Le
matérialisme spirituel,
par
l'abbé Chögyam Trungpa, fondateur de l'Institut Naropa
(texte envoyé par Andréas):
"Un certain nombre de voies de traverse conduisent à un version distordue, égocentrique, de la vie spirituelle. Nous pouvons nous illusionner en pensant que nous nous développons spirituellement, alors qu'en fait nous usons de techniques spirituelles pour renforcer notre ego. cette distorsion fondamentale mérite le nom de matérialisme spirituel." C.T.
Chogyam
Trungpa Rinpoché, fondateur de plusieurs communautés,
et institut Naropa, onzième incarnation du Trungpa
tülku, Chögyam Trungpa fut élevé, dès son enfance,
en vue d'occuper la charge d'Abbé suprême des
monastères de Surmang, a l'issue d'une éducation longue
et difficile, il fut initié et couronné comme héritier
des lignées de Milarépa, et de Padmasambhava.. Celui
qui apporta le bouddhisme tibétain en Occident. Trungpa forcé de quitter son pays en 1959, passa trois ans en Inde, puis se rendit en Angleterre, à Oxford, où il mena des études de psychologie et de religion comparée. Après un séjour de quatre ans à Oxford, il fonda le premier centre bouddhiste tibétain d'étude et de méditation en Occident, Samyê-Ling en Ecosse. Il a enseigné à l'université du Colorado, et parcourt les Etats-Unis et le Canada. |
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La pratique de la voie tibétaine a été écrit suite à une suite de causeries dans les années 70.
Un certain nombre de détours conduisent à une version distordue, égocentrique de la spiritualité; nous pouvons nous illusionner en pensant que nous nous développons spirituellement, alors qu'en fait nous usons de techniques spirituelles pour renforcer notre ego. Cette distorsion fondamentale mérite le nom de matérialisme spirituel.
Dans l'approche bouddhiste, on part de la confusion et de la souffrance qui sont notre lot, et l'on s'emploie à démêler l'écheveau des causes. Dans l'approche déiste, on part la la richesse divine, et l'on tâche d'élever sa conscience lors que notre confusion et nos points négatifs sont un obstacle à la relation avec Dieu, l'approche déiste doit s'en occuper aussi. L'orgueil spirituel, par exemple, est tout à fait un problème commun aux disciplines déistes et au bouddhisme.
Tout ce qui a été créé doit,
tôt au tard, périr. Si l'illumination était une création,
l'ego pourrait toujours, se réaffirmant, causer un retour à
l'état de confusion. L'illumination est permanente parce que
nous ne l'avons pas produite, nous l'avons seulement découverte.
Dans la tradition bouddhiste, on a souvent recours à l'image du
soleil apparaissant derrière les nuages pour expliquer la
découverte de l'illumination. Dans la pratique de la
méditation, nous chassons la confusion de l'ego pour entrevoir
la lumière de l'éveil. Si nous savons nous débarrasser de
l'ignorance, de l'encombrement intérieur, de la paranoïa, nous
nous ouvrons à une vision fabuleuse d ela vie. Le coeur de la
confusion consiste en ce que chaque homme a une perception de soi
qui lui parait être solide et continue. L'expérience menace
sans cesse de nous révéler notre caractère transitoire, aussi
tentons-nous continuellement de dissimuler toute possibilité de
découvrir notre condition réelle.
En cet effort pour maintenir la perception d'un soi solide et
continu réside précisément l'action de l'ego.
Dans le bouddhisme tibétain, on
a recours à une métaphore pour décrire le fonctionnement de
l'ego, celle des "trois seigneurs du matérialisme"...
- le seigneur de la forme, concerne la quête névrotique de
confort, de sécurité et de plaisir, efforts en vue de créer un
monde contrôlable et sûr, prévisible et agréable.
- seigneur de la parole concerne l'emploi de l'intellect dans la
relation à notre monde. Les idéologies, systèmes d'idées qui
rationalisent, justifient et sanctifient nos vies, sont les
produits le splus pleinement développés de cette tendance.
(tous les "isme" nous munissent d'identités, règles,
interprétations, comme nationalisme, communisme,
existentialisme, bouddhisme... le seigneur de la parole se
réfère à cette inclination de l'ego à interpréter tout ce
qui le menace ou l'irrite de façon a neutraliser la menace ou à
la convertir en quelque chose de "positif" de son point
de vue.
- le seigneur de l'esprit concerne l'effort de la conscience en
vue de rester consciente d'elle-même. Il règne lorsque nous
nous servons de disciplines psychologiques et spirituelles en vue
de maintenir ou de retenir notre conscience de soi. Le yoga,
prière, méditation, transe, psychanalyse peuvent être
utilisés de cette manière.
L'ego est capable de tout annexer à ses propres fins, y compris la spiritualité.
Comme l'ego est d'apparence solide et qu'il ne peut pas véritablement absorber quoi que ce soit, il se borne à imiter. Aussi s'efforce-t-il d'examiner et d'imiter la pratique de la méditation et le mode de vie spirituel, l'on connaît les ficelles, on essaye automatiquement d'imiter la spiritualité, dès lors qu'un engagement véritable exigerait l'élimination complète de l'ego et qu'à vrai dire, abandonner complètement l'ego est bien la dernière chose que l'on souhaite faire!
Si nous réussissons à maintenir, notre conscience de soi en usant de techniques spirituelles, un développement spirituel authentique est hautement improbable. Nos habitudes mentales deviennent si fortes qu'il est difficile de les pénétrer, Nous pouvons même aller jusqu'au point d'atteindre l'état totalement démoniaque d'égoïté" complète.
La méthode découverte par le Bouddha est la méditation. Il découvrit qu'il ne sert à rien de lutter pour trouver des réponses. Il commença à réaliser qu'il y avait en lui une qualité sainte, éveillée, qui ne se manifestait qu'en l'absence de lutte. Ainsi la pratique de la méditation implique-t-elle le "laisser-être".
Les cordes ni trop tendues, ni trop lâches. il en est de même de la pratique de la méditation, dit le bouddha, tu ne dois rien imposer de force à ton esprit, ni le laisser vagabonder. c'est l'enseignement qui consiste à laisser l'esprit ETRE ouvertement, à sentir le flux de l'énergie sans chercher à le dominer et sans cesser de la contrôler, à s'harmoniser avec la structure énergétique de l'esprit. c'est la pratique de la méditation.La méditation doit commencer par la couche la plus superficielle de l'ego : les pensées discursives qui traversent continuellement notre esprit, notre bavardage mental. Dans la véritable méditation, on ne cherche ni à agiter les formations mentales, ni à les supprimer. On les laisse survenir spontanément et devenir une expression de notre santé fondamentale. Elles deviennent l'expression de la précision et de la clarté de l'état d'esprit éveillé. |
Si l'on pénètre la stratégie consistant à créer des pensées, qui se chevauchent continuellement, alors les seigneurs agitent des émotions pour nous distraire. La qualité excitante, colorée, dramatique de ces émotions capte notre attention et nous absorbe comme le ferait un bon film. Dans la pratique de la méditation, on ne les encourage pas, et on ne les réprime pas non plus. En les voyant clairement, en les laissant être ce qu'elles sont, on ne les laisse pas plus longtemps nous distraire et nous divertir. En l'absence de pensées et d'émotions, les seigneurs sortent une arme encore plus puissante : LES CONCEPTS.
Etiquetés, les phénomènes produisent l'illusion d'un monde fini de "choses" solides. Un tel monde solide nous assure que nous aussi sommes quelque chose de solide, de continu.
L'ego tente constamment d'acquérir et d'appliquer les enseignements spirituels à son propre bénéfice.
Il nous faut pourfendre la rationalisation du sentir spirituel et de nos propres actions, et aller au-delà, si nous voulons réaliser la véritable spiritualité. Mais in n'est pas facile d'aborder une telle rationalisation, parce que tout est vu à travers le filtre de la philosophie et de la logique de l'ego, de sorte que tout paraît clair, précis et cohérent. A chaque question, nous tâchons de trouver une réponse qui nous justifie.
Il est important de voir que le point essentiel de toute pratique spirituelle est de sortir de la bureaucratie de l'ego, de ce constant désir qu'a l'ego d'une forme plus haute, plus spirituelle, plus transcendante du savoir, de la religion, de la vertu, de la discrimination, du confort, sortir du matérialisme spirituel. Le véritable amateur d'art n'accumule ni le savoir ni la beauté, il jouit pleinement de chaque objet. C'est fondamental. Si l'on apprécie réellement un bel objet, on s'identifie complètement avec lui et l'on s'oublie soi-même.
Si nous considérons la connaissance comme une "sagesse antique" à amasser, nous faisons fausse route!
Il ne faut pas imiter le Maître, essayer de devenir un double du Maître, les enseignements sont une expérience absolument personnelle. Il faut s'accorder la faveur de se faire confiance, se fier à sa propre intelligence. Nous sommes des gens extraordinaires qui avons en nous des choses fabuleuses. Simplement, il nous faut nous laisser être.
Les mécanismes de défense de l'ego impliquent que l'on se vérifie, ce qui est une forme superflue d'introspection. La méditation ne signifie pas méditer sur un objet particulier en se vérifiant, on s'identifie complètement avec les techniques que l'on emploie, quelles qu'elles soient. Dès lors on ne s'efforce pas de se sécuriser par la pratique de la méditation. Les gens ont peur de la vacuité de l'espace, de l'absence de compagnie, de l'absence d'ombre.
Nous devrions arrêter d'essayer de nous protéger et de nous améliorer. Il est possible que nous ayons entrevu la futilité de notre combat et que nous souhaitions lâcher prise, abandonner complètement nos efforts pour nous défendre.
le Lâcher prise, signifie s'ouvrir complètement, essayer d'aller au-delà de la fascination et de l'attente. Lâcher prise, cela veut aussi dire que l'on reconnaît les qualités rudes, grossières, maladroites et choquantes de son propre ego, et que cette reconnaissance est un abandon.
Se tenir en estime ou se blâmer, ce sont là fondamentalement des tendances névrotiques qui proviennent de ce que nous n'avons pas suffisamment confiance en nous-mêmes, "confiance" dans le sens de voir ce que nous sommes, savoir ce que nous sommes, et savoir que nous pouvons nous permettre de nous ouvrir. La déception est le meilleur véhicule que l'on puisse utiliser sur le sentier du dharma. Elle infirme l'exitence de notre ego et de ses rêves.
Il est encore une autre façon de nous retenir, de ne pas lâcher réellement prise, lorsque nous avon sle sentiment d'être des gens très fins, des gens sophistiqués et dignes."je ne vais certainement pas m'abandonner à cette réalité de la rue, sale et ordinaire".
Traditionnellement, l'abandon est symbolisé par des pratiques comme la prosternation, en même temps, on s'ouvre complètement en s'identifiant avec ce qu'il y a de plus bas, en reconnaissant notre caractère brut et grossier. Ainsi, on se prépare à être un réceptacle vide, prêt à recevoir les enseignements.
...
(...) ce qui compte, c'est combien vous vous êtes fréquenté vous-même. Pour nous ouvrir, il nous faut pourfendre notre désir de préserver nos existence propre. Alors nous pouvons voir la situation clairement, telle qu'elle est, et avoir une action juste. Le point fondamental est qu'il est inutile de lutter si vous voulez vous ouvrir,. Une fois que vous avez engagé vos pas dans le sentier, si vous abandonnez la lutte, cela règle tout le problème. L'instinct simiesque de l'ego se dissout, parce qu'il est fondé sur de l'information de seconde main, plutôt que sur l'expérience directe de ce qui est. LA LUTTE EST L'EGO.
Dès que l'on essaie de démêler le passé, alors on entre dans l'ambition et la lutte dans le moment présent, sans être capable de l'accepter tel qu'il est. C'est une solution très lâche. Il n'est pas sain de considérer notre thérapeute ou notre gourou comme un sauveur. Il nous faut travailler sur nous-mêmes. Il n'y a pas d'autre alternative.
l'étape suivante dans le sentier de l'auto-illusion est-elle le désir de voir des miracles.
Nous commençons à réaliser que l'auto-illusion ne fonctionne pas du tout, que c'est une simple tentative de nous réconforter, de rester en contact avec nous-mêmes, intérieurement, de nous prouver quelque chose, plutôt que d'être réellement ouverts. Peut être en viendrons-nous à nous punir nous-mêmes : "Si j'essaye de ne pas m'illusionner, c'est une nouvelle sorte d'auto-illusion; et si j'essaye d'éviter cela, je m'illusionne encore. Comment me libérer?... ainsi continue la réaction en chaîne sans fin....
(...)
"Le problème est que nous cherchons une réponse facile et indolore. Mais ce type de solution est inopérant sur le sentier spirituel, sur lequel nous naurions peut-être pas dû nous engager. Mais une fois que nous y sommes, cest dur, cest douloureux, et nous allons en baver. Nous nous sommes engagés dans la souffrance consistant à nous exposer, à nous déshabiller, à donner notre peau, nos nerfs, notre cur, notre cerveau, jusqu'à ce que nous soyons offerts à lunivers. Rien ne doit rester *. Ce sera terrible, crucifiant, mais cest comme ça."
extraits de causeries contenues
dans :
édition point sagesse, éditions du seuil, 1976
BIOGRAPHIE :
TRADUCTIONS PUBLIÉES EN
FRANÇAIS
VIDYADHARA CHÖGYAM TRUNGPA RINPOCHÉ
(ANVIER 2000)
(L') AUBE DU TANTRA
(Dawn of Tantra)
Traduction : le nom du traducteur n'est pas mentionné
Paris : Albin Michel, 1982
ISBN 2-226-01433-0
BARDO : AU-DELÀ DE LA
FOLIE
(Transcending Madness)
Traduction : Stéphane Bédard
Paris: Éditions du Seuil, 1995
ISBN 2-02-019875-4
(LE) COEUR DU SUJET
(The Heart of the Buddha)
Traduction : Stéphane Bédard
Paris: Éditions du Seuil, 1993
ISBN 2-02-015673-3
DHARMA ET CRÉATIVITÉ :
LA PERSPECTIVE DU BOUDDHISME
DANS LA CRÉATION ARTISTIQUE
(Dharma Art)
Traduction : Stéphane Bédard
Paris: Guy Trédaniel Éditeur, 1999
ISBN 2-84445-117-9
(L') ENTRAÎNEMENT DE
L'ESPRIT ET L'APPRENTISSAGE DE LA BIENVEILLANCE
(Training the Mind and Cultivating
Loving-Kindness)
Traduction : Richard Gravel
Paris: Éditions du Seuil, 1998
ISBN 2-02-022591-3
FOLLE SAGESSE
(Crazy Wisdom)
Traduction : Zéno Bianu
Paris: Éditions du Seuil, 1993
ISBN 2-02-015674-1
JEU D'ILLUSION: VIE ET
ENSEIGNEMENT DE NAROPA
(Illusion's Game: The Life and Teaching of
Naropa)
Traduction : Stéphane Bédard
Paris: Éditions du Seuil, 1997
ISBN 2-02-024742-9
(LE) LIVRE DES MORTS
TIBÉTAIN
(The Tibetan Book of the Dead)
Traduction : Marie-Laure Aris
Paris: Le Courrier du Livre, 1979
ISBN 2-7029-0147-6
MANDALA; UN CHAOS ORDONNÉ
(Ordely Chaos: the Mandala Principle)
Traduction : Richard Gravel
Paris: Éditions du Seuil, 1994
ISBN 2-02-017781-1
MÉDITATION ET ACTION
(Meditation in Action)
Traduction : Armel Guerne
Paris: Librairie Arthème Fayard, 1972;
repris par les Éditions du Seuil
ISBN 2-02-006135-3
(LE) MYTHE DE LA LIBERTÉ
ET LA VOIE DE LA MÉDITATION
(The Myth of Freedom and the Way of
Meditation)
Traduction : Vincent Bardet
Paris: Éditions du Seuil, 1979
ISBN 2-02-005146-x
NÉ AU TIBET
(Born in Tibet)
Traduction : Michel et Anne Berry
Paris: Buchet / Chastel, 1968; repris par les
Éditions du Seuil
ISBN 2-02-013009-2
PRATIQUE DE LA VOIE
TIBÉTAINE:
AU-DELÀ DU MATÉRIALISME SPIRITUEL
(Cutting Through Spiritual Materialism)
Traduction : Vincent Bardet
Paris: Éditions du Seuil, 1976
ISBN 2-02-004395-5
SHAMBHALA : LA VOIE
SACRÉE DU GUERRIER
(Shambhala: The Sacred Path of the Warrior)
Traduction : Richard Gravel
Paris: Éditions du Seuil, 1990
ISBN 2-02-012642-7
TANTRA : LE RUGISSEMENT DU
LION
(The Lion's Roar: An Introduction to Tantra)
Traduction : Vincent Bardet
Paris: Éditions du Seuil, 1996
ISBN 2-02-019822-3; 2-02-030547-x.
VOYAGE SANS
FIN : LA SAGESSE TANTRIQUE DU BOUDDHA
(Journey Without Goal: The Tantric Wisdom of
the Buddha)
Traduction : Stéphane Bédard
Paris: Éditions du Seuil, 1992
ISBN 2-02-014692-4