MEDITATION
DEVELOPPEMENT DE LA VIE INTERIEURE
Lorsque nous étions étudiants, la classe de philo, à présent presque oubliée nous a donné une simple clef pour l'étude des œuvres d'art, qui peuvent être au service des autres. Nous devions laisser chaque œuvre agir sur nous pendant un moment généralement, et puis regarder dans tous ses détails, et finalement, la prendre en nous-mêmes une fois de plus, pleins de toutes les impressions qu'elle a faites sur nous.
Ce conseil n'est pas inapte à la méditation. En méditation on se retire soi-même dans quelque phrase ou image. On la laisse être là et agir sur soi aussi fortement que possible. Lorsqu'on ferme les yeux, on peut presque remplir l'espace entier dans lequel on vit par le contenu de la méditation, afin que rien d'autre ne soit présent en lui. Alors nous commençons à remarquer comment la méditation œuvre bien dans le délicat substrat de notre organisme physique, comment elle forme les forces de notre vie cachée dans sa propre image. Chaque méditation forme effectivement à l'intérieur de nous, de nouvelles forces de vie. Tout comme…chaque remède, pour ainsi dire, remplit un homme ; par exemple, si un homme prend régulièrement du mercure, on peut percevoir spirituellement en lui un homme délicat de mercure, qui grandit de plus en plus fort, ainsi en est-il avec la médecine spirituelle—la méditation. Et ici aussi, dans chaque méditation puissante accomplie, l'action devient plus forte, et plusieurs méditations peuvent agir très favorablement en supplément l'une de l'autre.
Si la méditation est correctement accomplie, elle peut même causer des douleurs physiques, parce que la nouvelle chose, qui souhaite entrer en nous, arrive contre l'ancienne.
Mais ces douleurs ne sont pas comme les autres douleurs. Elles sont plutôt des douleurs de guérison que des douleurs de maladie, et laissent derrière elles lorsqu'elles cessent—et ceci est en nos mains propres—le sentiment que nous sommes devenus bien à nouveau.
Malgré tout on n'a pas besoin de prêter attention aux douleurs, mais seulement à l'image, la phrase, l'esprit. Si la première étape de sa considération a été faite aussi puissamment qu'on peut le faire, on peut alors laisser les détails de l'image, de la phrase, agir sur soi. Dans une telle phrase on se sent soi-même être un temple, que l'on regarde dans les détails sans jamais le quitter. Ainsi, dans la méditation sur la Croix, on peut en premier lieu considérer cette direction et puis l'autre ; en premier la Croix elle-même et puis le Christ sur la Croix. Les efforts sont toujours dirigés pour que chaque chose puisse agir aussi fortement et aussi longtemps que possible. On peut répéter son étude des détails successifs plusieurs fois, si l'on n'est pas encore capable de rester aussi longtemps que l'on voudrait sur une impression. Alors, dans le troisième stade de méditation, on aura la méditation entière plus fortement, plus clairement et plus richement vivante dans son âme.
Un tel conseil ne donne pas les conditions essentielles de méditation. Il est seulement le compte rendu d'expérience, dans le but d'aider ou de stimuler. Dans chaque cas, cependant, il est bon à la fin d'une méditation d'amener ses résultats clairement à la conscience, et de les laisser faire écho à l'intérieur de soi dans toute leur intégralité.
Il y a beaucoup de gens qui ne réussissent pas au début à demeurer dans une image, pour ainsi dire, ou à l'intérieur d'une phrase, et d'y vivre. Pour ceux-là il est spécialement bon s'ils vont de façon répétitive à travers le plus simple des exercices de concentration…On choisit un objet quelconque—un crayon, une épingle, une bague. Et puis pendant cinq ou dix minutes on forme uniquement des pensées se référant à cet objet. On peut penser successivement à la forme du crayon, à sa couleur, sa composition, son usage.
On amène toujours la pensée, aussi simple soit-elle, à la plus grande clarté et la plus grande force possible, on la tient un moment dans la pleine conscience, et puis on passe par-dessus vers la pensée suivante. Il n'est pas du tout nécessaire que les pensées soient importantes. Au contraire, plus l'objet est simple, plus les pensées sont ordinaires, plus un homme doit mobiliser librement de sa propre volonté le pouvoir de les former et de les tenir fermement.
Et il est meilleur pour l'entraînement spirituel que, si un homme, par l'intérêt pour l'objet qui coule en lui, doive être dirigé par lui-même. "Ce crayon fait vingt quatre cms de long, un de diamètre—il est de forme octogonale (il pourrait être aussi rond ; dans ce cas il aurait telle apparence)—il est constitué de deux parties de bois—entre elles se trouve la mine graphite—elle est brune (elle pourrait aussi être bleue)—elle est faite de etc…" On peut aller à travers ces pensées successivement mais aussi dans l'ordre inverse.
Un sentiment exceptionnellement bénéfique se répand lui-même sur le cerveau entier lorsqu'on accomplit une telle méditation fermement. On ressent, comme si pour la première fois, on commençait à être le maître de sa propre maison. On commence à expérimenter le pouvoir royal de la libre pensée. On commence à se contrôler soi-même bien plus, à observer davantage dans d'autres formes d'activité spirituelle où l'on est astreint spirituellement, à se sentir beaucoup plus sain dans son attitude de vie. J'ai connu des gens qui, après un tel exercice, rêvaient la nuit suivante qu'ils pouvaient monter à cheval admirablement.
Et en effet, rêver de chevaux indique fréquemment des expériences dans la sphère de la pensée, comme par exemple, lorsque nous rêvons de chevaux galopant parce que nos nerfs sont contrariés. Tout comme un assez simple exercice des doigts rend l'artiste capable de contrôler très différemment l'instrument sur lequel il joue ensuite une sonate, ainsi en est-il d'un court exercice mental. Dans mon propre cas, bien que croyant pouvoir travailler de façon concentrée, ce simple exercice m'a rendu capable de raccourcir de moitié ma préparation à une conférence, non seulement parce que l'on devient plus clair et plus vigilant, mais par-dessus tout parce que l'on remarque beaucoup plus clairement les moments où le mental n'est pas fixé sur le travail.
Lorsque l'enfant se dresse lui-même debout, il apprend en premier à marcher et ensuite il se tient debout librement. Et ainsi il est organiquement correct que l'on doive en premier apprendre à progresser en pensée avant de pouvoir se tenir calme dans la pensée. Et ce simple exercice en concentration peut être d'une grande valeur pour tout un chacun, jusqu'aux plus grands penseurs. Beaucoup de professeurs d'université, qui considèrent en souriant un tel exercice avec un crayon comme de l'enfantillage, cesseraient de rire après quatre semaines et remarqueraient que les cinq minutes passées quotidiennement sur lui leur économiseraient beaucoup de temps et de travail. Dans toute activité cet exercice est secourable, et pour les nerfs il est spécialement sain.
Dans cet exercice lui-même, auquel nous faisons allusion ici en tant que préparatoire à nos méditations, il réside un extraordinaire pouvoir pour se tenir en position verticale. Ce n'est pas par hasard que nous mentionnons ceci maintenant, quand nous souhaitons parler de la résurrection du Christ et pouvons déjà être capables de voir clairement la connexion entre la résurrection et un tel exercice qui est accompli par l'esprit, venant de l'égo libre. Que l'on puisse voir les deux ensemble est un signe que notre attitude de vie est plutôt naturelle.
Aujourd'hui, certainement, il n'y en a pas beaucoup parmi ceux qui se sentent eux-mêmes responsables pour la vie de l'humanité, et qui souhaitent travailler pour l'entraînement intérieur parmi de larges cercles, qui mettraient en garde directement contre une telle méthode de soin pour la vie intérieure comme il est ici conseillé. Les arguments qui sont apportés contre elle sont si caractéristiques et si nombreux que nous ne ferons que les effleurer.
Certains pensent, par exemple, que l'on ne devrait pas créer pour soi-même des heures tranquilles en dehors de notre temps de travail, mais que l'on devrait observer où dans notre travail lui-même, viennent les moments de récollection personnelle. Et on devrait alors considérer, non quelque phrase particulière d'un livre particulier, mais les pensées que le travail lui-même apporte. Tout ceci peut certainement apporter une bénédiction, et pour un penseur ou un auteur il pourrait être suffisant. Mais un artisan ou une femme au foyer ne trouverait pas cela suffisant. Le résultat de ce conseil serait que l'on négligerait la prière matinale régulière et attendrait de voir si, à quelque moment de la journée, une impulsion de prière arrive. De façon similaire, Johannes Muller a dit que la prière est tout à fait réelle seulement quand elle est la réponse naturelle à une révélation divine nous étant donnée. Le résultat suivant ceci serait que l'on n'aurait plus de lieu ou de temps spécial pour l'adoration divine, puisque l'on pourrait avoir une adoration divine à tout moment et en tout lieu, et chaque chose pourrait croître de la vie "totalement naturellement".
En vérité il est montré ici la même surévaluation de la vie extérieure que contre la vie intérieure, et la même surévaluation des impulsions qui viennent de l'extérieur, que contre la volonté qui œuvre de l'intérieur, que nous considérons comme un danger ; oui, comme exactement le danger de notre époque, que, parce que l'humanité sera ruinée par lui, nous sommes engagés à combattre par nos études en méditation. Si nous admettons comme valides seulement les pensées qui viennent à nous elles-mêmes dans notre travail, dans nos vies, ces pensées seront, dans le cas de la plupart des gens, très pauvrement impressionnées. Ce serait une très grande perte et une étrange folie si nous négligions tout ce que l'humanité a acquis dans le cours de sa grande histoire spirituelle. Mais nous pouvons, de notre propre volonté, placer ces grandes performances de l'histoire humaine dans le centre de notre mental et les recevoir en nous-mêmes plus complètement qu'il n'est possible par une lecture, une écoute, ou une pensée superficielles.
Il serait totalement injuste de nous permettre aussi nous-mêmes d'être conduits uniquement par la vie de l'extérieur et de ne pas prendre garde à ce qui peut nous guider de l'intérieur. Mais aux possibilités intérieures, il appartient d'être capable de reconnaître les lois spirituelles sous lesquelles nous pouvons nous-mêmes nous placer, comme, par exemple, la loi du lever matinal, du rythme, de la répétition, que nous pouvons expérimenter le pouvoir des heures spéciales de consécration, que nous devrions avoir une volonté par laquelle nous serions capables de nous tourner de notre plein gré, librement, vers le monde supérieur. La prière aussi, même lorsqu'elle est principalement la réponse à une révélation, peut alors, en tant qu'acte libre, sans obstacle de l'extérieur, s'élève de ce qui est à l'intérieur.
Certainement tout ceci peut arriver de façon non naturelle, peut-être difficile et contraignante. Et du fait de ces dangers, de tels avertissements acquièrent un certain pouvoir pour s'enraciner eux-mêmes fermement dans les âmes des hommes. Jusqu'à leur racine s'étend une expérience défectueuse des lois spirituelles cachées, et une conscience défectueuse de la nécessité de travailler aujourd'hui, plus qu'auparavant, de l'intérieur vers l'extérieur, et par-dessus tout, de placer sa volonté au service de l'esprit. Ainsi les ennemis du progrès sont l'extrême individualisme, comme la religion Protestante l'a exercé, la passivité dans la vie religieuse, telle qu'elle nous a été transmise du passé, et le matérialisme, qui n'oppose pas assez fortement la vie intérieure à la vie extérieure.
Mais le progrès consiste dans la perception que la vie spirituelle a ses propres lois et possibilités spéciales, sur lesquelles on ne trébuche pas de soi-même dans la vie quotidienne, que seul un entraînement très assidu de ses propres pouvoirs intérieurs nous sauvera de la ruine et qu'à l'époque actuelle le libre arbitre devra au-dessus de tout être éveillé et devenir le véhicule du Divin. Plus l'homme monte haut, plus la guidance extérieure dans la vie est remplacée par la guidance intérieure, l'égo supérieur, qui tire l'origine de ses buts et ses lois de l'esprit.
Ceci est au-dessus de toute vérité au sujet de la résurrection, dont nous devons aujourd'hui faire nôtre dans un nouveau sens. Aux hommes des temps anciens il fut apporté simplement le message de la résurrection du Christ. Cela oeuvra immédiatement sur leur vie de sentiment et de volonté. A présent, d'un côté, la certitude de la proclamation Biblique a été ébranlée. Les hommes émettent leurs doutes contre le récit Biblique et son exactitude historique. D'un autre côté, la connexion entre la conception, le sentiment et la volonté n'est plus si vivante et immédiate dans les hommes. Beaucoup plus d'obstacles doivent être maîtrisés. Nous devons travailler pour le supérieur qui est en nous plus consciencieusement et avec un pouvoir-volonté plus fort que ne l'ont fait les hommes des temps passés.
Celui qui souhaite expérimenter la résurrection d'une manière vivante à l'intérieur peut commencer par ressentir que la terre est un grand tombeau. Elle l'est. La terre véritable sur laquelle nous marchons est un cimetière. Partout en dessous de nous se trouvent les corps des choses vivantes qui sont mortes. La terre est remplie de la vie des plantes en dégénérescence. Le sable lui-même est une roche effritée et brisée. Et s'il arrivait…comme le dit la science spirituelle, que le monde des étoiles que nous contemplons soit vu par nous en tant que physique seulement parce que nous sommes des hommes physiques, mais qu'il soit en réalité bien plus spirituel et ne consiste pas en matière périssable, alors on pourrait presque dire : Dans le cosmos, la terre est le grand tombeau. Ce qui vit sur terre doit mourir. On aura le sentiment juste au sujet de la terre si l'on apporte ceci à sa pleine conscience. Chaque chose individuelle que nous voyons porte en elle-même le signe de la mort. Il est souvent effrayant, lorsque, après quelques années, on revoit une connaissance et on perçoit clairement comment la mort a posé sa marque sur son visage. La mort peut être vue partout, seulement nos yeux sont encore peu ouverts à elle.
On peut en faire un exercice intérieur, se représentant à soi-même ces gens que nous voyons à présent dans le printemps de leur vie, et de se dire : dans 100ans, ce qui restera de vous, tels que je vous vois maintenant, seulement quelques os dans un cercueil.
Il est dit qu'un jour, à Nuremberg, un moine prédicateur, Jean a Capistrano, a dit de son pupitre, "Voudriez vous savoir comment vous serez dans 100ans"? Et, comme tous les yeux étaient levés vers le pupitre, il sortit un crâne de dessous le bureau, le tendit et dit, "Ainsi"! De tous les sermons de tous les prédicateurs qui avaient prêché dans l'Eglise du Saint Esprit à Nuremberg à travers les siècles, seulement celui-ci fut réellement en mémoire lorsque j'y étais pasteur. Nous ne faisons rien d'extraordinaire, rien d'ascétique, mais nous voyons la vérité, lorsque nous amenons notre capacité à voir la mort, qui est le grand gouverneur de ce monde, bien plus fortement à la vie à l'intérieur de nous, qu'elle est présente à notre époque superficielle et fondamentalement lâche.
Chaque chose autour de nous meurt—les gens, les arbres, les montagnes, les civilisations, cette planète elle-même. Bouddha était plus logique que les gens de l'époque actuelle lorsqu'il espérait avoir cette vérité toujours devant les yeux. Bouddha peut toujours aider l'humanité à voir le grand tombeau—dans lequel la résurrection doit suivre ! Si le Christ n'était pas, alors Bouddha aurait la vérité ultime.
Si nous avons réussi en acquérant cette vue avec une parfaite clarté—la terre est le grand tombeau—alors nous devons regarder vers le Christ. Il est possible de regarder simplement le Ressuscité. Puis on regarde dans un monde de lumière qui est complètement d'une autre sorte que le monde qui est passé, que nous avons autrement autour de nous. Chaque contact avec ce monde apporte l'éveil et la vie triomphant de la mort. Le doute est totalement impossible si Christ est réellement là. IL est la résurrection et la vie.
Aussi longtemps que nous ne sera pas permise cette vision, nous devons faire attention à la vie que nous sentons être Christ, à la vie qui par Lui est éveillée en nous. Nous ne devons pas être désappointés trop vite, mais observer et attendre, jusqu'à ce que, dans les mots de l'Apôtre Paul, "Nous Le connaissions et le pouvoir de Sa résurrection". Nous devons expérimenter vraiment combien Il est différent de ce monde éphémère d'ici ; comment en Lui, l'éternel, qui est au-delà du temps, est révélé. C'est simplement une question de pouvoir de notre esprit que nous puissions voir la victoire sur la mort qui est en Lui. Je souhaite que puissions nommer quelque peinture de la résurrection en laquelle le Ressuscité est révélé de façon convaincante. Je n'en connais aucune, pas même Grunewald. Aussi nous pouvons laisser la phrase, "Je suis la Résurrection et la Vie", passer à travers nos âmes, et sentir spécialement le pouvoir de la lumière dans cet égo si vivement, qu'en lui nous passions au-delà de la mort. La Résurrection du Christ doit être expérimentée aujourd'hui dans son essence particulière si nous sommes capables de croire en sa résurrection dans le passé ; elle doit être expérimentée, non en tant que joie dans l'âme mais en tant qu'acte cosmique. Que celui qui ne sent pas encore le Christ regarde vers son propre égo supérieur, aussi loin qu'il le sente, ou vers le bien. Même celui qui n'est sûr de rien en premier lieu mais espère, " Je servirai le bien même si je me perds moi-même", même celui qui sent un commencement de résurrection.
Maintenant que nous avons pensé au grand monde, pensons aussi à nous-mêmes. Notre corps est une tombe. Un jour nous le jetterons telle une cosse devenue inutile. Alors nous renoncerons, non à l'esprit, mais au corps. Beaucoup d'hommes ont senti que l'on n'avait jamais besoin de cacher cette vérité en vivant joyeusement dans son corps, que l'on devait l'amener clairement à la conscience, que sans cette conscience on ne peut en aucune façon être un homme ou vivre comme un homme dans le véritable sens. Et ainsi, tels quelques moines du Moyen Age, ils ont dormi dans leurs cercueils pour se rappeler chaque jour eux-mêmes de la mort. Ou, comme le Protestant, August Hermann Francke, ils se sont représenté, chaque soir lorsqu'ils allaient s'endormir, ce jour comme étant leur dernier jour, et chaque matin, lorsqu'ils se réveillaient, comme un jour de plus leur étant donné à passer en honorant Dieu. August Hermann Francke confessait qu'il devait cette coutume à sa femme. Cela aussi était une méditation qui montrait son pouvoir de cette manière.
Nous pouvons sentir les traces de pourriture dans notre corps. Peut-être connaissons-nous déjà le lieu où la mort s'est logée elle-même et duquel, un jour, elle tombera sur nous, et nous détruira. Nous considérons tout ceci avec un grand calme. Aussi calmement que, à la fin de ses Monologues, Schleiermacher s'adresse aux cheveux blancs qui commencent à apparaître sur sa tête, et comme Fichte, dans son Manuel d'un érudit parle de l'extinction, de la dernière extermination de la poussière-soleil dans son corps.
Ce ne sont pas des réflexions pessimistes, ou des auto complaisances sentimentales, ou des tortures ascétiques de l'âme, mais des préparations naturelles pour expérimenter pleinement la résurrection. On peut, avant d'aller dormir, ou après l'éveil, proposer cette question comme un exercice pour l'âme "Que restera t il de toi si tu n'as plus de corps" ? Alors, bien sûr, le corps doit être complètement au repos, pour qu'il ne fasse plus partie de l'expérience. Puis le monde extérieur doit être totalement silencieux pour qu'il n'ait aucune prise sur la conscience ou ne la perturbe. Puis les pensées et les sentiments qui nous poussent eux-mêmes hors de notre vie corporelle dans notre esprit doivent être laissés de côté. Quelques-uns trouveront cela difficile alors, spécialement, de mettre de côté quoi que ce soit. Ils peuvent alors former pour eux-mêmes l'idée qu'il n'est pas si facile de s'éveiller au monde spirituel après la mort et que les difficultés doivent être dépassées, et que plus l'on a vécu matériellement, plus il y en aura—même si, après la chute du corps ; des aides seront là pour nous. Si un homme, qui cherche à se concevoir lui-même séparément de son corps, est capable d'abord de ne rien retenir, ou seulement quelque chose de léger et furtif, il se laisse alors à penser au Christ. Il sera alors capable d'expérimenter assez fortement combien il est rempli de l'intérieur par la richesse de la vie rayonnante, combien sa vie a particulièrement le caractère d'être spirituellement immuable, endurante, nourrissante. Et ainsi il expérimentera très intimement personnellement quelque chose d'un éveil à travers Christ.
Il est puissamment et entièrement convaincant de connaître par notre propre expérience comment Christ souffle dans nos os assoiffés, comment à travers Lui une vie nouvelle est donnée aux hommes.
Et maintenant on admettra : ceci est aussi la véritable sainteté dans ma vie de tous les jours, que je devrais en toutes choses admettre Christ, qui souffle la flamme d'une vie supérieure en moi. Ce que j'ai expérimenté à un niveau plus humain, dans le couronnement d'épines, je l'expérimente ici dans une grandeur supra humaine cosmique. Dans l'Evangile de Saint Jean, il est souvent dit de la "parole" du Christ qu'elle éveille l'homme, lui donne la vie éternelle (chapitre 6). Nous expérimentons à présent ceci comme si le Christ Lui-même était le Verbe Créateur prononcé par Dieu, à travers lequel nous sommes créés à nouveau hors de la mort. Oui, on peut expérimenter ceci comme si nous-mêmes étions vraiment morts, et des terres profondes invisibles du monde, en lesquelles le Père Divin vit, la parole de vie du Christ est prononcée ; et comme si nous nous éveillions en Lui à la vie, à la vie nouvelle, à la vie véritable. Nous prenons toute la sagesse et la sainteté, qui dorénavant nous guidera dans la vie, de ce Christ Vivant. Dans l"Acte de Consécration de l'homme", il est dit : "O Christ, je confesse en ce qui est révélé à travers Toi ; la puissance de l'adversaire de l'homme, Tu la prends de moi".
Si la parole de vie du Christ n'est pas assez forte pour amener en nous une telle résurrection, qui est seulement un faible lueur de la véritable résurrection, une grande aide peut être—à peine en effet quelque peinture qui existe aujourd'hui—mais une peinture vivante du Christ Ressuscité donné dans la Bible.
RAYS MAI JUIN 2001 FRIEDRICH RITTELMEYER
Traduction Chantal Duros