SIXIÈME
LETTRE
Dieu s'est fait homme pour diviniser l'homme. Le Ciel s'unira avec la
terre pour transformer la terre en un Ciel.
Mais,
pour que cette divinisation et cette transformation de la terre en Ciel
puissent se faire, le changement, la conversion de notre être est
nécessaire. Ce changement, cette conversion,
est appelé re-naissance
Naître
veut dire entrer, dans un monde dans lequel domine la sensualité, où la
sagesse et l'amour languissent dans les liens de
l'individualité.
Renaître veut dire retourner dans
un monde où l'esprit de sagesse et d'amour domine et où l'homme animal
obéit.
La renaissance est triple : premièrement la renaissance de notre raison
; Deuxièmement, la renaissance de
notre cœur ou de notre volonté ;
Et enfin
la renaissance de tout notre être.
La
première et seconde espèces de renaissance sont la renaissance spirituelle
; Et la troisième, la renaissance
corporelle. Beaucoup d'hommes pieux, et qui
cherchaient Dieu, ont été régénérés dans l'intelligence et la volonté ;
mais peu ont connu la renaissance corporelle. Cette dernière fut aussi
donnée à peu d'hommes, et
ceux auxquels elle
était donnée ne le fut qu'afin qu'ils pussent opérer comme agents
de Dieu, d'après de hauts desseins, et rapprocher l'humanité de sa
félicité.
Maintenant, il est nécessaire de vous montrer, frères aimés, le véritable
ordre de la renaissance. Dieu qui est toute force, sagesse et amour, opère
tout d'après l'ordre et l'harmonie.
Celui
qui ne reçoit pas la vie spirituelle, chers frères, celui qui ne naît pas
de nouveau du Seigneur, ne peut pas entrer dans le Ciel. L'homme est
engendré par ses parents dans le péché originel, c'est-à-dire, qu'il entre
dans la vie naturelle et non dans la spirituelle.
La vie spirituelle consiste à aimer Dieu par dessus
tout, et le prochain comme soi-même.
Dans ce
double amour consiste le principe de la nouvelle vie.
L'homme est engendré dans le mal, dans l'amour de soi-même et l'amour du
monde. L'amour de
soi-même,
L'intérêt
propre,
Le plaisir
propre;
Voilà les attributs substantiels du mal. Le bien est dans l'amour de Dieu
et du prochain.
Ne connaître aucun
amour que l'amour de tous les hommes ;
Ne connaître aucun intérêt que l'intérêt
de tous les hommes
Ne connaître aucun
plaisir, aucun bien-être que le bien-être de tous ;
C'est par là que se distingue l'esprit des enfants de Dieu, de l'esprit
des enfants du monde.
Et
échanger l'esprit du monde pour l'esprit des enfants de Dieu, c'est être
régénéré ; et cela veut dire
dépouiller le vieil
homme et se revêtir du nouveau.
Mais
personne ne peut renaître, s'il ne sait et n'applique les principes
suivants :
La vérité
doit être l'objet de la foi ; le bien doit devenir l'objet de notre
faculté de faire et de ne point faire.
Ainsi,
celui qui veut renaître, doit d'abord connaître ce qui convient à la
renaissance.
Il doit pouvoir concevoir, méditer et
réfléchir sur tout cela.
Ensuite
il doit aussi agir d'après ce qu'il sait, et la conséquence en sera une
nouvelle vie. Maintenant, comme il est
d'abord nécessaire de savoir et d'être instruit dans tout ce qui
appartient à la renaissance, un docteur ou un instructeur est nécessaire
et si on le connaît la foi en lui est aussi nécessaire car à quoi servirait le
docteur, si le disciple n'a point confiance en lui ?
De là, le point de départ pour renaître est la foi à la
Révélation. Il doit commencer à croire que le
Seigneur, le Fils, est la Sagesse de Dieu, qui est, de toute éternité, de
Dieu, et qu'il est venu dans le monde pour rendre heureuse l'espèce
humaine. Il doit croire que le Seigneur a tout pouvoir dans le ciel et sur
la terre, et que toute foi et amour ,tout le vrai et
le bien
viennent de Lui seul Médiateur, le Sauveur et le Gouverneur des
hommes.
Quand cette foi 1a plus élevée a pris racine en nous, nous pensons souvent
au /Seigneur, et ces
pensées tournées vers
Lui développent, par Sa grâce réagissante en nous, les sept puissances
spirituelles prisonnières. La voie vers cette ouverture est la
suivante.
Voie
de la félicité.
Veux-tu, homme et frère, acquérir la plus haute félicité qui te soit
possible? cherche la Vérité, la Sagesse et l'Amour ! Mais tu ne trouveras
la Vérité, la Sagesse et l'Amour que dans une unité et c'est le Seigneur
Jésus- Christ, l'Oint de la Lumière.
Cherche
Jésus-Christ de toutes tes forces, cherche-le de toute la, plénitude de
ton cœur.
Le commencement de ton ascension
est la connaissance de ta nullité de cette connaissance résulte le besoin
d'une puissance plus haute ; ce besoin est le germe de la
foi.
La foi donne la confiance, mais la foi a aussi ses étapes. D'abord vient
la foi historique
Ensuite la foi
morale Et puis la foi
divine Et enfin la foi
vive. La progression est la
suivante: La foi historique
commence quand nous apprenons à connaître, par l'histoire et la
Révélation, qu'un homme a existé, qui s'appelait Jésus de Nazareth ; que
cet homme était un homme tout à fait particulier, qui aimait
extraordinairement les hommes, les combla de grands bienfaits, et mena une
vie extrêmement vertueuse ; en un mot, qu'il était un des hommes les plus
moraux et les meilleurs, et qu'il mérite toute notre attention et tout
notre amour.
Par cette foi simplement historique à l'existence de Jésus-Christ, arrive
la foi morale dont le développement fait que nous acquérons, voyons et
trouvons réellement du plaisir dans tout ce qu'enseignait cet homme ;
trouvons que sa doctrine simple était pleine de sagesse, et son école
pleine d'amour ; qu'il avait des intentions droites envers l'humanité, et
qu'il souffrit volontairement la mort pour la vérité. C'est ainsi qu'à la
foi à Sa personne succède celle à Ses paroles, et par celle-ci se
développe la foi à Sa divinité.
Ce même Jésus-Christ qui nous est si cher dans Sa personne, qui nous
devient si vénérable par Sa vie et Sa doctrine ; ce même Jésus-Christ nous
dit maintenant qu'il est le Fils de Dieu : Il fortifie ce qu'il dit par
des miracles ; guérit les malades, ressuscite les morts, ressuscite
Lui-même de la mort, et demeure avec Ses disciples pour les instruire dans
les mystères plus élevés de la nature et de la religion, quarante jours
après sa résurrection.
Ici, la
foi naturelle et raisonnable en Jésus-Christ se change en foi divine. Nous
commençons à croire qu'il était Dieu fait homme.
De cette foi résulte que nous tenons pour
vrai tout ce que nous ne comprenons pas.
encore, et qu'Il nous ordonne de
croire.
Par cette foi à la divinité de Jésus, par cet abandon entier à lui et la
fidèle observation de Ses lois, éclot enfin la foi vive, par laquelle nous
vérifions par expérience intérieure tout ce que nous avions cru jusqu'à
présent seulement par une confiance d'enfant, et cette foi vivante et
vécue est la plus haute de toutes.
Quand
notre coeur, par la foi vive, a reçu en lui Jésus-Christ, alors cette
Lumière du Monde naît
en lui comme dans une
pauvre étable.
Tout en nous est impur, envahi
par les toiles d'araignée de la vanité, couvert avec la boue de la
sensualité. Notre volonté est le bœuf qui est
sous le joug des passions.
Notre raison est l'âne, attaché à l'opiniâtreté de ses opinions, à ses
préjugés et à ses sottises.
Dans
cette misérable chaumière et en ruines, dans le lieu d'habitation des
passions animales, Jésus-Christ est né en nous par la
foi. La simplicité de notre âme est
l'état des bergers qui Lui apportent les premières offrandes, jusqu'à ce
qu'enfin les trois principales forces de notre dignité royale, notre
raison, notre volonté et notre activité, se prosternent devant Lui et Lui
offrent les dons de la vérité, de la sagesse et de
l'amour. Peu à peu, l'étable de notre cœur se
change en Temple extérieur, dans lequel Jésus-Christ
enseigne.
Mais ce Temple est encore rempli
de scribes et de pharisiens. Les marchands de pigeons et les changeurs s'y
trouvent encore et doivent en être chassés, afin que le Temple devienne
une Maison de Prière.
Peu à peu, Jésus-Christ élit, pour L'annoncer, toutes les bonnes forces de
notre être : Il guérit notre aveuglement, purifie notre lèpre, ressuscite
ce qui en nous était mort. En nous toujours, Il est crucifié, meurt et
ressuscite en vainqueur glorieux. Dès lors, Sa personnalité vit en nous et
nous instruit dans les plus sublimes. mystères, jusqu'à ce qu'enfin Il
nous appelle à la Régénération intégrale, montant au Ciel pour nous
envoyer l'Esprit de Vérité.
Mais
avant que l'Esprit n'opère pleinement en nous, nous éprouvons les
transformations suivantes :
D'abord, les sept puissances de notre entendement sont dégagées, puis les
sept puissances de notre cœur ou de notre volonté, et cette exaltation
s'effectue comme suit :
L'entendement humain se divise en sept puissances ; la première puissance
est celle de regarder les objets hors de nous :
intuitus
Par la seconde puissance, nous
percevons les objets considérés : apperceptio
Par la troisième puissance, ce qui a été perçu est
réfléchi : reflexo
La
quatrième puissance est celle de considérer les objets perçus dans leur
diversité : fantasia, imaginatiû.
La cinquième puissance est celle de se décider sur
quelque chose :judicium.
La
sixième puissance coordonne les choses d'après leurs rapports :
ratio. La septième, enfin, réalise la
compréhension synthétique des choses coordonnées :
intellectus.
Cette dernière contient, pour ainsi dire, la somme de toutes les
autres.
La volonté de l'homme se divise de même en sept puissances, qui, prises
ensemble, forment la volonté de l'homme, ou sont, pour ainsi dire, comme
ses parties substantielles.
La
première est la capacité de désirer des choses hors de soi :
desiderium
La seconde est la capacité de
pouvoir s'approprier les choses désirées :
appetitus
La troisième est la puissance de
leur donner une forme, de les rendre réelles, ou de satisfaire
la concupiscence:
concupiscentia.
La
quatrième est la puissance de recevoir en soi les penchants sans se
décider pour aucun, ou l'état de passion :
passio.
La cinquième est la puissance de
se résoudre pour ou contre une chose, la liberté :
libertas.
La sixième est la puissance du
choix, ou de la résolution réellement prise
:electio.
La septième est la puissance de
donner une existence à l'objet choisi :
voluntas.
Cette septième puissance
contient encore toutes les autres et en est la somme.
Maintenant les sept puissances de l'entendement, comme les sept puissances
de notre cœur ou de la volonté, peuvent être ennoblies et exaltées, d'une
manière particulière, quand nous prenons Jésus-Christ, comme étant la
Sagesse de Dieu, pour principe de notre raison ; et Sa vie, tout Amour,
pour moteur de notre volonté.
Notre
entendement est formé d'après celui de Jésus-Christ,
1° Quand nous L'avons en vue en toutes choses, quand Il forme l'unique
critère de nos actions : intuitus:
2° Quand nous percevons partout Ses actions, Ses
sentiments et Son esprit : apperceptio;
3° Quand dans toutes nos pensées, nous réfléchissons
sur Ses préceptes, quand nous pensons en toutes choses, comme Il aurait
pensé : reflexio;
4° Quand
nous faisons en sorte que Ses sentiments, Ses pensées, Sa sagesse soient
l'objet unique de notre force d'imagination : fantasia
; 5° Quand nous rejetons chaque
pensée qui n'est pas conforme à la sienne, et quand nous choisissons
chaque pensée qui pourrait être la sienne :ju;dicium
; 6° Quand, enfin,
nous coordonnons tout l'édifice des idées de notre esprit d'après Ses
idées et Son esprit : ratio.
C'est ainsi que
7° Naîtra en nous une nouvelle
lumière, plus haute, surpassant, et de loin, celle de la raison des
sens: intellectus.
Notre coeur se réforme de même, quand, en tout:
l° Nous ne tendons qu'à Lui:
desiderare.
2° Nous ne voulons que Lui:
appetere.
3° Nous ne convoitons que
Lui : concupiscere.
4°
Nous n'aimons que Lui : amare
5°
Nous ne choisissons que tout ce qu'Il est, et fuyons tout ce qu'Il n'est
pas : eligere.
6°
Nous ne vivons qu'en harmonie avec Lui, avec Ses commandements, Ses
institutions et Ses ordres: subordinare. Par quoi, enfin
: 7° Naît une union complète
de notre volonté avec la Sienne, par laquelle nous ne sommes en Lui et
avec Lui qu'un sens et qu'un coeur, si bien que le nouvel homme se
manifeste peu à peu en nous, la Divine Sagesse et l'Amour Divin s'unissant
pour engendrer ce nouvel homme spirituel, dans le cœur duquel la foi passe
en vision réelle, si bien qu'en comparaison de cette Foi Vivante, les
trésors des deux Indes ne sont que boue.
Cette possession actuelle de Dieu ou Jésus-Christ en nous, est le centre
vers lequel convergent tous les mystères, comme les rayons d'un
cercle. Le Royaume de Dieu est un royaume
de vérité, de moralité et de félicité. Il opère dans les individus du plus
intérieur au plus extérieur d'eux-mêmes et doit se répandre
progressivement, par l'Esprit de Jésus-Christ, sur toutes les nations,
pour instaurer partout un ordre dont bénéficieront également l'individu et
l'espèce, et grâce auquel la nature humaine pourra atteindre à sa plus
haute perfection et où l'humanité malade pourra trouver le remède à tous
ses maux.
Ainsi
l'Amour et l'Esprit de Dieu vivifieront seuls, un jour, le genre humain,
éveillant et évertuant les forces de notre nature, les orientant d'après
les desseins de la Sagesse et faisant, entre elles, régner
l'Harmonie. Paix, fidélité, concorde
domestique, amour des supérieurs envers leurs inférieurs, empressement des
sujets envers leurs chefs, amour réciproque des nations seront les
premiers fruits de cet Esprit.
L'inspiration du bien sans chimères, l'exaltation de notre âme sans une
trop dure tension, la chaude sollicitude du coeur sans impatience
turbulente, rapprocheront, réconcilieront et uniront les humains si
longtemps séparés et divisés, si longtemps dressés les uns contre les
autres par les erreurs et les préjugés.
Alors, dans le grand Temple de la Nature, grands et petits, pauvres et
riches, chanteront les louanges du Père de l'Amour.
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