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CHAPITRE 5 - FAUST vend son âme à Satan (2e partie)

A Lucifer qui lui demande de signer le pacte avec son sang, Faust répond avec mépris:

"Ne crains pas que je viole ma parole; Je mets toute ma force dans cet engagement. J'avais visé trop haut; je suis à ton niveau. Le Grand Esprit m'a dédaigné, et la Nature Se ferme à mon approche. Le fil de ma pensée Est rompu. La science m'est en horreur. Dans les gouffres profonds de la sensualité, Que s'apaisent mes terribles passions! Dans les impénétrables voiles de la magie, Des charmes merveilleux exciteront nos sens!"

Ayant été dédaigné par les puissances du bien, enflammé du désir d'acquérir la connaissance directe pour obtenir un pouvoir réel, il est prêt à tout sacrifier. Mais Dieu dit dans le prologue:

"Un honnête homme, dans ses plus vils désirs, Peut encore trouver le chemin du salut."

Faust représente l'âme qui aspire, et l'âme ne peut pas s'écarter en permanence du sentier de l'évolution. Le but poursuivi par Faust nous démontre

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que même lorsqu'il s'égare dans la fange, son idéal est élevé; il a besoin d'expériences:

"Tu m'entends, il ne s'agit pas de joie; je veux L'ivresse du vertige, l'agonie du plaisir, La haine dans l'amour, la vie dans le dépit . Revenu de l'amour de la science, mon coeur Ne sera plus fermé à aucune douleur. Ce qui est le partage de l'humanité entière, Je veux le ressentir au plus profond de moi. Je veux, par mon esprit, connaître le plus haut, Et aussi le plus bas; entasser sur mon coeur, Le bien comme le mal qui est, hélas! son lot, Et me gonflant comme elle, finir par me briser!"

Avant que quiconque puisse devenir véritablement compatissant, il doit ressentir, comme que Faust le désire, toute la profondeur des souffrances de l'âme humaine, aussi bien que ses joies les plus extatiques; car c'est seulement lorsque nous connaissons ces extrêmes de la passion humaine que nous pouvons ressentir la compassion nécessaire à ceux qui désirent aider à l'élévation de l'humanité. Avec l'aide de Lucifer, Faust peut apprendre à connaître la joie et la souffrance, et dans ce sens, Lucifer est vraiment comme il le dit:

"Le pouvoir qui oeuvre pour le bien, Tout en voulant le mal."

L'intervention des Esprits Lucifer dans le plan de l'évolution intensifie et canalise les passions humaines, occasionnant toutes les souffrances et les maladies du monde. Néanmoins, leur intervention a éveillé l'individualité de l'homme et l'a libéré de la tutelle des Anges. Faust, également avec l'aide de Lucifer, est conduit hors des sentiers conventionnels, et s'individualise ainsi. Faust et Lucifer, dans le marché qu'ils viennent de conclure, sont la réplique des Fils de Caïn, qui sont les descendants et les protégés des Esprits Lucifer, comme nous l'avons vu dans "Franc-Maçonnerie et Catholicisme".

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Dans la tragédie de Faust, Marguerite est la protégée des Fils de Seth, la prêtrise décrite dans la légende Maçonnique. Les deux classes représentées par Faust et Marguerite doivent se rencontrer, et entre ces deux se jouera la tragédie de la vie, et des souffrances endurées par chacune, l'âme développera des ailes qui l'élèveront de nouveau vers les régions de félicité d'où elle vient.

Pendant ce temps, Lucifer conduit Faust dans la cuisine d'une sorcière qui lui donne un élixir de jeunesse afin que, rajeuni, il puisse devenir désirable aux yeux de Marguerite. Quand "Faust" est représenté sur scène, la cuisine de la sorcière est pleine d'instruments présumés utiles aux opérations magiques, et autres bizarreries: un feu d'enfer brûle sous une marmite contenant des philtres d'amour. Passons sous silence les objets inanimés pour étudier la signification de la famille de singes que nous voyons là, car il représentent une phase de notre évolution.

Remplie de la passion instillée par les Esprits Lucifer ou Anges déchus, l'humanité s'est détachée des Anges guidés par Jéhovah. En conséquence du pouvoir cristallisant du désir, des "vêtements de peau" ont bientôt revêtu les humains, les séparant les uns des autres. L'égotisme a remplacé le sentiment de fraternité à mesure que l'on approchait du point le plus bas de la matérialité. Quelques-uns, plus passionnés que d'autres, ont cristallisé leur corps à un plus grand degré, si bien qu'ils ont dégénéré et sont devenus des anthropoïdes. Leur taille s'est réduite de plus en plus en approchant du point où toute espèce s'éteint. Ils sont donc tout spécialement confiés aux Esprits Lucifer. Ainsi le mythe de Faust nous montre une phase de l'évolution humaine qui ne figure pas dans la légende Maçonnique, et il nous donne une vue plus étendue de ce qui s'est réellement produit.

A un moment donné, toute l'humanité se trouvait au point considéré par les

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savants comme le "chaînon manquant". Ceux qui sont actuellement des singes ont dégénéré à partir de ce moment, tandis que la famille humaine évoluait jusqu'à son degré actuel de développement. Nous savons à quel abrutissement conduit l'abandon aux passions, et nous comprenons facilement qu'au moment où l'homme était en formation, non individualisé, et sous le contrôle direct des forces cosmiques, cet abandon ne pouvait être réfréné par la conscience de soi qui nous en protège partiellement aujourd'hui. Les résultats ont donc été plus profonds et plus désastreux.

A un certain moment, l'âme qui aspire, entre, comme Faust, dans la cuisine de la sorcière et réalise la leçon objective des conséquences du mal représenté par les singes. L'âme est ensuite laissée seule dans le jardin où elle rencontre Marguerite, pour tenter et être tentée, pour choisir entre la pureté et la passion, succomber comme Faust ou rester fermement fidèle à la pureté comme Parsifal. Conformément à la loi de Compensation, elle recevra alors son salaire pour les actions accomplies dans le corps dense. Vraiment, la chance est liée au mérite, ainsi que Lucifer le dit à Faust, et la véritable sagesse ne peut s'acquérir que par une patiente persistance dans le bien:

"De combien près la chance est liée au mérite, Le sot n'en est jamais conscient. S'il possédait la pierre philosophale, Elle serait, je gage, sans son philosophe."

Fidèle à son propos d'étudier la vie plutôt que les livres, Faust demande à Lucifer de le faire admettre chez Marguerite, et s'efforce de gagner son coeur par le cadeau princier de joyaux précieux que Lucifer introduit subrepticement dans son placard. Le frère de Marguerite se bat au loin pour son pays. Sa mère est indécise et ne sait pas ce qu'il convient de faire de ces bijoux; elle les

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apporte au conseiller spirituel de son église. Mais ce dernier préfère les pierres brillantes aux âmes précieuses confiées à ses soins. Il néglige son devoir pour un collier de perles, plus désireux de s'assurer des gemmes pour en parer une idole que de protéger l'enfant de l'église contre les dangers de moralité qui rôdent sournoisement autour d'elle. Ainsi, Lucifer parvient à ses fins et récolte bientôt un butin de sang et d'âmes humaines, car pour accéder à la chambre de Marguerite, Faust la décide à administrer à sa mère un somnifère qui entraîne sa mort. Valentin, le frère de Marguerite, est tué par Faust, Marguerite est jetée en prison et condamnée à la peine capitale.

Si nous nous rappelons que le sang est le siège de l'âme, et qu'il adhère à la chair d'une personne dont la fin est soudaine avec la même tenacité que la pulpe tient au noyau d'un fruit vert, on comprend qu'une grande souffrance résulte d'une pareille mort. Les Esprits Lucifer se délectent de l'intensité des sentiments et évoluent par elle. Pour eux, la nature d'une émotion n'importe pas autant que son intensité. Ils excitent les passions de notre nature inférieure parce qu'elles sont plus intenses à notre degré d'évolution que les sentiments de joie et d'amour. C'est pourquoi ils incitent à la guerre et aux effusions de sang, et nous semblent mauvais actuellement, mais ils agissent, en réalité, à la manière d'échelons conduisant à des idéaux plus nobles et plus élevés, car à travers la douleur et la souffrance telles que celles engendrées dans le coeur de Marguerite, l'Ego s'élève sur l'échelle de l'évolution. C'est par un faux-pas dans la direction du vice qu'il apprend la valeur de la vertu.

Par une juste appréciation de ce fait, Goethe a écrit:

"Qui n'a jamais mangé son pain dans la tristesse, Qui n'a jamais passé les heures de la nuit A pleurer dans l'attente du matin, Ne vous connaît pas, ô pouvoirs célestes!"



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