MEDITATION ET PRIERE
Recevez la Divinité exactement dans votre volonté
Et elle descendra de son trône cosmique.
Cette phrase de Schiller, ce plus hautain poète, peut tenir lieu de devise au-dessus de ces dernières méditations sur l'entraînement de la volonté. La Divinité gouverne sur nous, tant qu'elle ne gouverne pas en nous. De ceci s'élève la royale attitude de vie que nous recevons de ces méditations. Maître Eckhart a dit une fois qu'il "travaillerait volontiers dans l'éternité aux oeuvres de Dieu avec Lui". Le fier sentiment avec lequel de telles paroles sont dites peut être expérimenté dans chaque méditation que nous suggérons ici pour la volonté. Oui, dans ce but et cette résolution chaque méditation peut disparaître. Nous pouvons nous sentir nous-mêmes être des compagnons de travail, et des amis de dieux. Mais c'est justement ce sentiment qui, lorsque nous connaissons notre force affaiblie, nous donne une modestie appropriée.
Ainsi nous donnons notre réponse à une question qui est souvent posée : "Est ce le mysticisme, alors, que vous recommandez"? Aujourd'hui les gens pensent que presque toutes sortes de sentiment vague est "mysticisme". Mais autrefois le mysticisme était une manière sérieuse pour trouver le Fondement Divin du Monde, par absorption à l'intérieur de l'âme, et de devenir un avec Lui. Cela est possible, si l'homme est capable d'évacuer les impressions des sens. Alors des sentiments nobles, de joie coulent à travers son âme intérieure. Les mystiques de tous les temps parlent de ceci. Mais la divinité que l'homme trouve ainsi demeure générale. L'unité, l'infinité, la béatitude; ce sont des joies dont les chants des mystiques sont remplis parmi tous les peuples de tous les siècles.
Nous cherchons dans les hommes non pas l'âme mais l'égo. Nous ne cherchons pas cet égo dans d'obscurs sentiments, mais nous nous efforçons à son illumination à travers l'égo du Christ. Nous ne cherchons pas l'unité avec le Fondement du Monde dans la béatitude, mais le sentiment de cet égo avec le volonté divine cosmique qui est en Christ.
Une autre question est : "Où, alors, se trouve la méditation dont il est parlé dans le Nouveau Testament ? Le Christ parle sans équivoque et avec assurance de la prière seule, et requiert de Ses disciples uniquement la prière".
A cette question, qui procède du genre de Christianisme qui a œuvré jusqu'ici, nous avons trois réponses.
Chacun connaît les paroles qui sont dites à propos de Marie :"Marie gardait tous ces mots et les méditait en son cœur". Ce qu'est la méditation peut à peine être plus exactement dit. On garde une parole dans son âme et on la remue et on remue avec elle. Une image de ceci est le joyau qui est touché par la lumière du soleil, pour que ses qualités particulières soient révélées, et le soleil devient invisible en lui. Si un homme laisse la phrase du Christ :"Je-suis-la-lumière-du-monde", toucher ainsi son âme, et en être touché avec elle, s'il la laisse être présente dans son âme comme le joyau l'est dans l'œil qui le contemple, alors il médite. Cette phrase véritable concernant Marie peut être une aide pour la méditation.
Nous avons une seconde réponse. Selon la traduction de Luther, le Christ dit dans l'Evangile de Jean :"Si vous demeurez dans mes paroles, vous êtes mes véritables disciples". (Version autorisée :"Si vous poursuivez dans mes paroles, alors vous serez vraiment mes disciples"). Mais le texte original contient bien plus que ceci. Luther a fait l'éloge de l'Evangile de Jean comme étant le principal "unique", noble , parmi les Evangiles. Mais pour les profondeurs spirituelles de ce parfait Jean , une perception ne pouvait pas alors être éveillée. Si nous traduisons ce qui se tient là dans notre discours, nous devons dire :"Si vous vivez dans ma parole de vie, alors vous êtes en vérité mes disciples". De façon encore plus circonstancielle, mais aussi plus pénétrante, on pourrait dire :"Si vous avez votre demeure dans la parole divine, créatrice, que Je suis, alors vous êtes en vérité les studieux élèves de mon égo".
Plus profondément on s'intéresse soi-même à l'Evangile de Jean, spécialement aux paroles d'adieu du Christ au Dernier Repas, plus clairement il devient évident que la Christ indique Son "Verbe" comme chemin vers les Cieux, qui est en accord avec la révélation du "Verbe" au commencement de l'Evangile. Mais ceci n'est pas seulement une parole qui sera proclamée en prêchant, mais la parole qui fait écho et qui crée dans l'âme, la parole dans laquelle Lui-Même vit et œuvre. C'est une parole créatrice, pas seulement une parole qui annonce. Méditer signifie rien d'autre que laisser le "Verbe" être là, et être là pour le Verbe; laisser le Verbe créer, et se transformer soi-même dans le Verbe. Cela est l'accomplissement du dernier commandement que le Christ a donné à Ses disciples, pour prendre le chemin qu'Il désignait, pour laisser le Christ vivre dans l'âme.
Mais comment sommes-nous pour contempler la Prière du Seigneur, que le Christ donna à Ses disciples comme leur nouvelle prière ? Notre troisième réponse dépend exactement de ce point. La Prière du Seigneur est incontestablement une prière pour la méditation. C'est l'union idéale entre prière et méditation. Elle est, dans sa nature entière, l'entraînement direct pour ce qui se tient devant nos âmes en tant que prière méditation…Il est vrai que l'habitation sérieuse de nous-mêmes par la Prière du Seigneur nous mène directement à la méditation. Alors en premier lieu nous avons le sentiment que nous ne souhaiterions pas toujours prier la Prière du Seigneur en entier, laissée seule souvent et successivement, mais plutôt au contraire, adresser une requête par jour; oui, une des trois premières requêtes pour un jour entier, pour une semaine entière. Finalement nous sommes totalement pénétrés par cette construction de pensée : Pourrai-je une fois ressentir la première demande comme si elle résonnait dans l'âme du Christ!
Quiconque a lu mes sermons sur la Prière du Seigneur verra cela, en nous remplissant nous-mêmes de la quatrième demande :" Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien", nous sommes amenés de plus en plus à reconnaître que là nous prions, pas tant pour notre pain quotidien, que pour le nouvel homme, qui de tous côtés se tient correctement dans une vie pratique, qui est armée de toutes les qualités nécessaires pour la vie de chaque jour. Lorsque je connaissais moi-même déjà un peu de ce qu'est la méditation, cette demande particulière me forçait il y a vingt cinq ans de l'amener devant les enfants de cette manière en instruction religieuse. Mais également avec la demande, "Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés" : nous remarquerons bientôt dans la seconde phrase de cette demande, lorsque nous la prenons sérieusement, quelle sorte d'entraînement spirituel ceci suggère. Et que la première phrase, "pardonne-nous nos offenses", n'appelle pas en première instance le pardon divin, mais souhaite en faire notre propre pardon, remarquait Luther.
La requête, "Ne nous induis pas en tentation", deviendrait autrement plus compréhensible aux hommes, donnerait une opportunité à moins de questions dogmatiques et viendrait plus près des hommes, si elle était prise d'une manière plus méditative, si nous la voyions moins dans l'expression d'un souhait que dans la contemplation d'une vérité spirituelle divine : la réalisation que nous sommes conduits par Dieu. Finalement, la dernière demande, "Délivre-nous du mal". Personne ne croira qu'à sa requête elle peut-être accomplie entre aujourd'hui et demain. Un but cosmique est établi devant nous et une volonté divine expérimentée, à laquelle on dit "Oui," de tout son être.
Oui, la Prière su Seigneur est une prière de méditation. Par sa nature entière elle conduit d'une simple demande à la méditation—vers ainsi une plus haute forme de prière. Même si le Christ n'utilisait pas le mot "méditer", Sa volonté est claire, Son enseignement est simple.
Les hommes seraient capables de dire moins contre la méditation s'ils savaient mieux prier, la prière par dessus tout qui est véritablement prière, en laquelle toute prière cherche achèvement—adoration. De l'adoration en tant qu'achèvement de l'histoire cosmique et en tant que vie des cieux, l'Apocalypse parle sublimement.
Si nous portions l'entraînement de la volonté plus loin, un exercice libérateur et spécialement valable se connecterait avec le "signe" suivant du Christ—marcher sur les eaux. 'Jean 6:16-21)
Qu'arriva t'il aux disciples à cette occasion ? Nous devons saisir ceci si notre développement de la volonté doit être efficace. Les gens souhaitaient faire du Christ un roi. Les disciples n'agissaient pas avec eux. Mais ils n'étaient non plus avec le Christ. Lorsqu'Il se retira sur la montagne, "Lui-Même seul", c'est une image montrant qu'Il était solitaire. De l'âme populaire, de l'âme groupe les disciples s'étaient libérés eux-mêmes. Ils n'avaient pas encore trouvé la nouvelle connexion. En de tels moments, la peur et un sentiment de solitude, de profond trouble intérieur, tombe sur l'âme. Un être a pu expérimenté cela de nombreuses fois, lorsqu'il fut obligé de se détacher des points de vue de sa famille et chercher son chemin tout seul. Il était comme les disciples, qui se sentent eux-mêmes lancés ici et là dans les vagues tempétueuses de la vie, et cependant ne veulent ni ne peuvent revenir en arrière, mais s'efforcent d'aller de l'avant vers un autre rivage qu'ils n'ont encore jamais vu.
Ce qui apparaît dans leurs âmes peut être résumé en un mot, qui inclut à nouveau un grand royaume de besoin et de mal, le mot faiblesse. D'une telle faiblesse vient l'adhésion anormale à ce que l'on sait être vrai. D'une telle faiblesse vient cette peur dans des formes diverses qui gouverne parmi les hommes, et tourmente les âmes plus qu'il n'est visible extérieurement : peur du futur, peur de nos compagnons, spécialement de ceux qui sont plus forts que nous, peur de nous-mêmes, et de ce qui vit profondément en nos âmes, peur de la maladie, des événements du quotidien, peur de la mort, et de la destinée après la mort, peur des choses inconnues qui résident autour de nous…Et seulement lorsque l'on commence à être libre de la peur, on voit comment la maladie de la peur se déchaîne parmi les hommes, et quelles perturbations, même de nature physique, elle cause. De la peur viennent les milliers de chocs, grands et petits, conscients et inconscients, qui rendent les hommes malades et détériorent leurs pouvoirs. Seulement si nous connaissions ce besoin caché dans les hommes, prendrions nous l'exercice suivant assez sérieusement.
Mais notre question est d'abord : Comment devient-on libre de la peur ? Y a t-il une complète liberté de la peur? Nous ne parlons pas du courage naturel. En lui est l'aveuglement, un sentiment de folie, un sentiment de force physique, une inclination naturelle, etc. Il n'est pas à l'abri de basculer soudainement dans la peur, lorsque les yeux sont ouverts sur le réel danger, ou que les pouvoirs naturels sur lesquels il est basé se brisent. Je pense souvent à l'histoire des deux officiers, l'un disant à l'autre au moment d'un danger, "Mais tu trembles, tu as peur"! Ce à quoi l'autre répondit :"Si tu avais moitié moins peur que moi, tu serais parti il y a longtemps". Deux sortes de courages fondamentalement différentes.
Nous pouvons nous libérer de la peur sous toutes circonstances uniquement si nous nous sentons totalement protégés, ou si nous n'avons aucun souci pour nous-mêmes. Les deux sont présents si nous avons complètement sacrifié notre égo inférieur, et vivons pour l'égo supérieur. Quiconque ne l'a pas expérimenté ne peut connaître la sécurité de ce mode. "Et tous les démons étaient au-delà du monde".
Les gens qui sentent qu'ils ne sont pas misérablement indignes, mais riches en valeurs intérieures, et cependant dans le plus grand danger, vivent plus haut à chaque anxiété—ceux là sont les véritables combattants de ce monde. Par de tels gens le monde peut être élevé de son axe. Toute peur se fond en eux. Ils ressentent pour la première fois ce qu'est la liberté. Par ceci ils apprennent la vraie nature de l'homme, la noblesse de l'égo qui ne meurt pas. Comment acquiert-on une telle intrépidité ?
L'histoire de la marche sur les eaux nous est racontée dans ce dessein. "C'est moi, ne soyez pas effrayés". Selon l'idiome anglais il ne pouvait pas être traduit différemment, mais le texte grec nous mène plus profondément dans la réalité. Nous perdons chaque peur, lorsque nous regardons vers le 'Je suis' de Christ, qui veut entrer dans l'embarcation de notre vie. Nous pouvons laisser de côté chaque peur de notre vie à ce moment précis lorsque nous parions tout sur ce 'Je suis'. Les hommes peuvent nous briser et nous massacrer; pour l'amour de ce 'Je suis' nous vivons. Christ, dont le 'Je suis' résonne à l'intérieur de nous, peut se maintenir Lui-Même en nous, s'Il le veut. La vie, le véritable combat de la vie, commence lorsque cet esprit vit en nous.
Mais l'entraînement de notre volonté n'est pas la chose essentielle pour que nous-mêmes devenions sans peur. C'est seulement la condition primaire que nous devons obtenir encore et encore. De chaque partie de notre être nous pouvons chercher et chasser la peur. Mais à présent il est nécessaire de venir face à face avec l'humanité qui est ravagée par une peur secrète, qui ne peut pas venir à la vie à cause d'une centaine de maladies, qui par un trouble intérieur détruit sa force, et ne peut pas rendre sa force disponible pour la vie.
Et ainsi nous voyons devant nous dans notre méditation les hommes tels qu'ils sont jetés ici et là sur la mer troublée de la vie, comme les disciples là-bas dans le bateau; comment dans leur anxiété et leur trouble ils se consument eux-mêmes, et affaiblissent leurs vies, alors qu'ils essaient de les protéger. Tel est le monde. Tels sont les hommes. Et en face de ceci nous cherchons à vivre nous-mêmes dans l'ombre du Christ, qui marche sur la mer et qui dit, "Je suis là, n'ayez pas peur".
Disons ici essentiellement que nous ne tenons pas ceci pour être un compte rendu d'un événement extérieur, mais pour être une vision des disciples , vue par les sens spirituels, qui, après la détresse de la nuit, se découvrent eux-mêmes vers le matin dans les disciples.
Les disciples virent une réalité spirituelle. Ils virent la réalité spirituelle. Ils virent la profonde signification de l'apparition du Christ dans l'histoire de l'humanité.
Ainsi ils virent leur propre tâche future dans le monde. Extérieurement il n'y avait rien à percevoir ici sur la mer. Mais l'événement spirituel, pas simplement une image de la fantaisie, était de loin la plus réelle. La mer démontée n'était pas seulement autour d'eux, mais dans leurs propres âmes. Mais vers ces âmes vint le nouvel égo, vint le Christ.
Lorsqu'un homme qui prend sa part dans les combats du monde donne l'impression que le Christ dit à travers lui, "Je suis là! N'ayez pas peur", alors les hommes ressentent un bienfait qui rend leur partie intérieure plus attentive. Nietzsche a parlé d'un arbre qui rafraîchit un paysage entier. Ici on peut parler d'une lumière qui brille sur les hommes, et tous sont conscients à travers elle d'un autre monde. Les "Je suis", si nous continuions à les écouter, formeraient ce "Je suis", en nous. Nous devons véritablement prouver aux hommes que nous pouvons marcher sur l'eau. Le trouble, l'incertitude, les lames tempétueuses ne peuvent jamais être aussi grandes; nous sommes soutenus par un pouvoir d'en haut qui nous élève. Nous n'avons pas de sol ferme sous nos pieds, et cependant nous marchons en sécurité. Pour cette raison il y a l'incertitude du lendemain—que nous puissions avoir une chance de marcher sur l'eau. La résolution de se laisser être guidé par l'égo du Christ, qui vient du monde d'en haut, est la résolution de marcher sur l'eau—ce que Pierre dans les Evangiles ne peut pas encore faire. Si nous regardons encore et encore cette image et vouons comment le Christ vient vers les disciples par delà la mer, nous voyons toujours plus clairement comment les hommes dans leurs occupations et dans leurs familles voyagent dans un bateau dansant. Nous voyons que ce que signifie s'unir nous-mêmes au Christ apparaissant. L'histoire n'est pas un "réconfort" que nous recevons personnellement, mais une force cosmique que nous devons recevoir. Dans des cas individuels, nous n'avons pas besoin de penser à l'image du tout. Elle œuvre en nous—inconnue de nous-mêmes , peut-être aussi inconnue des autres—si seulement nous admettons ce Christ en nos âmes, Le laissons être, ici dans nos âmes, "je suis en paix avec le monde : cette paix avec le monde peut être avec vous aussi, parce que je vous la donne"!
A nouveau nous nous tenons entre l'Est et l'Ouest. L'Est ne veut pas se poser sur la mer de la vie, à cause de son agitation. L'Ouest veut se poser sur la mer, et ne connaît pas de repos. Nous sommes sur la mer, mais nous avons le repos—pas en étant loin de la mer, mais sur la mer—en Lui qui marche sur la mer.
RAYS MAI JUIN 2002 FRIEDRICH RITTELMEYER
Traduction Chantal Duros