Fama Fraternitatis

 

FAMA FRATERNITATIS OU UN APPEL DE LA FRATERNITÉ DE L'ORDRE TRÈS VÉNÉRABLE DE LA ROSE-CROIX

 

Les documents fondamentaux:

La manifestation rosicrucienne se fit en particulier par de petits pamphlets, le plus souvent anonymes, distribués aux foires de Leipzig et de Francfort, véritables expositions universelles de ce temps, par des affiches, dont nous parlerons plus loin, et par les écrits suivants que nous nous proposons d'analyser :

La Reformation,

la Confessio,

auxquels il convient d'ajouter Les Noces chimiques de Christian Rosencreutz.

En 1614 parut à Cassel, à l'imprimerie de Wilhelm Wessel, un écrit anonyme de 147 pages in-8° intitulé : Allgemeine and General Reformation, der gantzen weiten Welt.Beneben der Fama Fraternitatis, Dess Löblichen Ordens des Rosenkreutzes, an alle Gelehrte und Häupter Europea geschrieben: Auch einer kurtzen Responsion, von dem Herrn Haselmeyer gestellet, welcher desswegen von den Jesuitern ist gefänglich eingezogen, and auff eine Galleren geschmiedet : Itzo öffentlich in Druck verfertiget, and alien trewen Hertzen communiciret worden (* ).

 

(*) Universelle et générale Réformation du vaste monde tout entier. Avec la Fama Fraternitatis de l'illustre Ordre du Rose-Croix, adressée à tous les savants et souverains de l'Europe. Avec, également, une courte réponse par M. Haselmeyer, qui, pour cette raison, a été emprisonné par les Jésuites et envoyé aux galères. Maintenant préparée pour l'impression et la publicité et communiquée à tous les coeurs fidèles.


Cette « réformation générale » est une histoire satirique qui est censée se dérouler à l'époque de l'empereur Justinien. Les sept sages de la Grèce, avec Caton et Sénèque, sont appelés à Delphes par Apollon sur le désir du souverain, pour proposer un remède à la misère des humains. Les programmes réformateurs qui avaient cours à la fin du XVIe siècle sont tournés en ridicule par les interlocuteurs.

Le morceau principal de cette Reformation, la Fama Fraternitatis, est la partie originale de l'écrit. Dans l'édition première de la Reformation, elle comprend les pages 91 à 128 et est intitulée : Fama Fraternitatis, Oder Brüderschafft, des Hochlöblichen Ordens des R.C. An die Häupter, Stände and Gelehrten Europae.

Le titre, plus complet, de ce document, qui se trouve dans une édition de 111 pages in-8° parue également à Cassel, chez W. Wessel, en 1615, est le suivant : Fama Fraternitatis R. C. Das ist Gerucht der Brüderschafft des HochlöblichenOrdens R. C. An alle Gelehrte and Heupter Europae. Beneben deroselben Lateinischen Confession, Welche vorhin in Druck noch nie ausgangen, nuhnmehr aber auff vielfältiges nachf ragen, zusampt deren beygefügten Teutschen Version zu freudtlichen Befallen, allen sittsamen guthertzigen Gemühtern wolgemeint im Druck gegeben and communiciret. Von einem des Liechts, Warheit, and Friedens Liebhabenden and begierigen Philomago (*).

 

La Fama commence ainsi :

Aux chefs d'État, gouvernements et savants de l'Europe.

"Nous, les frères de la Fraternité de la Rose-Croix, offrons notre salut et nos prières à tous ceux qui liront notre Fama d'inspiration chrétienne."

Après que dans ces derniers temps le seul Dieu sage et miséricordieux a Si abondamment répandu sa grâce et sa bonté sur le genre humain, que la connaissance aussi bien de son fils que de la nature se soit de plus en plus approfondie, nous pouvons, a bon droit, parler d'un temps heureux dans lequel il ne nous a pas seulement presque fait découvrir la moitié du monde inconnu et caché et nous a montré de nombreuses et merveilleuses oeuvres et créatures de la nature- jamais vues auparavant, mais en outre il a fait surgir des Intelligences hautement éclairées et douées de sagesse, qui ont en partie rétabli l'an dégénéré et imparfait afin que l'homme finisse par avoir conscience de sa noblesse et de sa gloire, en quoi consiste la nature du microcosme et quelle est l'étendue de son art dans la nature.

Le monde inconsidéré sera toutefois peu servi par cela et c'est pourquoi la médisance, le rire et la raillerie iront toujours en argumentant. Chez les savants aussi, la fierté et l’orgueil sont si grands qu'ils ne peuvent s'assembler pour, à partir de tout ce que Dieu a si abondamment répandu en notre siècle, colliger et produire de concert un Librum Naturae ou règle de tous les arts; mais chaque parti s'oppose tant à l’autre et se tient en telle aversion que l'on en reste encore à la même ritournelle : le Pape Aristote, Galien, oui, tout ce qui ne ressemble qu’à un Codex, doivent de nouveau être pris pour la claire Lumière manifestée, alors qu'ils auraient sans doute, s'ils vivaient encore, grande joie à se réorienter. Mais on est ici trop faible pour un si grand travail!. Et bien qu'en théologie, physique et mathématique la vérité lui soit opposée, l'adversaire classique démontre toujours amplement sa malice et sa fureur, freinant par des belliqueux et des vagabonds une si belle évolution et la rendant détestable. C'est dans une telle intention de réforme générale que feu notre bien-aimé Père spirituel très illuminé Fr. C.R. allemand, chef et fondateur de notre fraternité a consacré pendant longtemps beaucoup de peines et d'efforts.

De nationalité allemande, né d'une famille noble mais appauvrie, Christian Rosencreutz devint de bonne heure orphelin. Il fut élevé dans un couvent où il apprit le grec et le latin et qu'il quitta dès l'âge de seize ans pour se rendre avec un frère ecclésiastique à Damas, puis à Jérusalem, puis à Damcar en Arabie, où il resta trois ans; ensuite il alla en Égypte, en Libye et à Fez où il demeura deux ans.

Il apprit dans ces voyages, dans les conseils des sages qu'il fréquenta, une science universelle harmonique, dont se moquèrent les savants européens auxquels il voulut la communiquer. Il puisait cette science dans le Liber M. (Livre du Monde) que les sages arabes lui firent connaitre, qu'il traduisit de l'arabe en latin, qui renferme la sagesse d'Adam, de Moïse et de Salomon, et qu'a connu aussi un certain Th. B. Théophraste, lequel n'était pas membre de la Fraternité, mais seconda beaucoup le fondateur dans ses efforts.

Il conçut un plan de réforme universelle : politique, religieuse, scientifique et artistique, pour l'exécution duquel il abandonna toutes les richesses obtenues par la transmutation des métaux. Après avoir travaillé seul pendant cinq ans, il s'associa trois frères de son ancien monastère d' Allemagne: G.V., I.A. et I.O. Il instruisit ses collaborateurs dans une maison nommée Sancti Spiritus. Là ils guérissaient les malades et faisaient connaitre les principes et le but de leur Société. Plus tard, le père leur adjoignit le fr. R. C. fils du frère de son père mort, le fr. B., peintre, les fr. G.G. et P.D., écrivains, tous Allemands, sauf I.A. Il leur communiqua sa langue magique et leur demanda le voeu de chasteté. Ils écrivirent ensemble un livre contenant « tout ce que l'homme peut désirer, demander et espérer » c'est-à-dire la vie en Dieu. Au reste, parmi les livres de leur bibliothèque philosophique, Axiomata resteront immuables jusqu'à la fin du monde ; Rotae mundi décrivent le chemin de ce monde depuis le jour où Dieu a dit : Fiat jusqu'au jour où il dira : Pereat.

Ensuite les frères parcoururent le monde, après avoir déclaré se soumettre à six obligations, que nous avons énumérées au chapitre précédent (*) ; mais ils décidèrent de communiquer entre eux afin d'éviter les opinions erronées.

(*) Vide supra, p. 44.


Le père garda un an les fr. B et D : puis ce fut le tour de son cousin et du fr. I.O. Le fr. I.). mourut le premier en Angleterre où il avait guéri de la lèpre un jeune comte de Nortfolgt. Puis le fr. A. mourut en Gaule narbonnaise : il avait succédé au fr. D., le dernier de la première souche.

Leurs tombes sont inconnues.

Le fr. N.N. le remplaça et prêta solennellement le serment de fidélité et de secret (Fidei et silentii juramentum). Alors le père prépara sa propre tombe, laquelle ne fut découverte que cent vingt ans après sa mort et par hasard, dans une crypte sur la porte de laquelle était écrit ; Post CXX annos patebo (*) et derrière laquelle on pouvait voir un mausolée.

Ici la Fama fait le récit allégorique de la découverte du tombeau, allégorie sous le voile de laquelle elle présente les desseins de la Fraternité. En effet, c'est seulement à ce moment que celle-ci se manifesta publiquement.

Le tombeau du père occupe le centre de la Maison du Saint-Esprit. Le sépulcre est à sept côtés ; chaque côté est large de cinq pieds et haut de huit. En haut est suspendu un soleil artificiel qui a emprunté au soleil physique le secret de l'éclairage. Au milieu, en guise de pierre tombale, un autel circulaire sur lequel est posée une plaque ronde, de cuivre, avec cette inscription :

A.C.R.C. Hoc universi compendium vidus mihi sepulchrum feci. (**)

Autour du premier cercle: Jesus mihi omnia (***). Au milieu, quatre figures inscrites dans des cercles, portant chacune l'une des devises suivantes :

Nequaquam vacuum.

Legis jugum.

Libertas Evangelii.

Dei gloria intacta. (****)

 

(*) Après cent vingt ans je m'ouvrirai. - La Fama ajoute ici: En même temps une porte s'est ouverte en Europe.

(**) De mon vivant je me suis fait pour tombeau ce résumé de l'univers.

(***) Jésus est tout pour moi.

(****) Le vide (n'existe) en aucune manière.

Joug de la loi.

Liberté de l'Evangile.

La gloire de Dieu est inattaquable.

 

 

Avant de se séparer, les Frères prirent les résolutions suivantes :

1 - Que nul d'entre eux, s'il est en voyage, ne déclare d'autre profession que celle de soigner gratuitement les malades;

2 - Que nul ne doit être forcé, à cause de son affiliation, de revêtir un costume spécial, mais qu'il s'accommode des habitudes du pays où il se trouve;

3 - Que chaque frère est tenu chaque année au jour C.(jour de la Croix) de se rendre au Temple du Saint-Esprit, ou de déclarer par lettre les causes de son absence;

4 -Que chaque frère doit choisir avec soin une personne habile et apte à lui succéder après sa mort;

5 -Que ce mot R.C. leur serve de sceau, de mot de passe et de signature;

6 - Que cette Fraternité doit être cachée cent ans.

Les règles fondamentales de cette société sont de révéler et de craindre Dieu par-dessus toute chose; de faire tout le bien possible à son prochain; de rester honnête et modéré; de chasser le diable; de se contenter des moindres choses dans la nourriture et le vêtement et d'avoir honte du vice.

 

Après avoir prêté serment sur ce règlement cinq frères s’en allèrent. Seuls les frères B. et D. restèrent auprès du Père Fr C. pendant un an. Lorsque ceux-ci partirent aussi, son cousin et I.O. restèrent près de lui, de telle manière qu’il ait toujours avec lui, chaque jour de sa vie deux frères.

Ainsi d'année en année, se réunissaient-ils avec la plus grande joie, se communiquant leurs impressions et rapports qui étaient écoutés avec le plus grand intérêt, car ils avaient porté avec toute la sincérité leur doctrine aux sages de la terre.

Il faut aussi tenir pour certain que de telles personnes, orientées ensemble par Dieu et par toute la Machina céleste, choisies parmi les plus sages de plusieurs siècles, ont vécu dans la plus haute unité, dans le plus grand secret et dans la plus grande charité possibles, entre elles et avec les autres. Leur vie s’écoula dans un tel comportement vénérable. Et bien que leur corps ait été libéré de toute maladie et de toutes douleurs, ces âmes ne pouvaient pas franchir le seuil précis de la dissolution.

Le premier de cette fraternité qui mourut fut I.O. et cela en Angleterre, comme Fr. C. le lui avait prédit depuis longtemps. Il était très versé dans la cabale et particulièrement savant, ce dont témoigne son petit livre H. Sa renommée était grande en Angleterre, surtout parce qu’il chassa le lèpre d’un jeune comte de Norfolk.

Ils avaient décidé que leur sépulcre resterait, aussi longtemps que possible, secret. Si bien que nous ne savons pas même aujourd’hui où nombre d’entre eux sont restés. Mais la place de chacun a été pourvue d’un successeur approprié.

Nous voulons par là faire savoir publiquement, pour la gloire de Dieu, quoi que nous ayons pu constater secrètement d’après le Livre M. et bien que nous puissions avoir devant les yeux l’image du monde entier et de sa contrepartie; nous ne sommes conscients ni de notre infortune ni de l’heure de notre mort, que le grand Dieu, qui veut nous y voir constamment prêts, garde pour lui.

Mais nous traiterons de cela plus en détail dans notre Confessio, où nous indiquerons les trente-sept causes pour lesquelles nous ouvrons notre fraternité et proposons de si hauts mystères librement, sans contraintes et sans aucune rétribution et promettons encore plus d’or que le roi d’Espagne n’en peut rapporter des deux Indes. Car l’Europe est enceinte et accouchera d’un puissant enfant qui doit être richement doté de ses parrains.

Après la mort de O., Fr. C. ne cessa pas son travail mais convoqua les autres aussitôt que possible; et il nous parait ainsi que ce n’est qu’alors que son sépulcre a pu être fait. Bien que nous, ses disciples, n’ayons jusqu’à maintenant jamais su le moment de la mort de notre bien-aimé père R.C. et n’ayons possédé rien de plus que les noms des fondateurs et de tous leurs successeurs jusqu’à nos jours, nous avons encore pu nous souvenir d’un secret que nous avait révélé et confié A. successeur de D. qui, le dernier du deuxième cercle, avait vécu avec nombre d’entre nous, représentant du troisième cercle. Mais nous devons reconnaître qu’après la mort de A. aucun d’entre nous ne savait rien de R.C. et de ses premiers confrères, à part ce qu’ils avaient laissé dans notre bibliothèque philosophique, dont nous tenons nos Axiomata pour le principal, les Rotae Mundi pour le plus artistique et le Proteus pour le plus utile. Nous ne savons donc pas avec certitude si ceux du deuxième cercle ont été de la même sagesse que ceux du premier et s’ils ont eu accès à tout.

Il faut cependant encore rappeler au très bienveillant lecteur que non seulement ce que nous avons appris du sépulcre de Fr. C. mais aussi ce que nous avons fait ici connaître, fut prévu, permis et enjoint par Dieu, lui auquel nous obéissons avec une telle foi que, pour autant que l’on revienne à nous avec discrétion et raison chrétienne, nous n’avons aucune crainte de révéler par écrit public nos noms de baptême et de famille, nos assemblées et ce qui pourrait encore être souhaité de nous.

Voici donc la vérité et la relation fidèle de la découverte de l’homme de Dieu hautement éclairé, Fr; C.R.C.

Après le trépas paisible de A. in Gallia Narbonensi, notre frère bien-aimé N.N. vint à sa place. Celui-ci, lors de son installation chez nous pour solenne Fidei et silentii Jaramemtum praestirem, nous rapporta confidentiellement que A. l’avait laissé espérer que cette fraternité ne serait bientôt plus si secrète mais serait pour toute patrie, la nation allemande, secourable, nécessaire et digne d’éloges, ce dont lui, N.N.., en sa position, n’avait pas la moindre raison d’avoir honte. L’année suivante, alors qu’il venait de terminer son apprentissage et avait l’occasion de se mettre en voyage avec un viatique considérable ou bourse de Fortune, il pensa - car il était en particulier bon architecte - modifier quelque peu cette construction et l’aménager plus commodément.

Au cours d’un tel travail de renouvellement, il trouva la plaque commémorative coulée en laiton, qui contenait les noms de chaque membre de la fraternité et quelques autres inscriptions. Il voulut la transférer sous une voûte différente et mieux adaptée, alors même que les anciens avaient gardé le secret du lieu ou du moment de la mort de Fr. C., ainsi que du pays où il pouvait être enterré; et nous n’en avions pas non plus connaissance. Sur cette plaque était planté un gros clou, un peu en saillie, qui lorsqu’il fut tiré avec force, emporta une assez grosse partie de la mince paroi ou revêtement qui recouvrait la porte secrète et fit découvrir le passage inespéré à partir duquel nous jetâmes bas le reste de la maçonnerie, avec joie et impatience, et nettoyâmes la porte où se trouvait écrit en grandes lettres dans la partie supérieure :Post cxx annos patebo, avec en dessous, le millésime ancien.

Nous rendîmes grâce à Dieu et le même soir laissâmes tout en place, parce que nous voulions d’abord consulter notre Rota.

De nouveau et pour la troisième fois, nous nous sommes référés à la Confessio, car ce que nous révélons ici arrive à ceux qui en sont dignes pour leur bien; mais aux indignes cela ne peut, grâce à Dieu, guère servir . Car de même que nos portes se sont, après tant d’années, ouvertes de manière merveilleuse, de même une porte s’ouvrira pour l’Europe une fois que la maçonnerie sera dégagée, porte qui est déjà visible et impatiemment attendue par un grand nombre.

Au matin, nous ouvrîmes la porte et une crypte apparut, de sept côtés et angles, chaque côté mesurant cinq pieds sur huit de hauteur. Cet hypogée, bien que jamais éclairé par le soleil, était clairement illuminé grâce à un autre (soleil) qui en avait été instruit par lui et qui se trouvait en haut, au centre de la voûte. Au milieu, en guise de pierre tombale, avait été placé un autel circulaire avec une plaquette de laiton portant l’inscription suivante : A.C.R.C. Hoc universi compendium vivus mihi sepulcrum feci.

Autour du premier cercle: Jesus mihi omnia. (Jésus est tout pour moi)

Au milieu , quatre figures inscrites dans des cercles, portant chacune l'une des devises suivantes :

1 - Nequaquam Vacuum. (le vide n'existe pas)

2 - Legis Jugum. (joug de la loi)

3 - Libertas Evangelii (liberté de l'Evangile)

4 - Dei Gloria Intacta. (la Gloire de Dieu est inattaquable)

Alors les frères s'agenouillèrent tous ensemble et remercièrent le Dieu Tout-Puissant.

Le plafond est divisé en triangles, remplis de figures secrètes; chaque côté en dix carrés, avec des sentences et des figures tirées du livre "Concentration". Sur chacune des 7 faces de la cellule se trouvait une petite porte donnant accès à un certain nombre de boîtes renfermant tous. les livres de l'ordre. Un des coffrets contenait des miroirs de diverses vertus, des clochettes, des lampes allumées, d'étranges chants artificiels (peut-être la T.S.P. moderne). Dans l'ensemble t6ut était organisé de manière à pouvoir reconstituer l'Ordre, au cas où celui-ci disparaîtrait dans les siècles à venir. En déplaçant l'autel on découvrit une grosse plaque de cuivre jaune qui, après avoir été soulevée, laissa apercevoir le corps glorieux et intact de C.R.C., sans la moindre décomposition, avec tous les ornements et attributs de l'Ordre, tenant dans sa main un petit livre de parchemin intitulé T, celui qui représente après la Bible, le plus grand trésor de la fraternité. A la fin de ce petit opuscule on pouvait lire l'Eloge suivant « C.R.C. est issu d'une noble et illustre famille allemande; il eut le privilège, durant tout un siècle, d'être instruit par révélation divine; grâce à son intuition très subtile et sans égale et à un labeur inlassable il atteignit la compréhension des mystères divins et humains les plus secrets. Il fut admis à l'enseignement des mystères au cours de ses voyages en Arabie et en Afrique. Cette science ne convenait pas à son siècle ; mais il eut la charge de la conserver pour la postérité.
Pour la transmission de cet art, il choisit des héritiers à grand coeur, fidèles et dévoués, pour leur léguer sa science des choses passées, présentes et futures et il décida que cette science, le résumé de toutes ses connaissances acquises, serait retrouvée après un intervalle de 120 années qui suivraient sa mort et son ensevelissement secret.

Après avoir vérifié tout le contenu de la cellule, on remit en place la plaque de cuivre et l'autel ; la porte du caveau fut à nouveau scellée et les frères se séparèrent, avec une foi accrue par le spectacle miraculeux qu'ils venaient de contempler, en laissant tous ces trésors aux héritiers naturels et en attendant l'opinion et la réponse des savants aussi bien que des ignorants.  Le manifeste continue en disant qu'il y aura une réforme générale divine et humaine. C'est le désir des frères et de tous les autres aussi ; entre temps la fraternité augmentera en nombre et en considération, se partageant dans l'humilité et l'amour les trésors philosophiques, facilitant par là tous les travaux dans le monde, ne marchant plus en aveugle, au milieu des merveilles créées par Dieu.

La suite du manifeste expose en ces termes une profession de foi à l'usage des chrétiens: «Nous croyons en Jésus-Christ nous avons deux sacrements tels qu'ils ont été établis et rituellement réglés par l'église primitive rénovée. « En politique, nous reconnaissons l'Empire Romain et la « Quarta Monarchia » comme étant notre chef et celui des chrétiens. Ayant été initiés aux t transformations futures, nous désirons de tout coeur les faire connaître à tous les savants qui croient en Dieu. Nous sommes dépositaires de ce manuscrit dont aucune puissance, hormis le Dieu unique, ne peut nous faire dessaisir ; aussi apporterons-nous notre aide occulte à la Bonne cause, selon Ses vues et Ses desseins.

« Notre Dieu n'est pas aveugle comme le fétiche des païens ; Il anime et éclaire l'église. Notre philosophie n'est pas nouvelle, mais telle qu'Adam la reçut après la chute et telle que Moise et Salomon l'ont mise en pratique. Elle ne doit donc pas être mise en doute ou opposée à d'autres opinions La vérité est une, toujours semblable à elle-même, en harmonie avec Jésus-Christ qui est l'image du 'Père. Il ne doit pas être dit : « Hoc non per philosophiam verum est sed per theologiam » car partout où philosophes (Platon, Aristote, Pythagore, etc.) et théologiens (Enoch, Abraham, Moïse, Salomon, etc.), sont d'accord avec le grand livre des miracles, ils sont, les uns et les autres, également rapprochés du grand centre lumineux qu'est la vérité.

« Mais à notre époque où la fabrication athéiste et damnée de l'Or a pris une grande extension, certaines créatures, abusant de la crédulité publique, affirment et réussissent malheureusement à faire croire que la transmutation des métaux constitue le summum de la Philosophie. Dieu mériterait, selon eux, d'autant mieux être adoré qu'Il ferait de plus grandes quantités de lingots d'or aussi tentent-elles tout pour le fléchir par la prière et par des exercices de piété véritablement maladifs. Par les présentes, nous déclarons hautement que cette conception est fausse, très éloignée de la philosophie vraie où la fabrication de l'or n'est qu'un accessoire, un simple Parangon.

« D'accord avec le Père C.R.C., nous invitons tous les savants d'Europe à lire notre Fama et la Confession rédigés en cinq langues différentes ; qu'ils veuillent bien étudier attentivement ces deux documents et méditer avec impartialité sur leurs conceptions scientifiques personnelles, puis nous faire connaître leurs conclusions soit sous la forme imprimée, soit communicato consilio, soit encore à titre purement privé.

« Bien que nous conservions actuellement l'anonymat et que nous nous abstenions de mentionner le lieu de nos réunions, la réponse de chacun n'en viendra pas moins certainement jusqu'à nous. Bien mieux, tout signataire peut être assuré qu'il entrera en relation avec l'un d'entre nous, soit verbalement, soit par écrit. Tout homme qui se fera de nous une opinion raisonnable et sincère éprouvera du bonheur dans ses biens, dans son corps et dans son âme. Quant aux fourbes et aux êtres cupides, avides d'argent, loin de nous porter préjudice, ils iront eux-mêmes au-devant des plus grands et des plus extrêmes dangers. Notre édifice, que cent mille témoins ont vu de près, demeurera pour l'éternité intact, en restant invisible pour le monde athée.

Sub umbra alarum tuarum Jehova (A l'ombre de tes ailes Jehovah).

Semence enfouie dans le coeur de Jésus.

C. Ros.-C. était le descendant de la noble et glorieuse famille germanique des R.-C. Le seul de son siècle, éclairé par les révélations divines, doué d'une imagination la plus raffinée, et d'une inépuisable ardeur au travail, il eut l'heure d'accéder à la connaissance des mystères et des arcanes du ciel et de l'homme. Après avoir été le gardien d'un trésor plus que royal et impérial, qu'il avait amassé durant ses voyages en Arabie et en Afrique et pour lequel son siècle n'était pas encore mûr (c'est à la postérité d'en révéler le sens) ; après avoir instauré des héritiers dévoués et fidèles de ses arts et de son nom ; fabriqué un petit monde qui fût dans tous ses mouvements le répondant du grand monde ; après avoir achevé l'abrégé de toutes choses passées, présentes et futures, plus que centenaire, sans qu'une maladie l'y contraignit (son corps n'avait jamais été atteint et il en préservait son prochain), il fut appelé par l'Esprit-Saint, et il rendit à Dieu, son créateur, son âme éclairée, au milieu des étreintes et des derniers baisers de ses frères, et, pour 120 ans, il fut caché en ce lieu, père très-aimé, frère le plus doux, précepteur le plus fidèle, ami le plus intègre.

Ici finit le Fama Fraternitatis.

Pour que chaque chrétien connaisse la croyance et la foi des Frères, la Fama déclare que ceux-ci ont la connaissance de Jésus-Christ « dans les termes où celle-ci est devenue brillante et claire ces derniers temps, spécialement en Allemagne, et comme encore aujourd'hui (à l'exclusion de tout rêveur, hérétique et faux prophète) elle est dans certains pays conservée, discutée et répandue ». Elle ajoute que les Frères pratiquent « les deux sacrements... de l'Église primitive rénovée ». En politique, ils reconnaissent le Saint-Empire romain et « la quatrième monarchie » (* * *) comme leur chef et celui de la chrétienté. Leur philosophie « n'est pas nouvelle, mais telle qu'Adam l'a reçue après la chute et que Moïse et Salomon l'ont pratiquée. Donc elle ne doit pas être

(*) Soit cinq livres ; de même que les Chinois ont cinq Kings, les Hindous, quatre Vedas et le Manava-Dharma , Shastra ; les Israélites, le Pentateuque ; les Chrétiens, les Évangiles et l'Apocalypse.

(**) De Dieu nous naissons, en Jésus nous mourons, par l'Esprit Saint nous revivons.

(***) Vide supra, p. 31.


mise en doute ni opposée à d'autres opinions ». De plus, « l'art maudit et impie de fabriquer de l'or » n'est pas du tout la chose importante, il n'est qu'un parergon. Assurément, la pierre philosophale est non seulement un joyau de lumière, elle est aussi un remède parfait qui chasse de l'homme toutes les maladies ; mais les Frères ne font aucun cas de la transmutation des métaux ; la nature a bien d'autres secrets. Leur but le plus élevé est de se consacrer au salut des âmes, de montrer la voie vers la vraie sagesse ; l'essentiel est, « comme dit le Christ, de pouvoir commander aux démons, de voir le ciel ouvert et les anges de Dieu y monter et en descendre et d'avoir son nom écrit sur le Livre de Vie ».

Cet écrit fut répandu en cinq langues, « y compris l'opuscule Confessio, selon notre voeu ». Les savants d'Europe sont invités à expérimenter les suggestions qu'il renferme et à publier leurs réflexions. Les Frères demandent qu'on étudie leurs arts et leurs sciences, qu'on leur écrive et qu'on les juge : alors ils se montreront. Et les gens de bien sont sollicités de se réunir en une Société inconnue du monde. Ceux qui répondront à cet appel seront mis en relation avec la Société, car l'Édifice ne restera pas invisible à jamais. Lorsque quelqu'un est digne d'être admis parmi eux, les Frères le reconnaissent par révélation.