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CHAPITRE 13 - LES STIGMATES ET LA CRUCIFIXION

Comme nous l'avons vu, l'initiation du mystique chrétien diffère radicalement de l'initiation occulte entreprise par ceux qui s'approchent du Sentier par le côté intellectuel, mais toutes les routes mènent au Gethsémané, où le candidat à l'initiation est accablé de douleurs qui font fleurir sa compassion, son ardent amour maternel qui n'a qu'un désir, se dépenser pour alléger les souffrances de l'humanité, secourir et sauver ceux qui sont faibles et ploient sous le fardeau, pour les soulager et leur donner le repos. A ce point, les yeux du mystique chrétien sont ouverts à l'entière perception des souffrances du monde et de sa mission comme sauveur; l'occultiste y trouve aussi le coeur d'amour qui, seul, peut lui donner zèle et ardeur dans son activité. Par l'union du coeur et du cerveau, tous deux sont prêts pour le degré suivant, qui implique le développement des stigmates précédant la mort physique et la résurrection. L'Evangile nous en donne le récit dans la première scène du Jardin de Gethsémané:

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"Accompagné de la cohorte grossissante des pontifes et des pharisiens, Judas y vient avec des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui devait lui arriver, s'avança et leur dit: Qui cherchez-vous? Ils lui répondirent: Jésus de Nazareth. Il leur dit: Jésus de Nazareth, c'est moi (...) Alors la cohorte, le tribun et les agents des Juifs se saisirent de Jésus, le lièrent et l'emmenèrent d'abord chez Anne (...) Le grand-prêtre interrogea Jésus sur ses disciples, sur sa doctrine. Jésus répondit: J'ai parlé ouvertement au monde (...) Pourquoi m'interroges-tu? Demande à ceux qui m'ont entendu ce que je leur ai dit (...) Anne envoya alors Jésus chargé de liens à Caïphe, le grand-prêtre (...) Ils conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire (...)

"Pilate sortit donc vers eux, et dit: Quelle accusation portez-vous contre cet homme? Ils lui répondirent: Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré (...) Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus et lui dit: Es-tu le roi des Juifs? Jésus répondit: Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi? (...) Mon royaume n'est pas de ce monde; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs, mais maintenant, mon royaume n'est pas d'ici-bas. Pilate lui dit: Tu est donc roi? Jésus répondit: Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité; quiconque est de la vérité écoute ma voix. Pilate lui dit: Qu'est-ce que la vérité? Il sortit de nouveau pour aller vers les Juifs et leur dit: Pour moi je ne trouve aucun crime en lui. Mais c'est la coutume qu'à la fête de Pâques, je vous libère quelqu'un. Voulez-vous que je relâche le roi des Juifs? Alors tous crièrent: Non, pas lui, mais Barabas. Or Barabas était un brigand. Alors Pilate prit Jésus et le fit flageller . Et les soldats, ayant tressé une couronne d'épines , la mirent sur sa tête et le revêtirent d'un manteau de pourpre, puis s'approchant de lui, ils disaient: Salut, roi des Juifs! et ils le souffletaient.

"Pilate sortit encore une fois et dit aux Juifs: Voici que je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime. Alors Jésus sortit, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et

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Pilate leur dit: Voici l'homme! Lorsque les princes des prêtres et ceux qui les entouraient le virent, ils s'écrièrent: Crucifie-le, crucifie-le! Pilate leur dit: Prenez-le vous-mêmes et crucifiez-le; pour moi, je ne trouve point de crime en lui! Les Juifs lui répondirent: Nous avons une loi, et d'après cette loi, il doit mourir, parce qu'il s'est fait fils de Dieu! Dès ce moment, Pilate cherchait à le faire relâcher, mais les Juifs criaient: Si tu le relâches, tu n'es pas un ami de César; quiconque se fait roi se déclare contre César (...) Ils se mirent à crier: A mort! A mort! Crucifie-le! Pilate leur dit: Crucifierai-je votre roi? Les princes des prêtres répondirent: "Nous n'avons de roi que César!" Alors il le leur livra pour être crucifié. Et ils prirent Jésus et l'emmenèrent. Jésus, portant sa croix, arriva hors de la ville, au lieu nommé place du crâne , en hébreu Golgotha. Là ils le crucifièrent , et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Et Pilate écrivit une inscription et la fit mettre au haut de la croix. Elle portait ces mots: Jésus de Nazareth, roi des Juifs."

Nous avons là le récit de la façon par laquelle les stigmates se sont produits sur le corps du héros des Evangiles, bien que l'emplacement n'en soit pas exactement donné et que le phénomène soit représenté sous une forme narrative, différant grandement de la manière dont ces choses se sont réellement passées. Mais nous sommes là en présence d'un des mystères qui doivent rester voilés ai profane, bien que les faits mystiques sur lesquels ils reposent soient clairs comme le jour pour ceux qui savent. Le corps dense n'est, en aucune manière, l'homme réel. Tout tangible, solide et vibrant de vie qu'il nous paraisse, cristallisé dans une matrice de véhicules subtils invisibles à l'oeil physique, il est, réellement, la partie la plus inerte de l'être humain.

Si nous soumettons de l'eau à une température inférieure à zéro degré, elle se transformera en glace. En examinant cette dernière, nous verrons qu'elle est formée d'innombrables cristaux ayant des formes géométriques et des lignes de démarcation diverses. Celles-ci sont des forces éthériques, présentes dans l'eau avant la congélation. De même que l'eau, en se solidifiant, s'est placée au long de ces lignes éthériques, ainsi

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notre corps dense s'est solidifié, formé selon les lignes de force éthériques de notre corps vital invisible dont il est la contrepartie et auquel il est ordinairement lié de façon indissoluble pendant tout le cours de la vie, dans la veille comme dans le sommeil, jusqu'à ce que la mort vienne les dégager l'un de l'autre. Mais comme l'initiation implique la libération de l'homme réel de son corps de péché et de mort afin qu'il puisse, à volonté, prendre son essor vers les sphères plus subtiles et revenir ensuite à ce corps, il est évident que pour accomplir l'objet de l'initiation, l'interpénétration du corps dense et du corps vital, si forte et si rigide dans l'humanité ordinaire, doit être rompue. Comme le corps dense et le corps vital sont le plus étroitement unis à la paume des mains, à la plante des pieds et à la tête, les écoles d'occultisme concentrent leurs efforts sur la rupture de la connexion en ces points et produisent ainsi les stigmates invisibles.

Le mystique manque des connaissances nécessaires pour accomplir cet acte sans produire une marque extérieure. Les stigmates se développent en lui spontanément par la contemplation du Christ et les efforts incessants qu'il fait pour l'imiter en toutes choses. Ces stigmates extérieurs comprennent non seulement les plaies aux mains, aux pieds et au côté, mais aussi celles de la couronne d'épines et de la flagellation. L'exemple le plus remarquable de la stigmatisation est celui de saint François d'Assise sur le mont Alverno en 1224. Etant absorbé dans la contemplation de la Passion, il vit s'approcher un séraphin resplendissant de lumière et portant entre ses ailes l'image du Crucifié. Le saint s'aperçu alors qu'il avait reçu aux mains, aux pieds et au côté les marques de la crucifixion. Ces marques subsistèrent pendant les deux années qui suivirent, jusqu'à sa mort, et ont été vues par plusieurs témoins oculaires dont l'un est le Pape Alexandre IV.

Les Dominicains contestèrent ce fait, mais émirent plus tard la même revendication pour Catherine de Sienne dont les stigmates, expliquèrent-ils, furent, à la prière de la sainte, rendus invisibles à l'oeil physique. Les Franciscains en appelèrent à Sixte IV qui interdit de représenter saint Catherine avec les stigmates.

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Cependant, ce fait est relaté dans l'Office du Bréviaire, et Benoît XIII accorda une fête aux Dominicains en commémoration de l'événement. On prétend que d'autres personnes, particulièrement des femmes, dont le corps vital est positif, ont reçu, en partie ou en totalité, des stigmates. La dernière qui ait été canonisée par l'Eglise catholique pour cette raison est Veronica Giuliana (1831). Des cas plus récents sont ceux d'Anne Catherine Emmerich, nonne d'Agnetenberg, de l'Estatica Maria von Moerl, de Caldero, de Louise Lateau, dont les stigmates saignaient, dit-on, tous les vendredis, et de Mrs Girling, de la communauté des "Shakers".

Mais que les stigmates soient visibles ou non, l'effet est le même. Les courants spirituels produits dans le corps vital de la personne stigmatisée sont si puissants qu'ils fouettent pour ainsi dire le corps, particulièrement la tête, où il produisent une sensation semblable à celle de la couronne d'épines. Il s'avère ainsi que le corps dense est une croix que l'on porte, une prison et non point l'homme réel. Cela conduit la personne stigmatisée au degré suivant de son initiation, la Crucifixion, qui s'accomplit par le développement des autres centres aux mains et aux pieds, où le corps vital est ainsi libéré du corps dense.

On nous dit dans l'Evangile que Pilate fit placer, sur la croix de Jésus, un écriteau qui portait l'inscription: Jesus Nazareus Rex Judaeorum, qui est traduite par: Jésus de Nazareth, roi des Juifs. Mais les initiales I.N.R.I. placées sur la croix sont celles des noms des quatre éléments en hébreu: Iam , eau; Nour , feu; Ruach , esprit ou air de vie; Iabeshah , terre. Là est la clé occulte du mystère de la crucifixion, car elle symbolise tout d'abord le sel, le soufre, le mercure et l'azoth qui étaient employés par les anciens alchimistes dans la fabrication de la pierre philosophale, le solvant universel, l'élixir de vie. Les deux "I" (Iam et Iabeshah) représentent l'eau lunaire saline, le premier dans un état liquide, contenant le sel en solution, et le second, l'extrait coagulé de cette eau, le "sel de la terre", autrement dit les véhicules subtils fluidiques de l'homme et son corps dense. "N" (Nour) signifie en hébreu le feu et les éléments de combustion dont les

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principaux sont le soufre et le phosphore, si nécessaire à l'oxydation et sans lesquels l'Ego ne pourrait fonctionner dans le corps et ne pourrait trouver une expression matérielle. "R" (Ruach) est, en hébreu, l'équivalent de l'Esprit, Azoth (ne pas confondre avec l'azote), fonctionnant dans l'intellect mercurien. Ainsi, les quatre lettres I.N.R.I. placées au- dessus de la croix représentent l'homme complet, le Penseur, au point de son développement spirituel où il se prépare à la libération de la croix de son véhicule dense.

Nous ferons remarquer que I.N.R.I. est le symbole de l'aspirant crucifié, pour les raisons supplémentaires suivantes:

Iam signifie eau, élément fluidique lunaire qui constitue la majeure partie du corps humain (87 % environ). Ce mot est aussi le symbole du véhicule fluidique subtil du désir et de l'émotion.

Nour signifie feu et représente symboliquement le sang rouge, producteur de la chaleur, chargé du fer martien, feu et énergie que les occultistes voient circuler comme un gaz à travers les veines et les artères du corps humain, lui infusant la force et l'ambition sans lesquelles il ne pourrait y avoir de progrès matériel. Nour représente aussi le soufre et le phosphore nécessaires pour la manifestation matérielle de la pensée, comme nous l'avons déjà mentionné.

Ruach , qui signifie esprit ou air de vie, est un excellent symbole de l'Ego revêtu de l'esprit mercurien, l'intellect, qui caractérise l'homme et le rend capable de commander et de diriger ses véhicules et de régler ses activités d'une manière rationnelle.

Iabeshah, terre, représente la partie solide, la chair qui constitue le corps terrestre cruciforme, cristallisé dans des véhicules subtils à la naissance, et libéré d'eux à la mort, dans le cours ordinaire des choses, ou lors de l'événement extraordinaire où nous apprenons à mourir de la mort mystique et nous élever, pendant quelque temps, à la gloire des plus hautes sphères.

Cette phase du développement spirituel du mystique chrétien implique donc un renversement de la force

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créatrice de son cours descendant ordinaire, où elle est gaspillée pour la satisfaction des sens, à un cours ascendant le long de la moelle épinière tripartite, dont les trois sections sont respectivement gouvernés par la Lune, Mars et Mercure, et où les rayons de Neptune allument le Feu spirituel régénérateur du canal rachidien. Ce courant ascensionnel fait vibrer les glandes pituitaire et pinéale, éveillant aussi la vue spirituelle. Lorsqu'il frappe le sinus frontal, la couronne d'épines commence à vibrer de douleur, à mesure que le lien avec le corps dense est brûlé par le Feu spirituel sacré, qui éveille ce centre endormi depuis des siècles à une vie palpitante, vibrante, s'avançant progressivement vers les autres centres de l'étoile stigmatique à cinq branches . Lorsque ceux-ci sont vivifiés à leur tour, le corps devient rougeoyant d'une gloire d'or. Avec un arrachement final, le corps du désir, fixé dans le foie, est libéré, et l'énergie martienne qui y est contenue expulse, en un mouvement ascensionnel, le véhicule sidéral , ainsi nommé parce que les stigmates de la tête, des mains et des pieds sont placés dans la même relation que les pointes d'une étoile à cinq branches. Ce véhicule s'élève par le crâne symbolisé par le Golgotha, tandis que le chrétien crucifié pousse son cri de triomphe: "Consummatum est", ou "tout est accompli", et prend son essor vers les sphères plus élevées pour y chercher Jésus, dont il a si bien imité la vie et dont il est désormais inséparable. Jésus est son Maître et son guide au royaume du Christ où tous seront unis en un seul corps pour apprendre à pratiquer la religion du Père auquel le Royaume retournera un jour, afin qu'il puisse être Tout en Tous.

 

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