LA TRANSMUTATION
Pâques est la période où la glorification de la transmutation est à son apogée. C'est la saison où la Nature prouve de façon convaincante "qu'il n'y a pas de mort", car la vie est dominante partout. Puisque la lumière apparaît jaillir des ténèbres, ainsi la vie émerge de la mort apparente. Ce qui est à l'intérieur est transmué, s'exprimant elle-même en s'épanouissant de façon ascendante et extérieure. L'ascension des forces de vie se manifeste en tant que création. Ainsi nous voyons des myriades de formes nouvelles venant à l'existence à la saison du printemps.
Le Christ s'est élevé vers le Père à Pâques, l'époque de la résurrection ou transmutation. Et nous, aussi, pouvons entrer en contact avec le Père à travers le Fils en répondant à l'appel Divin, nous plaçant nous-mêmes en harmonie avec cette tonalité merveilleuse. Ainsi nous expérimenterons dans une petite mesure le pouvoir d'amour qui attire irrésistiblement l'enfant vers le père, la partie du tout, l'étincelle de la flamme.
Nous avons beaucoup entendu parlé de la transformation des apôtres de personnes faibles en guerriers spirituels, d'esclaves de la peur en maîtres de courage, mais de l'histoire de la femme qui accomplit ce grand changement seule par son profond amour, son zèle infatigable, et son magnifique courage, peu a été écrit ou apparaît dans les histoires de ce monde.
Puisque l'âge à venir sera l'âge de la femme, cette histoire de celle qui s'éleva des profondeurs de la dégradation vers les hauteurs spirituelles pourra peut-être aider certaines dans leurs heures sombres, et d'autres qui voudraient monter plus haut, tout comme la fleur se dirige elle-même vers la lumière. Le présent est le résultat du passé, par conséquent de plus grandes choses peuvent être réalisées maintenant que celles accomplies auparavant. Accomplir le juste équilibre entre tête et cœur—inondant le mental avec la radiance de l'amour du cœur, le grand transmutateur—devient notre but.
Dans un passé lointain, lorsque l'empire de Parthes seul demeurait dans la splendeur, inconquis par les armées de César, s'étirant de la vallée de l'Indus vers l'Euphrate, de l'Ibérie au nord au Golfe Persique au sud, lorsque Vonone était roi de cette merveilleuse nation de cavaliers qui montaient à cheval à cru pour combattre, revêtus de leur armure d'écailles, semant la terreur dans les cœurs des soldats de Rome, vint en la nouvelle cité de Hatra, Balthazar, le Magicien.
La nouvelle cité de Hatra, qui réside sur la partie supérieure de la région entre Deux Rivières, fut construite en forme de cercle dont le diamètre s'étendait sur trois miles, et avait quatre portes d'entrée et deux forts détachés sur des collines, commandant l'approche de la cité de l'est au nord. C'était le début d'une vaste cité fortifiée, qui devait jouer, et joua plus tard un rôle remarquable lorsque les guerres avec Rome recommencèrent. En ce lieu le palace de l'empereur de Parthes fut bâti, et non loin de lui se tenait le Temple du Soleil, fameux édifice célébré pour la valeur de ses offrandes en nombre.
Ce fut avec quelques difficultés que Balthazar trouva la maison de son vieil ami, Pacorus, dans la nouvelle cité, après un long et fatiguant voyage. Cependant, la chaleur et l'hospitalité avec lesquelles il fut reçu balayèrent sa fatigue. Après s'être rafraîchi et avoir partagé le repas du soir, il se tourna vers Pacorus, qui attendait impatiemment d'entendre le résultat de ses voyages en ouest.
Le récit de son voyage à Bethléem en Judée, la découverte du Prince du monde, le Délivreur de l'humanité, fut narré avec révérence et amour, alors que le crépuscule se faufilait doucement à travers le pays magique. Comme il écoutait, il coula en Pacorus une dévotion et un étonnement lorsqu'il s'imagina la découverte de l'Enfant dont la venue avait été si clairement annoncée par les astres.
Pacorus, l'érudit impressionné, était revêtu d'une longue robe fluide en soie, la robe des Mèdes, sous laquelle il portait sa tunique blanche, en lin pur. Autour du cou, il avait un merveilleux collier d'or sur lequel tombait sa chevelure noire en mèches raides. C'était la robe d'un Parthe noble, cependant le cercle d'or ailé sur sa poitrine le proclamait disciple de Zoroastre, un adorateur du Dieu de Pureté et de Lumière.
"Je suis heureux que ta recherche t'ait procuré une telle récompense", dit-il, "et je suis content de partager ton bonheur, mais le chagrin est tombé sur ma maison depuis notre dernière rencontre. Mon épouse, Vasda, est morte en donnant naissance à un enfant que tu vas voir à présent—un étrange et inhabituel enfant!"
Il se dirigea vers une pièce qui donnait sur le Temple du Soleil, une chambre aux murs décorés de soie de différentes teintes de jaune, alors que des carreaux d'ambre composaient le plafond qui était constellé de pierres de teinte orange. Là endormi dans un petit lit, se trouvait l'enfant de Pacorus.
Une nuance de tristesse s'insinua dans sa voix lorsqu'il poursuivit :"Ma petite fille sera un enfant de chagrin et de souffrance, car quand elle est née, le signe du Serpent s'est élevé, et au plus haut point du ciel j'ai vu une nouvelle étoile rouge dessiner une conjonction avec la nôtre, bleue, dans le signe du Lion. Sans mère pour l'aimer et prendre soin d'elle, elle est vraiment malheureuse, et souvent dans les yeux de l'enfant semble venir le regard du Mal, Ahriman. Par conséquent mon cœur est lourd".
"Attends, mon ami", dit Balthazar. "Tu sais combien il est difficile de lire les pensées de l'Eternel, cependant je te dis qu'un jour cette enfant sera la plus importante parmi les femmes. Elle brisera ce sort et deviendra un enfant de Roi. Elle aura en effet la sagesse du Serpent, mais pas avant qu'elle ait senti sa morsure".
Comme en remerciement de cette prophétie, la petite fille ouvrit ses yeux sombres et tendit ses bras vers lui. Avec une grande tendresse Le Mage la prit, et elle sembla comprendre, serrant ses bras potelés autour de son cou et cachant son visage sur son épaule. Cette marque d'amour réchauffa le cœur du voyageur, car n'avait-il pas vu le même signe à Bethléem avec la mère et l'Enfant? La pensée que cette enfant sans mère serait reniée causa une ombre de peine sur son visage. En vérité, elle devrait être une enfant de chagrin!
Le temps passa et l'amour entre le Mage et l'enfant grandit. Souvent, elle voulait entendre l'histoire de l'Enfant de Bethléem et de sa mère, jamais lassée de poser des questions. Elle demandait qu'elle aussi, soit appelée Marie.
Puis vint le temps où Balthazar prit le départ pour Borsippa en Babylone, et ce fut alors l'apprentissage du chagrin pour la jeune fille. Il ne lui restait plus que son père à présent, mais il continua à l'instruire de la sagesse du Mage, qui était le plus grand enseignement de l'ancien monde.
Cette grande science religieuse était composée de trois branches : divination, incantation et astrologie. Le première classe des Mages qui pratiquaient la divination était appelée les voyants; ceux qui appartenaient à la seconde classe étaient les magiciens ou sorciers; alors que la troisième classe était représentée par les astrologues. Ainsi, lorsque cette enfant grandit, elle devint très versée dans les arts de la magie, mais il y eut toujours en elle à certains moments l'influence mauvaise qui l'incitait à utiliser la magie de manière incorrecte. La connaissance des secrets de la Nature, le pouvoir guérisseur du feu, de l'air, de la terre et de l'eau, la force bénéfique des herbes, ces arts pratiques possédés par Pacorus semblaient d'aucune utilité contre la force inconnue qui à certaines périodes prenait possession de son enfant, et lui causait beaucoup de chagrin.
Les années passant, Vonone, l'Empereur, déplut à ses nobles en essayant d'introduire à Parthes la civilisation occidentale, qu'il avait apprise à la cour de Rome, et il fut donc détrôné par Artaban et Arsacide. En volant vers Arménie, il tenta d'emporter une partie du trésor du Temple du Soleil à Hatra. Ce fut alors que Pacorus perdit la vie, mais sauva le trésor du Temple.
Maintenant son enfant, devenue femme, resta toute seule. Le chagrin et la souffrance supplémentaires endurcirent son cœur, mais son grand orgueil cachait ceci à son entourage. Ceux qu'elle aimait lui étaient toujours enlevés! Où était à présent le Dieu d'Amour et de Pureté? De quelle utilité était la magie qu'elle avait apprise si elle devait souffrir toute sa vie? Alors elle se souvint du Prince du Salut, l'Enfant de Bethléem. Pouvait il la sauver? Elle voulut voir ce Roi des Joyaux! Vendant tous ses biens, elle partit pour ce pays où Balthazar avait voyagé des années auparavant.
Elle voyagea avec les marchands qui allaient de Parthes à Rome, chargés de soies et de tapis, d'épices aromatiques et de joncs d'encens. Lorsqu'ils atteignirent Damas, elle fut obligée de se reposer un moment dans ces merveilleux jardins et vergers parmi les fourrés de myrrhe et de roses, et les eaux fraîches qui en font le Jardin du Désert.
Alors qu'elle se remettait en route, elle vit les crêtes neigeuses de l'Hermon au loin, et passant par les Eaux Bleues de Merom, franchit le Jourdain et arriva à la Mer de Galilée. Bethsaïde et Capharnaüm n'avaient pas d'intérêt pour elle, mais la plaine de Génésareth avec son abondance et sa beauté, des vignes et ses vergers, la fit s'attarder un bon moment. Puis à l'extrême sud de cette plaine elle arriva au petit village de Magdala.
Elle ne savait pas pourquoi, mais quelque chose l'appelait à rester, à oublier sa mission, pour construire là son foyer. Elle paraissait céder à l'étreinte de l'esprit sombre qui couvrait la région. Il lui semblait que quelque chose de profond et de sombre à l'intérieur répondait à ce pouvoir extérieur, cet esprit qui gouvernait la région, qui la forçait à demeurer là.
C'était en effet un lieu malsain et dangereux, car, disaient les Juifs : "Comment pourrait il en être autrement avec le paganisme au nord et le Samaritanisme au sud?"
Sous ces conditions, elle changea rapidement, la force invisible prenant un tel ascendant sur elle qu'elle ne fit plus q'une avec elle. Bientôt les habitants parlèrent de sa magnifique maison qui devenait un petit palace: des coffres remplis d'étoffes les plus rares et de pierres étincelantes, des vases d'or et d'argent, de la soie pourpre qui décorait ses murs, de ses nombreux gardiens, et de la façon dont elle était liguée avec les esprits mauvais, faisant des miracles par ses incantations et sa sorcellerie. La réalisation de ses fascinants pouvoirs sur tous ceux qui venaient à elle ajoutée à sa beauté féminine, lui donnait un pouvoir dangereux, en effet. Pas étonnant que les Romains la considéraient comme une personne divine, une favorite des dieux.
Ses gardiens qui la voyaient dans les moments de tristesse, captant un bref éclair de désolation dans ses yeux sans larmes, disaient qu'elle était "possédée"; certains disaient que ses yeux devenaient ceux d'un serpent; cependant d'autres qui avaient vu ces yeux revêtir une agréable douceur, l'adoraient. Par moments sa voix était riche et douce comme les sons d'un luth, mais lorsque la passion montait, elle devenait davantage le cri d'une panthère, semant la terreur dans les cœurs de tous ceux qui l'entendaient. Ainsi elle fut alternativement aimée et haïe.
Vint à ses oreilles l'histoire du faiseur de miracle qui chassa une légion de démons hors de la mer. D'il était capable de faire ceci, alors Il avait une connaissance qui surpassait la sienne, car elle n'était pas capable de rejeter les démons. Elle décida de voir cet étranger.
Venant à Tabor, elle vit Ses disciples échouer à chasser les démons d'un jeune homme, mais immédiatement lorsqu'Il apparut, l'esprit fut rabroué et se sauva. En réponse à leur question sur le fait qu'ils avaient échoué, Il répondit, "Si vous avez la foi, rien n'est impossible".
"Foi en qui", demanda la femme de Magdala. " Se pourrait i l que j'aie cette foi, car c'est un pouvoir sur le Prince des Ténèbres lui-même".
"Foi en le Dieu Vivant", répondit le Maître, en baissant son regard perçant sur elle, et qui la fit reculer.
Des gens alentours elle apprit que ce maître était le Messie, le Roi des Juifs, et l'Enfant de Bethléem que Balthazar avait visité après son si long voyage, l'élu de Dieu, le Roi d'Israël. Où étaient Sa cour, Son armée, Ses princes et Ses nobles? Non! Cela ne pouvait être. Et elle s'en alla dans la peine et le désappointement.
Cependant il n'y avait plus de paix en son palace, car elle avait été en contact avec ce qui l'attirait irrésistiblement vers Lui. Ce fut à Nain qu'elle vit à nouveau le pouvoir de cet homme ramenant à la vie un homme apparemment mort. Alors elle devint consciente de ce pouvoir mystique qui lui donnait du bonheur seulement lorsqu'elle était en présence de ce Maître. Sa voix parfaite était pour elle une musique.
Ce fut dans la maison d'un Pharisien que, afin d'être plus proche de Lui, elle accomplit les devoirs d'une servante. Ici dans longue robe de soie blanche de Tyr, bordée d'or et incrustée de perles, autour de laquelle était serré à la taille une écharpe couverte de pierres de couleurs variées, alors que des bijoux ornaient ses oreilles et ses bras, et qu'un magnifique collier de saphir reposait sur sa poitrine, elle se plaça elle-même aux pieds du Maître. Rejetant son beau turban de soie blanche bordé d'or, faisant tomber son abondante chevelure sur ses épaules et entourant son cou, elle se mit alors à Lui ôter les sandales des pieds.
Alors une chose étrange survient. Soudain, telle la rupture d'un immense barrage et le déversement de puissantes eaux sur le pays, s'échappa un grand torrent de larmes qui secoua son corps entier. La dureté de son cœur avait été détruite, et les eaux rédemptrices s'écoulèrent dans un flot de larmes. Cette formidable pression qui avait croissante tout au long de sa vie était à présent libérée, et ses yeux sombres fascinants devenaient des fontaines de larmes qui roulaient sur ses joues une splendeur étincelante, baignant les pieds de son Sauveur.
De ses lourdes et brillantes tresses, elle essuya ses pieds, les baisant en remerciement pour sa libération. Prenant de sa poitrine un onguent luxueux et très parfumé, elle baigna Ses pieds de ce fluide.
Les paroles du Maître, "Tes péchés sont pardonnés. Ta foi t'a sauvée. Va en paix", furent plus qu'elle ne pouvait comprendre, mais les esprits sombres qui avaient dominé en son sein s'en étaient allés; une paix et un calme vinrent sur l'âme troublée, comme les doux et apaisants rayons de la lune dans une nuit d'été. Les éclairs sauvages et ardents de ses yeux possédés. En eux à présent brillait l'éclat profond et doux de l'amour céleste. D'une enfant des ténèbres elle était devenue une enfant de lumière; le serpent était devenu l'ange; le disciple de Lucifer était devenu disciple du Christ.
Marie retourna à Magdala, mais alors combien différente fut sa vie! Elle comprenait maintenant la transmutation de son pouvoir intérieur lorsqu'elle en faisait bon usage. Aucun danger ne pouvait la terrifier, aucune épreuve ou sacrifice ne pouvaient la décourager. Depuis cette époque de véritable dévotion, la noble, haute et inflexible intégrité qu'elle possédait devient source d'inspiration pour les autres. L'étendue et la pureté de son amour étaient si grandes qu'il n'y avait aucun doute qu'elle reçût les marques d'honneur du Seigneur.
Son palais fut vendu et ses gardiens invités à venir suivre les pas du Maître avec elle.
Bien qu'étant témoin de Sa souffrance et Son humiliation, bien que présente à Ses épreuves, et Sa maltraitance, Ses moqueries, elle ne manqua jamais à son attachement. Seule elle resta alors que les apôtres se sauvèrent dans le Jardin; elle se tint avec Jean au Calvaire, et là encore ses larmes baignèrent Ses pieds, alors que le sang qui coulait de Son flanc percé gouttait sur elle. Dans les ténèbres et le tremblement de terre elle fut encore à Ses côtés, se tenant sans peur tel un Ange de Lumière pour regarder son Seigneur crucifié. Avec Joseph et Nicodème elle mit Son corps à reposer. Est il étonnant que, telle une récompense pour sa fidélité dans l'amour, Le Seigneur Ressuscité lui apparut en premier?
Marie de Magdala était présente à la Pentecôte, et réconforta plus tard la Vierge Marie. Elle accompagna le disciple bien aimé à Ephèse, où, sous la persécution de Domitien, il fut banni à Patmos et elle fut envoyée au bûcher.
D'un pas ferme et intrépide, elle alla à travers la foule vers sa mort, et dans des accents doux, nous entendons sa voix :"Pour Toi, cher Christ"!
Une femme brûlée a été vue au bûcher,
Une enfant d'amour et de Lumière;
Regardez! Marie la Magdalène,
Une rose rouge devenue blanche.
RAYS MARS AVRIL 2004 REGINALD OAKLEY
Traduction Chantal Duros