posant les couleurs sur les boutons ouverts et sur le fruit. C'était des lunettes magiques—chacun en avait une paire, comme Mars le leur avait dit, mais peu de gens savaient comment les utiliser, ou sont même conscients qu'ils les ont.
En dehors spectacle de la fabrique, dans une cour proche, ils regardèrent au fond d'un puits profond couvert d'une grande dalle de pierre. Mars la fit bouger, et ils virent que le puits était à sec. Dans le sable au fond du puits rampaient des choses écailleuses qui ressemblaient à de petits homards, seulement ils avaient de méchants dards à leurs queues qu'ils portaient incurvés sur leur dos.
"Ceux-ci ne devraient pas être ici", dit Mars. "C'était tous de superbes aigles autrefois, mais à chaque fois qu'un enfant appartenant à ce pays dit un mot piquant, méchant, un des aigles redevient scorpion".
"Ne redeviendront ils jamais des aigles"? demanda Zendah, se sentant très triste pour les pauvres aigles condamnés à ramper au lieu de pouvoir voler.
"Oh si, mais les enfants doivent accomplir trois bonnes actions avant qu'ils puissent devenir des aigles à nouveau".
Ils voyaient de nombreuses choses étranges; toutes étaient cachées mais le mot qu'ils avaient prononcé avant les rendait visibles. A la fin ils arrivèrent au palais du Roi.
L'entrée vers les terres se fit à travers de grands champs de pavots de toutes couleurs, et leur parfum fit tant bailler Zendah et la rendit si lasse que pour éviter de s'endormir en route, ils se dépêchèrent d'escalader les marches du palais.
Ce palais se tenait sur huit piliers avec un fossé autour, ainsi chaque partie se reflétait dans l'eau; le pont menant vers le palais semblait fait de nuages, et à chaque marche qu'ils prenaient, il leur semblait marcher sur du coton. Des femmes vêtues de manteaux rouge sombre, et, sur leurs têtes, des voiles qui étaient maintenus par un ornement en serpent, se tenaient dans les passages et les couloirs pour les accueillir, et saluaient Mars les mains levées. Des pages aux yeux noirs perçants et à la chevelure sombre et frisée, écartèrent les rideaux vers le hall central.
La partie supérieure du hall était faite marbre noir et blanc et le trône lui-même d'une pierre verte mouchetée de marques rouges. De chaque côté étaient posés de grands vases de fer, dans lesquels poussaient des plants de pavot blanc aussi larges que des arbustes. Une lampe à la lumière rouge était suspendue au plafond en face du trône et des brasiers de chaque côté dégageaient des nuages de fumée odorante. Un personnage était assis sur le trône, vêtu d'une robe, de couleur rose cramoisi, galonnée d'une broderie de plusieurs couleurs et garnie richement de bijoux. Ils ne pouvaient voir son visage, car il était caché par huit voiles, mais ils pouvaient voir une couronne incrustée d'étincelantes pierreries.
Une voix profonde leur souhaita la bienvenue et ordonna aux gardiens de remplir le gobelet et de le donner aux enfants la boisson du souvenir, "Car sans ceci vous ne serez plus capables de vous souvenir de ce que vous avez vu au pays du Scorpion-Aigle".
Une grande femme leur tendit un gobelet, superbement sculpté, plein d'un liquide rouge, alors qu'en même temps, elle passait sa main devant les yeux des enfants.
C'était une boisson étrange, très sucrée lorsqu'ils la burent, mais laissant un goût amer dans leurs bouches par la suite.
Rendant le gobelet ils regardèrent en haut et virent une silhouette pourpre ailée derrière le trône—une Grand Etre qui atteignait presque le plafond du hall, et qui portait une étoile étincelante sur sa tête.
C'était un des quatre Gardiens des Vents, leur fut il dit, et un quartier du monde était à sa charge. Le Gardien vert vivait au Pays du Porteur d'Eau, mais jusqu'à ce qu'ils boivent les eaux du souvenir ils ne pouvaient voir aucun des quatre Gardiens.
Ils regardaient les merveilleuses ailes pourpres de l'Ange et son étoile brillante, lorsque la voix du Roi les rappela.
"Apportez le Casque de l'Invisibilité", cria t il.
Un page entra avec un coussin de satin pourpre mais ils ne pouvaient rien voir dessus. Cette chose invisible fut posée sur la tête de Zendah. C'était comme poser un chapeau, seulement vous ne pouviez pas voir ce que c'était, et quand elle le reçut, Rex ne put plus la voir du tout.
Autour du cou de Rex fut accrochée un cordon rouge avec un pendant fait d'une topaze en forme d'aigle.
"Le Casque Invisible vous aidera à voir les choses cachées, et aussi un jour à devenir invisibles sur Terre comme vous l'êtes ici. Maintenant vous êtes suffisamment restés dans ce pays, car vous avez encore beaucoup à voir", dit le Roi, "et je vais vous envoyer rapidement au prochain pays".
Il se leva, et élevant ses mains au-dessus de la tête, il prononça un mot étrange dont ils ne pourraient jamais se souvenir.
Le sol sembla se soulever ; tout devint sombre, et la prochaine chose qu'ils virent est qu'ils se trouvaient à l'extérieur du portail, et comme avant qu'ils ne soient entrés, à nouveau ils ne pouvaient en voir aucun signe.
"C'est le second tremblement de terre", dit Zendah.