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CHAPITRE 4 - LE SACREMENT DE LA COMMUNION - partie 2

Août 1912

"En mémoire de moi"

"Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, le rompit, en disant: "Prenez et mangez; ceci est mon corps qui est rompu pour vous; faites ceci en mémoire de moi". De même, après avoir mangé, il prit la coupe et dit: "Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang: toutes les fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi. Car chaque fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne. C'est pourquoi celui qui mangera le pain ou qui boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur...Car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation. C'est pour cela qu'il y a parmi vous beaucoup d'infirmes et de malades, et que beaucoup sont morts" (I Corinthiens 11:23-30).

Ainsi que nous le verrons plus loin, les passages ci-dessus renferment un profond sens ésotérique. Mais

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arrêtons-nous d'abord aux mots "en mémoire de moi", car ensuite nous serons mieux à même de comprendre ce que signifient la "coupe" et le "pain".

Supposons qu'un étranger venu d'un pays lointain arrive parmi nous et parcourt la région; il trouvera partout de petits groupes qui se réunissent pour célébrer le plus sacré des rites chrétiens. S'il en demande le motif, on lui dira que c'est en mémoire d'un Etre qui était la bonté et l'amour personnifiés, un Etre qui s'était fait le serviteur de tous, sans se préoccuper de gagner ou de perdre quoi que ce soit. Si alors cet étranger s'avisait de comparer l'attitude de ces groupes le dimanche, lors de la célébration de ce rite, avec leur vie civique pendant le reste de la semaine, que verrait-il?

Chacun de nous est placé dans le monde pour y prendre part à la lutte pour l'existence. Sous la loi de nécessité, nous oublions l'amour qui devrait inspirer toute vie chrétienne, aussi chacun "lève la main contre son frère". Chacun lutte pour sa position sociale, pour la richesse et pour le pouvoir qui en découle. Dès le lundi, nous oublions l'idéal auquel nous rendions hommage le dimanche, et c'est pour cela que la pauvreté règne dans le monde entier.

Nous faisons aussi une distinction entre, d'une part, le pain et le vin de la Communion et, d'autre part, la nourriture prise pendant nos repas quotidiens. Mais rien ne justifie cette distinction, ainsi qu'on peut s'en rendre compte en laissant tomber les mots que certaines versions indiquent en italique (chaque fois que vous "en" boirez, "ce" pain, "cette" coupe). Au contraire, nous lisons dans le chapitre précédent (verset 31) "que vous mangiez, que vous buviez, faites tout à la gloire de Dieu".

Chacun de nos actes devrait être accompli comme une prière. L'"action de grâce" dont on s'acquitte par habitude avant le repas est en réalité un blasphème; et la pensée silencieuse de gratitude envers Celui qui nous donne le pain quotidien est bien préférable.

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En nous rappelant à chaque repas que cette nourriture provient de la substance terrestre qui est le corps de l'Esprit intérieur du Christ, nous pouvons bien comprendre comment ce corps est quotidiennement "rompu" pour nous sustenter, et nous pouvons apprécier toute l'étendue de cet amour qui a poussé le Christ a se sacrifier pour nous. En effet, n'oublions pas qu'il n'y a pas un seul instant du jour ou de la nuit où il ne souffre d'être ainsi lié à la Terre. Si, en mangeant, nous sommes pleinement conscients de cette situation, nous pensons à la mort de notre Seigneur, dont l'esprit "gémit et souffre les douleurs de l'enfantement" (Romains 8:22) dans l'attente du jour de la libération, ce jour où nous n'aurons plus besoin d'un milieu aussi dense que l'actuel.

Mais il y a, dans ces paroles du Christ, un autre mystère, plus grand et plus merveilleux, qui s'y trouve dissimulé. Avec sa rare intuition de grand musicien, Richard Wagner a pressenti cette signification alors que, le Vendredi-Saint, il méditait en face d'un paysage du lac de Zurich et qu'une question s'est soudain présentée à son esprit: "Quel rapport peut-il bien y avoir entre la mort du Sauveur et les millions de pousses qui sortent de terre à ce moment de l'année?" En méditant sur cette vie surabondante qui se diffuse au printemps de chaque année, nous avons le sentiment qu'il s'agit d'une force prodigieuse et merveilleuse, d'un torrent de vie qui transforme le globe et le fait passer en peu de temps d'un état mort et de gel à celui d'une verte jeunesse. Cette vie qui pénètre ainsi les bourgeons de ces innombrables millions de plantes, c'est celle de l'Esprit de la Terre.

C'est à lui que nous sommes redevables du blé et du raisin, qui sont le corps même, et le sang, de l'Esprit emprisonné dans la Terre. C'est lui qui nous donne la nourriture nécessaire à nos besoins matériels durant cette phase de notre évolution. Nous rejetons la prétention de ceux qui déclarent que le monde doit les entretenir sans qu'ils fassent l'effort d'assumer leurs responsabilités matérielles . Néanmoins, nous insistons

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sur le fait qu'il existe aussi une responsabilité spirituelle liée au pain et au vin (voir dans la "Lettres aux Etudiants" n° 89 ainsi qu'au n° 90 du 2e volume de "Questions et Réponses", une interprétation basée sur des recherches ultérieures de Max Heindel dans la Mémoire de la Nature, montrant qu'il s'agissait d'eau et non de vin) distribués lors de la dernière Cène: il faut se montrer digne de cette nourriture, sous peine de maladie et de mort . Cette interprétation des Ecritures peut sembler exagérée, mais à la lumière des enseignements ésotériques et des diverses traductions de la Bible, par comparaison aux conditions du monde actuel, nous trouverons qu'en fin de compte cette explication n'est pas paradoxale.

Pour commencer, il nous faut revenir à l'époque où l'homme vivait sous la tutelle des Anges, en train de construire inconsciemment les corps que nous utilisons aujourd'hui. Cela se passait dans l'ancienne Lémurie, et l'homme avait à la fois besoin d'un cerveau pour le développement de la pensée, et d'un larynx pour son expression verbale. A cet effet, une moitié de la force créatrice a été dirigée vers le haut pour permettre à l'homme de construire ces deux organes. Ainsi, l'être humain est devenu unisexué et à dû avoir recours à un partenaire de sexe opposé pour créer un nouveau corps destiné à servir d'instrument dans une phase plus élevée de son évolution.

Tant que l'union des corps s'est accomplie sous la tutelle éclairée des Anges, l'existence de l'homme était exempte de tristesse, de souffrance et de mort. Mais lorsque, sous l'influence des Esprits Lucifériens, il s'est mis à manger le fruit de l'arbre de la connaissance et qu'il a commencé à se reproduire sans tenir compte des lignes de force interplanétaires, il a transgressé la loi, et les corps ainsi formés se sont exagérément cristallisés. D'une manière beaucoup plus rapide et perceptible que jusqu'ici, ces corps ont été sujets à la mort, aussi l'homme a dû en créer plus fréquemment de nouveaux, à mesure que diminuait la durée de la vie terrestre. Les gardiens célestes de la force créatrice l'avaient chassé du Jardin où régnait l'amour , dans le

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désert du monde, et il est devenu responsable de ses actes sous la loi cosmique qui régit l'Univers. Ainsi, il a lutté durant les âges, essayant de trouver lui-même son salut et, de ce fait, la Terre s'est cristallisée de plus en plus.

Les Hiérarchies divines, y compris le Christ, ont travaillé de l'extérieur sur la Terre, à la manière dont les Esprits-Groupes guident les animaux dont ils ont la charge, mais comme le dit si bien Saint Paul, personne ne pouvait se justifier sous la Loi, car sous la Loi tous étaient pécheurs et tous devaient mourir (Romains 7:7-9). Dans l'ancienne Alliance, il n'y a aucun espoir au- delà du présent, si ce n'est la perspective de la venue d'un Etre qui rétablirait le Bien, et c'est pourquoi Saint Jean nous dit que la Loi avait été donnée par Moïse, mais que la Grâce nous est venue par le Christ.

Mais qu'est-ce que la Grâce ? La Grâce peut-elle opérer contrairement à la Loi et l'abolir complètement? Certainement pas, car les lois de Dieu sont stables et sûres, sinon l'Univers retournerait au Chaos. La Loi de pesanteur, par exemple, maintient nos maisons en place par rapport aux autres maisons, si bien qu'en les quittant nous sommes sûrs de les retrouver au même endroit. De la même manière, tous les autres domaines du Cosmos sont soumis à des lois immuables.

Puisque la Loi sans l'amour a fait naître le péché, ainsi le fruit de la Loi que tempère l'amour est la Grâce . Nous pouvons en prendre un exemple dans nos conditions sociales: nous avons des lois qui requièrent une certaine peine pour un délit donné et, lorsqu'une telle loi est appliquée, nous appelons cela justice . Mais une longue expérience commence à nous enseigner que la justice pure et simple est semblable aux dents du dragon de Colchide, qui donnaient naissance à autant de guerriers; elle provoque indéfiniment des querelles et des luttes qui vont croissant. Celui qu'on appelle un criminel reste un criminel et s'endurcit de plus en plus sous les sanctions de la loi, mais lorsque le régime actuel, moins sévère, permet au délinquant de bénéficier d'une mesure de sursis, il est alors sous le régime de la grâce et non sous celui de la loi. Ainsi le chrétien

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qui s'efforce de marcher sur les traces du Maître, est libéré de la loi du péché par la grâce, à condition d'abandonner le sentier du péché.

Nos ancêtres de l'ancienne Lémurie ont commis le péché de dissiper leur semence sans observer la Loi et sans aimer, mais les chrétiens ont le privilège de pouvoir se racheter par la pureté de leur vie, en souvenir du Christ. Saint Jean écrit: "Sa semence demeure en lui" (1 Jean 3:9) et c'est là le sens caché du pain et du vin. Dans la plupart des versions, nous lisons simplement "cette coupe est la nouvelle alliance", mais en allemand le mot utilisé est Kelch , qui signifie calice, un mot figurant également dans la version latine (calix). Dans le mot "potêrion" de la version grecque, nous découvrons un sens encore plus subtil, révélé par l'étymologie du mot anglais "pot", un réceptacle pouvant contenir, comme le "calice", un liquide. Les mots anglais "potent" et "impotent", lesquels s'appliquent à ceux qui possèdent, ou ne possèdent pas, la force virile (en français "puissant" ou "viril" et "impuissant") confirment ce sens du mot grec, qui suggère la manière dont l'homme est destiné à se transformer en surhommme.

Avant de devenir les êtres humains que nous sommes, nous avons déjà vécu des existences analogues à celles des minéraux, des végétaux et des animaux. D'autres étapes de notre évolution sont devant nous et nous rapprocheront de plus en plus du Divin. Il est facile d'admettre que ce sont nos passions animales qui freinent notre avancement sur le sentier de la perfection, car la nature inférieure ne cesse de lutter contre le Moi supérieur. Du moins, chez ceux qui ont fait l'expérience d'un éveil spirituel, une lutte silencieuse se livre en eux, une lutte d'autant plus âpre qu'elle est plus refoulée. Avec sa maîtrise de poète, Goethe a exprimé ce sentiment dans les paroles qu'il prête à Faust, l'aspirant, lorsqu'il s'adresse à son ami Wagner, plus matérialiste:

"Toi, tu n'est poussé que par un seul élan;
Puisses-tu ne jamais connaître l'autre!
Deux âmes, hélas, se partagent mon coeur,

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Et luttent pour la suprématie.
L'une, de toutes ses fibres, s'attache à la terre
Et s'y cramponne avec passion.
L'autre, pleine d'une ardeur sacrée, aspire
A s'élever dans des sphères plus pures."

Le Christ savait que ceux qui avaient eu un éveil spirituel devaient absolument observer la loi de chasteté, sauf pour procréer, et c'est ce qui lui a dicté ses paroles. Et l'Apôtre Paul a énoncé une vérité ésotérique lorsqu'il a dit que toux ceux qui communient sans vivre la vie régénérée sont en danger de maladie et de mort . En effet, sous la sauvegarde spirituelle, une vie pure peut élever considérablement le disciple, alors qu'au contraire le manque de chasteté exerce un effet bien plus désastreux sur des corps plus sensibilisés que sur ceux qui sont encore soumis à la Loi et qui ne bénéficient pas encore de la Grâce par le Calice de la Nouvelle Alliance.

(Ce chapitre 4 est commenté dans "Lettres aux Etudiants" n° 22)

 

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