La découverte d'un évangile perdu dans une jarre égyptienne en 1946 plonge la chrétienté dans la perplexité. Et si l'on avait retrouvé des «inédits» de Jésus. Une énigme à méditer Qui a dit que l'histoire de Jésus était écrite, une fois pour toutes, aux siècles des siècles? Certainement pas les archéologues et théologiens qui se sont penchés sur une stupéfiante découverte faite à Nag Hammadi, Haute Egypte, en 1946. Des paysans y ont en effet déterré (par hasard) une jarre dont le contenu plonge la chrétienté dans une certaine perplexité : parmi les 1200 pages de textes très anciens qui y ont été enfermés figure une copie en langue copte de l'Evangile perdu de Thomas. Ce texte (qui fait référence au disciple sceptique qui toucha du doigt les blessures du Christ ressuscité) était utilisé au IV e siècle de notre ère par des communautés en marge de l'Eglise officielle, les gnostiques (voir encadré page 25). Si l'existence de cet Evangile apocryphe était connue des théologiens, on en avait complètement perdu la trace depuis le IV e siècle.
Le terme «apocryphe» désigne des textes qui mettent en scène des personnages appartenant aux origines du christianisme (Jésus, Marie, les apôtres), mais qui n'ont pas été retenus dans le Nouveau Testament. La liste normative – le canon – des livres du Nouveau Testament a été fermement fixée au IVe siècle, et certains textes apocryphes qui jusque-là avaient joui d'une certaine autorité ont été écartés. Mais c'est entre le II e et le IVe siècle que se situe la période décisive où le canon du Nouveau Testament s'est progressivement imposé. Le critère de sélection semble avoir été l'usage. Un consensus s'est formé entre les différentes communautés chrétiennes autour des quatre évangiles canoniques (Marc, Matthieu, Luc et Jean), qui n'a pas été modifié depuis la fin du II e siècle. Les écrits restés en dehors du canon n'étaient pas investis de la même autorité. Ils étaient peu utilisés pour la liturgie, l'enseignement et la réflexion théologique. Certains d'entre eux furent expressément condamnés; on mit en cause leur attribution à des apôtres de Jésus et on les qualifia d'«apocryphes». Ce terme, qui désignait à l'origine un écrit «secret», «caché», prend alors un sens négatif, synonyme de «faux» ou d'«hérétique».
Ces codex, connus sous le nom de papyrus de Nag-Hammadi qui dataient du IIe au IVe siècles, s'étaient assez bien conservés, grâce à la grande sécheresse du sol où on les avait enfouis.
Ces écrits secrets constituaient une véritable bibliothèque. On avait cru jusqu'alors que la Gnose était une hérésie chrétienne et on considérait cette philosophie religieuse comme un sous-produit du christianisme. Grâce à cette découverte, il est possible de connaître maintenant un peu mieux le gnosticisme chrétien tel qu'il se présentait, tout au moins dans l'école qui conservait cette bibliothèque. Parmi les divers ouvrages retrouvés figurent des Evangiles gnostiques, comprenant ceux de Philippe, de Marie, de Thomas, des Egyptiens, et de la Vérité (qui étaient tous les cinq en circulation au cours du IIe et du IIIe siècle).
Avec l'expansion du christianisme, un gnosticisme chrétien s'était formé: on y retrouve à un degré plus ou moins important selon les écoles, les thèmes mythiques d'origine non chrétienne.
A l'inverse du savoir tant estimé, la gnose n'est pas rationnelle de prime abord. C'est plutôt une démarche intuitive, méditative, contemplative pour se connaître soi-même. Comme l'affirmaient les gnostiques, se connaître soi-même au niveau le plus profond c'était connaître Dieu. La gnose s'appuie donc sur l'expérience personnelle et l'union personnelle avec le divin. La créativité originale marquait celui qui devenait spirituellement vivant.
Il apparaît que le gnosticisme chrétien reflète une tendance ésotérique issue de la communauté primitive. Plusieurs passages mentionnent en effet un enseignement de type ésotérique du Christ à ses disciples. Jésus vient comme un guide qui ouvre les portes de la compréhension spirituelle.
"L'homme se resaisit dans sa vérité, se ressouvient et reprend conscience de soi, c'est-à-dire, de sa nature et de son origine authentiques... " (Henri-Charles Puech)
De nos jours, les textes gnostiques de Nag-Hammadi apparaissent comme un témoignage de la tradition hermétique et chrétienne primitive.
Sources:
Les Evangiles apocryphes. Textes choisis et présentés par Pierre Crépon. paris; Retz-poche, 1989.
Préface de A. Beaudoin, Paroles gnostiques du Christ Jésus. Montréal: Editions Ganesha, 1988.