LA  LEGENDE  DU  POINSETTIA

 

 

Il y a bien des années, l’homme marchait sur la terre main dans la main avec les anges, connaissant seulement immuable innocence, et irradiant seulement leur beauté parfaite. Jamais alors une pensée de méchanceté ne teintait sa conscience pour être réfléchie à l’extérieur en couleurs diverses. Les fleurs, qui sont des reflets de la conscience, brillaient toutes du blanc le plus pur, faisant du monde un véritable jardin de rêve et de beauté odorante.

 

Ainsi passèrent les temps et les vibrations d’une étoile plus puissante ouvrit  les portes de la matière pour l’entrée de l’homme, et l’esprit devint plus fermement empêtré dans sa forme matérielle, alors graduellement les pétales prirent et gardèrent  les couleurs données par les différentes pensées et émotions des hommes. Seules les plus fines et les plus rares des âmes-fleurs furent capables de s’épanouir dans toute leur première beauté.

Depuis longtemps déjà poussait une fleur si blanche qu’elle rivalisait avec le souffle des neiges de montagne, et le cou du cygne était pâle à côté d’elle. La tradition pense que partout où vit une âme pure immaculée par le monde ces fleurs s’épanouiraient en profusion inimaginable. Le long des sentiers escarpés dans les méditations des saints, elles brillaient aussi belles que la pensée qu’elles reflétaient.

 

En cette Sainte Nuit, lorsque les bergers regardaient vers les collines de Judée, et que l’Etoile dorée les guidait sur le chemin vers l’étable sacrée, leur sentier fut couvert de ces floraisons mystiques blanches, et les rayons de l’Etoile de l’Orient changèrent leurs pétales en argent brillant.

 

Lorsque Le Saint porta sa croix sur le chemin ascendant vers le Golgotha le sol devint un tapis blanc de leur beauté. Elles s’amassèrent tendrement  autour de ses pieds meurtris comme si elles voulaient avec joie faire réparation pour les clous cruels  et la couronne d’épines. Silencieusement leurs visages blancs guettaient en appel muet l’ordonnance de la crucifixion. Les fragiles pétales frissonnèrent de sympathie avec le grand frisson cosmique qui  secoua les mondes lorsque le puissant esprit brisa son esclavage de chair.

Comme le sang coulait de la coupure des clous et des griffes des épines, une goutte sacrée tomba dans le cœur d’une petite fleur blanche et s’y nicha. Presque imperceptiblement, les pétales se courbèrent lentement sous l’horreur, puis doucement, resplendirent délicatement d’un cramoisi teinté de sang. A travers tout le cœur de la terre cette onde fut portée jusqu’à ce que partout où ces mystiques fleurs avaient bourgeonné en blanc radieux, leur couleur fut changée en cramoisi du sang.

L’âme la plus pure de tout l’univers-fleur à travers les âges à venir doit baigner son cœur dans le sang du Christ et donner au monde son message à travers la beauté de ses flamboyants pétales.

Le temps de clôture de l’année fleur est venu. Chaque mois pétale a éclaté en gerbes odorantes de mémoire. Les Tisserands du Pays des Fleurs tiennent conseil pour décider quelle fleur sera retenue sacrée au moment de Noël. Quelle fleur est assez belle pour représenter le mois de la Naissance Cosmique. Sur les ailerons soyeux du vent les messages sont allés vers les Divinités Gardiennes des mois les priant de venir et présenter leurs demandes  avant le conseil du Monde des Fleurs.

Chantonnant le chant du sommeil de l’hiver en faibles notes de lumière tremblante, vient le pâle Janvier paré de vêtements de deuil. Ses bras de blanche neige sont chargés de fragiles clochettes de Jacinthe, qui frissonnent en douce musique au son ardent de son âme devant toujours chanter le Silence et le Sommeil.

Vers la fin des jours courts, par le bord ouest d’un ciel gris et bas, Février trace une ligne dorée. Tandis que du cœur gris  de la terre elle rassemble les larmes et les transmue en Narcisses dorés de promesse pour le monde fatigué. Miracles qu’elle conte à la terre et au ciel. Pour elle le nom des noms est Espoir.

 

Mars enveloppe le monde de voiles vagues et tendres, et se tient debout avec des mains griffues et avides, pendant que l’âme monde joue le merveilleux prélude de l’éveil. Les Violettes jaillissent  de ses pensées aussi bleues que le ciel vers lequel elles lèvent leurs yeux. Car le nom intime de Mars est Aspiration.

 

Le vierge Avril, revêtu de larmes brillantes, se penche au-dessus du monde las. Rassemblant sa douleur et ses chagrins il courbe ses lèvre de lys sur eux. Lorsqu’ils sont emplis d’une sainte conscience de paix, il les façonne en Lys de l’Annonciation, pour souffler sur l’humanité le secret de la Réalisation de son Ame.

 

Mai, d’un rythme plus rieur, chuchote au plus profond du cœur de la forêt, l’obligeant ainsi à lui ouvrir les portes de sa maison trésor, où il s’enveloppe lui-même dans des guirlandes  magiques pour éveiller la beauté. Car Mai est le fil d’âme de l’harmonie ; ce qui doit toujours être semé pour amener  à la vie  les beautés latentes du monde.

 

Le jeune Juin, l’Ame de l’Amour, dans une ravissante musique de rêve, trempe son pinceau dans les couleurs du ciel, au  pourpre du crépuscule et aux blanches brumes de l’aurore, au reflet rosé du levant et à la lueur ambrée du soir, il ajoute le poli d’un astre, et la douce respiration des cœurs humains. Lorsque, voici, le monde connaît la naissance d’une Rose.

 

Reposant paresseusement sur les oreillers bleus et brumeux du ciel, avec des couvre-pieds formés  de nuages blancs, laineux, respirant un encens distillé des cœurs de millions de Coquelicots de teinte douce, repose le calme Juillet, le Foyer du repos.

 

Dressant rangée sur rangée de superbes fleurs, qui ont façonné leurs pétales à l’or de la lumière solaire, et tissé leurs cœurs avec l’Amour pour son Dieu, se tient le mois de la gloire frissonnante qui est le véritable souffle du soleil—majestueux Août—l’Ame de la Beauté Parfaite.

 

Septembre, la grande mère cosmique, dont le nom plus profond est Pureté, brille sur le ciel. Il construit les trésors de ses pensées secrètes en riches branches de tremblants rameaux dorés pour caresser le monde et le rendre plus beau tant qu’il le tient sur son cœur.

 

Dans la calme tranquillité, brisée seulement par un soupir intermittent à travers les arbres, Octobre, qui est l’Ame de la Méditation, penche sa tête. Tout autour de lui, les magnifiques forêts du monde répandent mi nostalgiques, des larmes d’or pour la beauté déclinante de l’été, mi craintifs, des larmes cramoisies pour l’austérité qui arrive.

 

Avec une figure majestueuse et un bruit imposant vient le royal Novembre, couronné de trésors et de diadèmes dorés. Il porte les fleurs chéries de son cœur, les royaux Chrysanthèmes, cette fleur née de la conscience d’une trop grande fierté. De Novembre souffle la Tentation, un souffle si subtil que par lui les plus brillants anges chutèrent.

 

Les cloches cosmiques sonnent dans tout l’espace infini. Un chœur de joie qui en premier doit être douleur. Un chant d’achèvement  qui proclame la venue de Décembre, dont le cœur des cœurs est Sacrifice.  Ses fleurs sont immenses et imposantes, avec des pétales rouge sang qui renferment un cœur d’or.

 

Involontairement les Tisserands du Pays des Fleurs leur rendent hommage pendant que les beautés des autres mois restent à moitié oubliées. Pendant de longues années, la larme de sang sacré a vécu dans le cœur de la petite fleur, murmurant jour après jour la merveilleuse signification de son message, jusqu’à ce que par la joie de la connaissance les pétales aient grandi et que le cœur doré se développe en perfection de beauté majestueuse.

Car tant que les blancs pétales brillaient avec le sang cramoisi cette pure âme fleur s’éveillait à la beauté de sa mission cosmique et savait qu’elle devait aussi prendre la couleur de la chair et aller dans le monde fleur  pour ramener ses âmes  à la réalisation de pureté et d’amour qui se manifeste seulement dans les pétales du blanc le plus pur.

Ainsi chaque année, quand la vie du Christ naît dans la terre au moment de Noël, vient l’âme du Poinsettia dans de fastueuses et sacrificielles robes rouges, pour apporter son message au monde des fleurs.

 

RAYS NOVEMBRE DECEMBRE 1996              CORINNE DUNKLEE

 

Traduction Chantal Duros