La Valkyrie est le nom de la seconde partie de l'opéra de Wagner basé sur le mythe des Niebelungen; et les Valkyries, comme les Walsungs, étaient les enfants de Wotan.
La justesse de ce nom, dont la racine signifie de nouveau "choisir", apparaîtra immédiatement, lorsque nous comprenons que la mission des Valkyries consistait à se rendre sur le lieu des batailles, entre deux ou plusieurs, à prendre les tués sur leurs chevaux, et à les conduire au Valhalla. C'est pourquoi le champ de bataille ou le théâtre d'un combat était nommé Valplads, autrement dit la place où le dieu Wotan choisissait les vaillants qui mouraient en combattant pour la vérité (telle qu'ils la voyaient) pour être ses compagnons dans le royaume de béatitude (comme ils le concevaient). Brunhilde, l'esprit de vérité, était le chef des Valkyries, le guide de ses soeurs, les autres vertus. Elle était la fille favorite du dieu Wotan.
Mais lorsque les dieux se limitèrent eux-mêmes et qu'ils repoussèrent l'universalité de la vérité par l'Anneau du Credo et du dogme, symbolisé par
le Valhalla, les Walsungs, qui sont les premiers chercheurs de vérité et les plus avancés, se rebellèrent. Ils se manifestent sous différents aspects comme le montre le mythe nordique par les noms qui leur sont donnés. La racine de leur nom est Sieg, mot allemand qui signifie victoire, et il est parfaitement adapté, car malgré tous les revers qu'elle subit, la vérité triomphera finalement. Le courageux Siegmund, qui est poussé à rechercher la vérité à tout prix, est tué à cause de son audace; nous verrons tout à l'heure comment et pourquoi. Sieglinde, sa soeur et plus tard son épouse, qui a les mêmes aspirations intérieures, mais n'ose les satisfaire ouvertement, meurt de désespoir. Elle transmet cette soif ardente de vérité à leur enfant Siegfried, dont le nom signifie celui qui obtient la paix par la victoire. Ainsi, ce qu'une génération de chercheurs ne parvient pas à accomplir le sera par ses descendants, et finalement la vérité triomphera du credo et régnera souveraine.
En faisant allusion à cette fin, nous précipitons le déroulement de cette belle légende, mais nous avons ainsi l'assurance qu'à présent nous voyons "comme à travers un miroir, d'une façon obscure". Malgré les murs et les limitations de l'existence physique, un jour viendra où "nous verrons et nous connaîtrons comme nous sommes connus" (I Corinthiens 13:12).
Lorsque Siegmund, guidé par l'irrésistible désir de vérité, quitte le Valhalla, Wotan est furieux et, pour faire échec à cet esprit indépendant des Walsungs, il ordonne que Sieglinde épouse Hunding, l'esprit de conformisme. Désespérée, elle s'évanouit dans ses bras car elle n'a pas le courage d'abandonner ses ancêtres comme l'a fait son frère. Elle symbolise bien ceux qui, malgré leur révolte intérieure, se soumettent aux usages du monde parce qu'ils n'osent pas se détourner franchement du code établi par l'église, par
crainte de l'opinion publique. Alors, bien qu'indignés dans leur nature intérieure et déçus dans leurs plus saintes ambitions, ils continuent à supporter le joug du conformisme et suivent le sentier tracé par l'église pour sauver les apparences.
Un jour, Siegmund arrive par hasard dans la demeure de Hunding où il rencontre sa soeur qu'il ne reconnaît pas tout de suite, mais lorsqu'ils se reconnaissent l'un l'autre, il l'incite à se sauver avec lui. Ils savent tous deux que leur acte est un outrage à Hunding, l'esprit de conformisme, et ne sera pas pardonné par les dieux. Pour se protéger dans le combat qu'ils prévoient, ils emportent une épée magique, appelée Nothung. Noth signifie nécessité ou détresse, et ung, comme nous l'avons déjà vu, signifie enfant. Ainsi, l'épée est l'enfant de la détresse, le courage du désespoir. Cette épée avait été enterrée jusqu'à la garde dans l'Yggdrasil par Wotan lui-même, pour servir dans un cas imprévu comme celui-ci.
Afin de comprendre ce magnifique symbole et la conduite apparemment paradoxale de Wotan, nous allons expliquer la signification de l'Yggdrasil, le Frêne du Monde, l'arbre de la vie et de l'être selon la mythologie scandinave.
Cet arbre merveilleux s'étendait depuis la Terre jusqu'au ciel. Une de ses racines était dans le monde inférieur avec Hel, une furie terrible qui régnait sur ceux qui étaient morts de maladie et qui, de ce fait, n'étaient pas dignes de demeurer avec Wotan au Valhalla. Ils représentent les êtres indolents qui négligent de combattre jusqu'au bout dans la bataille de la vie. Hel a trois enfants qui lui ressemblent et luttent constamment contre les dieux qui ont à coeur le bien-être de l'homme. Ils symbolisent les éléments qui constituent le monde matériel où la mort règne seule. L'un d'eux est le serpent Midgaard, un monstre prodigieux qui entoure la Terre et se mord la queue; c'est l'océan.
L'autre est le loup Fenris, si subtil et pourtant si fort, que rien ne peut le retenir; il représente l'atmosphère entourant la Terre et les vents qui ne peuvent être dominés. Loge, que nous connaissons déjà, est l'esprit du feu, de la déception et de l'illusion. L'autre racine de l'Yggdrasil est avec les Géants de Glace dans le chaos, d'où provient l'univers entier. La troisième racine est avec les dieux.
Sous la racine de Hel gît le serpent Nidhog. C'est l'esprit de l'envie et de la méchanceté, le destructeur du bien: Nid signifie envie, et hog, abattre. Yggdrasil, l'arbre de la vie en manifestation, vit par l'amour; et l'envie et la méchanceté voudraient l'abattre et le livrer à Hel. Mais sous la racine des dieux coule la source Urd où les trois Norns, ou Parques, vont chercher l'eau de vie, la force agissante et spirituelle pour arroser et garder à l'arbre ses feuilles verdoyantes et fraîches. Les noms des trois Norns sont Urd, Skuld et Verdande. Urd vient de l'allemand Ur, l'état passé, primordial, l'état virginal en relation avec l'homme et l'univers. Urd file sur son rouet la destinée que nous avons générée dans le passé; Skuld, qui signifie dette, est la seconde Norn et elle figure le présent. C'est à elle qu'Urd donne le fil de la destinée que nous devons expier en cette incarnation. Puis il est donné à Verdande, la troisième Norn, dont le nom est dérivé de werdende, le mot allemand devenir. Elle représente le futur, et lorsque le fil du destin représentant la dette acquittée lui est tendu, elle le casse morceau par morceau. Ce merveilleux symbole nous dévoile que lorsque la cause générée dans le passé a produit ses effets dans cette vie, la dette est effacée à jamais.
Une infinité d'autres Norns existait en plus des trois principales dont nous venons de parler; chacune remplissait sa fonction à chaque naissance et prenait soin de la destinée de l'enfant qui venait de naître. On nous dit également que ces Norns ou Parques n'agissaient pas selon leur propre volonté,
mais suivant les ordres de l'invisible Orlog. Ce nom est une altération du mot Ur qui signifie primordial, et de log, loi. Ainsi, le symbole nordique enseigne que les Norns n'étaient pas soumises aux dieux, et que notre destinée n'est pas gouvernée par le caprice, mais qu'elle dépend d'une inexorable loi de la Nature, la Loi de Cause à Effet.
Sous la troisième racine, celle des Géants de Glace, se trouvait le puits de Mime. Ces Géants de Glace, ou forces de la nature, existaient avant la constitution de la Terre. Ils avaient contribué à sa formation et, en conséquence, savaient maintes choses inconnues des dieux. Donc Wotan lui-même, le dieu de la sagesse, devait boire à la source de Mime pour y recevoir la connaissance du passé. Il lui fallait boire aussi l'eau de la fontaine d'Urd pour renouveler sa vie.
Ainsi, nous voyons que les Hiérarchies qui nous aident à évoluer vivent elles- mêmes pour apprendre; et le seul fait qu'elles apprennent indique qu'elles sont sujettes à l'erreur, et aussi, pourquoi Wotan, leur chef, devait procurer, aux victimes de ses erreurs, l'épée Nothung - le courage du désespoir - afin que ces victimes puissent, en cas d'urgence, avoir une arme pour se défendre.
Nous pourrions ajouter bien d'autres informations concernant ce merveilleux Frêne du Monde, l'Yggdrasil, mais le lecteur possède maintenant suffisamment de renseignements pour comprendre la relation qui existe entre l'épée et ce qui va suivre.
Lorsque Siegmund et Sieglinde, fortifiés par l'épée magique - le courage du désespoir - quittent la maison de Hunding pour chercher la vérité dans le vaste monde, Hunding, outragé, n'attend pas l'ordre de Wotan pour les poursuivre avec l'intention de les tuer. Wotan ordonne à Brunhilde, la Valkyrie, d'être présente invisible au combat qui va se livrer et de lutter pour Hunding, l'esprit de conformisme. Mais l'esprit de vérité ne peut
combattre contre le chercheur de vérité; Brunhilde, tristement, refuse de se soumettre aux ordres de Wotan. Lorsque Siegmund rencontre Hunding en un combat sans merci et qu'il s'apprête à le vaincre, Wotan interpose sa lance et l'épée Nothung est fracassée; Siegmund, sans défense, est alors tué par Hunding. Ainsi, la vérité est toujours aux côtés de celui qui la cherche dans la lutte contre les coutumes de l'église et les conventions sociales. Mais quand le pouvoir religieux, qui lui fournit le courage du désespoir nécessaire pour soutenir ses convictions, s'oppose au pouvoir du credo symbolisé par la lance de Wotan, plus d'une âme ardente est vaincue, mais non convaincue. Siegmund peut mourir, et Sieglinde peut le suivre au tombeau, le coeur brisé, après avoir donné naissance à Siegfried, le vainqueur, avec l'aide de Brunhilde, car la soif de vérité une fois ressentie, ne peut jamais être étanchée tant qu'elle n'a pas reçu satisfaction.
Entre temps, sans pouvoir abandonner le Valhalla - l'Anneau du Credo - Wotan est obligé de se séparer de Brunhilde - l'esprit de vérité - qui lui a désobéi; car être autocratique et ne souffrir aucune contradiction est une condition du Credo. Mais comme toutes les religions sont imbues de l'esprit d'amour et d'un désir sincère d'améliorer et d'aider les hommes, Wotan éprouve une tristesse accablante en pensant à l'acte nécessaire à la poursuite de la ligne de conduite qu'il a adoptée et à laquelle il se soumet en dépit des supplications déchirantes de Brunhilde. Se séparer de la vérité est une chose terrible, et tous deux le ressentent plus intensément que les mots ne sauraient l'exprimer. Lorsque le pauvre Wotan, lié par le credo, doit endormir de force Brunhilde, il ajoute: "pour n'être jamais réveillée, jusqu'à ce qu'il en vienne un autre, plus libre que moi".
Dans cette phrase, il révèle la condition suprême exigée dans la recherche de
la vérité: "A moins qu'un homme ne quitte son père et sa mère, dit le Christ, il ne peut devenir mon disciple" (Matthieu 19:29). Toutes les limitations doivent être écartées avant que l'on puisse espérer le succès dans la recherche de la vérité.