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CHAPITRE 3

LE SACRIFICE ANNUEL DU CHRIST

Décembre 1914

Etes-vous déjà demeurés au chevet d'un ami ou d'un parent sur le point de quitter ce monde pour l'au-delà? Cette expérience, la plupart de nous l'ont faite, car où est la demeure où ne soit entré le Temps avec sa faux? La phase de ce passage sur laquelle nous voudrions attirer votre attention n'est pas rare non plus. La personne qui va mourir entre souvent dans une sorte de coma, puis il arrive qu'elle se réveille et voie non seulement ce monde-ci, mais également celui dans lequel elle est sur le point d'entrer. Elle voit alors, chose très significative, des personnes qui ont été ses parents ou ses amis, bref, qui lui ont été chères et qui l'ont précédée dans l'au-delà. Elles se tiennent à son chevet, attendant son passage. Nous avons vu une mère mourante tendre les bras dans un geste de tendresse en disant: "Tiens, voilà Jean...comme il a grandi! Quel superbe garçon!" Et de saluer encore d'autres personnes qui l'accueillent et l'attendent avec la même joyeuse espérance que celle qui nous possède quand nous attendons la naissance d'un nouveau-né, en nous réjouissant parce que nous avons l'intuition qu'il s'agit d'un ami s'apprêtant à venir parmi nous.

Ainsi, ceux qui se trouvent déjà de l'autre côté du voile se rencontrent lorsqu'un ami est sur le point de les

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rejoindre. Par conséquent, nous voyons que la naissance dans un monde est une mort du point de vue de ceux qui sont de l'autre côté. L'enfant qui naît chez nous est mort au monde spirituel, alors que ceux qui nous quittent pour l'au- delà et meurent à notre monde naissent à un monde nouveau et y rejoignent leurs amis.

"En bas comme en haut" dit l'axiome d'Hermès, et la loi d'analogie qui est la même pour le microcosme que pour le macrocosme, nous dit que ce qui advient aux humains sous certaines conditions doit aussi s'appliquer aux êtres surhumains sous des conditions analogues.

Nous approchons maintenant du solstice d'hiver, des jours les plus sombres de l'année, où la lumière du soleil est presque éteinte, où notre hémisphère nord est froid et lugubre. C'est alors, dans la nuit la plus longue et la plus sombre de l'année, que le soleil dirige sa course vers le haut et que renaît la lumière Christique sur la terre, ce dont chacun se réjouit. Toutefois, en vertu de cette même loi d'analogie, lorsque le Christ naît sur la terre, il meurt au ciel. De même que, dès l'instant de la naissance, l'esprit de l'homme est irrévocablement et solidement enfermé dans une enveloppe de chair qui l'entravera durant toute sa vie terrestre, ainsi l'esprit du Christ est retenu captif et entravé chaque fois qu'il naît sur terre. Ce grand sacrifice annuel commence lorsque sonnent les joyeux carillons de Noël, lorsque nos chants et nos actions de grâces montent vers les cieux. Au sens le plus littéral du terme, le Christ est emprisonné de Noël jusqu'à Pâques.

On peut se gausser de l'idée qu'il y ait un influx de vie et de lumière spirituelle à cette époque de l'année, mais le fait demeure, que l'on y croie ou non. Il n'est pas un être qui, en ces journées, ne se sente plus léger, ne se sente "changé", comme si un poids était ôté de ses épaules. Règne alors sur terre l'esprit de paix et de bonne volonté envers tous, esprit qui nous incite à donner , nous aussi , et s'exprime à travers les cadeaux de Noël.

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Quiconque est quelque peu observateur peut sentir cette ambiance, qui est le résultat de la grande vague du don divin. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique..." C'est à Noël que commence ce don divin, lequel n'est complètement accompli qu'à Pâques, qui marque le tournant, le point crucial, le moment où nous sentons qu'il s'est produit un événement qui assure à notre monde sa prospérité et sa continuité.

Combien est différent le sentiment qui nous envahit à Noël, de celui qui se manifeste à Pâques! En ces journées de printemps, nous éprouvons un élan physique de tout notre être, lequel s'exprime par le désir de procréer et de se perpétuer. Combien cet amour-là est différent de celui qui, à Noël, nous inspirait le besoin de donner plutôt que de recevoir! Jamais non plus les bougies des arbres de Noël n'ont autant brillé que dans ce jour le plus court et le plus sombre de l'année. Jamais les cloches ne retentissent avec un son plus joyeux que quand elles apportent, au monde en attente, ce message "Le Christ est né".

"Dieu est Lumière" écrit l'Apôtre inspiré, et aucune description ne saurait mieux décrire la nature de Dieu que ces trois mots. La lumière invisible qui se revêt de la flamme de l'autel représente excellemment Dieu le Père. Les cloches sont le symbole du Christ, du Verbe, car leurs battants d'airain proclament le message évangélique de la paix et de la bonne volonté. Enfin, l'encens, qui ajoute à notre ferveur intime, représente le pouvoir du Saint- Esprit. Ainsi, la Trinité est symboliquement représentée dans la fête qui fait de Noël l'époque de la plus grande joie spirituelle pour toute la race humaine qui peuple le monde physique et qui y travaille.

Toutefois, comme nous l'avons déjà dit, la naissance du Christ sur la Terre est en même temps la mort du Christ à la splendeur du Ciel. Gardons-nous donc d'oublier qu'au moment où nous nous réjouissons de sa venue annuelle, il est de nouveau revêtu de la lourde charge que nous avons cristallisée et qui est maintenant notre demeure, la Terre. Retenu à l'intérieur de ce corps pesant, il languit dans l'attente du jour de sa libération.

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Vous comprenez bien, sans doute, que pour les Esprits supérieurs, il y a des jours et des nuits comme pour les humains. Tout comme, durant le jour, nous agissons dans notre corps dense, vivant dans ce monde physique la destinée que nous nous sommes préparées, et que nous sommes libérés la nuit pour récupérer nos forces, l'Esprit du Christ subit aussi un rythme analogue. Il habite une partie de l'année notre globe, et ensuite il se retire dans le mondes supérieurs. Ainsi, pour lui, Noël est comme le début d'un jour physique, le commencement d'une période de restrictions.

A quoi donc devrait aspirer le mystique éclairé et dévoué qui se rend compte de la grandeur de ce sacrifice, de ce don de Dieu à l'humanité en cette époque de l'année? Quel doit être le suprême désir de celui qui comprend toute l'étendue du sacrifice du Christ au genre humain, cet assujettissement à une mort virtuelle pour nous permettre de vivre, ce merveilleux amour qui se déverse sur la Terre en cette époque bénie? Que pouvons-nous faire, sinon essayer d'imiter, si faiblement que ce soit, les magnifiques oeuvres de Dieu? D'être un serviteur toujours plus digne de la Croix, d'imiter le Christ en toutes choses en nous sacrifiant à notre prochain, en cherchant à élever l'humanité dans la modeste sphère où s'exerce notre action, afin de hâter le jour de libération que le Christ attend "en gémissant et en peinant". Il s'agit de sa libération définitive, du jour où le Christ reviendra dans toute sa gloire.

Pour travailler le mieux possible à cette réalisation, allons de l'avant dans cette nouvelle année, avec foi et assurance. Si nous avons, par le passé, douté de nos capacités de travailler pour le Christ, chassons de nous ce découragement. N'a-t-il pas déclaré: "Celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais, et il en fera de plus grandes" (Jean 14:12). Celui dont l'essence était parole de vérité, aurait-il affirmé cela si ce n'était pas possible de le réaliser? Tout est possible à celui qui aime Dieu. Si nous voulons faire un travail réel dans notre petite

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sphère personnelle, sans nous préoccuper de travaux plus importants avant d'avoir fait notre devoir immédiat, nous ne tarderons pas à constater une certaine croissance spirituelle, si bien que ceux que nous côtoyons verront en nous quelque chose d'indéfinissable, mais de certain; ils verront que la lumière de Noël, celle du Christ nouveau-né, brille dans notre sphère d'action.

C'est chose possible; il ne dépend que de nous de prendre au mot notre Sauveur et de suivre son commandement: "Soyez parfaits comme votre Père Céleste est parfait" (Matthieu 5:48). Cette perfection peut nous paraître très éloignée; en levant nos yeux vers lui, nous voyons encore davantage combien nous sommes loin de vivre selon notre idéal. Néanmoins, c'est en faisant des efforts quotidiens, et même heure par heure, que nous pourrons finalement l'atteindre; nous pouvons chaque jour faire un petit progrès, accomplir quelque chose, faire luire quelque peu notre lumière autour de nous, pour qu'elle puisse guider ceux qui tâtonnent dans les ténèbres. Puisse Dieu nous venir en aide, dans l'année qui vient, et nous permettre d'atteindre à de plus hautes qualités Christiques, de manière à nous rapprocher quelque peu de notre modèle. Puissions-nous vivre de telle manière qu'une fois l'année écoulée, quand nous allumerons de nouveau les bougies de Noël et que nous entendrons l'invitation des sonneries de cloches, nous puissions nous dire que nous n'avons pas vécu en vain.

Chaque fois que nous faisons le don de nous-mêmes par le service, nous accroissons le rayonnement de notre corps de l'âme, lequel est fait d'éther. Actuellement, c'est l'éther du Christ qui guide la Terre sur son orbite, et si nous voulons hâter le jour de sa libération, nous devons être nombreux à avoir suffisamment développé nos corps de l'âme pour qu'ils puissent équilibrer la marche de notre globe. Nous pouvons ainsi soulager notre Sauveur de son fardeau et mettre fin aux souffrances qu'il doit subir de par son existence physique.

 


 

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