LOHENGRIN



PAGE 132

CHAPITRE 19 - LOHENGRIN - Le chevalier au cygne

Parmi les opéras de Wagner, Lohengrin c'est peut-être le plus apprécié de la majorité du public, probablement parce que l'histoire, à première vue, est simple et belle. La musique en est d'un caractère exquis et, comprise de tous, elle reste inégalée par les autres opéras de l'auteur, fondés sur des mythes tels que Parsifal, l'Anneau du Niebelung, ou même Tannhäuser.

Bien que ces dernières oeuvres affectent puissamment les auditeurs pour leur plus grand profit spirituel (qu'ils soient conscients de ce fait ou non), elles ne plaisent pas au grand public, particulièrement en Amérique où l'esprit de mysticisme est moins fort qu'en Europe.

Il en est autrement avec Lohengrin. L'histoire, ici, se passe au temps où la chevalerie était florissante et, bien que l'arrivée de Lohengrin et du cygne, en réponse à une prière d'Elsa, relève de la magie, ce n'est qu'une fantaisie poétique sans signification très profonde. Ce mythe révèle une des exigences suprêmes de l'Initiation, qui est la foi.

PAGE 133

Quiconque n'a pas cette vertu ne l'obtiendra jamais. La foi pallie une infinité d'imperfections dans d'autres directions.

L'intrigue se résume ainsi: l'héritier du duché de Brabant a disparu. Il n'est encore qu'un enfant, et a une soeur, Elsa, l'héroïne du drame. Dès le premier acte, elle est accusée par Ortrud et Telramund, ses ennemis, d'avoir fait disparaître son jeune frère pour prendre possession du duché. Elle a été convoquée devant la cour royale pour se défendre contre ses accusateurs, mais au début de la scène, aucun chevalier n'est encore venu pour épouser sa cause et se mesurer à ses détracteurs. Alors, apparaît sur la rivière, un cygne portant un chevalier qui se dirige vers le tribunal. Il saute sur le rivage et s'offre à défendre Elsa à condition qu'elle l'épouse. Elle accepte volontiers, car il ne lui est pas étranger; elle l'a souvent vu dans ses rêves et a ainsi appris à l'aimer. Telramund est vaincu dans le duel qui l'oppose au chevalier inconnu, mais sa vie est épargnée par le conquérant magnanime, lequel présente alors Elsa comme sa fiancée. Il avait toutefois posé une autre condition: qu'elle ne lui demande jamais qui il est, ni d'où il vient. Comme il paraît bon et noble et qu'il est venu en réponse à sa prière, elle n'émet pas d'objection à cette condition, et le couple se retire dans la chambre nuptiale.

Bien que temporairement battus, Ortrud et Telramund n'abandonnent pas leur conspiration contre Elsa, et leur nouveau projet consiste à instiller de mauvaises pensées dans son esprit, contre son noble protecteur, afin qu'elle le renvoie et retombe à leur merci; car ils espèrent finalement s'emparer du duché dont Elsa et son frère sont héritiers. Pénétrés de cette idée, tous deux se présentent à la porte d'Elsa et réussissent à se faire écouter. Ils déclarent regretter profondément ce qu'ils ont fait, ajoutant qu'ils sont pleins de sollicitude pour le bonheur d'Elsa. Ils sont peinés, disent-ils,

PAGE 134

qu'elle ait été prise par quelqu'un dont elle ne connaît même pas le nom et qui craint tellement que son identité soit connue qu'il lui a défendu, sous peine de la quitter, de lui demander son nom.

Il y a certainement, insinuent-ils, un événement dans sa vie dont il est honteux et qui ne supporterait pas la lumière du jour, sinon pourquoi veut-il cacher son identité et ses antécédents à celle qui fait désormais partie de sa vie?

Par ces arguments, ils éveillent le doute dans l'âme d'Elsa; après cette conversation, elle revient, toute changée vers Lohengrin. Il remarque le changement survenu en elle et lui en demande la raison. Elle admet donc qu'elle a des incertitudes à son sujet et qu'elle voudrait connaître son nom. Elle a ainsi transgressé la condition qu'il lui avait imposée, et il lui dit qu'ayant maintenant exprimé un doute sur lui, il lui est impossible de rester. Ni les pleurs, ni les protestations ne peuvent changer cette résolution. Ils se dirigent donc tous deux vers la rivière où Lohengrin appelle son fidèle cygne. Lorsqu'il le voit revenir, il révèle enfin son identité et dit: "Je suis Lohengrin, le fils de Parsifal". Quant au cygne, il se transforme alors devant tous, et Elsa reconnaît en lui son frère. Il devient désormais son protecteur à la place de Lohengrin.

Comme déjà précisé, l'histoire de Lohengrin contient une des plus importantes leçons à apprendre sur le sentier de la connaissance. Nul n'obtiendra jamais l'Initiation avant qu'elle n'ait été apprise. Pour bien saisir ce point, examinons d'abord le symbole du cygne, ce qu'il représente, et pourquoi il est employé. Ceux qui ont vu l'opéra, Parsifal, ou qui ont lu attentivement la littérature sur le Graal, savent déjà que le cygne était l'emblème porté par tous les Chevaliers du Graal. Dans cet opéra, il est dit que deux cygnes préparent un bain calmant pour le roi malade Amfortas. Parsifal ayant abattu

PAGE 135

un de ces cygnes, les chevaliers du Graal manifestent beaucoup d'affliction devant cette cruauté injustifiée.

Le cygne est capable de se mouvoir dans plusieurs éléments. Il peut voler très rapidement dans les airs, glisser majestueusement sur l'eau et, avec son long cou, il peut même explorer les eaux à la recherche de tout ce qu'il pourrait trouver au fond d'un étang peu profond. Il est donc un symbole approprié de l'Initié qui, par le pouvoir développé en lui, est capable de s'élever vers les royaumes plus élevés et de se mouvoir en différents mondes. Comme le cygne vole dans l'espace, ainsi celui qui a développé les pouvoirs de son corps de l'âme peut voyager dans ce véhicule au-dessus des lacs et des montagnes; de même que le cygne plonge sous les eaux, l'Initié peut plonger sous la surface de la mer dans son corps de l'âme, lequel ne court de danger ni dans le feu, ni dans la terre, l'air ou l'eau. En fait, c'est l'une des premières choses que les Aides Invisibles doivent apprendre: ils sont immunisés contre les dangers que peut rencontrer le corps dense, lorsqu'ils sont revêtus de cette "Robe Nuptiale d'Or" dont nous avons déjà beaucoup parlé. Ainsi ils peuvent entrer dans un bâtiment en flammes en toute sécurité et y assister ceux qui sont en danger, d'une manière parfois miraculeuse; ou ils peuvent pénétrer à bord d'un navire qui sombre et soutenir le courage de ceux qui vont devoir affronter le grand changement.

L'ancienne mythologie scandinave raconte comment les nobles guerriers des temps anciens chantaient leur chant du cygne lorsqu'après avoir combattu dans la bataille ils étaient finalement vaincus ou mortellement blessés. Toutefois, il ne s'agissait pas du combat brutal mené sur le champ de bataille avec l'épée et la lance; mais au sens caché, c'était plutôt le combat intérieur d'une âme noble qui, ayant lutté courageusement dans la bataille de la vie, atteignait enfin le degré de perfection possible en ce temps-là et chantait son chant du cygne: cela signifiait qu'il prononçait son voeu d'Initiation et

PAGE 136

devenait capable de pénétrer dans un autre royaume pour y aider les autres comme il l'avait fait ici; car secourir les faibles et les accablés a toujours été le devoir sacré d'un noble chevalier.

Elsa est la fille d'un roi, elle est donc de la plus haute et plus noble naissance. Personne s'il n'est aussi bien né , ne peut prétendre aux services d'un chevalier tel que Lohengrin. Il n'y a évidemment ni haut ni bas dans l'humanité, sauf en ce qui concerne notre degré sur l'échelle de l'évolution. Quand une âme est depuis longtemps sur la scène de la vie, qu'elle a suivi l'école pendant de nombreuses existences, elle acquiert graduellement cette noblesse qui provient des leçons apprises et du travail accompli dans la direction indiquée par les Frères Aînés qui nous enseignent à présent les leçons de la vie. La noblesse gagnée par l'empressement à accomplir les actes de charité envers nos frères moins avancés est la clé pour l'obtention de cette faveur, et c'est pourquoi, lorsque Elsa était dans la détresse, une âme noble est envoyée pour l'instruire et la guider.

L'Apocalypse, le Livre de la Révélation, (19:7-9) nous parle du mariage mystique de l'Epouse et de l'Agneau. Ce mariage fait partie de l'expérience de chaque âme, et toujours en des circonstances similaires. Une des premières conditions est que l'âme soit abandonnée par tous: elle doit se trouver seule, sans un ami au monde. Lorsque ce point a été atteint, quand l'âme ne voit de secours d'aucune source terrestre, lorsqu'elle se tourne de tout son coeur vers le ciel et prie pour la délivrance, alors vient le libérateur et aussi l'offre de mariage. En d'autres termes, le véritable Instructeur vient toujours en réponse aux prières ferventes de l'aspirant, mais jamais avant qu'il ait abandonné le monde et ait été abandonné par lui. Il offre de s'occuper de celui qui désire ainsi ardemment être guidé, et il triomphe aussitôt du mensonge par l'épée de vérité mais, ayant donné cette preuve, il exige une foi absolue, inconditionnelle. Veuillez bien vous rappeler - et que

PAGE 137

ces mots se gravent dans votre esprit et dans tout votre être en lettres de feu - que si l'Instructeur a répondu à la prière, (à celle qui ne consiste pas seulement en mots mais en une vie d'aspiration), il vous donnera la preuve indubitable, irréfutable, de son pouvoir et de sa faculté d'enseigner, de guider et d'aider; et ensuite, l'exigence est requise d'une foi absolue en lui, sans quoi il lui est impossible de travailler avec l'aspirant.

Voici la grande leçon enseignée par Lohengrin, et elle est d'une importance capitale, car de nos jours, des milliers de personnes cherchent ça et là un instructeur. Certaines prétendent même l'avoir trouvé ou s'abusent à ce sujet; mais la condition énoncée dans Lohengrin est réelle. L'Instructeur doit, veut et prouve réellement son pouvoir. On le reconnaît à ses fruits; alors en retour il exige la loyauté , et à moins que cette foi, cette loyauté, cet empressement à servir, cette bonne volonté d'accomplir tout ce qui est exigé, soient présentes chez l'aspirant, les relations seraient rompues. Si brûlantes que soient les larmes de repentance de l'aspirant qui a failli à la loyauté envers l'Instructeur, si sincère que soit son repentir, la prochaine occasion ne se représentera pas dans la vie présente.

Il est donc de la plus haute importance que ceux qui cherchent l'Initiation comprennent que quelque chose leur est dû de la part de celui qui se dit instructeur, avant qu'ils l'acceptent. Il doit leur montrer le fruit de ses oeuvres car, ainsi que le Christ le dit: "Vous les reconnaîtrez à leurs fruits" (Matthieu 7:16). Ceci, le véritable Instructeur le fait toujours sans qu'on le lui demande et sans paraître le faire , ni vouloir donner un signe. Il apporte toujours en témoignage indubitable de sa connaissance supérieure et de son pouvoir, une preuve irréfutable à laquelle peut s'attacher l'esprit de l'aspirant. Lorsque cela a été démontré, il est absolument essentiel que l'aspirant fasse acte de loyauté envers l'Instructeur ; quels que soient les propos qu'il entend ou les écrits qu'il a l'occasion de lire, l'aspirant ne

PAGE 138

doit pas se laisser distraire, mais résolument s'accrocher au fait prouvé, rester fermement attaché à ce qu'il croit et soutenir fidèlement celui dont il attend les enseignements, car si cette foi fait défaut, il est inutile de continuer les relations.

Il est toutefois très significatif, comme nous l'apprend la scène finale, que le frère d'Elsa ait été le cygne qui avait conduit Lohengrin, et qu'il ait repris sa forme naturelle au départ de Lohengrin. Il avait passé par l'Initiation. Puisqu'une âme avancée connaît les luttes d'autrui, il connaissait les tourments de sa soeur, mais bien qu'il ait connu l'épreuve de cette aspirante, ou âme soeur, il ne redoutait rien, car n'était-il pas l'intermédiaire qui lui apportait l'aide dont elle aurait pu profiter éternellement si elle était demeurée aussi fidèle que lui ?

 

divers1