BIOGRAPHIE DE MAX HEINDEL

23 Juillet 1865: Naissance près de Copenhague, Danemark.

1905: Echec des R.C pour le développement des enseignements R.C.

Fin 1907: Départ pour Berlin. Assiste aux conférences de R. Steiner, déception. Rencontre un des Frères Aînés de l'Ordre des R.C.

Sep. 1908: Fin du manuscrit Cosmo. Conférence. Articles de journaux.

Nov. 1909: Publication de la Cosmogonie Rosicrucienne.

Fin 1909: Fondation des centres de l'Association de Columbus, Seattle, North Yakima et Portland.

1911: Le siège directeur est encore à Océan Parc. Acquisition d'un terrain à Mount Ecclesia de 40 âcres.

25 déc. 1920: Consécration de l'Ecclesia, le Temple, lieu où l'on officie le service de guérison des malades.

1913: Livre: "Franc-Maçonnerie et Catholicisme".

6 Jan. 1919 à 20:25:  Mort de Max Heindel.

Ce texte provient d'une causerie de Corinne Heline, faite à Mount Ecclesia le 23 juillet 1965, à l’occasion de la commémoration du centenaire de la naissance de Max Heindel.

Chers amis, mon cœur est rempli de joie aujourd’hui, car j’ai la possibilité d’être avec vous pour commémorer cet événement et rendre un modeste hommage à notre bien-aimé Max Heindel.

Je voudrais vous raconter comment s’est déroulée ma première rencontre avec cet homme remarquable, et pour cela je vais parler brièvement de ma vie personnelle. J’espère que vous me le pardonnerez.

Vous m’avez peut-être déjà entendu dire que j’étais née et que j’avais été élevée dans le Sud profond. J’étais le seul enfant, et mes premières années furent remplies d’adoration pour ma charmante maman. Elle était toujours ma belle et merveilleuse princesse. Cependant, elle était de santé très fragile et, pendant mon enfance, je craignais de voir arriver le jour où elle disparaîtrait. Je décidais par conséquent, en ces temps anciens, que si elle m’était retirée, je supprimerais ma propre vie et partirais avec elle.

Vous voyez, à cette époque, je n’avais aucune connaissance de la Renaissance et de la loi de Cause à Effet. Je cherchais la lumière et des réponses à des questions que je ne formulais pas clairement. Je ne savais pas exactement ce que je cherchais. En conséquence, je n’avais aucune idée de l’endroit où je pourrais le trouver. Comme vous le savez tous, le Sud est profondément orthodoxe et conservateur. Mais j’étais sûre qu’il devait y avoir quelque part une meilleure réponse au problème de la vie et de la mort que celle donnée par l’orthodoxie, et j’étais déterminée à trouver cette réponse.

Pendant ce temps, la santé de ma mère devenait de plus en plus délicate, et je craignais continuellement de la perdre. Quelques mois avant sa maladie finale, une amie m’appela au téléphone pour me dire qu’elle avait trouvé un nouveau et merveilleux livre qui, elle en était sûre, contenait exactement ce que je cherchais. Je me rendis chez elle dans l’après-midi et, comme vous l’avez deviné, ce livre était La Cosmogonie des Rose-Croix.

Quand je vis l’emblème de la Rose-Croix et lu que par nos vies personnelles nous pouvions apprendre à transmuer les roses rouges en rose blanche, je compris que j’avais enfin trouvé ma voie. Le soir même, avant de me coucher, j’avais commandé à Oceanside cet ouvrage inestimable et ma demande était dans la boite aux lettres. Je comptais les jours jusqu’à l’arrivée du livre, et juste au moment de sa réception, le docteur déclara que ma mère devait subir une très grave opération. Alors, je vécus chaque jour avec ce livre. Je dormais avec lui sous mon oreiller, car, d’une manière inexplicable, il semblait m’apporter la seule consolation que le monde entier pouvait me donner. Après l’opération de ma mère, le docteur déclara qu’il n’y avait aucun espoir de la sauver et qu’il ne lui restait que quelques mois à vivre.

J’avais toujours avec moi mon livre béni. Puis un jour, soudainement, une nouvelle pensée me vint à l’esprit. Devrais-je supprimer ma vie et partir avec ma mère comme je l’avais toujours envisagé, ou devrais-je aller à Oceanside et consacrer ma vie à l’œuvre de Max Heindel ? La question contenait la réponse. Ma décision fut prise, et dix jours après le décès de ma mère, j’étais dans le train, la Cosmo sous le bras, en direction de la Californie et de Max Heindel. Il me semblait qu’il était le seul au monde à pouvoir apaiser mon chagrin.

Oh ! je voudrais pouvoir vous le décrire exactement comme je le vis le premier jour, ici à Mount Ecclesia. Il vint à ma rencontre les deux mains grandes ouvertes, et son doux visage rayonnait la tendresse, la sympathie et la compassion. Maintenant, comprenez bien ceci, je n’avais jamais eu aucun contact personnel avec lui. Je le connaissais seulement à travers son livre, et vous pouvez imaginer ma surprise et ma stupéfaction quand il prit mes mains dans les siennes et me dit si tendrement : "Mon enfant, j’ai été avec vous souvent le jour et la nuit pendant la terrible épreuve que vous venez de traverser. Je savais que quand elle serait terminée vous viendriez vers moi. Maintenant vous faites définitivement partie de mon travail."

Chers amis, cela a été un jour mémorable de mon existence. Ce fut le jour où je me consacrais entièrement à la vie spirituelle et à la philosophie rosicrucienne.

Pendant cinq merveilleuses années, j'ai eu le privilège de connaître cet homme sage, d'étudier et d'être instruite sous sa direction. J'ai toujours considéré ces cinq années comme étant les plus belles et les plus spirituellement fructueuses de toute ma vie. Je voudrais être capable de vous décrire cet homme merveilleux tel que je l'ai connu. Quand je pense à ses nombreuses et belles qualités, je crois que celle que j'admirais le plus était son exquise humilité. Il était constamment désireux d'apporter son aide et de servir partout où cela était possible, mais il maintenait toujours fermement la personnalité de Max Heindel à l'arrière-plan. En observant la grande simplicité de sa vie, j'ai souvent pensé aux paroles de Notre Seigneur, le Christ : "De moi-même, je ne suis rien. C'est mon Père qui accomplit toutes choses."

Je pense, chers amis, que Max Heindel représentait le plus parfait mélange du mystique et de l'homme pratique que j'aie jamais rencontré. Il était si simple et si humble. Il accomplissait avec beaucoup de bonne grâce les tâches les plus modestes et les plus ingrates. Il était capable de se rendre à l'étable et de traire la vache si nécessaire, car, vous savez, nous avions à cette époque une étable et une vache, ici, à Mount Ecclesia. Il s'occupait de la ruche, car nous avions aussi des abeilles. Il grimpait sur les poteaux du téléphone pour réparer un fil cassé. Il plantait des arbres, bêchait le jardin et récoltait des légumes. Il faisait toutes ces choses simples avec le même sérieux et le même enthousiasme que lorsqu'il allait travailler à son bureau, donner des cours ou faire des conférences, afin de diffuser largement ses grandes connaissances, ou peut-être encore, avec le même état d’esprit qui l’animait lorsqu’il allait rencontrer l'Instructeur qui le guidait dans sa grande œuvre.

Le samedi soir, il avait généralement pour habitude d'organiser une réunion de "questions et réponses" dans la bibliothèque. Il y avait une longue table qui s'étendait sur toute la longueur de la pièce, et les étudiants s'installaient autour de cette table, tandis que Max Heindel se tenait à une extrémité pour répondre aux questions. Chaque étudiant pouvait poser une question qu'il devait écrire sur un papier. Max Heindel rassemblait alors les questions et il y répondait successivement. En l'observant soigneusement, je remarquais qu'il devinait toujours, intuitivement, à quelle personne appartenait une question. En conséquence, il s'adressait toujours à cette personne. Au cours des nombreuses fois où j'ai assisté à ces séances mémorables, il ne fit jamais une erreur sur l'identité du questionneur. Il était toujours clair et précis, et il n'abandonnait jamais un sujet avant d'être sûr que la personne qui avait posé la question était entièrement satisfaite de sa réponse.

Ce fut pendant ces séances merveilleusement enrichissantes que je me rendis compte pour la première fois de la place importante que prendraient la couleur et la musique dans la préparation du monde pour le Nouvel Age. Max Heindel avait annoncé qu'une heure serait consacrée à ces séances de questions et réponses. Cependant, le plus souvent, cette heure se prolongeait et la séance durait deux, deux et demi ou même trois heures. Ces moments étaient si intéressants que le temps semblait s'enfuir sur les ailes du ravissement.

Chers amis, je voudrais pouvoir vous dire ce que Mount Ecclesia représentait pour Max Heindel. Combien il aimait cet endroit ! Il connaissait le destin exceptionnel réservé à l'œuvre qui allait s'y accomplir. A cette époque, il y avait un banc au-dessous de la Rose-Croix lumineuse qui se dressait dans le parc. Il avait l'habitude, chaque soir avant de se coucher, de s'y asseoir pendant quelques minutes, ou peut-être une heure, en prière et méditation, répandant l'amour et bénissant cette terre sainte ainsi que ceux qui y vivaient et y travaillaient si fidèlement.

Je voudrais pouvoir vous décrire la lumière qui éclairait son cher visage lorsqu'il regardait avec beaucoup de respect et de dévotion la Rose-Croix, qui signifiait tant pour lui. Il ne se lassait jamais de nous raconter les merveilleuses choses qui étaient en réserve pour Mount Ecclesia. Il parlait souvent de la Panacée, la formule dont les Frères de la Rose-Croix sont les gardiens et que les Disciples qui en seront dignes pourront un jour utiliser pour la guérison et le soulagement des foules qui viendront du monde entier jusqu'à ce lieu sacré.

Il nous parlait de son rêve d'un beau théâtre grec dont la construction serait envisagée dans le canyon au-dessous de la Chapelle et dans lequel seraient interprétées des pièces contenant un message spirituel et des vérités occultes, comme les grands drames de Shakespeare et d'autres tragédies classiques inspirées. Il voyait aussi l'époque où Mount Ecclesia aurait son propre et superbe orchestre composé d'étudiants permanents. Cet orchestre exécuterait dans le théâtre les œuvres des maîtres compositeurs, en particulier celles de Beethoven et de Wagner, qu'il considérait comme des grands musiciens initiés. Il disait aussi qu'un jour il y aurait ici des classes enseignant la musique initiatique.

Max Heindel aimait parler des Frères Aînés et dire comment, en étudiant la Mémoire de la Nature, ils avaient pu prévoir la condition actuelle du monde. Et c'est pour cette raison, comme vous le savez, qu'ils ont donné la Philosophie Rosicrucienne.

Chers amis, l'âme du monde est aujourd'hui malade, remplie de chagrins et angoissée par des interrogations qui restent sans réponses. Ce que le monde cherche réellement est une science plus spirituelle et une religion plus scientifique. La Philosophie Rosicrucienne apporte une solution à cette recherche. Cette Philosophie n'est que la continuation du grand Enseignement apporté sur Terre par Notre Seigneur Jésus-Christ et donné aux douze Apôtres immortels. Elle contient le don inestimable que nous a fait le Christ, c'est-à-dire l'Initiation Chrétienne, qui est le cœur de la religion future de l'Age du Verseau. Max Heindel comprenait parfaitement cela. Il connaissait le destin grandiose réservé à son œuvre. Par conséquent, il ne se laissait jamais décourager par les difficultés. Il gardait toujours les yeux fixés sur les étoiles.

Chers amis, c'est pour nous un privilège exceptionnel d'être ici les continuateurs de cette Grande Œuvre ainsi que les gardiens de ce lieu béni, mis en réserve par les Grands Etres, et qui est un terrain d'entraînement particulier pour ceux qui peuvent passer les épreuves rigoureuses qui les rendront dignes d'être comptés parmi les pionniers du Nouvel Age.

Ainsi, mes chers amis, suivons les traces de Max Heindel. Soyons unis dans la paix, l'harmonie et l'amour afin que nous puissions accomplir notre part du travail auquel notre bien-aimé leader consacra et sacrifia finalement sa vie. Levons ensemble les yeux vers les étoiles, comme il le disait. Abordons ce monde avec une nouvelle lumière, une nouvelle énergie et un nouvel espoir, car c'est seulement de cette manière que nous réussirons dans notre quête et que nous pourrons voir se réaliser la glorieuse destinée de cette Grande Œuvre. Celle-ci est le fondement de la religion qui sera l'âme et la clef de voûte du nouvel Age du Verseau. Puisse Dieu vous bénir tous, tout au long de votre chemin vers la Lumière Eternelle.

Première partie

Max Heindel - L'Ordre des Rose-Croix et l'Association Rosicrucienne

Cela fait des années que des amis insistent pour que j’écrive mes Mémoires concernant Max Heindel, afin que je raconte mes souvenirs se rapportant à notre collaboration intime ainsi qu'à la naissance et à la formation de l’Association Rosicrucienne. Cela a été enfin possible. Jusqu’ici, la pression permanente, le développement rapide du mouvement et le travail de pionnier ne le permettaient pas. Mais maintenant la tâche commence à devenir moins lourde. L’environnement de mon nouveau cottage, dans lequel je suis finalement installée, est si agréable, et les vibrations sont si harmonieuses et si pures, que les pensées arrivent librement et qu’il est maintenant possible de les traduire sur le papier.

Je vais, dans cet ouvrage, revenir sur le tout début de mon association avec Max Heindel. Cela mettra ma personne en évidence, mais je ne peux l’éviter, car les deux egos connus sous les noms de Max Heindel et Augusta Foss Heindel sont si étroitement unis qu’il serait vain de vouloir rendre compte des activités de l’un en excluant l’autre.

Au cours de l’automne de l’année 1901, l’auteur faisait office d’ouvreuse lors d’une conférence donnée à Blanchard Hall, Los Angeles, Californie, par C.W. Leadbeater, l’ancien leader théosophe, et elle conduisit un homme à l’air très aimable jusqu’à un siège. Le lendemain après-midi, alors qu’elle aidait le bibliothécaire à servir les visiteurs dans les locaux de la Société Théosophique, le même homme aimable pénétra dans la pièce et demanda le prêt d’un livre écrit par le conférencier qu’il avait entendu la veille. Après une courte conversation, l’auteur se rendit compte qu’il était un voisin et, en conséquence, il fut invité à lui rendre visite ainsi qu’à sa mère qui était âgée. Cette visite fut suivie par d’autres et il en résultat une très belle amitié et des études conjointes. Max Heindel devint un véritable ami de ma mère et il passait de nombreuses heures à parler avec elle des anciens philosophes, car ma mère lisait beaucoup.

Max Heindel devint membre de la Loge Théosophique de Los Angeles et fut un des plus enthousiastes admirateurs de Madame Blavatsky et de sa Doctrine Secrète. Il n’était cependant pas entièrement satisfait des enseignements orientaux et il était toujours en quête d’une philosophie chrétienne. Rapidement, il fut élu vice-président de la Loge. Pendant les trois années où il fut vice-président, certains membres de la Loge s’intéressèrent à l’astrologie. Max Heindel était l’un d’entre eux, et l’auteur (étudiante depuis des années) les aidait dans leur étude des astres, car auparavant les membres de la Loge étaient défavorables à l’astrologie et seule Miss Foss s’y intéressait. En peu de temps, Max Heindel devint très compétent. Son esprit pénétrant saisissait rapidement le côté mathématique de cette science.

Au cours de l’été 1905, il tomba gravement malade et fut pendant des mois à la porte de la mort, en raison d’une faiblesse cardiaque. Après cette maladie, il se retira de la Loge Théosophique, et en avril 1906 il partit pour le nord du pays. Il arriva à San Francisco le matin du 17 avril, mais il se sentit mal à l’aise, quelque chose le poussait à partir immédiatement pour Seattle, ce qu’il fit. Le 18 avril 1906, San Francisco fut dévasté par un tremblement de terre et un incendie.

En arrivant à Seattle, il commença à donner des cours ayant pour sujet l’astrologie, la renaissance, etc., mais sa santé s’altéra de nouveau. Son pauvre cœur ne voulait plus fonctionner. Il passa encore un certain temps à l’hôpital, mais une volonté indomptable l’empêchait toujours de devenir un invalide chronique. Contre l’avis de son médecin, il reprit son travail de conférencier et d’enseignant. Il donna des cours à Portland (Oregon), Seattle et Yakima (Washington), Duluth (Minnesota), et il eut beaucoup de succès.

A cette époque, une de ses amies qui voyageait en Allemagne avait pris contact avec le Dr Rudolph Steiner et elle était remplie d’admiration pour les enseignements du Docteur. Dans ses lettres, elle pressait Max Heindel de venir en Allemagne pour écouter cet homme. Mais Max Heindel était très satisfait de son travail dans le Nord et, de plus, il n’avait pas les moyens financiers pour entreprendre un tel voyage. Mais cette amie était si insistante qu’elle revint en Amérique pour le persuader en personne de l’accompagner à son retour en Allemagne afin de rencontrer ce professeur. Elle lui offrit de payer le prix du voyage et le décida finalement à abandonner ses cours et à partir pour l’Allemagne.

Le voyage eut lieu à l’automne 1907. Après avoir assisté à plusieurs cours et conférences du Dr Steiner, Max Heindel fut déçu et commença à s'impatienter, car il savait déjà ce qui était expliqué. Cet enseignement était semblable à sa propre connaissance. Quand il en fit part à son amie, celle-ci fut profondément froissée et leur amitié fut brisée. Il retourna dans sa chambre, triste et découragé, se disant qu’il avait abandonné un travail utile en Amérique pour venir en Europe uniquement pour apprendre qu’il n’avait pas trouvé ce qu’il cherchait. Il commença aussitôt à préparer son retour en Amérique.

A ce moment, l’Instructeur, un Frère Aîné de l’Ordre de la Rose-Croix, un des Hiérophantes des Mystères, se présenta à lui et lui offrit de lui donner les enseignements qu’il désirait à condition qu’il les garde secrets. Max Heindel avait, depuis des années, cherché et prié afin de pouvoir trouver quelque chose qui puisse apaiser la faim spirituelle du monde. Connaissant les aspirations ardentes de son propre cœur, il ne put rien promettre au Frère Aîné et il refusa d’accepter des enseignements qu’il ne pourrait pas transmettre à ses frères spirituellement affamés. L’Instructeur le quitta.

Peut-on imaginer ce que ressentirait un homme privé de nourriture depuis un certain temps et à qui on offrirait un morceau de pain qui lui serait repris avant même qu’il ait commencé à le manger ? Sa nouvelle condition serait pire que la première. Max Heindel était dans ce cas. Son désappointement était intense. Il avait effectué un long trajet pour rencontrer un homme qui d’après son amie avait beaucoup de nouvelles connaissances occultes à lui transmettre. Mais son amie s’était trompée.

Il resta assis, accablé, pendant des heures après le départ de l’Instructeur. Déçu d’avoir à retourner en Amérique pour reprendre ce qu’il avait abandonné et sentant qu’il avait perdu son temps et son argent, il vécut des jours malheureux. Plus tard, l’Instructeur apparut une nouvelle fois dans sa chambre et lui dit qu’il avait passé avec succès son épreuve. S’il avait accepté l’offre de garder secrets les enseignements, lui, le Frère Aîné, ne serait pas revenu. Il lui dit aussi que le candidat qu’ils avaient choisi en premier, et qui avait été sous leur direction pendant des années, avait échoué dans son épreuve en 1905. Incidemment, il avait servi à attirer Max Heindel à Berlin, et son amie avait été utilisée pour le persuader de s’y rendre. Il apprit aussi qu’il était sous l’observation des Frères Aînés depuis des années, étant considéré comme le candidat le plus apte à remplacer le premier en cas d’échec. On lui dit encore que les enseignements devraient être diffusés dans le public avant la fin de la première décennie du siècle, qui se terminerait en décembre 1910.

Au cours de cette dernière entrevue avec l’Instructeur, il reçut des indications sur la manière de se rendre au Temple de la Rose-Croix. Max Heindel passa un peu plus d’un mois dans ce Temple à recevoir les instructions personnelles des Frères Aînés. Ceux-ci lui donnèrent la plus grande partie des enseignements contenus dans la Cosmogonie des Rose-Croix.

Max Heindel avait toujours rêvé de s’affilier à un ordre humanitaire, mais il n’avait jamais souhaité devenir un dirigeant. Cependant, si nous croyons au langage des astres et si nous consultons son horoscope, nous verrons que son Ascendant est sur le sixième degré du Lion et que le Soleil, la Lune, Mercure et la Part de la Fortune sont en conjonction avec l’Ascendant ou situés en Maison 1. Il était né pour diriger et non pour suivre, car sa mentalité et sa personnalité en faisaient un leader.  

Max Heindel n’avait pas une nature dominatrice et ne cherchait pas à se mettre devant les autres, mais il était toujours considéré comme quelqu’un qui savait et à qui on pouvait faire confiance. Naturellement, une telle personne est toujours placée à des postes de responsabilité et de direction. Le Soleil et la Lune en conjonction avec l’Ascendant le prédisposaient à occuper les premiers rangs. En outre, les bons aspects de Vénus, située dans la maison des amis, lui amenaient toujours des amis loyaux et fidèles qui favorisèrent ses promotions. Vénus indique en particulier les amitiés féminines, et nous pouvons citer le cas de cette amie qui insista pour le faire venir en Allemagne où, d’une manière inattendue, il prit contact avec les Frères Aînés de la Rose-Croix.

Le plus grand handicap de Max Heindel était un corps physique blessé et meurtri. A l’âge de huit ans, il fut accidenté à la jambe gauche en jouant avec d’autres garçons sur le chemin de l’école. La ville de Copenhague (Danemark) avait de nombreux canaux ou plutôt des fossés, avec des berges, qui étaient utilisés pour transporter l’eau d’irrigation dans différentes parties de la ville. Les garçons sautaient par-dessus ces fossés, qui par endroits étaient assez larges, et le jeune Max en en franchissant un retomba lourdement, le talon en avant, ce qui lui causa une douleur atroce. Bien qu’étant en retard, il alla à l’école et resta assis le reste de la journée avec un pied douloureux. Toute la nuit, il souffrit encore, mais il n’osait pas en parler à sa mère, car la veille, quand cela était arrivé, les garçons faisaient l’école buissonnière. En classe, le jour suivant, il s’évanouit et il fut nécessaire de couper sa chaussure pour dégager son pied enflé.

Il passa alors seize mois dans un hôpital de Copenhague. Trois trous furent forés dans l’os de la jambe, en dessous du genou, et plusieurs vaisseaux sanguins furent retirés, ce qui rendit impossible une circulation normale. En conséquence, lorsqu’il atteignit l’âge mûr, après une vie de grande activité et de dur labeur, le cœur devint incapable de résister à la tension et une valvule commença à fuir. Bien entendu, il souffrait beaucoup et régulièrement, au bout de quelques mois, le corps se rebellait et l’obligeait à s’aliter. C’est ainsi qu’à la suite des tournées épuisantes de conférences et de cours donnés pour l’Association, il passait beaucoup de son temps au lit. Bien calé par des oreillers, avec son stylo et du papier pour écrire posé sur un carton, il rédigeait les lettres et les leçons mensuelles qui étaient si impatiemment attendues par les nombreux étudiants et candidats du monde entier.

Quand il parvint au Temple de la Rose-Croix, comme on le lui avait indiqué, il fut particulièrement surpris, car dans son idée il s’était représenté cet édifice comme une belle et imposante construction, et il en était tout autrement. Il fut introduit dans ce qui était apparemment la modeste mais spacieuse demeure d’un gentilhomme campagnard, un bâtiment que personne n’aurait jamais pris pour le Siège mondial d’un ancien et puissant groupe de mystiques. Des centaines de curieux, hommes et femmes, ont parcouru l’Allemagne à la recherche de cette construction. Mais, comme Max Heindel, ils pensaient trouver un Temple grandiose. C’est pourtant ce qu’il découvrit lorsque ses yeux s'ouvrirent à la perception du Temple spirituel qui interpénétrait et enveloppait la structure physique.

C’est là, comme nous l’avons déjà dit, qu’il reçut des Frères Aînés les enseignements contenus dans ce merveilleux livre : la Cosmogonie des Rose-Croix, qui devait être le manuel de base de l’Association qu’il était appelé à créer : The Rosicrucian Fellowship. On lui dit aussi que les 350 pages, ou plus, de ce manuscrit devraient être réécrites et augmentées quand il parviendrait dans l’atmosphère électrique de l’Amérique. Max Heindel doutait de cela, car il était si enthousiasmé par ce qu’il avait reçu des Frères Aînés qu’il n’imaginait pas le réécrire. Ce fut cependant le cas. Il arriva à New York avec très peu d’argent mais beaucoup d’entrain, et il loua une petite chambre à l’étage supérieur d’une maison de location. Il restait assis à travailler, pendant les chaudes journées d’été, depuis le matin de bonne heure jusque tard dans la soirée, sans même prendre le temps de se nourrir correctement pour rester en bonne santé. Il achetait une boite de biscuits et le laitier déposait une bouteille de lait à sa porte, ce qui constituait sa ration journalière jusqu’à ce que tard dans la soirée il fasse une promenade et prenne son unique repas complet.

Après quelques semaines de fortes chaleurs, il quitta New York pour Buffalo, où il s’efforça de donner des conférences destinées à couvrir ses dépenses, car il avait peu d’argent. Dans cette ville, il n’obtint pas de résultats encourageants et il alla à Colombus (Ohio), où il fut très bien reçu. Il réussit à soulever l’intérêt et à obtenir l’aide dont il avait besoin pour finir son livre. Il donna sa première conférence dans cette ville le soir du 14 novembre 1908. Une artiste, Mme Mary Rath Merrill, et sa fille lui offrirent aimablement de dessiner les tableaux nécessaires à l’explication de certains passages du livre.

C’est à Colombus (Ohio) que Max Heindel acheta un duplicateur d’occasion afin de reproduire les vingt conférences du Christianisme de la Rose-Croix. Il passait des heures à travailler, tard dans la nuit, pour en tirer des copies qu’il distribuait aux assistants à la fin de chaque conférence. C’est là aussi qu’il constitua un Groupe Rosicrucien qui continua à répandre l’enseignement après son départ pour Seattle. L’unique prière de Max Heindel était de pouvoir faire imprimer son livre : la Cosmogonie des Rose-Croix. Mais les faibles contributions versées par ceux qui assistaient à ses conférences étaient tout juste suffisantes pour lui permettre de se nourrir simplement et de payer le loyer d’une modeste chambre. Finalement, il économisa assez d’argent pour acheter son billet de chemin de fer (pour Seattle), mais il pris le train de jour car il n’avait pas les moyens de se payer une couchette. (De Colombus à Seattle il faut traverser la presque totalité des Etats-Unis - N.D.T. -) Il avait une amie très chère à Portland, Mme Mildred Kyle, à qui il envoyait le manuscrit du livre qu’il était en train d’écrire. Elle était remplie d’admiration pour ce merveilleux ouvrage et elle commençait à utiliser ces enseignements dans ses cours. Elle avait également engagé deux correcteurs expérimentés pour l’aider dans sa lecture de révision et faire toutes les corrections du manuscrit au fur et à mesure qu'elle le recevait. C’est elle aussi qui avait encouragé Max Heindel à retourner sur la Côte Ouest. Elle lui avait encore promis que lorsqu’il aurait entièrement terminé le manuscrit, elle y intéresserait dix femmes de ses amies qui donneraient cent dollars pour l’impression de cet ouvrage remarquable.

Un autre ami de Max Heindel était William Patterson, de Seattle. Après avoir lu le manuscrit, il pensa d’abord que son contenu était trop avancé pour le monde de l’époque. Il conseilla d’attendre une vingtaine d’années jusqu’à ce que le monde soit mieux préparé à recevoir cet enseignement. Mais quand il entendit parler des intentions des gens de Portland, il offrit aussitôt de payer l’impression et il proposa à Max Heindel de venir avec lui à Chicago (où se ferait l'impression). Les deux hommes passèrent là-bas un certain temps, tandis que M. A. Donehue & Co imprimèrent les deux mille exemplaires de la première édition.

Cependant, avant que le texte du livre puisse être donné aux imprimeurs, il fut nécessaire que Max Heindel retape à la machine le manuscrit entier, car des crayons de quatre couleurs différentes avaient été utilisés par ceux qui, aimablement, avaient participé à la préparation du manuscrit. Un important travail de mise en forme fut accompli avec soin par Jessie Brewster et Kingsmill Commander. Max Heindel retapa entièrement les 536 pages de ce merveilleux livre. Des répertoires et quelques suppléments furent ajoutés plus tard. Il rédigea un index par thème afin de permettre aux lecteurs d’étudier systématiquement chaque sujet. La seconde aussi bien que la première frappe de cet imposant manuscrit fut faite par Max Heindel sur une petite et vieille machine à écrire de marque Blickensderfer.

L’impression des deux mille exemplaires de la première édition de la Cosmogonie des Rose-Croix fut achevée en novembre 1909, et, afin de disposer d’un centre de distribution, les livres furent entreposés chez une femme qui dirigeait une maison d’édition théosophique à Chicago. Celle-ci offrit d’exécuter toutes les commandes qui lui seraient adressées. Les exemplaires de la première et aussi de la seconde édition de cet important ouvrage furent vendus au prix modique de un dollar. Les maisons d’édition de l’Est étaient très intéressées par le livre et les commandes arrivèrent facilement. Max Heindel, qui avait un grand cœur, avait fait confiance à cette femme. Pour lui, toute personne, homme ou femme, était honnête jusqu’à la preuve du contraire. Une triste désillusion l’attendait, car au bout de six mois il constata que la première édition était entièrement épuisée, alors qu’il avait seulement vendu cinq cents livres environ. 

Malheureusement, la vérité, qu’il apprit finalement, était que cette femme, chez qui il avait déposé ses ouvrages, était endettée auprès de tous les éditeurs qui lui confiaient des livres. Lorsqu’elle fut pressée de payer ses nombreuses dettes, elle offrit, pour la somme correspondante, des exemplaires de la Cosmogonie des Rose-Croix, et cela épuisa rapidement la première édition. Aussi, lorsque Max Heindel voulu satisfaire ses commandes dans la partie Nord-Ouest de l’Amérique à partir de Chicago, elle fut incapable de répondre à la demande.

Il fut alors nécessaire de commander d’urgence une nouvelle impression, mais son financement posait un réel problème. L’auteur fut en mesure de donner une petite somme pour permettre de couvrir les premiers frais de cette deuxième édition. La perte des livres, qui avait d’abord été considérée comme une calamité, allait se transformer en bienfait, car les éditeurs qui avaient accepté ces livres contre le paiement d’une dette s’y intéressèrent en les vendant. Ce fut une excellente occasion d’élargir la diffusion et de mettre le livre dans le public bien plus rapidement que ne pouvait le faire Max Heindel avec ses conférences et son petit nombre d’étudiants. Ainsi le vent contraire tourna favorablement.

Lorsque Max Heindel eut terminé son travail avec l’imprimeur de Chicago, il donna une série de conférences et de cours à Seattle et North Yakima (Washington) et à Portland (Oregon), où il trouva un terrain fertile et attira de nombreux membres. Il remania alors la première édition de l’Astrologie Scientifique Simplifiée (1910), qui était une brochure de quarante pages. Mais son coeur aspirait à retourner dans le sud de la Californie où il avait pris contact pour la première fois avec l’occultisme.

A Los Angeles, il s’était fait de nombreux amis pendant les trois années au cours desquelles il avait œuvré pour la Théosophie, et sa plus proche amie et compagne dans ses études était celle qu’il chérissait le plus. Il retourna à Los Angeles au début du mois de novembre 1909, et ses pas le conduisirent directement à la maison de son amie, Augusta Foss, et de sa vieille et charmante maman qu’il avait appris à aimer comme sa propre mère. Il avait été éloigné de ces amis pendant deux ans, sans correspondre avec eux, et ils n’étaient même pas au courant de sa merveilleuse rencontre et du travail littéraire qu’il avait accompli.

Augusta Foss avait aussi, pendant ces deux années, subi de dures épreuves. L’une d’entre elles était une grave maladie, une double pneumonie dont elle avait failli mourir et qui la laissait affaiblie avec des poumons fragiles. Elle avait rompu son affiliation avec la Société Théosophique car elle était incapable de sortir dans l’air du soir. Cependant, quand son ami Max Heindel annonça qu’il avait l’intention de donner des conférences à Los Angeles, elle passa outre les conseils de sa mère et elle offrit d’apporter son aide à Max Heindel au cours de ces réunions.

Une période très active de rédaction et de conférences commença alors. Max Heindel faisait des conférences dans des salles combles, contenant huit cents personnes ou plus, trois soirs par semaine, et les autres soirs il donnait des cours de philosophie et d’astrologie. Sa première classe d’astrologie à Los Angeles était composée de cent vingt cinq élèves. Un groupe très enthousiaste constitua un Centre Rosicrucien, et des instructeurs furent formés pour que l’enseignement puisse continuer à être donné après le départ de Max Heindel. Celui-ci avait en effet promis à ses amis de Seattle et de Portland qu’il retournerait chez eux dès que son travail à Los Angeles serait terminé.

Afin d’économiser le prix des annonces coûteuses dans les journaux et pour faire le maximum de publicité, Max Heindel avait acheté des centaines de fiches en carton de 25 x 20 centimètres sur lesquelles il imprimait le lieu, la date et le titre de ses conférences. Il partait ensuite avec ses cartons, emmenant également dans sa poche une boite de petits clous et un marteau. Il parcourait des kilomètres et clouait ses cartons aux endroits susceptibles d’attirer l’attention du public. Il semble que cela était efficace, car il ne donna jamais une conférence dans une salle qui n'était pas entièrement pleine. Surtout après sa première conférence, car les assistants amenaient ensuite des amis que la salle ne pouvait pas toujours contenir. Il commençait alors à distribuer des tickets à toutes les personnes qui entraient. Ces tickets leur permettaient d’assister à la prochaine conférence et d’occuper un siège.

Je ne peux m’empêcher de faire part au lecteur du prodigieux changement que j’ai observé chez cet homme après sa rencontre avec les Frères Aînés de la Rose-Croix et ses deux années d’absence de Los Angeles.

J’étudiais l’astrologie depuis environ quatre ans lorsque je convainquis Max Heindel de croire à cette science ancienne. Un jour, alors qu’il passait l’après-midi chez moi, il me demanda si son horoscope indiquait qu’il pourrait devenir un conférencier. A cette époque, il parlait avec un accent danois très prononcé et je pensais que ce serait un grand handicap. Je répondis donc qu’il pourrait faire un excellent écrivain, mais que les conférences n’étaient peut-être pas son fort. Maintenant, je constatais le changement qui s’était opéré en lui après ces deux années de voyage et d’enseignement, et en entendant ses conférences si pleines d’inspiration, j’étais vraiment surprise. Mais le plus extraordinaire était qu’après chaque conférence il répondait facilement aux questions les plus complexes et les plus techniques. Un soir, après une conférence au cours de laquelle il avait répondu à des questions très difficiles, l’auteur lui demanda d’où lui venait toute cette connaissance. Il sourit et dit : "Eh bien ! je réponds seulement ce que me dicte mon Moi supérieur."

Selon un ancien proverbe : l’homme propose et Dieu dispose. C’est ce que Max Heindel eut l’occasion de vérifier. Le soir du mercredi 1er juin 1910, il donna son dernier cours d’astrologie à Los Angeles. Il avait transféré sa classe de philosophie le soir précédent à Mme Clara Giddings, une amie très chère avec laquelle il avait travaillé quand il était auparavant dans cette ville. Ce mercredi soir, il annonça qu'Augusta Foss dirigerait la classe d’astrologie. Il expliqua aussi qu’elle avait été son professeur d’astrologie et que cela maintiendrait la cohésion des cours.

Mais c’est ici que le destin se manifesta pour retenir Max Heindel à Los Angeles jusqu’à ce qu’une certaine action soit accomplie. Ses plans furent entièrement modifiés, car le lendemain matin 2 juin il tomba gravement malade, en raison d’une insuffisance cardiaque, si malade que les médecins jugèrent son cas comme étant sans espoir. Trois médecins se tenaient près de son lit à l’Angelus Hospital de Los Angeles. Pensant qu’il était inconscient, ils délibéraient sur son état et ils étaient d’accord pour dire qu’il ne pourrait pas passer la nuit suivante. Max Heindel n’était pas inconscient, il écoutait parler les docteurs et il les entendit prononcer sa condamnation. Réalisant qu’il avait été choisi par les Frères Aînés pour transmettre leur merveilleux message au monde et prenant conscience de ses responsabilités, il décida aussitôt qu’il ne mourrait pas et qu’il mystifierait les docteurs.

Le lendemain fut une belle journée ensoleillée, une journée californienne idéale. Son amie Augusta Foss lui rendit visite vers deux heures de l’après-midi, et il lui demanda de bien vouloir le conduire sur la pelouse, quatre étages plus bas, dans une chaise roulante. Ils étaient assis à l’ombre d’un des très beaux magnolias quand les docteurs passèrent. Ils s’arrêtèrent étonnés comme s’ils voyaient un fantôme. Grande était leur surprise de constater que leur ancien malade était souriant et apparemment en voie de guérison.

Trois jours plus tard, Max Heindel téléphona à l’auteur pour lui demander si elle voulait bien lui trouver une chambre à louer proche de l’endroit où elle vivait avec sa mère. Ce qui fut fait. Le lendemain matin, quatre jours seulement après avoir été, selon les docteurs, à la porte de la mort, il se portait aussi bien que possible. Il monta l’escalier jusqu’à sa chambre et plus tard il se rendit à la maison des Foss pour déjeuner avec eux. Il les surprit en leur annonçant qu’il était sur le point d’écrire un autre livre, un ouvrage composé de questions et de réponses qu’il avait rassemblées et qui expliqueraient de nombreux problèmes de la vie.

Son intention était de louer les services d’une sténographe et de lui dicter ce livre dans les locaux de l’Association Rosicrucienne de Los Angeles. Mais quand il arriva sur place, les gens furent si heureux de sa venue qu’il ne put trouver aucun endroit tranquille. En conséquence, le livre fut dicté dans la maison de Miss Foss. Comme la pièce où il travaillait était proche de la rue, sa voix bien timbrée attirait souvent une foule de gens sur le trottoir. Les passants étaient étonnés de voir un homme causer en arpentant le plancher, avec un papier dans la main sur lequel se trouvait une question écrite par quelqu’un qui avait assisté à une de ses conférences. Il répondait à ces questions spontanément, sans un instant d’hésitation. Ma vieille maman, qui était une de ses plus ferventes auditrices, disait que dans toute sa vie elle n’avait jamais rencontré un homme possédant une telle aptitude mentale.

Ce livre : La Philosophie Rosicrucienne par Questions et Réponses, publié en 1910, est une véritable mine d’informations. Il explique la Bible mieux qu’aucun autre livre. Max Heindel travailla à cet ouvrage quelques semaines, puis, de nouveau, l’appel du Nord se fit si pressant qu’il commença à prendre ses dispositions pour embarquer sur un bateau à destination de Seattle. Il put acheter un billet, mais les couchettes étant toutes retenues, il dut attendre pour en obtenir une. Une mission à accomplir était la cause de ce retard. Il était entre les mains de la destinée, car un puissant aspect planétaire était actif, une progression de Vénus sur sa Lune radicale à l'Ascendant, et un mariage fut envisagé entre ces deux amis et étudiants, qui avaient partagé leurs connaissances ésotériques depuis plus de neuf ans, afin d’établir entre eux un lien spirituel permanent.

Je craignais de quitter ma vieille maman âgée de quatre-vingt-quatre ans et qui avait déjà souffert d’une légère attaque. C’est pourquoi le mariage fut secrètement célébré le 10 août 1910 à Santa Ana (Californie), dans l’espoir que mère chérie n’aurait pas à redouter de perdre une fille qui avait été sa compagne et qui avait pris soin d’elle depuis de nombreuses années. Max Heindel partit pour Seattle (Washington) le lendemain de la cérémonie, mais Mme Heindel resta à Los Angeles pour remplir sa mission auprès de sa mère.

L’auteur, après avoir fait ses adieux à son mari sur le bateau, monta dans un car pour retourner à Los Angeles. Elle commençait à réaliser ce qui lui arrivait, elle était devenue la femme d’une personnalité en vue, dont le travail allait aussi être le sien. Elle s’arrêta donc devant un magasin qui vendait des machines à écrire et elle entra pour demander qu’on lui livre une machine, une Underwood d’occasion. Le lendemain elle s’assit pour apprendre à taper. Sans avoir pris une seule leçon, elle écrivit à son cher époux sa première lettre. Mais quelque chose ne fonctionnait pas. Elle était sûre qu’on lui avait envoyé une mauvaise machine, car elle ne trouvait aucune lettre capitale malgré un examen des plus minutieux. Elle écrivit cependant la lettre, ne voulant pas qu’une machine interfère avec cette lettre très spéciale, la première qu’elle écrivait à son nouveau mari, et à qui elle fit part de ses ennuis avec cette machine qui n’avait pas de lettres capitales.

Elle était bien bonne ! Sa réponse lui parvint le lendemain par courrier express, car il avait reçu sa lettre en descendant du bateau. Il avait dû bien rire, mais ses explications lui permirent de trouver les redoutables LETTRES CAPITALES. Ces efforts pour apprendre à taper se révélèrent très utiles, car lorsque Max Heindel revint du Nord, gravement malade, elle put se charger de la correspondance et le travail continua en dépit de la maladie de son mari.

Max Heindel n’avait pas consulté l’Instructeur à propos de son mariage, et quand il prit possession de sa cabine sur le bateau qui l’emmenait vers le Nord, il se demanda si cela pourrait lui déplaire. Mais l’Instructeur lui apparut et le salua avec un sourire. Il lui dit qu'Augusta Foss avait été sous leur observation et même leur direction, sans qu’elle le sache, depuis un certain nombre d’années et que ce mariage serait spirituellement très fructueux. Il était aussi une sauvegarde pour sa santé en raison de la protection que cette âme lui apporterait. Mme Augusta Foss Heindel devint à partir de ce moment la représentante méridionale de l’Association Rosicrucienne.

Les intentions de Max Heindel étaient de parcourir le nord du pays, puis de se diriger vers l’est par la route du nord. Mais le destin en décida autrement. Après avoir donné des conférences à Seattle et North Yakima (Washington) et à Portland (Oregon) pendant environ six semaines, son pauvre cœur refusa une nouvelle fois de fonctionner, et il dut abandonner sa tournée de conférences pour se reposer. Mais maintenant il avait quelqu’un pour l'accueillir, et Augusta Foss aménagea un de ses petits bungalows de plage à Ocean Park pour recevoir son mari malade. Elle confia sa mère aux soins d’une sœur. Sa mère se sentait particulièrement concernée et elle acceptait volontiers de partager sa fille avec son merveilleux gendre qui était malade, car elle avait appris à aimer Max Heindel comme son fils.

Le minuscule logement de trois petites pièces fut transformé et préparé pour l’accueil. Fort heureusement, car dès que Max Heindel en franchit le seuil, il s’évanouit, malade à mourir. Pendant trois mois Mme Heindel fut à son chevet, jour et nuit. Il payait le prix de la notoriété. Le "public" admire ces personnalités éminentes, mais il exige beaucoup d’elles et il finit souvent par les tuer.

Maintenant, le public ne pourrait le trouver que par l’intermédiaire d’une boite aux lettres, et ces deux âmes furent entièrement libres de savourer leur intimité. Ce fut une lune de miel particulière mais tendre, car leur but commun était l’accomplissement d’une grande œuvre.

Malgré la maladie de Max Heindel, il n’était pas possible d’arrêter le travail. Quand il était à Seattle, il avait acheté une petite presse à imprimer, destinée à reproduire les lettres tapées à la machine. Elle fonctionnait en poussant un levier, après avoir mis en place et fixé les caractères d'imprimerie comme on doit le faire sur une presse. Quand celle-ci arriva, elle fut installée par le livreur de la compagnie de messageries. Ensuite, Augusta reçue les instructions sur la manière de s’en servir en s’asseyant près du lit de son mari malade. Ayant le sens de la mécanique, elle était bonne élève, mais son plus grand problème était d’arranger les caractères, qui devaient être disposés à l’envers afin que l’impression sur le papier soit lisible. Augusta plaça le châssis (qui est le cadre dans lequel les caractères doivent être insérés) sur une chaise, à côté du lit, et prit ses premières leçons de composition. Elle apprit ainsi à introduire les caractères dans le châssis, puis elle emporta celui-ci dans la petite cuisine pour le mettre dans la presse. Il lui fallut encore régler le ruban, car la presse était assez ancienne pour nécessiter l’emploi d'un ruban.

Maintenant tout était prêt. Mais quel gâchis ! A la première manœuvre du levier, les caractères, qui n'étaient pas suffisamment bien bloqués dans le châssis, sortirent de leur logement. Les étudiants qui reçurent les premières leçons envoyées en novembre 1910 purent noter que l’impression sur un côté de la lettre était plus sombre que sur l’autre côté. L’auteur en a encore quelques-unes unes en sa possession et peut se rappeler ses premiers et pénibles efforts pour envoyer les merveilleux enseignements.

Avant le départ de Max Heindel pour le Sud, le secrétaire du Centre de Seattle, A. E. Partrige, avait envoyé la lettre suivante aux amis de Colombus (Ohio), Seattle et Yakima (Washington), Duluth (Minnesota), Portland (Oregon) et Los Angeles (Californie), ainsi qu'à tous ceux qui étaient sur la liste des correspondants de Max Heindel. Dans cette lettre, il annonçait que Max Heindel allait débuter un cours par correspondance et installer un Siège Central permanent à Ocean Park (Californie), Boite Postale 866.

Lettres aux membres 20-A Novembre 1910

Cher Ami.

Nous sommes sur le point de donner une importante extension aux activités de l’Association Rosicrucienne. Ce sera un effort pour satisfaire un besoin ressenti depuis longtemps par beaucoup de nos étudiants, particulièrement par ceux qui sont isolés et non reliés à un de nos Centres d’Etudes.

Nous avons publié, au cours de l’année passée, une littérature remarquablement complète, une littérature qui a été accueillie avec une telle avidité que nous sommes déjà en train de préparer une troisième édition de la Cosmogonie des Rose-Croix. Cependant, ou peut-être à cause de la manière dont notre littérature attire le public, il y a eu un vif désir de la part de nombreux étudiants d’établir un contact plus étroit et plus personnel avec Max Heindel. Les appels qui lui ont été adressés ont trouvé une réponse favorable dans son cœur, et un projet a été établi pour satisfaire cette demande. M. Heindel va pour une grande part réduire son activité de conférencier et consacrer plus de temps à correspondre avec ceux qui étudient les enseignements rosicruciens et essaient de vivre la vie.

Afin qu’il puisse mieux diriger leurs efforts, des lettres seront probablement écrites spécialement pour les "Etudiants", les "Candidats" et les "Disciples".

L’intérêt que vous avez déjà manifesté nous a conduit à penser que vous serez peut-être désireux de bénéficier de l’opportunité d’avoir votre nom inscrit sur la liste des correspondants de Max Heindel. Si c’est le cas, et si vous le désirez vraiment, remplissez la demande ci-jointe et adressez-la au Secrétaire Général, Box 1802, Seattle (Washington). Vous recevrez la première lettre en temps utile et les autres suivront de temps en temps. Plusieurs lettres pourront parfois être envoyées au cours d’un mois, mais plus d’un mois pourra aussi s’écouler entre deux lettres.

L’Association Rosicrucienne

La réponse fut favorable de la part des Etudiants et des Candidats. Ils étaient prêts pour ces leçons. Mais que le lecteur s’arrête un instant afin de réaliser tout ce que cela représentait pour une femme seule avec un homme malade à sa charge. Il lui fallait préparer les repas, faire les lits, balayer les chambres, faire fonctionner la presse, remplir les enveloppes à adresser aux différentes catégories de membres, et aussi répondre aux nombreuses lettres d’étudiants (qui demandaient l’aide de Max Heindel pour résoudre leurs problèmes). Finalement elle devait transporter le courrier à la poste, six pâtés de maisons plus loin. Après cela, l’auteur se couchait le soir avec la tête, les bras et les pieds si endoloris qu’elle se retournait dans son lit presque toute la nuit, quand elle ne se levait pas pour soigner son mari souffrant mais déterminé. Celui-ci devait donner beaucoup de lui-même en dépit de son handicap physique, mais il ne se plaignait jamais. Son seul chagrin était que la femme qu’il aimait doive porter un si lourd fardeau.

C’est dans ces conditions que le Siège Central vint à l’existence en novembre 1910. Un Siège Central qui avait pour objectif de donner un enseignement destiné à apaiser la faim de l’âme dans tous les pays, sous tous les climats et dans toutes les langues. Ces deux êtres, lourdement chargés, ne savaient pas encore ce qui résulterait de leur travail aimant et dévoué, mais ils peinaient pour mettre au monde un enfant merveilleux : l’Association Rosicrucienne, que Max Heindel appelait souvent leur enfant spirituel.

Un médecin qui fut appelé à cette époque pour examiner Max Heindel dit à l’auteur qu’il ne pourrait pas vivre jusqu’à la fin de l’année suivante, mais elle refusa d’accepter cette déclaration décourageante. Elle sentait dans son cœur que, grâce à ses soins dévoués, celui qu’elle aimait ne disparaîtrait pas avant que la tâche ne soit accomplie. Elle avait confiance dans les Frères Aînés, sachant que cette maladie était une leçon pour une grande âme qui recevait une nouvelle initiation, sa troisième. Quelqu’un qui avait son dynamisme et son ambition devait être amené à la porte de l’au-delà avant que des connaissances très élevées puissent lui être communiquées. Il avait déjà, au cours de ses maladies précédentes, reçu deux initiations, et elle pensait que les Frères rétabliraient une nouvelle fois sa santé dès qu’il pourrait accéder à leurs enseignements supérieurs.

 Il souffrit environ trois mois de cette faiblesse cardiaque, mais les jours arrivèrent où il put revêtir une robe de chambre et s’asseoir pour faire son courrier. Il n’était cependant pas satisfait tant qu’il ne faisait pas quelque chose de constructif et, dès qu’il reprit des forces, il envisagea d’écrire son cinquième livre. Il engagea une sténographe qui vint chaque jour prendre sous sa dictée un traité élémentaire de philosophie rosicrucienne : Les Mystères Rosicruciens. Ce fut encore une fois un ouvrage qu’il n’avait pas eu besoin de préparer. Il marchait seulement sur le plancher et le dictait à la sténographe. (Le livre fut publié en 1911). Jusqu’à ce jour, personne à Ocean Park ne savait qui était Max Heindel, mais la dictée du livre à haute voix pouvait être entendue par des gens qui se trouvaient dans la rue ou encore dans la maison voisine. Cette maison était habitée par un docteur qui ignorait son voisin. Mais après avoir lu la Cosmogonie des Rose-Croix, il devint plus sociable. Cependant, il n’était pas opportun de faire des visites de voisinage alors que le travail était si urgent. La dictée du livre ne dura pas très longtemps, et Max Heindel était toujours le plus heureux des hommes lorsqu’il pouvait travailler à un manuscrit ou à des leçons qui permettraient de diffuser l'enseignement dans le monde.

Au bout de trois mois environ, sa santé s’améliora et il put de nouveau s’occuper activement des affaires du Père.

Personne désormais ne rendait visite à Max Heindel et à son épouse, mais un très cher et vieil ami de Max Heindel, William Patterson, de Seattle (Washington), l’homme qui l’avait aidé financièrement à publier la Cosmogonie et les vingt conférences du Christianisme de la Rose-Croix, séjourna à Ocean Park avec sa femme. Il était alors le Secrétaire provisoire de l’Association et il conseilla vivement l’achat d’un terrain pour y établir un futur Siège Central, pour lequel il donnerait une aide financière. Après quelque temps de recherche, une parcelle de quarante acres (16 hectares) fut trouvée par l’intermédiaire d’une agence. Ce terrain était situé sur une colline à Westwood, un endroit à la mode et voisin de ce qui est aujourd’hui la célèbre cité du cinéma d'Hollywood. M. Patterson proposa de donner dix acres, pour le Siège Central, et de faire une avance pour les trente acres restants, qui seraient vendus ensuite aux membres de l'Association.

De toute manière, ce n’était pas le bon endroit, car après le versement des premiers cents dollars, il fut nécessaire d’obtenir la signature de trois héritiers de ce terrain qui étaient absents. En attendant, et en raison de notre acompte, le bruit s’était répandu qu’une institution allait s’installer sur la colline derrière Westwood. Il en résultat que le prix du terrain avoisinant fut doublé. Cela parvint aux oreilles des héritiers qui vivaient dans les Etats de l’Est et qui refusèrent de signer l’acte de vente. Hollywood n’était à cette époque qu’un petit faubourg de Los Angeles, et nous nous sommes souvent demandés si les Frères n’étaient pas au courant de l’animation future de ce petit village qui est devenu maintenant la capitale mondiale du cinéma.

 La recherche d'un emplacement pour le Siège Central fut reprise, et il fut décidé de se rendre discrètement dans la prochaine ville et de se procurer le terrain incognito. L'auteur, en traversant la ville d'Oceanside, quelques années auparavant, avait été impressionnée par ses beaux arbres et son bel environnement. Maintenant ces images revenaient à sa mémoire et l'incitaient à retourner sur ces lieux.

La preuve de l'intervention du destin dans le choix de la ville et de l'endroit exact où ces deux âmes devaient accomplir leur œuvre peut se trouver dans les circonstances qui les conduisirent à destination. En achetant leur billet de chemin de fer pour un trajet touristique à San Diego et retour, nos deux voyageurs demandèrent une faculté d'arrêt à San Juan Capistrano, où se trouvait une ancienne Mission, et une autre faculté d'arrêt à Oceanside, car ils avaient l'intention de faire des recherches dans ces deux villes. La Compagnie n'accorda qu'une faculté d'arrêt à Oceanside. Ils descendirent donc du train un dimanche matin, et en dehors des employés du chemin de fer pas une âme n'était en vue. Ils furent bientôt abordés par un petit garçon d'une dizaine d'années, au visage couvert de taches de rousseur et qui se nommait Tommy Draper.

"Hello ! Que voulez-vous ?" dit-il en souriant.

Max Heindel avait un faible pour les enfants et il répondit à ce petit gamin qu'il désirait acheter du terrain. Pouvait-il lui en vendre ?

A sa grande surprise, le gamin pointa son doigt vers un homme aux cheveux gris qui arrivait en traversant le terrain vague, et dit : "Voilà l'homme qui peut vous en vendre."

Lorsque M. Chauncey Hayes, qui était le seul agent immobilier de cette petite bourgade, apprit ce que nous désirions, il fit signe de la main à un homme qui se tenait un peu plus loin devant la porte d'une écurie de chevaux de louage. L'homme s'approcha, et M. Hayes demanda à M. Couts de nous conduire au "terrain du réservoir".

Peu de temps après, cet homme revint avec deux vifs chevaux attelés à un cabriolet à deux places. Vingt minutes plus tard, environ, nous arrivâmes au sommet d'une colline d'où l'on avait une vue magnifique sur la vallée de San Luis Rey. Mais nous nous trouvions sur un champ dénudé de quarante acres, sans un brin de verdure, et l'on pouvait voir en direction du nord-ouest les sommets de deux affreux réservoirs qui servaient à alimenter en eau la ville d'Oceanside.

Ces réservoirs étaient situés sur la parcelle de quarante acres où se tenaient les Heindel et leur agent. Mais, en dépit de cela et de la nudité de l'environnement, nous pouvions jouir d'un panorama grandiose avec des montagnes au nord-est et l'océan au sud-ouest (exactement comme Max Heindel l'avait souvent décrit d'après les indications de l'instructeur). Max Heindel s'exclama aussitôt : "Oh, voici l'endroit !" Ainsi, ce champ désertique, qui était la propriété de la Banque d'Oceanside depuis vingt-cinq ans, avait attendu son destin, qui était de devenir le Siège International de l'Association Rosicrucienne. Un lieu de beauté, où l'on viendrait pour la guérison du corps aussi bien que pour celle de l'âme.

Après avoir donné leur accord pour l'achat de quarante acres, les voyageurs décidèrent de passer la nuit à San Diego, mais Max Heindel était si enthousiasmé par sa découverte qu'il voulait trouver immédiatement un banquier pour verser un acompte sur le terrain. L'auteur mit un certain temps à le persuader de remettre cela au lundi matin. Max Heindel craignait en effet que quelqu'un se présente soudainement pour acheter ce terrain, qui était mis en vente par la Banque d'Oceanside depuis vingt-cinq ans et n'avait pas trouvé d'acheteur.

En 1886, la Californie avait connu un grand Boom, qui est appelé aujourd'hui le Paper Boom (le Boom papier), parce que beaucoup de biens immobiliers changèrent de mains "sur le papier" mais jamais dans la réalité, car le Boom s'effondra en une année ou deux. Et les acheteurs ne versèrent que des acomptes. Le terrain que nous avions décidé d'acquérir était un de ces biens immobiliers du Boom pour lesquels des routes avaient été tracées, mais aucune maison n'avait été construite et la Banque avait récupéré le terrain en raison des contrats non payés. Oceanside était un endroit mort et n'avait pas la possibilité de vendre ce terrain à cause d'une pénurie d'eau. Le district tout entier était paralysé. L'auteur se rendit compte aussitôt de la sûreté de notre choix et pensa que personne n'aurait l'idée d'acheter dans ce pays aride et abandonné, où il n'y avait pas de marché pour vendre ce que la terre pourrait produire.

Nous prîmes le train de l'après-midi pour San Diego, et l'auteur persuada Max Heindel d'aller au cinéma pour terminer la soirée. Pendant le spectacle Max Heindel chuchotait : "Je me demande si ce terrain sera encore à vendre." Ou encore : "Si nous avions seulement versé un acompte sur ce terrain, nous serions sûrs de l'avoir."

Le lundi matin, les voyageurs prirent le premier train pour Oceanside et payèrent cent dollars afin de retenir le terrain jusqu'à ce que l'acte de vente soit établi. Max Heindel avait en effet promis à son ami William Patterson qu'il participerait à l'achat du terrain, qui devint définitif le 3 mai 1911 à 15 h 30 lorsque William Patterson versa les premiers mille dollars et fit régulariser les documents.

En septembre 1911, Max Heindel et son épouse effectuèrent une tournée le long de la Côte Ouest. Max Heindel fit des conférences à San Francisco et Sacramento (Californie), Portland (Oregon), Seattle et North Yakima (Washington). Il était heureux d'annoncer depuis son estrade que l'Association avait acheté une parcelle de terrain à Oceanside afin d'y établir son Siège permanent, et que William Patterson, qui avait si aimablement financé l'impression de la première édition de la Cosmogonie des Rose-Croix, avait encore apporté son aide en payant les premiers mille dollars pour l'achat de cette parcelle de quarante acres. Le reste de la somme de quatre mille dollars ferait l'objet de versements annuels.

L'argent nécessaire au financement des bâtiments à venir n'était pas encore trouvé. Nous avions d'abord pensé qu'en raison de nos modestes moyens il nous faudrait sans doute attendre quelques années avant de pouvoir commencer à construire. Mais une œuvre aussi importante que l'Association Rosicrucienne ne pouvait pas être freinée dans son développement pour une affaire de quelques milliers de dollars, et le destin intervint afin que la construction puisse commencer. Un mois après notre retour de la tournée de conférences dans le Nord, une occasion exceptionnelle se présenta. Le petit bungalow qui était actuellement le Siège de l'Association Rosicrucienne appartenait à Mme Heindel depuis de nombreuses années et, avec un autre situé derrière le terrain, il avait été pour elle une source de revenus très lucratifs.

Un jour, alors que Max Heindel était à Los Angeles, à trente kilomètres d'Ocean Park, l'auteur reçue la visite de trois personnes, deux femmes et un homme, qui s'étaient entichés de son petit cottage et désiraient l'acheter. Tout d'abord elle hésitait à le vendre, ne sachant pas où elle pourrait entreposer les nombreux livres et manuscrits qui s'étaient accumulés depuis son installation dans cette demeure, onze mois auparavant. Elle ne voulait pas non plus accepter cette proposition sans avoir consulté Max Heindel. Le prix qu'on lui offrait était si tentant et si au-dessus de son estimation de la valeur de la propriété qu'elle demanda à réfléchir jusqu'au retour de son mari. Moins d'une heure plus tard, celui-ci franchissait la porte et ses premiers mots furent : "Eh bien ! tu as eu une offre d'achat, quelles sont les conditions ?" Quand il apprit la somme intéressante qui était proposée, il déclara aussitôt : "Ma chère, voilà la véritable occasion que nous attendions, cela va nous permettre de construire à Oceanside."

La vente fut réalisée. Les acheteurs payèrent la somme de deux mille dollars au comptant et le reste fit l'objet d'un crédit immobilier. Mais nous devions remettre le logement aux nouveaux propriétaires dans les dix jours. Avec l'aide de Mme Ruth E. Beach de Portland (Oregon) et de Mme Rachel M. Cunningham de Los Angeles, nous commençâmes aussitôt à empaqueter et à nous préparer à partir pour Oceanside. Pendant ce temps, Max Heindel fit un voyage dans cette ville afin de louer une maison où nous pourrions vivre pendant la construction d'un bâtiment.

Le matin du 27 octobre 1911, nous étions tous prêts à déménager. Les deux dames qui nous aidaient devaient prendre le train pour Oceanside, tandis que M. et Mme Heindel feraient le trajet en voiture dans une petite Franklin à deux places, que Max Heindel avait achetée d'occasion pour la faible somme de trois cents dollars avec une partie de l'argent provenant de la vente de la maison.

L'arrière de la voiture était entièrement rempli de valises et de machines à écrire, et à cinq heures du matin M. et Mme Heindel étaient prêts à partir.

En arrivant à Whittier, qui se trouve à environ cinquante kilomètres d'Ocean Park, un terrible orage s'abattit sur eux. La voiture était un modèle découvert, mais nos deux voyageurs eurent assez de chance pour trouver un abri sous un palmier aux larges feuilles. Quand l'orage se calma, ils reprirent la route. Il était près de midi et ils constatèrent avec horreur que la route entre Whittier et Fullerton avait été fraîchement retournée et qu'il n'y avait pas de déviation. Ils furent obligés de rouler avec leur voiture lourdement chargée sur ce sol ramolli qui était maintenant détrempé par les pluies torrentielles. Ils parcoururent quelques kilomètres avec beaucoup de difficulté et, soudain, Bedalia (qui était le nom que Max Heindel avait donné à la voiture) refusa d'aller plus loin. Elle ne voulut absolument rien savoir. Impossible de la remettre en marche.

Le résultat fut que Max Heindel marcha environ un kilomètre et demi sur la route jusqu'à la première ferme et loua les services du fermier pour qu'il les remorque avec son automobile jusqu'à Fullerton. Il leur fallait être à Oceanside le jour même, car des convocations avaient été envoyées pour la cérémonie de "retournement du sol" à l'emplacement du Siège Central qui était prévue le lendemain à 12 h 40.

Qu'adviendrait-il s'ils ne pouvaient prendre le prochain train qui s'arrêtait à Fullerton à 14 h 45 ? Bedalia fut attachée à la grosse voiture du fermier et nos deux voyageurs furent remorqués jusqu'à Fullerton. En arrivant, ils eurent juste le temps de mettre la voiture récalcitrante dans un garage avant de se précipiter dans le train qui attendait. Peut-on s'imaginer ce qu'une journée aussi pénible devait être pour un homme qui avait une valvule du cœur qui fuyait ? Une fois installés dans le train, Max Heindel, avec son merveilleux optimisme, montra à travers la fenêtre un splendide double arc-en-ciel : "Regarde, dit-il, ce que l'avenir nous réserve en dépit de tous ces ennuis."

Ils arrivèrent à Oceanside à la tombée de la nuit et ils s'installèrent dans une petite maison de quatre pièces très simplement meublée. Il y avait des lits de camp et le plancher était recouvert avec des nattes. Le logement était resté inoccupé pendant un certain temps et, naturellement, les puces et les souris en avaient pris possession.

Le lendemain fut un jour mémorable pour l'Association. Le train arriva à midi et amena quatre de nos membres les plus dévoués : MM. William Patterson de Seattle (Washington), George Crammer de Pittsburgh (Pennsylvania), John Adams et Rudolph Miller, membres actifs du Centre Rosicrucien de Los Angeles. Mme Anne R. Attwood arriva de San Diego. Ces cinq personnes avec en plus notre groupe constitué de Mmes Ruth Beach et Rachel Cunningham et de M. et Mme Heindel faisaient en tout neuf âmes, qui partirent pour le terrain dénudé dans deux voitures à chevaux, car Oceanside était un petit village de six cents habitants avec de très anciennes écuries de chevaux de louage. Les automobiles étaient une chose rare, et le petit groupe partit dans ces voitures pour accomplir ce qui serait considéré plus tard comme une cérémonie de la plus haute importance, et qui consistait à retourner la première pelletée de terre, à ériger une croix et à planter un rosier à l'endroit qui allait devenir le point central d'une grande œuvre.

Un Siège International allait être établi et son influence allait grandir et s'étendre sur le monde entier. Mount Ecclesia vint à l'existence sur un terrain aride et poussiéreux où l'on ne voyait ni un arbre ni un brin de verdure. Une croix noire avec les lettres C R C inscrites sur les trois branches supérieures avait été amenée d'Ocean Park ainsi qu'une pelle pour retourner le sol. Le discours suivant fut prononcé par Max Heindel devant les neuf personnes présentes dans leur corps physique et les trois Frères Aînés qui se trouvaient dans leur corps vital. (La description des personnes présentes est donnée par Max Heindel dans son allocution.)

Le Christ a dit : "Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux." Et comme chaque fois qu'il s'exprimait, cette déclaration était l'expression de la plus profonde sagesse divine. Elle repose en effet sur une loi de la nature aussi immuable que Dieu Lui-même. Quand les pensées de deux ou trois personnes sont concentrées sur un certain objet ou sur un certain être, une puissante forme-pensée est produite, en tant qu'expression définie de ce qu'elles pensent, et elle est immédiatement projetée vers son but. Le résultat dépendra de l'affinité qui existe entre la pensée et celui qui la reçoit. Il sera semblable à la réponse d'un diapason aux vibrations d'un autre instrument de hauteur identique.

Si des pensées et des prières de nature basses et égoïstes sont projetées, seules des créatures basses et égoïstes y répondront. Ces sortes de prières ne peuvent pas plus atteindre le Christ que l'eau ne peut remonter une colline. Elles gravitent vers les démons et les élémentaux qui, eux, restent totalement insensibles aux aspirations élevées engendrées par ceux qui se réunissent au nom du Christ.

Ainsi, nous qui sommes rassemblés à cet endroit aujourd'hui pour la fondation du Siège Directeur d'une Association Chrétienne pouvons être assurés qu'aussi certainement que la gravité attire une pierre vers le centre de la Terre, la ferveur de nos aspirations réunies attirera l'attention du fondateur de notre foi : le Christ, Qui sera ainsi avec nous. Et aussi sûrement que des diapasons identiques vibrent à l'unisson, le chef auguste de l'Ordre Rosicrucien (Christian Rose-Croix) assiste certainement à cette manifestation au cours de laquelle le Siège de l'Association Rosicrucienne est établi. Le Frère Aîné qui a été l'inspirateur de ce mouvement est présent et visible, au moins à quelques-uns d'entre nous. Douze personnes sont présentes à cette importante cérémonie et directement intéressées à son déroulement. Parmi ces douze, nombre parfait, on compte trois chefs invisibles, qui ont dépassé le stade de l'humanité ordinaire, et neuf membres de l'Association Rosicrucienne. Neuf est le nombre d'Adam ou de l'Homme. Et parmi ces neuf, cinq, un nombre impair et masculin, sont des hommes, et quatre, un nombre pair et féminin, sont des femmes. Le nombre trois, celui des chefs invisibles, représente le divin sans sexe. Les assistants n'ont pas été sélectionnés par l'orateur. Une invitation pour prendre part à cette cérémonie a été adressée à de nombreuses personnes, mais neuf seulement y ont répondu. Et comme nous ne croyons pas au hasard, l'assistance doit avoir été composée pour répondre au dessein de nos chefs invisibles. Ce qui peut être considéré comme une expression du pouvoir spirituel qui est derrière ce mouvement. Si toutefois il était besoin d'une autre preuve que la propagation phénoménale des enseignements rosicruciens, qui ont pénétré dans tous les pays de la Terre au cours de ces dernières années et suscité l'approbation, l'admiration et l'amour dans le cœur des personnes de toutes conditions, et en particulier chez les hommes.

Nous insistons sur ce fait remarquable, car tandis que tous les autres mouvements religieux sont principalement composés de femmes, les hommes sont en majorité dans l'Association Rosicrucienne. Il est également significatif que nos membres médecins surpassent en nombre ceux des autres professions et que les hommes d'Eglise viennent ensuite. Ceci prouve que ceux qui ont le privilège de soigner les corps souffrants sont conscients du fait que des causes spirituelles engendre des faiblesses physiques, et qu'ils cherchent à connaître ces causes afin de pouvoir aider plus efficacement les malades. Cela démontre aussi que ceux dont la tâche est de soulager les souffrances morales s'efforcent de donner une explication raisonnable des mystères spirituels aux personnes qui veulent comprendre, renforçant ainsi leur foi chancelante et fortifiant leur lien avec l'Eglise, au lieu de leur répondre d'une manière catégorique et dogmatique, inacceptable pour la raison, et qui ouvrira en grand les vannes à la mer bouillonnante du scepticisme, entraînant le chercheur de lumière loin du havre de l'Eglise et le plongeant dans les ténèbres du désespoir matérialiste.

L'Association Rosicrucienne a déjà eu le privilège béni de sauver de nombreux chercheurs sincères, désireux de savoir mais incapables de croire ce qui semblait contraire à la raison. Après avoir reçu des explications logiques montrant l'harmonie sous-jacente entre les doctrines exposées par l'Eglise et les lois de la nature, ces personnes ont repris leur place dans l'Eglise et sont devenues des membres meilleurs et plus forts qu'ils ne l'étaient auparavant.

Tout mouvement pour durer doit posséder trois qualités divines : la Sagesse, la Beauté et la Force. La Science, l'Art et la Religion possèdent chacun une de ces qualités dans une certaine mesure. L'objet de l'Association Rosicrucienne est de les unir et de les harmoniser en enseignant une religion à la fois scientifique et artistique qui rassemblera toutes les Eglises dans une grande Fraternité Chrétienne. En ce moment, l'horloge du destin indique un temps propice pour entreprendre la construction d'un centre visible à partir duquel les enseignements rosicruciens pourront rayonner leur influence bénéfique et favoriser le bien-être de tous ceux qui sont affligés physiquement, mentalement ou moralement.

Par conséquent, nous soulevons maintenant une pelletée de terre sur le site de la construction, en priant pour que la Sagesse guide cette grande Ecole dans le droit chemin. Nous retournons le sol une seconde fois en priant le Maître Artiste pour qu'il nous donne la faculté de présenter la Beauté de la vie supérieure d'une manière qui la rende attrayante à toute l'humanité. Nous retournons le sol une troisième et dernière fois en formulant une prière pour obtenir la Force de poursuivre la Bonne Oeuvre avec patience et assiduité, afin qu'elle puisse durer et devenir un plus grand facteur de développement spirituel qu'aucune autre de ses devancières.

Ayant ainsi retourné la terre à l'emplacement du premier bâtiment, nous allons maintenant procéder à la plantation du merveilleux symbole de la vie et de l'être, l'emblème composite de l'Ecole Occidentale des Mystères. Il comprend la Croix, représentant la matière, et la Rose grimpante qui s'enroule autour d'elle, symbolisant la vie évoluante qui s'élève vers des hauteurs de plus en plus grandes par cette crucifixion. Chacun des neuf membres apportera sa participation en creusant la terre pour la plantation du premier et du plus important ornement de Mount Ecclesia. Nous planterons la croix en orientant ses bras dans la direction est-ouest. Et le soleil de midi en projettera l'ombre vers le nord. Elle sera ainsi directement dans l'axe des courants spirituels qui vitalisent les formes des quatre règnes de vie : le minéral, le végétal, l'animal et l'humain.

Sur les bras et la branche supérieure de la croix vous remarquerez trois lettres d'or : C R C, les initiales de notre auguste chef : Christian Rosenkreuz, ou Christian Rose-Croix. Le symbolisme de cette croix est expliqué en partie à différents endroits de notre littérature, mais des volumes entiers seraient nécessaires pour en donner une complète interprétation. Voyons maintenant un peu plus profondément la signification de ce merveilleux sujet d'étude.

Quand nous vivions dans la lourde atmosphère chargée d'eau des premiers temps de l'Atlantide, nous étions soumis à des lois entièrement différentes de celles qui nous gouvernent aujourd'hui. Nous n'éprouvions aucune sensation en abandonnant notre corps physique, car notre conscience était plus centrée dans le monde spirituel que dans celui de la matière dense. Notre vie était une existence ininterrompue. Nous ne connaissions ni la naissance ni la mort.

Avec notre entrée dans les conditions aériennes de l'Aryana, le monde actuel, notre conscience du monde spirituel s'affaiblit et celle de la forme matérielle devint prépondérante. Une existence double commença alors, chaque phase étant nettement différenciée de l'autre par les événements de la naissance et de la mort. Une de ces phases correspond à la vie libre de l'Esprit dans les royaumes célestes, et l'autre à un emprisonnement dans un corps terrestre, qui est en fait une mort pour l'Esprit. Ceci étant symbolisé par le mythe grec de Castor et Pollux, les jumeaux célestes.

Il a été expliqué à plusieurs endroits de notre littérature comment l'Esprit libre a été emprisonné dans la matière à la suite des machinations des Esprits Lucifers, que le Christ qualifie de fausses lumières. Cela se passait dans l'ardente Lémurie. Lucifer peut par conséquent être appelé le Génie de la Lémurie.

L'effet général de cette fausse direction ne se fit pleinement sentir qu'à l'Age de Noé, qui comprend les derniers temps de l'Atlantide et notre présente Epoque Aryenne. L'arc-en-ciel, qui n'aurait pu exister dans les conditions atmosphériques précédentes, s'inscrivit dans le ciel comme un message mystique lorsque l'humanité entra dans l'Age de Noé, où la loi des cycles alternés produit le flux et le reflux, l'été et l'hiver, la naissance et la mort. Durant cet Age, l'Esprit ne peut s'échapper en permanence de ce corps de mort engendré par la passion satanique inculquée en premier lieu par Lucifer. Ses efforts répétés pour regagner sa demeure céleste sont déjoués par la loi de périodicité, car lorsqu'il s'est libéré d'un corps par la mort, il est forcé de renaître au commencement d'un nouveau cycle.

Mais le mensonge et l'illusion ne peuvent durer éternellement, et c'est pourquoi le Rédempteur est apparu pour purifier le sang rempli de passion, pour prêcher la vérité qui nous libérera de ce corps mortel, pour inaugurer l'immaculée conception indiquée sommairement dans l'eugénisme, pour annoncer un nouvel Age, un nouveau Ciel et une nouvelle Terre, dont Lui, la vraie Lumière, sera le Génie. Dans cet Age régneront la justice et l'amour après lesquels le monde entier aspire et soupire.

Tout ceci et le moyen d'y parvenir est symbolisé par la rose-croix qui est devant nous. Le rosier, dans lequel la sève qui contient la vie est dormante en hiver et active en été, illustre parfaitement la loi des cycles alternés. La couleur de sa fleur, l'organe générateur, ressemble à notre sang, mais la sève qui circule dans la plante est pure, et la semence est produite d'une manière immaculée, sans passion.

Quand nous aurons atteint la pureté de vie ainsi symbolisée, nous serons libérés de la croix de la matière et nous vivrons dans les conditions éthériques du nouvel Age. Le but de l'Association Rosicrucienne est de hâter ces jours heureux où le chagrin, la douleur, le péché et la mort auront disparu. Nous serons alors délivrés des illusions fascinantes et captivantes de la matière et nous aurons conscience de cette suprême vérité : la réalité de l'Esprit. Puisse Dieu encourager et soutenir nos efforts.

Le temps était idéal, comme c'est habituellement le cas dans le sud de la Californie. Après la cérémonie, les cinq hommes et les quatre femmes retournèrent à Oceanside dans le petit cottage qui devait servir de logement, pendant la construction du premier bâtiment, à M. et Mme Heindel et aux deux femmes qui les aidaient. Un repas léger fut servi, et ensuite les visiteurs repartirent pour leurs domiciles respectifs, laissant les quatre habitants, fatigués mais plein d'espoir, prendre une nuit de repos et combattre les puces et les souris.

Le lendemain matin, de bonne heure, Max Heindel rassembla ses charpentiers et se fit conduire par l'homme des voitures hippomobiles au terrain distant de deux kilomètres et demi et sur lequel la construction devait commencer. Le jour suivant, le premier membre de l'Association Rosicrucienne se présenta et offrit son aide pour la construction. Rollo Smith, qui avait été sur la liste de guérison pendant plusieurs mois en raison d'une affection aux poumons, nous apportait maintenant son concours, et on loua pour lui une chambre dans le voisinage. Max Heindel et Rollo Smith étaient à l'œuvre toute la journée au terrain de l'Association, tandis que les trois femmes restaient dans le cottage et travaillaient sans relâche pour répondre aux nombreuses lettres et satisfaire les commandes de livres.

Pour ajouter aux lourdes tâches de ces temps très particuliers, des avis d'expédition de livres parvinrent d'Ocean Park où la première édition des Mystères Rosicruciens et la seconde édition de la Cosmogonie des Rose-Croix venaient d'arriver. Ces livres parvenaient à Los Angeles et, de là, ils étaient envoyés à Ocean Park. Ils devaient maintenant être renvoyés à Los Angeles pour être transférés à Oceanside. Les livres étaient attendus par les éditeurs, dont les commandes s'étaient accumulées depuis trois mois. Le problème qui se posait maintenant à Mme Heindel était de stocker les quatre mille volumes et de préparer leur expédition dans une petite maison de quatre pièces occupée par quatre personnes.

Quand les lourdes caisses de livres arrivèrent, elles furent entreposées, quelques maisons plus loin, dans un hangar relié au cottage par une ruelle. Les caisses furent ouvertes par les femmes et les livres furent transportés dans la maison au fur et à mesure des besoins pour être emballés et expédiés. Après l'emballage d'un grand nombre d'ouvrages, il fallait les livrer au bureau des Messageries ou à la Poste dans un chariot express, un de ces anciens chariots au siège élevé, tiré par un vieux cheval.

Le jour du chargement des paquets, Mme Heindel devait accompagner le vieil homme (le conducteur) au bureau express, et monter sur le siège élevé. Lors du premier déchargement de tous ces colis au bureau des messageries du Chemin de Fer de Santa Fe, le pauvre employé, qui n'avait jamais auparavant manipulé tant de paquets, fut si perturbé et agité que Mme Heindel fut obligée de faire son travail en enregistrant les colis dans le registre des messageries de peur que ceux-ci ne soient égarés.

Ces livres révélèrent aux citoyens d'Oceanside la nature du travail qui allait s'accomplir dans leur ville. Jusqu'ici, personne n'avait eu la moindre idée de ce que cela pourrait être, mais quand la Poste et les Messageries commencèrent à être inondées par le courrier à expédier et à distribuer, les curieux se mirent à enquêter, car les étrangers étaient peu nombreux à Oceanside et ils n'étaient pas les bienvenus. La ville avait grandi autour de quelques familles qui se mariaient entre elles, et quand quelqu'un n'avait pas de lien de parenté avec ces familles, il n'était pas particulièrement bien accueilli. Cet état d'esprit fut exprimé un jour quand un nouvel arrivant demanda à l'un des associés d'une des plus importantes maisons d'affaires : "N'est-il pas bien que des étrangers viennent et s'installent ici ?" L'homme d'affaires répliqua : "Oh non ! nous ne désirons pas d'étrangers parmi nous, c'était si agréable quand tout le monde se connaissait, nous nous sentions comme une grande famille." Telle était donc la ville dans laquelle Max et Augusta étaient considérés comme des étrangers et des importuns.

Les trois femmes poursuivaient leur travail à Oceanside, tandis que Max Heindel (qui disposait maintenant de Bedalia en état de marche) et Rollo Smith emportaient leur déjeuner dans un sac et prenaient la direction du terrain dénudé pour participer à la construction du Siège International d'un Poste avancé de la Fraternité Rosicrucienne.

Max Heindel, vêtu d'un costume de velours marron bon marché, qu'il avait payé dix dollars, travaillait avec les charpentiers comme un ouvrier ordinaire. Par chance, à cette époque, son cœur ne lui causait pas beaucoup d'ennuis, mais c'était aussi une période où sa grande énergie et son ambition lui faisaient donner le meilleur de lui-même et il avait tendance à se surmener. Il était si content et si désireux de faire avancer les choses qu'il travaillait avec les charpentiers, les peintres et les terrassiers huit heures par jour. Il rentrait à la nuit fatigué et affamé mais rempli de joie. Un des aspects merveilleux de la nature de Max Heindel était qu'il rayonnait en tout temps le bonheur et l'amabilité. Quelle que soit sa fatigue, il était toujours capable de chanter avec sa très belle voix musicale.

Après vingt-huit jours de travail, le premier bâtiment fut prêt à être habité par les cinq travailleurs de l'Association. La plupart des meubles avaient été fabriqués par Rollo Smith. Il avait construit des tables et du mobilier pour le bureau et la salle à manger. Même les tables des chambres de Max Heindel et d'Augusta Heindel furent faites en bois de séquoia (redwood). Il fallut attendre presque une année avant que nos finances nous permettent d'acheter de véritables meubles, mais beaucoup des anciens furent conservés pendant plusieurs années. Les cinq travailleurs étaient heureux de pouvoir s'installer dans ce logement partiellement terminé mais propre, sans puces ni souris.

La veille du Thanksgiving Day 1911(le jour de l'action de grâces, le quatrième jeudi de novembre ), les menuiseries n'avaient pas encore été peintes et les fenêtres n'étaient posées que dans les chambres à coucher qui allaient être occupées. Le reste du bâtiment était encore grand ouvert, sans portes ni fenêtres. La brillante lumière de la lune éclairait les pièces sans rideaux et, après notre installation, au cours des nuits de clair de lune, une meute de coyotes nous donnait une sérénade. Il y avait parfois de quinze à vingt de ces animaux hurlant à la lune. Les coyotes sont une petite espèce de loups de l'Ouest de l'Amérique du Nord. Ils attaquent rarement les humains, mais ils sont très dangereux pour les petits animaux domestiques.

A partir de ce moment, les dirigeants de l'Association Rosicrucienne devaient commencer leur véritable construction, une construction spirituelle. Et comme il faut creuser profondément pour établir les fondations d'un édifice, ils allaient devoir accomplir le dur labeur des véritables pionniers. Le logement qu'ils devaient occuper n'était pas entièrement terminé parce que M. Smith ne pouvait pas rester assez longtemps pour achever la finition. Quand les portes et les fenêtres furent toutes placées et que des meubles rudimentaires furent fabriqués en bois de séquoia pour le bureau, la cuisine et la salle à manger, il dut s'en aller. Sa femme malade nécessitait son retour à Los Angeles.

Une longue pièce avait été construite pour servir de bureau, et la partie Est du bâtiment avait été aménagée en appartement de deux pièces séparées par un grand placard pour les habits et le linge. Des lits escamotables furent fabriqués en utilisants des sommiers et en les installant sur des pieds de 10 cm de haut, faits sur place, et sous lesquels on avait fixé des roulettes. Ces lits bas pouvaient être ainsi glissés sous la grande penderie, des deux côtés. La nuit, les pièces étaient utilisées par M. et Mme Heindel comme chambres à coucher et pendant le jour elles leur servaient de salle de séjour et de studio, dans lesquels ils recevaient des visiteurs et faisaient beaucoup de leurs travaux d'écriture.

Une salle de bain fut annexée à la chambre de M. Heindel. Elle avait aussi une porte donnant sur la salle à manger. Mais dans cette région éloignée de tout, il n'y avait ni gaz ni électricité, et, de ce fait, l'eau devait être chauffée sur un fourneau à essence et apportée depuis la cuisine jusqu'à la salle de bain en passant par la salle à manger chaque fois qu'un des résidents de ce Centre nouvellement créé voulait prendre un bain.

La partie centrale de ce long bâtiment était occupée par une salle à manger et une cuisine, et l'étage supérieur était divisé en cinq chambres, qui n'étaient pas encore terminées. Chacune d'elles avait un lit, une table de toilette confectionnée sur place et une coiffeuse bon marché. Les meubles du bureau, fabriqués en bois de séquoia par M. Smith, furent teints en marron avec ce qui restait de la teinture utilisée pour recouvrir l'extérieur de la construction.

Le bâtiment fut occupé la veille du Thanksgiving. Les deux aides, Mmes Ruth Beach et Rachel Cunningham partirent le lendemain matin afin de participer avec leurs parents et amis au dîner de Thanksgiving, tandis que M. et Mme Heindel restèrent pour manger une soupe de légumes, car la nourriture était assez rare à cette époque. Cela venait du fait que l'automobile Bedalia était encore une fois immobilisée pour des réparations, et l'épicier refusait de livrer ses produits aussi loin dans le pays. En conséquence nous étions parfois très limités dans le choix de notre nourriture.

Le Thanksgiving Day fut employé par ces deux personnes énergiques à faire de la peinture et à installer le mobilier de bureau fabriqué sur place, afin que le travail véritable puisse commencer le lundi matin au retour des deux assistantes.

Le Siège International de l'Association Rosicrucienne

PREMIERE REUNION DE CANDIDATS

Le 25 mai 1913, une semaine exactement avant l'ouverture de l'Ecole d'été, Max Heindel informa sa compagne que l'Instructeur souhaitait que l'on organise sans plus tarder des réunions de candidats, et il lui demanda si l'emblème pouvait être préparé pour le soir même. Un menuisier avait fabriqué deux croix et Mme Heindel avait peint l'une d'entre elles. Elle était noire sans bordure d'un côté et blanche avec une bordure noire de l'autre. Mais Max Heindel déclara que maintenant nous avions besoin d'une pure croix blanche, avec sept roses rouges et des roses blanches. En conséquence, elle peignit la seconde croix entièrement en blanc. Puis elle rassembla tous les éléments, dont trois roses blanches qu'elle alla cueillir sur un des rosiers.

Elle arrangea cet emblème dans son bureau et, en début de soirée, elle attacha les trois roses blanches, a demi épanouies, au centre de la guirlande de roses rouges. A sept heures du soir, les candidats suivants étaient présents (certains d'entre eux étaient venus nous aider à préparer l'ouverture de l'Ecole d'été) : M. Mason, Alice Gurney, Flora Kyle, Phillip Grell, Rollo Smith, Fred Carter, Eugene Muller, Max Heindel et Augusta Foss Heindel. Il y avait encore une fois neuf personnes, comme à la cérémonie de "retournement du sol", et, selon la numérologie, "The Rosicrucian Fellowship" représente aussi le chiffre neuf.

Les neuf candidats ci-dessus étaient assis silencieusement en méditation quand, tout à coup, les trois roses blanches commencèrent à bouger. L'une d'elles glissa doucement vers le bas, mais en tombant elle s'accrocha à une feuille et demeura suspendue. Il ne resta qu'une seule rose blanche au centre de la guirlande de roses rouges. Dire que les neuf membres étaient stupéfaits serait faible. Les vibrations dans la pièce devinrent si élevées que certaines personnes furent fascinées. Une puissante présence se faisait sentir. Max Heindel, au bout de quelque temps, essaya de se lever pour parler, mais il était bouleversé, la voix lui manqua et des larmes coulèrent de ses yeux. Tous les assistants furent convaincus de la présence du Treizième Frère (Christian Rosenkreuz) dans son corps vital. Nous pouvons affirmer qu'aucun d'entre eux n'oubliera jamais cette réunion. Après quelques mots de Max Heindel, ils se séparèrent silencieusement, sans rien dire. Tous sentaient qu'ils avaient été en présence d'un Etre d'une grande sainteté (a Holy One).

LES COURS DE MAX HEINDEL

Les étudiants appréciaient tellement les cours de Max Heindel que celui-ci était devenu prisonnier de leur amour et de leur enthousiasme. Il ne pouvait pas traverser tranquillement la propriété car des questionneurs étaient toujours sur ses talons. Les étudiants étaient si heureux et si désireux d'avoir la connaissance qu'ils oubliaient que Max Heindel avait parfois besoin de ne pas être dérangé, surtout lorsqu'il avait une clé anglaise à la main et qu'il partait pour effectuer un travail de réparation. Car il était électricien et plombier aussi bien qu'imprimeur et écrivain. En réalité, il était l'homme à tout faire, car il accomplissait toutes les tâches, même le lavage des plats ou le balayage du plancher.

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