QUATRIÈME LETTRE Comme l'infinité des nombres se perd dans un nombre unique qui est leur base; et, comme les rayons innombrables d'un cercle se réunissent dans un centre unique, c'est ainsi que les mystères, les hiéroglyphes et les emblèmes infinis n'ont pour objet qu'une vérité unique. Celui qui la connaît a trouvé la clef pour connaître tout, tout d'un coup. Il n'y a
qu'un Dieu, qu'une vérité, qu'une voie qui conduit à cette grande vérité.
Il n'y a qu'un moyen unique pour trouver cette vérité.
Et la somme de toutes ces perfections, c'est Jésus-Christ, qui a été crucifié et qui est ressuscité. Maintenant
cette grande vérité, ainsi exprimée, est, il est vrai, seulement un objet
de la foi ; mais elle peut devenir une connaissance expérimentale,
aussitôt que nous sommes instruits comment Jésus-Christ peut
être ou peut devenir tout cela. Il à été prédit, il y a longtemps,
chers frères, que tout ce qui est caché sera découvert dans les derniers
temps ; mais il a été aussi prédit que dans ces temps, beaucoup de faux
prophètes s'élèveront ; et les fidèles ont été avertis de ne point croire
à tout esprit ; mais d'éprouver les esprits, s'ils sont réellement de
Dieu. (Épître de Saint-Jean, chapitre 4, 5 et suivants).
Comme nous
ne parlons point avec des novices en matière de foi, il vous sera, chers
frères, d'autant plus facile de concevoir les vérités sublimes que nous
allons vous présenter, que vous aurez sans doute déjà. choisi plusieurs fois
pour but de vos méditations saintes, différents sujets
préparatoires. Ce grand moyen de la réunion sur lequel se concentre toute la doctrine religieuse, n'aurait jamais été connu de l'homme sans Révélation. Il a toujours été hors la sphère de la connaissance scientifique ; et cette même profonde ignorance où l'homme était tombé, a rendu nécessaire la Révélation sans laquelle nous n'aurions jamais pu trouver les voies pour nous relever. De la
Révélation résulta la nécessité de la foi à la Révélation ; car celui qui
ne sait pas, qui n'a aucune expérience d'une chose, doit d'abord
nécessairement croire s'il veut savoir et expérimenter. Car si la foi
tombe, on s'inquiète peu de la Révélation, et on se ferme, par là même,
l'accès à la méthode que la Révélation seule contient. A chaque
degré auquel s'élève le croyant, vers la Révélation, il obtient une
lumière plus parfaite pour arriver à la connaissance ; et cette lumière
devient de même pour lui progressivement plus convaincante, parce que
chaque vérité de la foi acquise, devient peu à peu vivante, et passe en
conviction. Dans tous
les temps, il y a eu des hommes éclairés de Dieu, qui avaient cette
objectivité intérieure de la foi en entier ou en partie, selon que la
communication des vérités de la foi passait dans leur entendement ou dans
leur sentiment. La première espèce de vision, purement intelligible, était
appelée illumination divine. La seconde espèce était appelée
inspiration divine. Le sensorium intérieur fut ouvert dans
plusieurs jusqu'aux visions divines et transcendantales, qu'on appelait
ravissements ou extases, lorsque le sensorium intérieur se trouvait
tellement exalté qu'il dominait sur le sensorium extérieur et
sensible. Ainsi,
l'homme extérieur des sens a perdu ce sens intérieur qui est le plus
important ; ou plutôt la capacité de développement de ce sens, qui est
caché en lui, est négligée au point qu'il ne se doute pas lui-même de son
existence. L'homme est doublement misérable, il ne porte pas seulement un bandeau sur ses yeux, qui lui cache la connaissance des vérités plus élevées ; mais son cœur languit même dans les liens de la chair, et du sang, qui l'attachent aux plaisirs animaux, et sensibles, au détriment de plaisirs plus élevés et spirituels. C'est ainsi que nous sommes dans l'esclavage de la concupiscence, sous la domination des passions qui nous tyrannisent, et nous nous traînons, comme de malheureux paralytiques, sur deux misérables béquilles, savoir, sur la béquille de notre raison naturelle et sur la béquille de notre sentiment naturel. Celle-là nous donne journellement l'apparence pour la vérité. Celle-ci nous fait prendre journellement le mal pour le bien. Voilà notre misérable état ! Les hommes
ne pourront devenir heureux que quand le bandeau qui empêche l'accès de la
vraie Depuis des
siècles on s'efforce réciproquement de raisonner et de faire la morale ;
et quel est le résultat de notre peine depuis tant de siècles ? Les
aveugles veulent conduire les aveugles, et les paralytiques les
paralytiques. Mais dans toutes les folies auxquelles nous nous sommes
livrés, dans toutes les misères que nous nous sommes attirées, nous ne
voyons pas encore que nous ne pouvons rien de nous-mêmes,. et que nous
avons besoin d'une puissance plus élevée pour nous retirer de la
misère. Il n'y a
qu'un seul qui puisse nous guérir ; qu'un seul qui soit en état d'ouvrir
notre œil intérieur pour que nous voyions la vérité. Ce n'est qu'un seul
qui peut nous ôter les chaînes qui nous chargent, et nous rendent les
esclaves de la sensualité. Jésus-Christ est le Sauveur du Monde, Il est le vainqueur de la misère humaine, Il nous a rachetés de la mort et du péché .Comment serait-Il tout cela, si le monde devait toujours languir dans les ténèbres de l'ignorance et dans les liens des passions? Il a été déjà prédit très clairement dans les Prophètes que ce temps de la Rédemption de Son peuple, ce premier Sabbat du temps, arriverait. Il y a longtemps que nous aurions dû reconnaître cette promesse pleine de consolation ; mais le défaut de la vraie connaissance de Dieu, de l'homme et de la nature, a été l'empêchement qui nous a toujours caché ces grands mystères de la foi. Il faut
savoir, mes frères, qu'il y a une nature double, la nature pure,
spirituelle, immortelle et indestructible, et la nature impure,
matérielle, mortelle et destructible. L'esprit est
une substance, une essence, une réalité absolue. De là, ses propriétés
sont l'indestructibilité, l'uniformité, la pénétration,
l'indivisibilité,et la continuité. Notre raison
emprunte ici toutes ses idées par les sens, ainsi elles sont sans vie,
mortes. Nous tirons tout de l'objectivité extérieure, et notre raison ne
ressemble qu'à un singe qui imite en lui plus ou moins ce que la nature
lui présente. Ainsi, la simple lumière des sens est le principe de notre
raison inférieure, la sensualité, le penchant vers des besoins animaux,
est le mobile de notre volonté. Nous sentons, il est vrai, qu'un mobile
plus élevé nous serait nécessaire ; mais jusqu'à présent nous ne savions
pas le chercher ni le trouver. Là où tout
est pur, où rien n'est soumis à la destruction, là règne un Être qui est
toute sagesse et tout amour, et qui, par la lumière de Sa sagesse, peut
devenir pour nous le vrai principe de la raison, et par la chaleur de Son
amour, le vrai principe de la moralité. Aussi le monde ne deviendra et ne
peut devenir heureux que quand cet Être réel, qui est en même temps la
sagesse et l'amour, sera reçu entièrement par l'humanité et sera devenu en
elle tout en tous. C'est ainsi
que deux natures contradictoires sont renfermées dans le même homme. La
substance destructible nous lie toujours au sensible ; la substance
indestructible cherche à se délivrer des chaînes sensibles et cherche la
sublimité de l'esprit. De là dérive le combat continuel entre le bien et
le mal ; le bien veut toujours absolument la raison et la moralité ; le
mal conduit journellement à l'erreur et à la passion. On doit
chercher la fragilité d'un vase dans la matière de laquelle le vase est
formé. La forme la plus belle possible que la terre puisse recevoir reste
toujours fragile, parce que la matière dont elle est formée est
fragile. Les nerfs et
les fluides de notre cerveau ne nous livrent que des idées grossières et
obscures, dérivant des phénomènes, et non de la vérité et de la chose même
; et comme nous ne pouvons pas, par la seule puissance de notre principe
pensant, faire équilibre à la violence des sensations extérieures à l'aide
de représentations suffisamment énergiques, il en résulte que nous sommes
toujours déterminés par la
passion et que la voix de la raison, qui parle
doucement dans notre intérieur, est étouffée par le bruit
tumultueux des éléments qui
entretiennent notre
machine. La
grossièreté des matériaux dont est constitué l'homme matériel, charpente
de l'édifice entier de sa nature, est la cause de cet accablement qui
tient les pouvoirs de notre âme dans une faiblesse et une imperfection
continuelles. Les grands
et les petits sentaient cette vérité mais aussitôt qu'on en venait à
l'exécution, la volonté animale subjuguait bientôt la raison, ensuite la
raison subjuguait pour quelque temps la volonté animale, et c'est ainsi
que, dans chaque homme, la victoire et la défaite entre les ténèbres et la
lumière étaient
alternatives, et cette même puissance et contre-puissance réciproques sont
la cause de l'oscillation perpétuelle entre le bien et le mal, entre le
faux et le vrai. Oui, amis et
frères, là est la source de toute la misère des hommes ; et, comme cette
corruption se propage d'hommes en hommes, elle peut être appelée, avec
justice, leur corruption héréditaire. En général
nous trouvons partout le même homme faible et sensuel, qui n'a de bien,
sous chaque zone, qu'autant que sa matière sensible permet à sa raison de
l'emporter sur la sensualité, et de mal qu'autant que la sensualité peut
avoir de prédominance sur l'esprit plus ou moins lié. Là, résident le bien
et le mal naturels de chaque nation comme de chaque individu isolé.
Les
modifications de ces penchants animaux fondamentaux sont innombrables ; et
le plus haut degré de la culture humaine que jusqu'à présent le monde ait
acquise, n'a pas porté les choses plus loin que de les colorer d'une
couche plus fine. Cela veut dire que nous nous sommes élevés de l'état de
l'animal brut jusqu'au plus haut degré de l'animal raffiné.
Jésus-Christ
nous a gravé dans le cœur, par de très belles paroles, cette grande
vérité, qu'on doit chercher dans la matière la cause de la misère des
hommes, mortels et fragiles par l'ignorance et les passions. Lorsqu'Il
disait : le meilleur homme, celui qui s'efforce le plus d'arriver à la
vérité, pèche sept fois par jour, il voulait dire par
là:dans l'homme le mieux organisé, les sept forces de l'esprit sont encore
si fermées,que les sept actions de la sensualité surmontent chaque jour
selon leur mode. Ainsi, il ne peut y avoir d'espérance d'un bonheur plus élevé pour l'humanité, tant que cet être corruptible et matériel forme la principale partie substantielle de son essence. L'impossibilité dans laquelle est l'humanité de pouvoir s'élancer d'elle-même à la vraie perfection est une constatation pleine de désespoir ; mais, en même temps, cette pensée est la cause, pleine de consolation, pour laquelle un être plus élevé et plus parfait s'est couvert de cette enveloppe mortelle et fragile, afin de rendre le mortel immortel, le destructible indestructible, et dans cela on doit chercher aussi la vraie cause de l'incarnation de Jésus-Christ.
Jésus-Christ, est l'Oint de la Lumière, est la splendeur de Dieu, la
Sagesse qui était sortie de Dieu, le fils de Dieu, le Verbe réel par
lequel tout est fait et qui était au commencement. Jésus-Christ, la
Sagesse de Dieu qui opère toutes choses, était comme le centre du Paradis,
du monde de la lumière ; il était le seul organe réel par lequel la force
divine pouvait se communiquer ; et cet organe est la nature immortelle et
pure, la substance indestructible qui vivifie et qui porte tout à la plus
haute perfection et félicité. Cette substance indestructible est
l'élément pur dans lequel vivait l'homme spirituel.
Beaucoup
d'hommes ne peuvent point se faire une idée de l'Arbre du Bien et du Mal ;
cet arbre était
le produit de la matière chaotique, qui était encore dans le
centre, et dans laquelle la destructibilité avait encore la supériorité
sur l'indestructibilité. La jouissance trop prématurée de ce fruit qui
empoisonne et qui dérobe l'immortalité, enveloppa Adam dans cette forme
matérielle assujettie à la mort. Il tomba parmi les éléments qu'il
gouvernait antérieurement. Ainsi, comme
il arriva tout naturellement que l'homme immortel devînt mortel par la
jouissance d'un fruit mortel, de même il arriva tout naturellement que
l'homme mortel pût recouvrer sa dignité précédente par la jouissance d'un
fruit immortel. Jésus-Christ
a parlé avec Ses amis les plus intimes , lorsqu'il était encore sur cette
terre, du grand mystère de la Régénération ; mais tout ce qu'Il disait
était obscur pour eux, ils ne pouvaient pas encore le concevoir ; aussi le
développement de ces grandes vérités était réservé pour les derniers temps
; il est le
suprême mystère de la religion dans lequel tous les mystères rentrent
comme dans leur unité. Mais on ne doit chercher ce moyen nulle autre part que dans la religion ; car comme la religion, considérée scientifiquement, est la doctrine de la réunion avec Dieu, elle doit aussi nécessairement nous apprendre à connaître le moyen pour arriver à cette réunion. Est-ce que Jésus et Sa connaissance vivifiante ne sont pas l'objet principal de la Bible et le contenu de tous les désirs, de toutes les espérances et de toutes les attentes du chrétien? N'avons-nous pas reçu de notre Seigneur et Maître, tant qu'il marcha parmi ses disciples, les plus hautes solutions touchant les vérités les plus cachées? Est-ce que notre Seigneur et Maître, lorsqu'il était avec eux, dans son corps glorifié, après sa résurrection, ne leur a pas donné une plus haute révélation par rapport à Sa personne, et ne les a pas conduits plus profondément dans l'intérieur de la connaissance de la vérité ? Est-ce qu'il
ne réaliserait pas ce qu'il a dit dans sa
prière sacerdotale ? Saint jean, 17, 22, 23 : « Je leur ai donné et
communiqué la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils soient un comme
nous sommes un en eux, et eux avec moi, afin qu'ils soient parfaits
dans un. » Tout est
déjà préparé pour cette possession actuelle de Dieu, pour cette union
réelle avec Dieu, et déjà possible ici-bas ; et l'élément saint, la vraie
médecine pour l'humanité est révélée par l'Esprit de Dieu. La table du
Seigneur est ouverte, et tous sont invités ; le vrai pain des Anges est
préparé, duquel il est écrit : « Vous leur avez donné le pain du
ciel. » Le
corruptible, le destructible est consumé en nous et couvert avec
l'incorruptible et l'indestructible. Le sensorium intérieur s'ouvre et
nous lie avec le monde spirituel. Nous sommes éclairés par la
sagesse, conduits par la vérité, nourris par le flambeau de l'amour.
Des forces inconnues se développent en nous pour vaincre le monde, la
chair et Satan. Tout notre être est renouvelé, et rendu capable de devenir
une demeure réelle de l'Esprit de Dieu. La domination sur la nature,
la relation avec des mondes supérieurs, et la béatitude du commerce
visible avec le Seigneur nous sont données. Le bandeau
de l'ignorance tombe de nos yeux, les liens de la sensualité se brisent,
et nous avons la liberté des enfants de Dieu. |