L'oint du Seigneur est celui qui est pénétré par "le Seigneur". L'homme qui a intégré son âme divine est "oint de son propre Seigneur".
Saint Paul, dans son épître aux Hébreux, se sert du symbole biblique de Melchisédech pour enseigner la différence entre l'action ordinaire (c'est-à-dire continuelle) du Verbe et l'action extraordinaire et transcendante de la Puissance christique. Il souligne d'abord qu'il ne faut pas entendre par Melchisédech un homme mortel, mais le Principe d'animation perpétuelle :
« Melchisédech... sans père, sans mère, sans généalogie, n'ayant ni commencement de jours ni fin de vie, étant ainsi semblable au Fils de Dieu, il demeure sacrificateur pour toujours . »
Ensuite il met en parallèle le sacrifice perpétuel de Melchisédech (l'incarnation continuelle du Verbe-Esprit dans toute la Nature) et le sacrifice exceptionnel du Christ dont la qualité transmutatrice peut transcender ce que le premier sacrifice ne pouvait qu'animer.
Pour éviter une interprétation matérielle de ces « sacrifices », Paul les différencie d'avec les sacrifices rituels d'animaux du sacerdoce lévitique (« selon l'ordre d'Aaron »), qui étaient ordonnés par l'Ancienne Alliance, « dont la Loi, dit-il, ne pouvait rien amener à la perfection ».
Entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance Paul situe Jésus, dans son état imparfait et passible de tentation, comme le précurseur du Christ qu'il doit devenir, et comme tel appartenant encore à « l'ordre de Melchisédech », Or, remarquez que Melchisédech correspond à Osiris, dont le continuel sacrifice de réanimation cause tous les renouvellements de la Nature. Ce rôle osirien est, dans le symbolisme biblique, celui de l'Ancienne Alliance, de « l'Ancien Testament », c'est-à-dire de la Loi commune, qui n'est « qu'une image et une ombre des choses célestes .
Non seulement Paul répudie cette voie imparfaite, mais, pour les disciples de la perfection christique, il rejette même les « premiers principes de la doctrine de Chris, savoir : la repentance des œuvres mortes, et la foi ou Dieu, la doctrine des baptêmes... la résurrection des morts et le jugement éternel ».
N'oubliez pas que Paul, ce « pilier de l'Eglise », s'opposa formellement à l'autre « pilier », Pierre, dont la prédication se basait précisément sur les premiers Préceptes. Paul va jusqu'à dire qu'il le reprocha publiquement à Pierre comme « ne marchant pas de pied droit selon la vérité de l'Evangile ».
Il affirme nettement son indépendance vis à vis de l'enseignement de Pierre; il se déclare illuminé directement par le Christ dont il prêche la voie de perfection.
Or, malgré les divergences qui séparent Pierre et Paul, l'Eglise les associe « comme les deux fondements sur lesquels elle est solidement établie ».
LA VOIE DE PIERRE :
La première, celle de Pierre, est la voie préliminaire qui s'appuie sur l'observance des doctrines et des préceptes;
elle emploie les moyens sacramentels de purification, tels que baptême et pénitence (confession).
C'est la voie de « la Loi », la voie commune, accessible au grand nombre des adhérents de la doctrine chrétienne, la voie du « troupeau » parce qu'elle remplace la responsabilité personnelle par la soumission au « berger » responsable et remplace aussi la Connaissance individuelle (acquise par l'illumination de la Conscience) par l'adhésion aux dogmes imposés.
La voie de Pierre est la voie humaine.
LA VOIE DE PAUL :
La deuxième voie, celle de Paul, est la voie de « Réalisation christique ». Cette Réalisation ne s'opère ni par les rites ni par les préceptes et les dogmes, mais par l'action directe de la « grâce », c'est-à-dire de l'âme et de l'Esprit dont la réintégration consciente ouvre à l'être humain l'accès du surhumain. La voie de Paul enseigne à former Christ en soi, comme Jésus a formé Christ en lui. Cette formation consiste à réunir dans l'être humain ses deux éléments divins, dont la conjonction sera la « Réalisation christique ».
Cette ouverture peut être progressive ou subite comme celle de Paul sur le chemin de Damas. De toutes manières elle présuppose une « prédestination » ou, comme le dit Paul, une sanctification préalable.
Mais ne voyez pas dans cette prédestination un favoritisme de la Destinée, un « choix » déterminé par une prédilection divine : les mots « choix », « élection », « prédestination » expriment la conséquence d'une disposition préalablement acquise à travers les épreuves de l'existence actuelle, ou partiellement réalisée dans une précédente incarnation.
La voie de Paul conduit au dépassement de l'Humain.
LA VOIE DE JEAN :
L'évangile de Jean se limite à ce qui confirme sa voie. Sa voie n'est pas l'effort humain du retour du pécheur vers Dieu (voie de Pierre) ; ce n'est pas l'effort surhumain de donner pleins pouvoirs à ses deux Témoins réintégrés (voie de Paul), c'est l'état divin de l'Union — virginale parce que jamais violée —, état d'Amour absolu où le Divin absorbe et transmue sans cesse l'Humain, sans effort et sans volonté personnelle.
La voie de Jean n'a pas à réintégrer ce qui n'était pas séparé : c'est l'identification du Logos et du Père dès le commencement; c'est la même identification dans les hommes « nés de Dieu », c'est-à-dire dont l'être immortel s'est incarné totalement dès leur naissance.
Tout chez Jean est identification, sans aucune séparation, pas même de différenciation ni de comparaison; tandis que Paul compare et différencie la voie de Pierre et la voie de la perfection, Jean ne compare pas : il se contente de prêcher le commandement unique de la Puissance Amour, seule capable de réaliser sans désunion le miracle de l'Unité.