VERITES ET DROITS

 

MORTEL ET DIVIN

 

 

Nos plus récentes époques témoignent d'une fièvre de morale et d'un libéralisme intellectuel qui se déchaîne à travers  les rangs des gens "émancipés", démontrant, supposent-ils, leur liberté vis à vis des idéologies arbitraires et coercitives  et des systèmes de croyance imposés à une populace autrefois crédule  par des ecclésiastes paternalistes, égoïstes. Maintenant,  selon cette ligne de "raisonnement", l'individu est capable de penser par lui-même et peut émettre son point de vue, ou s'en dispenser, sur des notions religieuses puériles. Egalement, en pensant ainsi par lui-même, cet être 'libéré' est  sans réflexion, son libéralisme personnalisé n'étant qu'un camouflage de l'impulsion vers un simple libertinage et un égoïsme, dans lesquels  le principe plaisir et l'individualité  déterminent le contenu et l'utilisation de la pensée. L'intelligence ouverte et la tolérance sont simplement des chèques en blanc que l'être  se fait à lui-même pour faire ce qui lui plaît.

 

Quelles occasions cet fièvre déchaînée de libéralisme qui simule une générosité d'esprit en accordant à chacun de "faire ses propres affaires" et d"être sa propre personne", une attitude que nous appelons  couramment politiquement correcte ? Qu'y a t-il derrière cette tolérance du comportement humain qui condamne pardonne la licence et refuse de tenir les autres responsables de leurs actions ? La relativisation de Dieu, le retrait de Dieu en tant que Référent immédiat et primordial pour sa propre vie et ses actions. En partie, ce retrait est un résultat de la convergence de nombreux systèmes religieux, perturbant le croyant potentiel. Bien, raisonne t-il, elles ne peuvent pas toutes être justes. Pourtant chacune  se réclame d'une absolue autorité. Chacune prétend être la "véritable" religion. La solution au dilemme ? Elles doivent être également justes, justes pour ceux qui sont justes; c'est à dire, elles doivent avoir une autorité et une vérité relatives ou limitées.

La relativisation de Dieu doit relativiser la vérité. Le relativiste dit tranquillement, je peux choisir une vérité qui me convient et sélectionner le Dieu qui s'adapte à ma vision des choses. Professant une compréhension de nombreuses "prises" de vérité, le relativiste politiquement correct  recourt  à la diplomatie et la conciliation aux dépens de la vérité, en dépit du fait que la vérité  est réellement infalsifiable.  Elle a des autorisations et des restrictions. Elle n'est pas un lavage, une image de Rorschach sur laquelle nous pouvons imposer nos versions privées, nos illusions favorites. La vérité relative est facilement acquise et négociable. Elle requiert de ne prendre aucune position qui puisse offenser les adhérents à d'autres points de vue. L'espérance de rencontrer une revendication de croyances différentes a t-elle découragé St. Paul ? Donne t-on plus de valeur à une conciliation agréable qu'aux ordres de la vérités ?

 

Dans la tentative d'éviter un conflit théologique gênant et un barbarisme multiculturel, en étant politiquement correct, beaucoup de chercheurs de vérités contemporains font tout simplement du shopping  au supermarché religieux, sélectionnant les articles attrayants de la présentation abondante des offres internationales pour leur cuisine spirituelle. Le choix est fait autant sur la base de l'esthétique, des convenances, et de  la nouveauté, que sur la valeur intrinsèque du "produit". Ils "acquièrent" ou s'approprient  ce qu'ils veulent entendre (considérons l'idiome, je peux acheter cela) plutôt que ce qui leur appartient d'entendre.

 

Dans notre économie achetant de façon obsessionnelle, l"emballage" de la vérité est souvent décevant, la relation entre la couverture et le contenu étant inverse : plus tapageurs sont les emballages, plus vide est la substance qui est enveloppée. Notre culture est un consommateur agressif; nous voulons obtenir encore et encore, et nous pouvons développer une sorte de tuberculose mentale par laquelle nous sommes vidés ou consumés par faim  "tantaléenne" dirigée par la maladie et nourrie par elle.

Nous pouvons être sûrs  que les fabricants de "vérités" concocteront et  confectionneront  des articles sucrés et attirants pour notre consommation, mais  une indigestion  ou malnutrition spirituelle peut bien en résulter. Ce qui est fourni requiert une inspection sérieuse avant  que nous nous y investissions et le prenions en nous.

Ni l'acheteur ni le marchand dans le bazar des religions du monde ne fait la vérité, mais Dieu, Qui est Vérité. L'appel de  l'homme et sa fonction est de découvrir la vérité et de la vivre.  Et la vérité est une, tout comme tous les nombres sont basés sur l'unité et s'élèvent d'elle. La vérité n'est pas une matière de ce que nous voulons croire. Ce n'est pas un état de convenance personnelle ou de prédilection. Ma vie n'est ni un alibi de style, une autorisation pour certifier ma manière de regarder la vie, pour me rendre à l'aise avec  mes désillusions ou  pour protéger mes biens idéologiques des incursions d'idées nouvelles étrangères. Ma croyance n'avance pas la vérité. La vérité s'appartient elle-même  par sa propre vertu demande  de l'âme rationnelle claire un assentiment volontaire.

 

La vérité libère parce qu'elle ratifie l'utilisation correcte de l'esprit, confirme  le fonctionnement éclairé propre de l'esprit. Il fournit une sorte  de déjà vu intellectuel quelque peu apparenté  à une réminiscence  Platonicienne, par laquelle l'esprit chercheur est mené inéluctablement  vers les Archétypes créateurs vivants  en qui la présence de l'esprit pré-incarné est conçue et intellectuellement baptisée. On se souvient, on se rappelle, on est partie intégrante à nouveau, dans un flash de re-connaissance, des vérités vivantes formatrices de l'être.

Le malaise humain, implicite dans la recherche pour la vérité, est divin en nature. C'est une nostalgie céleste, le désir pour notre foyer céleste. Dans ce cas, cette nostalgie paradigmatique, le foyer est Dieu en qui nous avons notre être, d'où nous avons voyagé, et avec qui nous recherchons la ré-union. Mais la réunion semble conditionnée sur rien de moins que l'essai de toutes les options de l'être qui ne sont pas Dieu, transcendant nos personnalités limitées comme dernière ressource. Par un processus d'élimination cosmique, une sorte  d'inventaire exhaustif, nous trions et identifions une myriade de systèmes de pensée et de modes de vie avant d'apprendre à éliminer  toutes les réponses partiales et nous livrions nous-mêmes à l'Etre en qui notre mental et notre esprit ont pris naissance un jour.

 

Si Dieu est mort, tout est permis. Si Dieu est mort (et un Dieu relatif est un Dieu mort), nous pouvons chacun jouer  Dieu et jeter nos décalogues privés, projeter nos fiats et tonner dans les cieux de nos empyrées nuageux lorsque nous désapprouvons ce que de simples mortels  font pour attirer nos terribles mécontentements. L'hyperbole apparente n'est pas aussi excessif qu'elle paraît. Notre civilité  bien cultivée peut si bien masquer une nature inférieure égoïste brutalement passionnée que nous sommes incrédules et vexés lorsqu'un autre suggère en nous des forces antipathiques à notre bonté prouvée. Pourtant l'esprit ne peut seulement être centré sur Dieu que lorsqu'il a reconnu toute l'obscurité qui est sous le monde, a sondé dans ses profondeurs ses motifs égoïstes  pour penser et agir et a appelé le pouvoir de Dieu pour maîtriser les êtres et les forces qui alimentent et peuplent cette obscurité, même la méchanceté spirituelle en hautes places à laquelle se référait l'apôtre Paul, qui voit l'âme de l'homme comme un champ de bataille où les véritables Pouvoirs de la création veillent au contrôle.

En expérimentant ce conflit en tant que lutte et destinée, l'homme apprend à connaître ses adversaires et ses bienfaiteurs et acquiert la sagesse et la volonté qui le rendent capable de vivre comme un être  libre, éclairé, ayant assimilé à son Soi  rien de moins que le pouvoir et les identités des hiérarchies des êtres célestes.

Ceci est la vision universelle. D'un point de vue plus immédiat, nous devons pratiquer la vigilance et la discrimination pour que nous puissions clairement percevoir ce qui prend place autour de nous et spécialement en nous, et pour agir et répondre en accord avec  notre sens  de la justice  évoluant constamment puisqu'il est informé par tout le témoignage que nous pouvons apporter sur lui. Nous nous efforçons de prendre des décisions rationnelles  et compatissantes, particulièrement étant toujours attentifs  à nous laisser ouverts aux influences guidantes de grâce, de reconnaissance et de révélation, provisions divines attendant telle la manne d'apaiser la soif spirituelle et de secourir notre pauvreté d'âme.

Le déni ou l'ignorance de la vérité  n'affectent  pas l'existence de la vérité. Elle n'est pas sujette à la stratégie défectueuse que si nous ne pensons pas à elle, elle partira. Je peux ensevelir ce que je ne veux pas reconnaître si profondément au point de devenir oublieux de sa véritable existence. Elle continue, cependant, d'exister, prospérant le mieux possible par elle même. Ce n'est que moi-même que j'ai enterré  dans une tombe d'illusions. Car Dieu s'est planté en moi, m'a tissé, et a constitué mon être éternel avec la Vérité, la Vérité vivante qui est Christ, Son Fils. Ceci  est une réalisation sacrée, prodigieuse, qui, si je devais manquer à méditer sur elle avec révérence et de façon répétitive,  peut tout aussi facilement, elle et les Enseignements Rosicruciens en général, souffrir de vulgarisation, les sublimités  réduites à des mots code, et les simples notions donnant une parure chic à une vie quelque peu différente que toute entreprise franchement séculaire.  La vérité a ses demandes explicites et rigoureuses qui sont ignorées ou reniées par notre esprit.

 

Dieu, comme le déclare Paul, a inscrit Ses vérités dans nos cœurs. Et bien que le mental puisse oublier, le cœur se souvient. Ici est l'intime relation entre la vérité et l'amour. L'amour éveille la vérité. L'amour découvre la vérité. Il aplanit toutes les structures impressionnantes  qu'une logique froide  peut dresser à un orgueil monumental. Il clarifie la conscience des auto-justifications et les attitudes militantes que la culpabilité et la peur engendrent en tant qu'apparences publiques honorables. L'orgueil ne fait aucun cas de la vérité. La personne créée par elle-même  regarde la vérité comme  une matière purement individuelle, c'est à dire subjective.  Mais un humain ne détermine pas la vérité. La vérité détermine l'humain. Si la vérité est sujette  à la manipulation, à un système d'échange, ou peut être élevée ou rabaissée, alors elle n'est pas la vérité mais une chimère, une affectation, une fiction. Lucifer ne  pouvait pas obéir à la Réalité  telle qu'il la voyait. Il se déroba. Il jeta une colère cosmique, se fâcha puissamment, répudia la Vérité et fit répudié, chassé dans une fosse brûlante de subjectivité solipsistique et de recherche de soi. Dans les lointaines  régions inférieures de l'obscurité égoïste (et proche de nos âmes humaines!), il persiste dans son argument que ce que l'esprit pense, il le crée. Il n'a seulement qu'en partie raison. Il peut croire  que sa fabrication est un fait, mais au cœur (en a t-il un ?), il sait différemment.  Quelle agonie que ceci, de contester à la moelle d'un être que ce n'en est pas ! Ceci est une insanité et requiert une énergie énorme et un pouvoir de volonté  pour se maintenir en face de la réalité.

 

Le mental, pour contredire  les mots magnifiquement pervers placés dans la bouche des Anges déchus par Milton, n'est pas à sa propre place. Il ne peut en vérité faire d'un enfer un ciel, et d'un ciel un enfer; il peut seulement penser qu'il le peut. Il peut seulement s'enfermer lui-même  dans une arcade imaginaire de spectacles sans substance et "y croire". Le monde du mental est objectif et universel. Un mental peut essayer de se convaincre lui-même  que ses conceptions erronées ont une réalité, mais la phantasmagorie des rêves, aussi puissants et "réels" qu'ils puissent paraître  alors qu'ils ne sont que des rêves,  prouvent au réveil  qu'ils ne sont qu'un flux de pseudo formes, vacuité. Cependant,  autant nous pouvons infuser  la vérité avec la croyance, elle a sa propre vie en tant qu'émanation du Dieu vivant.  Elle est impersonnelle. La vérité que je cherche à comprendre et sous laquelle je me tiens, dans le sens qu'elle est extérieure et au-dessus de mon moi personnel et tire ma loyauté, ma soumission; ainsi, je me tiens sous la Croix de Jésus; mais aussi, je me tiens joyeusement en dessous et  contemple avec joie le Christ Ressuscité.

 

Que produit ceci directement sur nous ? Peut-être  jamais dans l'histoire de la culture "Chrétienne" n'y a y-il eu une telle clameur mécréante pour les droits personnels et une impétueuse dispersion de la vérité privée (selon le monde…). La libération évidente du code moral ( non celui de Moïse mais celui de Dieu par Moïse), le système d'encadrement qui supporte et fait la droiture (orthodoxe) du corps de croyance religieuse et favorise une société cohérente et paisible, a relâché les individus pour créer les clameurs stridentes de lois autonomes  en elles-mêmes. La maladie du relativisme moral, faire de la vérité  une commodité, autorise à voir l'euthanasie permissible sous certaines conditions, sanctionne l'avortement si la mère est adulte et fait ainsi un choix, justifie l'homicide lorsque les problèmes deviennent suffisamment graves. Cette 'tolérance' ne reconnaît aucune chose telle que les aberrations sexuelles : faites ce que vous sentez être on—ou mauvais. Votre vérité ne peut être ma vérité. Aucun problème. La vérité est une affaire singulière, notre affaire séparée. Je tolérerai votre vérité, vous tolérerez la mienne. Le résultat de  ce laxisme moral et de cette relativisation de la vérité est la désintégration sociale, la dégénération morale, et le nihilisme intellectuel. Dieu absent et bienvenue l'anarchie.

 

Dieu est la Cause et la Base pour l'existence. L'existence est Dieu, Il n'est pas sujet à amélioration ni à révision par des hommes se nommant eux-mêmes des dieux et épris d'une vérité artificielle. L'Existence de Dieu révélée, le Logos, est la logique de la Création extérieure ou autre que ce qui est folie et fatuité. Le Fils a déposé la Vérité dans nos récits spirituels. Elle est  déjà donnée, est en place pour être ressentie, connue, protégée, vécue. Elle est notre prescription la plus sûre pour la transcendance de soi. Elle est la carte qui ouvre la voie à travers et hors du désert du monde.  Elle continue à inclure l'Ancien Testament (dix phrases, lois, idées, clefs pour la croissance de l'âme) et les deux commandements du Nouveau Testament, qui sont l'accomplissement des demandes de la loi avec une générosité d'esprit et une joie d'assentiment qui jaillit de la connaissance et de l'exécution de la volonté de Dieu pour et en nous.

 

Droits ? Je suis probablement plus injuste lorsque je réclame de manière suffisante des droits personnels. Répétons : tout a déjà été donné. Je n'ai pas besoin d'arracher au gouvernement, le riche, une classe  au pouvoir paternaliste, la race dominante, les tyrans, les rois de la culture, les procrustes ecclésiastiques,  mon partage refusé des provisions de la vie, mon juste droit. Ces organismes achevés  et ce qu'elles ont ou fournissent ne peuvent me donner ce dont j'ai réellement besoin, bien que le monde matériel soit enclin à me persuader que ses "biens" suffisent aux désirs de mon cœur. L'avertissement de St. Paul ne doit pas être conformé  à ces manques présumés. Percevant ainsi les choses, je suis trop dans le monde. Laissez moi être transformé par le renouveau de mon esprit.

 

Droits ? Quels droits réclama t-il au Golgotha ? Un roi terrestre réclame des droits. Ce Roi céleste fut rejeté  par quelques-uns de ses propres disciples parce qu'Il refusa la royauté terrestre et le contrôle sur Ses compagnons.  Alors que les avocats appuient pour leur dû, ils ne sont pas évidemment informés par le pouvoir et l'exemple de Celui qui nous exhorta à être le serviteur de tous, à renoncer au pouvoir pour le bien des autres.

"Que peux-tu faire pour moi" ? fut supplanté par "Que puis-je faire pour toi"?  "Je ne viens pas pour moi-même mais pour Celui Qui m'envoie". Lorsque l'on fait la volonté du Père, on vit la vérité, on incarne la vérité. Lorsque l'on est dans une relation juste avec Dieu (qui est une relation absolue, non relative), les demandes de droit sont vues comme des complaintes irritables de personnes fières qui cherchent des substituts pour Celui qui ne refuse rien, est Lui-même toutes choses, et Qui s'est déjà entièrement donné Lui-même pour notre gloire éternelle.

 

Seigneur, réveille-nous à ta Présence, ta Vérité vivante; ton Amour illimité. Car lorsque nous aimons véritablement, nous vivons véritablement en Dieu par le Christ.

 

 

RAYS   JUILLET  AOUT  1995         C.W.

 

Traduction Chantal Duros