Dans les conférences précédentes, nous avons considéré l'homme comme une unité, en montrant comment l'être humain, un esprit, possède plusieurs corps ou véhicules de conscience en plus de son corps dense, et la façon dont il les emploie pour accumuler de l'expérience, ainsi qu'un ouvrier emploie ses instruments. Nous avons montré comment l'expérience est amassée pendant chaque vie et assimilée entre la mort et la naissance suivante, de telle manière qu'à chaque nouvelle vie sur terre, nos facultés soient constituées par la somme de toutes nos expériences dans les vies antérieures. Nous avons enfin montré comment nous progressons ainsi vers le but glorieux de la perfection, que nous atteindrons tous avant que cesse la nécessité de revenir sur la Terre, où chaque vie dans un corps physique dense est comme un jour de classe pour un enfant. Quand nous aurons appris tout ce qui peut être appris ici-bas, nous trouverons d'autres évolutions plus élevées où nous pourrons entrer exactement comme un enfant entre à l'école primaire après être passé par l'école maternelle.
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Devant l'Ego, le progrès apparaît sans fin et les limites inconcevables, car l'esprit humain est une étincelle de l'Infini, englobant toutes les possibilités.
L'homme cependant n'est pas seulement une unité, une entité isolée; du moins ne l'est-il que dans un sens relatif, car il est membre d'une famille, d'une communauté, d'une nation, un des habitants de la Terre, et par là en relation avec d'autres mondes et leurs habitants, car il sont tous habités comme l'ont affirmé certains astronomes en raisonnant par analogie. La science occulte, elle aussi, enseigne qu'ils sont habités, et cet enseignement repose sur une connaissance directe, acquise et vérifiée au moyen de facultés que quelques-uns possèdent, bien qu'elles ne soient pour le moment que latentes chez la plupart.
Cette vue de l'Univers et de notre petite Terre, quoique insolite pour la majorité des gens, ne devrait pas être de beaucoup aussi difficile à croire que l'histoire de la création en sept jours, prise littéralement; car si Dieu a créé la Terre dans ce bref espace de temps, il doit aussi y avoir intercalé des restes fossiles, il doit avoir plié les couches géologiques et marqué les traces glaciaires et celles d'érosion des eaux - tout cela pour sa seule gloire, et pour l'éternelle mystification de l'homme. Il est certainement plus logique de soutenir que les différents corps célestes sont des habitations pour des formes de vie en évolution, que de les considérer comme de simples lampes accrochées dans le firmament pour éclairer notre petit bout de Terre.
Cette relation entre le Soleil, la Lune et les planètes est exposée par chacune des différentes religions du monde, y compris la religion Chrétienne, et les temples anciens sont des monuments de cette croyance maintenant presque oubliée dans le monde occidental, et pourtant aussi vraie aujourd'hui que dans les temps anciens.
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La grande pyramide de Gizeh, située aux confins du vaste désert du Sahara, à la pointe du Delta du Nil, est une des plus anciennes constructions de la Terre, et un des témoins de la connaissance des anciens, concernant les vraies relations cosmiques: car c'est selon ces mesures cosmiques qu'ils ont construit cet édifice monumental.
De nombreuses théories ont été émises sur l'âge et la signification de cette Pyramide. Des astronomes ont montré qu'en l'an 2170 avant J.-C., Alpha du Dragon, étoile polaire de cette époque, était exactement en face de l'entrée inclinée du côté nord de la Pyramide. Le Prof. Proctor affirme qu'elle était aussi dans cette position en 3350 avant J.-C.; mais les Egyptologues disent que c'est là une date beaucoup trop récente. Comme ce dernier chiffre prend en considération les relations alors existantes entre Alpha du Dragon et Alcyone, qui ne peuvent se produire qu'une fois dans une année sidérale (25.868 années solaires); et comme le Zodiaque de Dendérah montre que les anciens Egyptiens avaient enregistré trois années sidérales, l'âge de la Pyramide pourrait être de quatre-vingt mille ans ou même davantage. Cet âge mérite au moins autant de créance scientifique que la date donnée par le Prof. Proctor.
Les recherches occultes, qui sont basées sur les archives impérissables trouvées dans la "mémoire de la nature", fixent la date de la construction à environ 250'000 ans avant J.-C., époque où la pyramide était utilisée comme temple d'initiation aux mystères et constituait le sanctuaire dans lequel était gardé un précieux talisman.
Hélène Blavatsky, dans la "Doctrine Secrète", nous dit que "la construction de la Pyramide était basée sur le programme des mystères et des séries d'initiations...d'où il ressort que la Pyramide est la preuve éternelle sur la terre de ces initiations; et, comme le sont les orbites des étoiles dans le ciel, le cycle des initiations était une reproduction en miniature de la grande série de changements cosmiques à laquelle les astronomes ont donné le nom d'année sidérale (25.868 années ordinaires)".
"Tout comme à la fin du grand cycle de l'année sidérale, mesuré par la précession des équinoxes autour du cercle du Zodiaque, les corps célestes retournent aux mêmes positions relatives; de même, à la fin du cycle
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des initiations, la partie divine de l'homme a regagné son état primitif de pureté et de connaissance, qu'elle avait quitté pour entreprendre son pèlerinage à travers la matière, mais plus riche des expériences qu'elle a traversées".
Etant un symbole, la Pyramide doit contenir tout ou du moins partie des traits dominants de ce qu'elle symbolise. Grâce aux travaux documentés, mais d'esprit quelque peu étroit, des Prof. Piazzi Smith et Proctor, tous deux astronomes réputés - et d'opinions opposées sur l'utilité de la Pyramide - nous avons un nombre accablant de preuves des relations qui existent entre les dimensions des différentes parties de la Pyramide et les cycles et distances terrestres et cosmiques.
Le témoignage du Prof. Proctor est le plus intéressant, parce qu'il réfute la théorie de la construction de la Pyramide par des architectes divins. Il voudrait faire, et fait loyalement tout ce qu'il peut, pour réfuter cette théorie: il attribue les nombreuses dimensions qu'il étudie, et leurs relations avec les mesures cosmiques, à "de simples coïncidences" - méthode qui incita Mme Blavatsky à l'appeler du nom sarcastique de "champion de la coïncidence". Il admet que "toutes les théories touchant son origine laissent inexpliqués les traits principaux de la Grande Pyramide, sauf cette théorie extravagante qui attribue sa construction à des architectes divins"; et que "la théorie d'après laquelle elle servait à des fins astrologiques est soutenue par toutes les évidences connues; et aussi puissant que soit cet appui, elle tire plus de force encore de la faillite de toutes les autres théories". Ailleurs, il admet que la seule difficulté rencontrée par la théorie astrologique surgit de "notre incapacité à comprendre comment des hommes ont jamais pu avoir en l'astrologie une foi assez complète pour vouer tant d'années de travail et d'énormes sommes d'argent à poursuivre des recherches astrologiques, même dans leur propre intérêt".
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Proclus nous dit que, d'après la tradition, il fut un temps où la Pyramide se terminait par une plate-forme, où la grande galerie s'avançait du centre vers le haut; et le Prof. Proctor se montre enthousiaste des possibilités de la Pyramide en tant qu'observatoire, alors qu'elle était dans cet état inachevé du point de vue architectural, mais au stade de la perfection du point de vue astronomique; il termine son éloge en disant que "avec des instruments modernes", elle aurait pu rester l'observatoire astronomique le plus important du monde. Il montre comment l'entrée de la grande galerie pointe vers le Zodiaque de manière que le Soleil, la Lune et les planètes, en suivant leurs orbites dans le ciel, jetaient une ombre dans la grande galerie selon un angle différent pour chaque jour de l'année ou du mois, et qu'ainsi leurs positions pouvaient être mesurées d'une manière particulièrement précise.
Les mesures les plus importantes de la Pyramide sont:
l - Chaque côté mesure 9131,5 pouces à la base; la somme des quatre côtés est donc de 36.526 pouces. A raison de 100 pouces par jour dans l'année, nous trouvons 365 jours 1/4, exactement le nombre de jours dans l'année, même y compris le quart de jour que nous conservons tous les quatre ans en le plaçant dans l'année bissextile.
2 - La longueur d'une des diagonales de la base est de 12.934 pouces, la somme des deux est donc 25.868 pouces, soit un pouce pour chacune des années de la grande année sidérale ou mondiale;
3 - Comme la base de la Pyramide mesure le temps que met la Terre à tourner autour du Soleil dans sa course annuelle, il est normal d'en déduire que la hauteur de la Pyramide devrait mesurer la distance de la Terre au Soleil, ce qui est exact.
4 - La hauteur de la Pyramide est de 5.819 pouces; ce qui, multiplié par un milliard de pouces, égale 91.840.000 miles; le Prof Proctor admet que c'est là la vraie distance de la Terre au Soleil, plutôt qu'aucune autre calculée par les astronomes.
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Donc, "théorie extravagante" ou non, l'évidence est entièrement en faveur de la supposition que des architectes divins ont construits la Pyramide, et cela devrait nous convaincre de la valeur de cette théorie.
A une période plus tardive de son histoire, d'après les informations occultes, la Pyramide fut le temple des mystères qui ont actuellement dégénéré en "Maçonnerie". Dans un des rites dénommés "la porte de la mort", le candidat était lié sur une croix de bois et porté dans une crypte souterraine, où il demeurait en léthargie pendant trois jours et demi. Pendant ce temps, alors que son corps physique demeurait inerte, l'Ego revêtu de ses véhicules plus fins, parcourait consciemment le monde du désir sous la conduite des Hiérophantes. Il passait par les "épreuves du feu, de la terre, de l'air et de l'eau". Ceci veut dire qu'on lui montrait qu'en fonctionnant dans un tel corps, il ne pouvait être blessé par aucun des éléments; qu'il pouvait alors passer à travers une montagne aussi facilement que dans l'air; qu'il pouvait vivre dans un foyer ardent ou au fond du Grand Océan en parfait aise et confort. Au début, le néophyte est habituellement effrayé par les éléments, c'est pourquoi l'Initiateur est présent pour aider le néophyte et lui donner de l'assurance.
Au lever du Soleil, le quatrième jour, on le portait sur la plate-forme de la Pyramide, où les rayons du Soleil levant l'éveillait de son sommeil (pendant lequel il avait visité le Purgatoire). Une fois réveillé, il recevait "le Mot", et était appelé "premier-né".
Ce rite subsiste encore aujourd'hui comme troisième degré de la Maçonnerie: la mort et la résurrection de Hiram Abiff, le "fils de la Veuve", Grand Architecte du Temple de Salomon et héros de la légende Maçonnique. Ragon, la grande autorité de la Maçonnerie Française, dit que la légende de Hiram est une allégorie astronomique représentant le Soleil descendant du solstice d'été.
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"Pendant l'été, le Soleil fait naître les chants de gratitude de tout ce qui respire; de là Hiram, qui le représente, peut donner le Mot, c'est-à-dire la Vie, à tous. Puis le Soleil entre dans les signes du Sud à l'équinoxe d'automne, la nature devient muette, et Hiram, le Soleil, ne peut plus donner le Mot sacré; il rencontre les trois meurtriers, les signes zodiacaux de la Balance, du Scorpion et du Sagittaire, que le Soleil traverse en octobre, novembre et décembre. Le premier le frappe avec une règle de 24 pouces, emblème des 24 heures que met la Terre à tourner sur son axe. Le second le frappe avec une équerre d'acier, qui symbolise les quatre saisons. Enfin le coup mortel est donné par le troisième meurtrier avec un maillet arrondi qui signifie que le soleil a complété son cycle et meurt pour faire place au Soleil d'une autre année.
Les initiés des temples en Egypte étaient appelés "phree messen" ce qui signifie "enfants de la lumière", parce qu'ils avaient reçu la lumière de la connaissance; et c'est ce nom qui fut changé en celui de "Franc-Maçon" (en anglais free-mason).
Dans la religion Judaïque, il est question d'un Dieu qui fait certaines promesses à un homme du nom d'Abraham. Il promet de rendre la postérité d'Abraham aussi nombreuse que les sables du rivages; et l'on nous conte comment il en usa avec le petit-fils d'Abraham, Jacob, qui fut l'époux de quatre femmes dont il eut 12 fils et une fille. Ceux-ci sont considérés comme les ancêtres de la nation Juive.
C'est là une allégorie astronomique, en rapport avec la migration des corps célestes: ceci est mis en évidence par une étude approfondie du 49e chapitre de la Genèse et du 33e chapitre du Deutéronome, où les bénédictions de Jacob à ses fils montrent comment ils sont identifiés aux 12 signes du Zodiaque - Simon et Lévi partageant le signe des Gémeaux et le signe féminin de la Vierge étant attribué à la seule fille de Jacob, Dinah. Les quatre épouses sont les quatre phases de la Lune, et Jacob est le Soleil.
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Tout ceci est semblable à l'enseignement que nous trouvons chez les Grecs, où Gaïa, la Terre, est l'épouse d'Apollon, le Soleil; et chez les Egyptiens, où chaleur et humidité, le Soleil et la Lune, étaient personnifiés par Osiris et Isis. Les fleuves sacrés du Jourdain et du Gange sont aussi étymologiquement en rapport avec la rivière de l'Eridan, qui est une des constellations. Ce nom signifie "source de la descendance", et pour des agriculteurs comme l'étaient ces peuples anciens, ces fleuves étaient la source des Eaux de la vie. Flavius Josèphe nous dit que les Juifs portaient les douze signes du Zodiaque sur leurs bannières, et campaient autour du Tabernacle qui contenait le chandelier à sept branches, représentant le Soleil et les corps célestes en mouvement dans le cercle formé par les douze signes du Zodiaque.
Les Juifs plaçaient leurs temples de manière que les quatre angles pointaient vers le N.E., le S.E., le S.O. et N.O., et les quatre côtés directement au Nord, à l'Est, au Sud et à l'Ouest. Comme dans tous les temples solaires, l'entrée principale était à l'Est, pour que le Soleil levant pût illuminer le portail et proclamer chaque jour la victoire de la lumière sur les puissances des ténèbres. C'était là un message enseignant à l'humanité naissante que la lutte entre la lumière et les ténèbres sur le plan matériel n'est que la contrepartie d'une lutte semblable dans les mondes moral et mental, où l'âme humaine cherche à tâtons sa voie vers la lumière; car le combat de la lumière et des ténèbres dans le monde matériel, comme tous les autres phénomènes, est une suggestion des réalités des mondes invisibles. Ces vérités furent données à l'homme sous forme de mythes par des guides divins; ceux-ci le guidèrent jusqu'au moment où le développement de son intelligence le rendit arrogant, ce qui détermina ses bienfaiteurs à se retirer et à le laisser apprendre par les rudes chocs de l'expérience. L'homme alors les oublia, et il en est venu à considérer les vieilles histoires de dieux et demidieux comme imaginaires.
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Et pourtant l'Eglise Chrétienne primitive elle-même était imprégnée de la connaissance de la signification du mythe solaire, car la Cathédrale Saint-Pierre de Rome est construite face à l'Est, comme tous les temples solaires - annonçant à l'humanité la "Grande Lumière du Monde" qui doit venir dissiper les ténèbres spirituelles qui nous enveloppent, le porteur de Lumière qui apportera la Paix sur la Terre et la bonne volonté parmi les hommes, et par qui les nations changeront leurs épées en socs de charrue et leurs lances en serpes (Isaïe 2:4).
Les Juifs accueillaient le soleil avec le sacrifice du matin, et prenaient congé de lui à son coucher de la même manière par une offrande vespérale, offrant en outre pendant leur sabbat un sacrifice supplémentaire au "Dieu de race" lunaire Jéhovah. C'est lui qu'ils honoraient aussi par un sacrifice à la Nouvelle Lune.
Une grande fête était celle de Pâques (Easter) où ils célébraient la Pâque, moment où le Soleil traverse son noeud oriental (eastern), quittant l'hémisphère sud où il a hiverné pour commencer son voyage boréal dans son char de feu, salué avec joie par les hommes qu'il sauve de la faim et du froid inévitables s'il restait toujours en déclinaison australe.
La dernière et la plus importante des fêtes juives est la fête des Tabernacles, au moment où le Soleil traverse son noeud occidental, en automne, après avoir donné à l'homme le "pain de vie" avec lequel il soutiendra son être matériel jusqu'au retour suivant du Soleil vers le ciel du nord.
C'est pour cette raison que les six signes du Sud occupés en hiver par le Soleil sont toujours appelés "l'Egypte" ou le "pays des Philistins", etc., d'un nom qui désigne quelque chose de néfaste pour le "peuple de Dieu"; tandis que les signes boréaux où se trouve le Soleil pendant la saison féconde sont toujours "le ciel", "la terre promise", où "coulent le lait et le miel".
Nous voyons cela dans des passages comme celui où la célébration de la Pâque est ordonnée "en souvenir de la sortie d'Egypte".
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Cette fête est une réjouissance à propos de la sortie du Soleil des signes austraux et aussi du fait que Jacob était avec Joseph en Egypte lorsqu'il mourut. Au solstice d'hiver, lorsque le Soleil de l'année écoulée a terminé son voyage et atteint le dernier degré de déclinaison australe, il se trouve dans le signe zodiacal du Sagittaire. En se reportant à la Genèse (49:24) où Jacob mourant parle de l'"arc" de Joseph, il est facile de l'identifier avec le signe du Sagittaire qui représente un Centaure tirant à l'arc; ainsi l'histoire de Jacob mourant en Egypte près de Joseph se répète chaque année lorsque le Soleil meurt dans le signe du Sagittaire au solstice d'hiver.
L'histoire de Samson est une autre phase du mythe solaire. Tant que la chevelure de Samson pouvait pousser, sa force augmentait; Samson est le Soleil et ses rayons sont représentés par les cheveux de Samson. Du solstice d'hiver en décembre au solstice d'été en juin, les rayons du Soleil grandissent, et il gagne en force chaque jour. Ceci épouvante les "puissances des ténèbres", les mois d'hiver, les Philistins, car si ce porteur de Lumière continue à régner, leur royaume touchera à sa fin; et ils tiennent conseil contre Samson pour découvrir en quoi repose sa force. Ils s'assurent le concours de la femme Dalilah, qui est le signe de la Vierge; et quand Samson, le Soleil, passe dans ce signe en septembre, on dit qu'il a laissé reposer sa tête sur le sein de la femme et qu'il lui a confié son secret. Elle lui coupe ses boucles, car à ce moment les rayons du Soleil deviennent plus courts et perdent leur force. Alors les Philistins ou mois d'hiver surviennent et emportent le géant affaibli dans leur prison, les signes austraux où le Soleil se trouve en hiver. Ils crèvent ses yeux ou le privent de sa lumière, et le mènent enfin dans leur temple, leur forteresse, au solstice d'hiver; là, ils le soumettent à des traitements infâmes, croyant avoir complètement vaincu la lumière. Mais avec les forces qui lui restent, le géant solaire enchaîné détruit leur temple; bien qu'il meure dans l'effort, il l'emporte sur ses ennemis; il laisse ainsi le chemin libre pour la naissance d'un nouveau Soleil-enfant, qui sauvera l'humanité du froid et de la faim, inévitables s'il était resté prisonnier des puissances des ténèbres, des Philistins, des mois d'hiver.
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Les vies de tous les sauveurs de l'humanité ont également comme base le passage du soleil autour du Zodiaque, qui illustre les épreuves et les succès des Initiés: ce fait a donné naissance à cette conclusion erronée que ces sauveurs n'ont jamais existé, que leurs histoires sont de simples mythes solaires. C'est une erreur, car tous les maîtres divins envoyés à l'humanité sont des entités cosmiques, et l'ordonnance de leurs vies est en accord avec la marche des astres, qui représente en quelque sorte une biographie anticipée de leurs vies. Chacun d'eux est venu, apportant lumière spirituelle et connaissance divine pour aider l'homme à trouver Dieu; c'est pour cela que les circonstances de leurs vies étaient accordées sur les évènements que le grand porteur physique de lumière, le Soleil, rencontre dans son pèlerinage à travers une année.
Les Sauveurs sont tous nés d'une Vierge immaculée au moment où les ténèbres sont les plus grandes parmi l'humanité, de même que le Soleil de l'année qui vient est né, ou commence son voyage, pendant la nuit la plus longue de l'année, au moment où le signe zodiacal de la Vierge se trouve à l'horizon oriental sous toutes les latitudes entre 22 et 24 heures. Elle reste aussi immaculée que jamais après avoir donné naissance à son fils-soleil; c'est pourquoi nous voyons la déesse égyptienne Isis, assise sur le croissant de la Lune, tenant son divin bébé Horus; Astarté, la femme immaculée de Babylone avec son fils Tammuz et une couronne de sept étoiles sur la tête; Devaki dans l'Inde avec son fils Krishna; et notre propre Vierge Marie donnant le jour au Sauveur du Monde Occidental sous l'étoile de Bethléem. Partout la même histoire: la mère immaculée, l'enfant divin; et le soleil, la lune ou les étoiles.
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De même que le Soleil matériel est faible et doit fuir devant les puissances des ténèbres, de même ces divins porteurs de lumière sont poursuivis et contraints de fuir par les pouvoirs du Monde; et, comme le Soleil, ils échappent toujours. Jésus dut fuir devant le roi Hérode: le roi Kansa et la reine Maya jouent le même rôle dans d'autres religions. Le baptême a lieu au moment où le Soleil traverse le signe du Verseau, le porteur d'eau; et quand il traverse le signe des Poissons en Mars, c'est le jeûne de l'Initié, car le signe des Poissons est le dernier des signes du sud; à ce moment, les provisions amassées grâce aux dons généreux du Soleil de l'année précédente sont presque épuisées, et la nourriture de l'homme est insuffisante. L'alimentation en poisson du Carême, qui se place à ce moment, est une confirmation de plus de cette origine solaire du jeûne.
A l'équinoxe de printemps, le soleil "croise l'équateur", et à ce moment se place la "mise en croix" ou crucifixion, car c'est alors que le Soleil-Dieu commence à donner la vie sous forme de nourriture à ses adorateurs, mûrissant le blé et le raisin, dont sont faits "le pain et le vin". Pour cela, il doit quitter l'équateur et s'élever vers le ciel. De même, il ne serait d'aucun bénéfice spirituel pour l'humanité que ses sauveurs restent avec elle; aussi remontent-ils au ciel en tant que "fils (ou soleils) de justice" (Malachie 4:2), secourant de là-haut les fidèles, comme le fait le Soleil pour l'homme du haut des cieux.
Le Soleil atteint son point le plus élevé de déclinaison Nord au solstice d'été; il est alors assis "sur le trône de son père", le Soleil de l'année précédente; mais il ne peut y rester plus de trois jours, il descend ensuite vers son noeud occidental. De même, les Sauveurs de l'humanité montent jusqu'au trône du Père, pour être réincarnés de temps en temps pour le bien de l'humanité - vérité contenue dans la phrase du Credo de Nicée: "et de là il reviendra".
Le mouvement connu sous le nom de "précession des équinoxes, d'après lequel le Soleil croise l'équateur le 21 mars en un point différent chaque année, détermine le symbole propre à chaque Sauveur.
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Au temps de la naissance de Jésus, le Soleil croisait l'équateur autour du 5e degré du signe du Bélier: en conséquence, le Christ était "l'agneau de Dieu". Il y eut pourtant une discussion; les uns pensaient que, à cause de ce qu'on appelle l'orbe d'influence, le pouvoir du Soleil était en réalité dans les Poissons, et que le symbole du Christ aurait dû être un poisson, symbole d'ailleurs des premiers chrétiens. En souvenir de cette discussion, la mitre des évêques a encore de nos jours la forme d'une tête de poisson.
Au temps de Mithra, le Sauveur Persan, le Soleil croisait l'équateur dans le signe du Taureau; aussi Mithra est représenté monté sur un taureau; et c'est sur ce fait que se fonde l'adoration du Boeuf Apis en Egypte. Au temps présent, l'équinoxe du printemps est environ au dixième (aujourd'hui neuvième) degré des Poissons; si un sauveur devait naître actuellement, il serait un "homme-poisson" comme Oannes de Ninive, transformé en Jonas et la baleine par la Bible.
Les quatre lettres dont il est dit qu'elles ont figuré sur la croix du Christ, et la méthode de fixation de la date de Pâques en commémoration de cet événement, montrent également son caractère cosmique. On suppose généralement que les lettres INRI signifient Jesus Nazarenus Rex Judaeorum (Jésus de Nazareth, Roi des Juifs); mais ce sont aussi les initiales des noms hébreux des quatre éléments: Iam (l'eau), Nour (le feu), Ruach (l'air ou l'esprit), Iabeshah (la Terre). Il serait stupide de fixer l'anniversaire de la mort d'un homme quelconque par le Soleil et la Lune comme est fixée la date de Pâques, mais c'est au contraire tout à fait normal pour une fête solaire et une entité cosmique, en relation avec le Soleil apportant la lumière au luminaire physique.
Lorsque le soleil quitte son trône au solstice d'été, le 21 juin, il passe, après le Cancer, dans le signe du Lion, le "Lion de Juda". C'est alors qu'a lieu la fête catholique de "l'Assomption"; trois semaines plus tard, quand il se trouve dans la Vierge, c'est la "Nativité", car à ce moment la Vierge naît du Soleil, pour ainsi dire.
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Ceci nous rappelle à l'esprit la solution astronomique de ce passage de l'Apocalypse (12:1): "Je vis une femme habillée du soleil avec la lune sous ses pieds". Ce phénomène se produit chaque mois de Septembre juste après la Nouvelle Lune: car vu de la Terre, le Soleil couvre ou habille le signe de la Vierge pendant Septembre; et lorsque la Lune cesse sa conjonction avec le Soleil, il semble qu'elle soit juste sous les pieds de la Vierge. Lorsque Jean-Baptiste dit, à propos du Christ: "Il faut qu'il croisse et que je diminue (Jean 3/30), il symbolise le Soleil au solstice d'été, lorsqu'il lui faut décroître en éclat pour le semestre qui vient; tandis que le Christ, par sa naissance à Noël, s'identifie avec le Soleil nouvellement né, qui fait croître la longueur du jour jusqu'au milieu de l'été.
Nous voyons donc que le combat entre la Lumière et les Ténèbres dans le monde physique est en connexion étroite, dans les Ecritures des différentes religions, avec le combat des puissances de la lumière et de la vie contre celle des ténèbres et de l'ignorance; et que cette vérité est universellement répandue parmi les peuples dans tous les temps. Les mythes des tueurs de dragons renferment la même vérité; là où les Grecs racontent la victoire d'Apollon sur Python, et celle d'Hercule sur le dragon des Hespérides, l'homme du Nord parle du combat de Beowulf tuant le serpent de feu, celui de Siegfried tuant le dragon Fafner ou celui de St-Georges et du Dragon. A notre époque matérialiste, ces vérités sont temporairement reléguées dans l'oubli ou considérées comme des contes de fées sans aucun fond de vérité: mais les temps viendront, et ils ne sont pas loin, où ces reliques, qui incarnent de grandes vérités spirituelles, seront remises en honneur.
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Dans les temps modernes, la science de l'Astrologie est considérée comme une erreur abandonnée; de même que le clairvoyant, l'astrologue est pris pour un charlatan, et non sans raison, car vous pouvez trouver presque dans chaque journal des annonces offrant d'établir un horoscope décrivant votre sort du berceau à la tombe, pour une somme modique, ce qui justifie jusqu'à un certain point l'appellation de "charlatan". Cette conférence a pour but de montrer un autre aspect peu connu du public, de cette science ancienne et mal jugée, et d'en faire connaître les applications et les limites.
Il y a deux sortes d'astrologie et deux sortes d'astrologues. Les uns n'établissent même pas un thème, ils demandent seulement le mois de la naissance de la personne, ce qui leur indique dans quel signe se trouvait le Soleil au moment où elle est née; ils copient alors dans un livre, ou possèdent une série des douze tableaux polycopiés indiquant la "destinée" de la personne.
Il est évident, pour tout esprit qui raisonne, qu'il existe plus de douze classes d'individus dans le monde. Selon la méthode ci-dessus, il devrait y avoir similitude d'existence avec une personne sur douze.
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Nous savons au contraire qu'il n'y a pas deux êtres ayant les mêmes expériences, que chaque vie diffère de toutes les autres: toute méthode qui ne fait pas cette différence ne peut, de toute évidence, qu'être fausse.
L'astrologue qui envoie de la "documentation" est un bon homme d'affaires. Sa brochure polycopiée, ses frais de poste et de papeterie lui coûtent peu, il a donc un bénéfice très large pour chaque "horoscope". Commercialement, c'est là un profit énorme, mais qui perd toute signification devant ce fait: chaque fois que l'astrologue reçoit une commande, il reçoit le nom d'une dupe; et il possède un véritable système de rappels grâce auquel il signale à ses clients de temps à autre que certains évènements très importants doivent se produire à bref délai, et qu'ils les révélera pour tel ou tel montant. Il exploitera systématiquement ses victimes jusqu'à ce qu'enfin l'expérience leur apprenne combien ses pronostics sont dénués de valeur. Naturellement, à partir de ce moment, ces personnes proclament que l'astrologie n'est que tromperie ou sottise.
La méthode scientifique requiert d'abord de l'intéressé le mois, le jour et l'année de sa naissance, parce qu'elle tient compte de chacun des corps célestes du système solaire, et sait qu'ils ont à un moment donné une position relative définie, les uns par rapport aux autres. Cette même position ne se représentera plus avant qu'une année sidérale ne se soit écoulée, ce qui représente 25.868 de nos années ordinaires. Si donc un enfant naît aujourd'hui, il faudrait 25.868 années avant qu'un autre enfant puisse naître avec le même horoscope. Mais ce n'est pas assez cependant, car on estime qu'il naît un enfant par seconde (vrai en 1908); cela donnerait 86400 enfants dont l'expérience de la vie serait semblable, si l'on ne prenait en considération que le jour de la naissance.
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C'est pour cela que l'astrologue scientifique demande l'heure et le lieu de la naissance en plus du jour, du mois et de l'année. Il est bien rare en effet que deux personnes naissent au même endroit à la même heure et minute. Les jumeaux eux-mêmes naissent avec un écart de vingt minutes à plusieurs heures, et ceci fait une grande différence; lorsqu'ils naissent du même ovule (univitellins) et se ressemblent, ils sont nés alors que le même signe zodiacal se levait à l'Orient, car c'est là un facteur important pour donner sa forme au corps. Mais lorsqu'ils naissent d'ovules séparés (bivitellins) et ne se ressemblent pas, le calcul révèle que la fin d'un signe se levait à la naissance du premier, et le commencement du suivant à la délivrance du second. S'il y avait entre eux plusieurs heures, il peut y avoir un écart de plusieurs signes, car pendant que l'horizon oriental tourne sur son axe dans la journée, un nouveau signe se lève à l'équateur toutes les deux heures. Plus près du pôle, certains signes passent plus vite, du fait de l'inclinaison de l'axe de la terre; aussi y a-t-il parfois plusieurs signes entre les naissances des jumeaux, ce qui rend leurs vies très différentes.
Lorsque, cependant, il arrive que deux enfants sont nés au même endroit et au même moment, il y a aussi une similitude marquée dans leurs existences. De tels cas sont connus. Un exemple suffira: un certain Samuel Hemmings naquit dans le même quartier de Londres à la même heure et presque à la même minute que le Roi George III, le 4 juin 1738. Il s'installa comme quincaillier le jour même où le roi fut couronné; il se maria le même jour que sa majesté et mourut le même jour; d'autres évènements se ressemblèrent également dans les deux vies. La différence de situation les empêcha d'être tous deux rois; mais le jour même où l'un devint le monarque d'un royaume, l'autre devint aussi un chef d'entreprise indépendant.
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L'astronomie présente avec l'astrologie les mêmes rapports que l'anatomie avec la physiologie. L'anatomie explique la situation et la structure des organes qui constituent le corps; l'astronomie fournit les mêmes données sur les corps célestes. Il est réservé à la physiologie d'énoncer l'utilité des différents organes du corps, qui seule donne quelque valeur à leur connaissance; de même il revient à l'astrologie d'expliquer la signification des positions relatives, changeantes, des corps célestes, en ce qui touche les actions de l'humanité.
Nul besoin d'arguments pour établir que les conditions physico-chimiques de l'atmosphère terrestre sont différentes le matin de ce qu'elles sont à midi ou le soir. Nous voyons aussi les changements qui se produisent aux différentes saisons, et nous reconnaissons qu'ils sont dus à une nouvelle position du Soleil. Nous connaissons aussi l'effet de la Lune sur les marées. Ces deux corps célestes se déplacent rapidement, et cependant produisent constamment des modifications dans les conditions atmosphériques de la Terre; et, maintenant que les ondes hertziennes sont connues, il ne devrait pas être difficile de concevoir que les autres corps célestes puissent produire également un effet. Comme nous l'avons déjà vu, les changements sont si nombreux que les mêmes conditions physico-chimiques ne peuvent se reproduire qu'à des intervalles de 25.868 ans. Nous voyons ainsi que les conditions électrostatiques de l'atmosphère, au moment où un enfant fait sa première inspiration, doivent donner à chaque atome du petit corps sensible son empreinte individuelle: c'est comme si nous chargions une nouvelle batterie électrique; et chaque variation dans les conditions atmosphériques affectera ce cerveau différemment des autres, parce que son empreinte originelle a été différente de toutes les autres.
Beaucoup de gens croient que l'astrologie est fataliste. Bien qu'elle puisse sembler telle, une étude plus approfondie montrera que cette idée est erronée.
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Comme tous nos chagrins et toutes nos souffrances ne sont que le résultat de l'ignorance, le savoir nous évitera le malheur si nous l'appliquons à temps. Pour comprendre l'étendue de notre libre arbitre, il nous faut admettre le fait que le résultat de nos actions passées subit un triple processus de maturation.
En premier lieu, il existe des causes qui doivent se développer sans être gênées par rien d'autre; elles sont si proches de la réalisation de leurs effets qu'elles sont comme la balle tirée d'un pistolet: elles dépassent nos possibilités d'intervention et nous devons les laisser suivre leur cours pour le bien ou pour le mal. La science occulte leur donne le nom de destinée "mûre", et elles sont clairement indiquées dans un horoscope correctement établi. Il semble évident qu'il ne sert à rien de les connaître, puisque nous n'y pouvons rien changer; mais nous pouvons parfois modifier les conditions dans lesquelles se déroule une cause mûre, et là nous retrouvons l'espérance. Nous voyons le nuage qui passe, nous savons à quel moment il aura épuisé sa fureur, et cela nous donne un espoir que nous n'aurions pas eu sans les prédictions de l'astrologie.
Le second genre de causes naît et se développe jour par jour, comme une sorte de "paiement comptant": celles-ci peuvent souvent être évitées ou rectifiées par une certaine connaissance de l'astrologie. Les tendances générales sont ici également visibles dans l'horoscope.
Le troisième genre de causes comprend celles que nous sommes en train de créer mais que nous ne pouvons régler actuellement: celles-ci sont conservées pour être réglées dans des années ou des vies à venir. Vis-à-vis de ces causes, nous sommes entièrement libres. L'horoscope nous aidera en montrant les tendances: nous pourrons alors être particulièrement prudents aux périodes critiques, travailler de tout notre pouvoir pour saisir les bonnes occasions, et faire tous nos efforts pour éviter toute tendance mauvaise.
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Pour illustrer l'action de la Loi de cause à effet en relation avec les prédictions, nous pouvons citer quelques cas tirés de notre propre expérience.
M.L., conférencier bien connu et populaire, n'avait jamais étudié l'astrologie, mais s'y intéressait; on lui offrit de la lui enseigner. Pour donner de l'intérêt à cette étude, son propre horoscope servit de base d'instruction; il pouvait ainsi contrôler les interprétations du passé, et arriver à une compréhension meilleure qu'en utilisant le thème de naissance d'un autre. Au cours de l'étude, il apparut que M.L. était sujet à des accidents fréquents: des accidents et des évènements antérieurs furent indiqués au jour même où ils s'étaient produits ce qui impressionna beaucoup M.L.
On put voir, en outre, que le 21 juillet 1906 devait se produire un autre accident qui affecterait le thorax, les bras et le cou, la base de la tête, et que tout cela résulterait d'un court voyage. M.L. fut averti que la Nouvelle Lune qui tombait ce 21 juillet étant le facteur déterminant de ces évènements, il lui faudrait rester chez lui ce jour-là, et aussi sept jours après; cet autre jour étant même encore plus dangereux que le précédent. Très impressionné, M.L. promit d'obéir soigneusement à ces recommandations.
Juste avant l'époque critique, nous écrivîmes de Seattle à M.L. pour nous assurer qu'il se souvenait de nos instructions, et nous reçûmes une lettre répondant qu'il s'en souvenait parfaitement et serait plein de prudence.
La communication suivante nous parvint d'un ami commun: il nous apprenait qu'au jour critique, le 28 juillet, M.L. se rendait à Sierra Madre en tramway; à un passage à niveau se produisit une collision avec un train, M.L. fut projeté par la fenêtre et fut blessé aux endroits mentionnés dans la prédiction, et aussi une lésion à un tendon qui n'avait pas été vue. Etrange problème, en vérité, que de savoir pourquoi M.L. avait négligé nos injonctions, puisqu'il était très pénétré de la réalité du danger. Nous eûmes la réponse trois mois après, lorsqu'il put écrire lui-même; il disait; "J'ai cru que le 28 était le 29".
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C'était là évidemment un cas de destinée "mûre" qui ne pouvait être évitée.
Dans d'autres cas, des gens avertis d'accidents possibles y ont échappé en suivant nos instructions; mais ils dirent après: "Croyez-vous réellement que j'aurais été blessé si je n'avais pas agi ainsi?" C'est bien là la difficulté: personne ne veut croire, à moins d'être frappé, comme le fut M.L. Celui-ci nous écrivit: "Ces accidents ont rendu mon respect pour l'astrologie infiniment plus profond". Est-ce donc pour nous le seul moyen d'apprendre? Si oui, tant pis pour nous.
Il est exact en vérité, que "nul ne vit pour lui-même" (Romains 14:7). Nous réagissons tous les uns sur les autres: cela aussi apparaît dans l'horoscope. La mort des parents est particulièrement visible dans l'horoscope de chacun, car ils sont la source du corps dans lequel nous vivons. Souvent, quand l'heure de la naissance est inconnue, le bon astrologue peut la trouver par les grands évènements de la vie particulièrement si on lui donne le jour de la mort du père et de la mère. Mari et femme sont aussi tellement liés que les grands évènements de la vie de l'un d'eux peuvent être vus dans l'horoscope de l'autre. Nous connaissons un cas qui s'est produit il y a quelques années; une certaine Mme F. fut avertie d'une menace de rupture de ses relations avec M.F.; on lui dit qu'un voyage projeté ne se terminerait pas et que sa vie mondaine serait interrompue (il s'agissait de gens du monde). La jeune femme reconnut avoir envisagé un voyage en Europe, mais se rit de l'idée d'y renoncer, et demanda si M.F. était en danger de mort. La réponse fut: pis encore! Mais comme il s'agissait d'un sujet délicat et qu'elle était une étrangère, on ne put lui en dire davantage, sauf que le mois de novembre serait l'époque du désastre. Le 14 de ce mois, son mari fut condamné à cinq ans de pénitencier pour attentat à la pudeur sur une petite fille. Le voyage fut naturellement interrompu et elle subit l'ostracisme du monde.
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Ce cas montre particulièrement la position délicate de l'astrologue. Bien qu'il puisse prévoir et soit désireux de venir en aide, les conventions l'empêchent de dire tout net ce qu'il voit. Le cas mentionné ci-dessus en est un exemple: malgré le désir d'éviter de la souffrance, il était impossible d'avertir. C'est pourquoi nous préconisons l'étude de l'astrologie pour chacun. Le meilleur astrologue, s'il est un étranger, ne peut voir dans les vies de ceux qui nous sont chers aussi bien que nous, si nous étudions l'astrologie, à cause de la connaissance intime que nous avons déjà de leurs caractères. Les conventions ne nous gênent pas au même point qu'elles affectent un étranger. De plus, un horoscope acheté ne peut jamais faire naître en nous la sympathie pour les autres que procure la connaissance personnelle de l'astrologie.
Un jour qu'il visitait Columbus, dans l'Ohio, on montra à l'auteur l'horoscope d'un jeune garçon, établi par sa tante. Il vit du premier coup d'oeil que l'enfant traversait une crise qui devait durer environ six ans. Pendant ce temps, une somme énorme de mal devait apparaître en lui, et tout dépendrait de la manière dont il serait traité dans sa famille, mais, hélas! l'ignorance des causes cachées gouvernait l'attitude des parents. Au lieu d'indulgence, d'amour et de sympathie, on lui infligeait des semonces et des punitions; on le traitait comme un vaurien; pouvait-on s'attendre à ce qu'il fût bon? Un grand élan de sympathie envahit l'auteur lorsqu'il se rendit compte de ce que le pauvre garçon devait souffrir; et quand l'horoscope d'une de ses soeurs plus jeune révéla le fait que vers 14 ans elle entrerait dans une crise semblable, il sentit le besoin d'envoyer aux parents un message urgent, leur demandant instamment de prodiguer beaucoup d'amour à cet enfant pendant les quelques années qui la séparaient du commencement de cette crise, et de lui rendre sa maison si chère qu'au moment venu, elle pût y trouver assez d'amour et de gaieté pour que toute autre compagnie et tout autre endroit lui semblassent tristes en comparaison. C'était le seul moyen de sauver cette enfant, et l'auteur a souvent prié pour que ses conseils soient suivis.
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Nous avons autour de nous et parmi nous ces mystères vivants que sont les enfants. Le résultat de notre comportement en tant que parents dépendra de notre manière de résoudre les problèmes qu'ils représentent. Une intelligence moyenne est suffisante pour établir un thème astrologique et le lire au point de vue du caractère. Le caractère, c'est la destinée; si nous connaissons bien le caractère d'un enfant, nous pouvons amasser au ciel de grands trésors pour nous-mêmes en renforçant ses bonnes tendances, et en l'aidant par l'exemple et les préceptes à éliminer le mal.
Un des meilleurs emplois de l'astrologie, selon l'opinion de l'auteur, consiste à déterminer le caractère des enfants, et à les élever de manière à renforcer leurs points faibles et à réprimer leurs tendances au mal. Dans la lecture du caractère, l'astrologie est correctement interprétée dans 99 p. 100 des cas par la plupart des astrologues expérimentés; les parents ne peuvent mieux servir et aider un enfant qu'en faisant établir son thème astrologique, si ce n'est en apprenant à le calculer eux-mêmes. En attendant, un ami au courant de l'astrologie pourra faire l'horoscope de l'enfant.
Alors que l'astrologie est une science absolument exacte, il faut toujours prendre en considération le fait que l'astrologue n'est qu'un homme, et par cela même qu'il est faillible.
Bien qu'un astrologue consciencieux, sachant évaluer et combiner les influences stellaires, donne généralement des prédictions justes, il est toujours sujet à l'erreur, et souvent là où il s'y attend le moins. Une seule fois, l'auteur s'est permis de dire qu'une de ses prédictions ne pouvait manquer de se réaliser: cette fois, précisément, elle ne se réalisa pas; il y avait une occasion d'y échapper et elle avait été vue, mais les aspects étaient si forts qu'il semblait impossible que l'événement prédit pût ne pas se réaliser. Il se produisit presque, mais fut déjoué au moment critique, prouvant ainsi la puissance de la condition contraire.
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S'il arrive que des prédictions ne se réalisent pas, cela est dû à un facteur que l'astrologue ne peut faire entrer en ligne de compte: le libre arbitre de l'homme. Tant que les gens vont sans but le long de la vie, portés de côté et d'autre par le vent des circonstances, la tâche de prédire est aisée; l'astrologue consciencieux et compétent peut prédire exactement pour la grande majorité des personnes, car leur thème montre leurs tendances et, à moins d'un effort individuel, l'humanité suit ces tendances sans y résister. Mais plus l'homme est évolué, plus l'astrologue est exposé à se tromper, car il ne peut voir que les tendances: la volonté de l'homme est un facteur qui échappe à ses calculs. La nature même des choses veut cet élément d'incertitude. Si les conditions étaient si strictes qu'aucun écart ne soit possible, cela montrerait qu'un destin inexorable gouverne la vie humaine; il serait bien inutile de faire un effort pour en changer les conditions. Mais le fait même que les prédictions peuvent ne pas se réaliser est un encouragement, car il montre qu'il existe un certain degré de libre arbitre.
Il est pourtant un genre de prédiction où l'astrologie est peut-être infaillible et certainement d'un grand secours: c'est dans la détermination de l'affinité entre les êtres; ainsi, au lieu de faire du mariage une loterie, il est possible d'affirmer à l'avance quel degré de bonheur ou de chagrin pourra résulter d'une union. Le divorce ne se produirait sûrement pas dans le cas d'une union recommandée par un astrologue sérieux.
Dans les précédentes conférences, nous avons vu que la vie humaine est gouvernée par une grande loi de la nature, la Loi de cause à effet; chacun de nos actes constitue une cause qui apportera son inévitable effet, aussi sûrement qu'un caillou jeté en l'air retombe sur la terre. Cette grande Loi nous fait rencontrer, à nouveau, amis et ennemis; il semble qu'il soit impossible d'en venir aux relations les plus étroites, celles du mariage, avec un "étranger". Les influences qui déterminent au mariage sont de la "destinée mûre" qui ne peut être évitée.
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L'auteur a remarqué les faits suivants: lorsque des gens demandent des prédictions astrologiques pour une proposition de mariage et que les prédictions sont favorables, ils précipitent toujours la cérémonie parce qu'elle est conforme à leurs voeux; mais lorsque l'astrologue est contraint de prédire un désastre, les intéressés concluent invariablement "qu'il n'en sait pas aussi long qu'il ne croit", et ils se marient de toute façon, ou bien consultent quelqu'un qui veuille bien prédire ce qu'ils souhaitent et suivent alors son avis.
L'utilisation la plus importante de l'astrologie concerne les malades, et c'est le seul usage qu'en fasse maintenant l'auteur. Nous avons parlé de la Loi de cause à effet, qui apporte en temps voulu à chacun les résultats de ses actions passées, soit dans cette vie, soit dans d'autres. Les astres sont l'Horloge du Destin, en vérité; les douze signes du Zodiaque correspondent au cadran de l'horloge avec ses douze chiffres; le Soleil et les planètes avec leurs lents mouvements indiquent l'année où doit se produire un événement, et la Lune au déplacement rapide nous en dit le mois.
Il est une catégorie de gens qui sont particulièrement sous l'influence de la Lune: ce sont les aliénés, ou "lunatics", comme ils sont appelés en anglais. Dans leurs vies les phases lunaires sont particulièrement ressenties, et l'astrologue peut prédire non seulement le jour, mais même l'heure précise où se manifesteront les crises. Voici comme exemple un cas tiré de l'expérience de l'auteur.
La femme d'un de ses amis tomba malade mentalement et fut confiée à deux infirmières. Des avertissements furent donnés touchant les crises à différentes périodes, et les précautions prises évitèrent des troubles sérieux. Il fallait employer la camisole de force, et le mari s'arrangeait toujours pour être prêt à aider les infirmière. Une nuit, un avertissement avait été donné pour deux heures du matin. Le mari se trouvait comme d'habitude dans la chambre de la malade; il était couché sur le lit complètement habillé. La malade resta assise dans son lit pendant la première moitié de la nuit, bavardant très raisonnablement; elle demanda qu'on déliât les poignets de la camisole.
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Comme elle semblait très raisonnable, son mari accepta; un peu plus tard, la malade dénoua elle-même les liens retenant ses membres inférieurs. Vers deux heures du matin elle se leva et chercha quelque chose dans la chambre, parlant toujours tranquillement et logiquement. Il vint à l'esprit de M.X. qu'elle cherchait un couteau; il se leva dont aussi pour la surveiller, mais à ce moment elle sauta sur lui, le mordit à la joue et un couteau tomba par terre. Il fallut les efforts réunis du mari et des infirmières pour lui remettre la camisole de force. Quelques jours plus tard, M.X. découvrit que son pantalon avait été percé à deux endroits d'un coup de couteau. L'attaque s'était produite exactement à l'heure prédite.
Quand la maladie atteint quelqu'un, la crise est visible dans le thème astrologique, où l'on peut voir aussi ses développements dans chaque cas. Ceci permet de tirer parti des moments favorables, où les remèdes auront un bien plus grand effet; et si la personne qui soigne ne peut accomplir de grands progrès en raison de conditions planétaires adverses, du moins peut-elle maintenir l'espoir et dire à quel moment surviendra un changement.
Ce cas s'est produit à Duluth, où l'auteur fut prié de soigner une dame qui souffrait d'un empoisonnement du sang. Elle avait été abandonnée par les médecins. En établissant son thème, on vit qu'elle avait eu une maladie semblable sept ans auparavant, et qu'une autre crise devait se produire dans quelques jours, au moment où la nouvelle Lune aggraverait son état. La malade était à l'agonie avec ses proches autour d'elle; elle leur dit adieu et s'attendait à mourir. Comme la Lune était en décroissance, elle ne gênait plus; et en une vingtaine de minutes la patiente se trouva soulagée et ne ressentait plus de douleurs; en deux jours le poison quitta l'abdomen pour ne rester qu'aux genoux.
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Mais la nouvelle Lune mit fin à ces progrès, et le troisième jour les démangeaisons et les douleurs reparurent à l'extrémité des membres. Nous les avons combattues pendant trois jours; mais tandis que nous pouvions faire cesser les douleurs pendant le traitement, elles recommençaient une heure ou deux plus tard, et l'oedème demeurait comme auparavant. Il devenait dès lors évident qu'aucune guérison ne serait possible tant que la Lune n'aurait pas atteint son plein. On avertit la malade en lui disant qu'il ne pouvait y avoir de soulagement immédiat, mais que tel jour l'oedème cèderait aux traitements déjà suivis et que la douleur cesserait. Au jour dit, la malade se leva le matin et put mettre sans peine ses chaussures: la maladie était finie.
A ce propos, un chirurgien de Portland (Oregon) disait que son expérience l'avait conduit à opérer toujours, si possible, pendant que la Lune était en croissance, parce que, selon ses observations, il y avait alors plus de vitalité, et les plaies guérissaient mieux que dans les opérations pratiquées pendant la décroissance de la Lune.
Pour l'occultiste, les douze signes du Zodiaque sont les véhicules visibles des douze grandes Hiérarchies créatrices qui ont aidé l'homme à évoluer jusqu'à son degré actuel de conscience personnelle, le Soleil étant le siège de l'intelligence spirituelle la plus élevée manifestée actuellement dans notre système. Les sept planètes: Uranus, Saturne, Jupiter, Mars, la Terre, Vénus, Mercure, sont les corps de sept grands Anges Stellaires, dont nous parlent toutes les religions, sous le nom des Sept Esprits devant le Trône, des sept Archanges des Mahométans, des sept Rishis des Hindous, des sept Ameshaspends des Parsis, etc. Ils agissent selon la Loi de cause à effet, et sont les Ministres de notre Seigneur le Dieu Solaire, chacun d'eux ayant la charge d'une partie définie de la volonté de Dieu.
C'est d'eux, en tant qu'esprits, que nous sommes tous venus en sept "rayons", et l'un d'eux est notre "astre-père" pour toutes nos vies.
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Ce fait n'empêche pas que nous ayons pu naître et sommes nés à différents moments sous toutes les autres étoiles, de manière à réunir des expériences variées. Notre thème natal montre quelle étoile est notre "gouverneur" en cette vie, mais nous ne connaissons jamais notre astre-père avant la dernière initiation. C'est de ce fait aussi que vient la belle doctrine des "âmes-soeurs" qu'il ne faut pas confondre avec l'enseignement impur qui sert d'excuse à des pratiques corrompues. Tous ceux qui sont issus d'un même astre-père sont frères, soeurs, ou âmes-soeurs pendant toutes leurs vies sur la Terre; et personne ne peut entrer dans une école occulte autre que celle composée de ses frères du même rayon ou du même ange stellaire. C'est ce que Jésus-Christ voulait dire lorsqu'il disait aux disciples: "Votre Père et mon Père"; signifiant par là que Jésus et ses disciples étaient des âmes-soeurs émanées du même rayon. Il assigne une origine différente aux Pharisiens, les appelant enfants du Démon, Saturne ou Satan.
Il ne faut pourtant pas supposer que Saturne soit mauvais: il a une mission bénéfique à remplir, comme tous les autres ministres de Dieu. Il a une influence qui assujettit, et apporte le chagrin pour mettre une sourdine à notre arrogance; il est le tentateur qui met au jour nos imperfections pour que nous puissions nous purifier du mal et devenir parfaits et vertueux. Les vertus de Saturne sont grandes et belles: chasteté et justice, droiture qui jamais ne dévie; mais il lui manque la compassion et l'amour, qui nous viennent de la merveilleuse Vénus. De celle-ci nous viennent aussi la musique et l'art, qui servent à nous tourner vers le côté le plus élevé de la nature. Jupiter est le phare qui nous attire vers le ciel, et nous inspire des pensées élevées de consécration à Dieu et des aspirations altruistes. Mars nous donne de l'énergie pour travailler dans la vigne de la vie; sans son influence agissante il n'y aurait ni force ni vigueur dans l'homme; dans ses mauvais aspects, il donne passions, guerres et luttes, mais c'est parce que nous employons mal l'énergie qu'il nous apporte. De la même manière, Vénus peut provoquer la paresse et Jupiter l'indolence. Lorsque nous permettons à notre nature inférieure de mal diriger leurs bonnes influences, Saturne survient et nous inflige des épreuves, des chagrins et des contrariétés pour nous ramener dans la voie du progrès et de la pureté.
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Mercure, le messager des Dieux, est la source de la sagesse, d'où l'être humain tire sa tonalité propre; c'est la plus petite de toutes les planètes, mais c'est la demeure de l'ange stellaire qui a la mission la plus importante à l'égard de la race humaine. Selon ses positions et configurations dans le thème natal, la vie pourra être de consécration au Soi le plus élevé, ou bien une existence où la nature inférieure prendra le dessus. Car le mental est le chaînon qui unit le Soi supérieur à la nature inférieure, et s'il est placé de façon à nous faire préférer les plaisirs des sens aux joies de l'âme, que de chagrins nous attendent à la fin! Il faut toujours se rappeler que nul n'est forcé de faire le mal; et que plus grande est la tentation, plus grande aussi sera la récompense pour celui qui domine les tendances révélées par son thème. Rappelons-nous toujours que les astres nous inclinent, mais ne nous forcent pas. En dernière analyse, nous sommes nous-mêmes les arbitres de notre destinée; et malgré toutes les influences mauvaises, il est en notre pouvoir de gouverner nos astres par l'exercice de notre volonté, cette marque de notre divinité devant laquelle tout le reste doit s'incliner.
Comme l'a dit de façon si émouvante Ella W. Wilcox:
Un navire fait voile à l'ouest, l'autre au levant; Ce sont les mêmes vents qui soufflent pour tous deux, Mais c'est bien la voilure et ce n'est point le vent Qui fixe le chemin qu'ils suivent devant eux.
Pareils aux vents des mers, les arrêts du destin Nous poussent à travers notre vie inquiète; Mais ce qui cependant fixe le but lointain C'est notre âme, et non pas le calme ou la tempête.
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Lorsque nous disons "vue spirituelle" nous ne parlons pas symboliquement, ou d'une chose vague, une sensation d'extase, mais d'une faculté bien définie, aussi réelle que la vue physique. Cette faculté est autant nécessaire à la perception des mondes spirituels et à la véritable pénétration des conditions hyperphysiques, que la vue physique est indispensable à la pénétration approfondie des choses matérielles.
La vue spirituelle dont nous parlons ne doit pas être confondue avec la clairvoyance développée dans les cercles spirites. Cette dernière dépend d'un état mental négatif, où les mondes intérieurs sont réfléchis dans la conscience des assistants, comme le paysage environnant est réfléchi dans un miroir. Par une telle méthode, le clairvoyant peut arriver à voir, mais la pénétration spirituelle de la chose considérée manque au clairvoyant négatif tout autant qu'un miroir: il est dans une position semblable à celle d'un homme lié sur un cheval sans rênes ni brides, emporté partout où il plaît au cheval d'aller. Une telle faculté est une malédiction. Le clairvoyant correctement formé n'est pas lié; il peut se mettre en selle ou descendre comme il lui plaît, il a rênes et brides sur son cheval; il en est le maître, l'autre en est l'esclave.
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Certaines phases négatives de la clairvoyance peuvent aussi être développées par l'absorption de stupéfiants, par la contemplation d'une boule de cristal, etc. Dans tous ces cas, cette faculté est préjudiciable, parce qu'elle n'est pas soumise à l'esprit. Les stupéfiants ont un effet terriblement destructeur sur les différents véhicules de l'homme. Mais la méthode la plus dangereuse de développement est celle des exercices respiratoires inconsidérés. Beaucoup de personnes sont aujourd'hui dans les asiles d'aliénés, ou sont mortes de tuberculose, parce qu'elles ont pratiqué des exercices respiratoires enseignés par des personnes aussi ignorantes que leurs élèves. Si jamais ils sont nécessaires, les exercices respiratoires ne sont jamais donnés pour des groupes, car la constitution de chaque élève est différente; chacun a donc besoin d'exercices individuels, accompagnés d'exercices mentaux différents. C'est seulement par l'instruction individuelle, donnée par un maître compétent, que la vue et la pénétration peuvent être développées en parfaite sécurité. Les remarques ci-dessus s'appliquent seulement aux exercices respiratoires pour le développement spirituel, et non aux exercices respiratoires de la culture physique, qui sont excellents s'ils sont pratiqués avec modération.
Maintenant se pose la question: comment peut-on trouver le véritable Instructeur et comment le distinguer de l'imposteur? C'est une question importante, car lorsque l'aspirant a trouvé un bon Instructeur, il est en sécurité; il sera gardé contre la majeure partie des dangers auxquels sont exposés ceux qui, par ignorance ou présomption, suivent leur propre voie et cherchent les pouvoirs spirituels sans s'efforcer de se développer moralement.
"Vous les reconnaîtrez à leurs fruits", disait le Christ (Matthieu 7:16), et comme la scolarité ésotérique exige de l'élève l'absence de motifs égoïstes, il est facile d'en conclure que l'Instructeur doit posséder cet attribut à un degré encore plus élevé. Si quelqu'un se proclame et offre de vendre sa connaissance à tant la leçon, il tombe au-dessous du niveau demandé pour les élèves;
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qu'il ait besoin d'argent pour vivre, ou toute excuse du même genre pour faire payer son enseignement, autant de sophismes: la loi cosmique prend soin de celui qui travaille avec elle. Tout enseignement offert sur des bases commerciales n'est pas la science suprême: celle-ci n'est jamais échangée contre une rémunération réelle ou implicite. Elle est donnée à quiconque comme un droit qui résulte de son mérite; même si le véritable Instructeur ne voulait pas instruire une certaine personne, il y serait contraint par la Loi de cause à effet si c'était mérité. Une telle attitude serait d'ailleurs inconcevable, car c'est toujours une joie infinie pour les Frères Aînés de l'humanité lorsqu'un être commence à suivre la voie de la vie éternelle. Pourtant, si désireux qu'ils soient de révéler leur secret, nul ne peut le recevoir avant d'avoir prouvé par sa constance et son altruisme qu'il pourra être un sûr gardien d'un immense pouvoir qui pourrait être employé pour le mal comme pour le bien. Si nous permettons à nos passions de prendre le dessus, si la cupidité est le mobile de nos actions, nous empêchons le progrès au lieu d'aider notre prochain. Tant que nous n'avons pas appris à utiliser correctement les pouvoirs que nous possédons, nous ne sommes pas prêts pour le grand travail demandé à ceux que les Frères Aînés ont aidé à développer leurs facultés latentes, puis à acquérir la perception intérieure qui donne à la vue spirituelle sa valeur en tant que facteur de l'évolution.
C'est pourquoi "le Sentier de la Préparation" précède "la voie de l'Initiation". Persévérance, Consécration, Observation et Discernement: tels sont les moyens d'y parvenir, car par eux que le corps vital est sensibilisé. Par la persévérance et la consécration, les éthers chimique et l'éther-vie deviennent capables de se charger des fonctions vitales dans le corps physique pendant le sommeil. Une division se fait entre ces deux éthers et les deux éthers plus élevés, éther-lumière et éther-réflecteur.
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Quand ces deux éthers ont été suffisamment spiritualisés par l'observation et le discernement, une simple formule donnée par l'Instructeur rend le disciple capable de les extérioriser à volonté avec ses corps supérieurs; il est ainsi muni d'un véhicule doué de perception sensorielle et de mémoire. Toutes les connaissances qu'il possède dans le monde matériel lui sont alors accessibles dans les mondes spirituels; et il apporte à son cerveau physique les souvenirs des expériences réalisées pendant qu'il était hors de son corps physique. Tout cela est nécessaire pour pouvoir agir en dehors de ce corps avec la pleine conscience, à la fois du monde physique et du monde du désir. Car le corps du désir n'est pas encore organisé actuellement; et si le corps vital ne laissait pas sur lui son empreinte au moment de la mort, nous ne pourrions avoir aucune conscience dans le monde du désir pendant l'existence d'après-vie.
Des exercices respiratoires inconsidérés ne produisent pas cette division, mais tendent à extraire le corps vital tout entier du corps dense; dans certains cas, les connexions entre les centres éthériques de sensation et les cellules cérébrales sont rompues ou tendues, ce qui aboutit à la folie. Dans d'autres cas, la séparation se produit entre l'éther-vie et l'éther chimique; comme l'éther-vie constitue à la fois le matériau de cémentation dans l'assimilation, et la voie particulière d'utilisation de l'énergie solaire, cette rupture aboutit à la tuberculose pulmonaire.
Seuls, des exercices appropriés peuvent produire la séparation correcte. Lorsque la pureté de la vie a dirigé vers le haut, à travers le coeur, la force sexuelle inemployée élaborée dans l'éther-vie, cette force se charge de la circulation limitée nécessaire pendant le sommeil. C'est ainsi que les fonctions physiques et le développement spirituel sont menés côte à côte selon des procédés appropriés et harmonieux.
Ceci est la raison du voeu de chasteté fait par ceux qui se vouent entièrement à la vie supérieure.
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Il n'est pas nécessaire pour un débutant de vivre dans l'ascétisme; la continence absolue n'est actuellement nécessaire qu'à une minorité. Pour le présent, l'union des sexes est la méthode de procréation. Il n'est pas d'autre moyen de procurer des corps aux Egos qui renaissent, et c'est le devoir de tout être sain d'esprit, de coeur et de corps, de fournir un véhicule et une possibilité d'existence à autant d'esprits en voie de renaissance que ses moyens et les circonstances le lui permettent. Nous devrions considérer l'acte de procréation comme un sacrement, non pour la gratification des sens, mais dans un esprit de prière. Employée de cette façon, pour la génération, la force sexuelle n'est nécessaire que quelques fois dans la vie de toute personne; le reste peut légitimement être utilisé à l'amélioration de soi-même.
Le DISCERNEMENT est la faculté grâce à laquelle nous distinguons ce qui est important, essentiel, de ce qui ne l'est pas, séparant le réel de l'illusoire, et le permanent du temporaire. Dans la vie ordinaire, nous sommes habitués à considérer le corps comme notre "moi". Le discernement nous apprend que nous sommes des Esprits et que nos corps ne sont que des demeures provisoires, des instruments pour notre usage. Le charpentier emploie le marteau et la scie; ce sont des outils importants, mais il ne se considère pas lui-même comme étant l'un ou l'autre. Nous ne devons pas nous identifier avec nos corps, mais apprendre à discerner, à considérer notre corps comme un serviteur, précieux certes, mais seulement dans la mesure où il obéit à nos ordres. En le considérant ainsi, nous nous apercevons que nous pouvons réellement lui faire accomplir beaucoup de choses considérées jusqu'ici comme impossibles. Le discernement fait naître l'âme intellectuelle, et donne à l'homme son premier élan vers la vie supérieure.
L'OBSERVATION est l'emploi de nos sens comme moyens d'obtenir des informations sur les phénomènes qui nous entourent. L'observation et l'action produisent l'âme consciente.
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Il est de la plus grande importance pour notre développement que nous observions avec précision les vues et scènes autour de nous, sinon les images de notre mémoire consciente ne correspondront pas avec les enregistrements automatiques du subconscient. Le rythme et l'harmonie du corps dense sont troublés en proportion de l'inexactitude de nos observations pendant la journée. Nos activités pendant le sommeil rétablissent partiellement l'harmonie. Mais les vibrations discordantes renouvelées de jour en jour et d'année en année, sont un des causes qui graduellement durcissent et détruisent notre organisme; celui-ci finit par devenir impropre à l'usage de l'esprit, lequel doit l'abandonner pour avoir une autre occasion de développement dans un corps nouveau et meilleur. Dans la proportion même où nous apprendrons à observer avec précision, nous gagnerons santé et longévité, et nous aurons besoin de moins de repos et de sommeil. Ceci est un fait important, comme nous le verrons plus loin.
La CONSÉCRATION à un idéal élevé met un frein aux instincts vils et bas. C'est ainsi que se forme l'âme émotionnelle et qu'elle se développe. Cultiver cette faculté est essentiel. Chez certains, c'est la ligne de moindre résistance, et ceux-là tendent à devenir des rêveurs mystiques; les énergies du corps du désir s'expriment alors en enthousiasme et extase religieuse. Il est par contre des gens qui développent anormalement la faculté de discernement, ce qui les mène aux spéculations métaphysiques froides et intellectuelles. Dans l'un et l'autre cas, il y a manque d'équilibre et danger. Le rêveur mystique, parce que dominé par l'émotion, peut devenir sujet à toutes sortes d'illusions. Cela, l'occultiste intellectuel ne le sera jamais, mais il peut aboutir à la magie noire s'il poursuite le chemin de la connaissance pour cette seule connaissance et non pour servir ses semblables. La seule voie sûre est de développer à la fois la tête et le coeur.
L'Occultiste se développe dans une direction intellectuelle; il cherche la vérité par l'observation et le discernement; il observe, et raisonne sur ce qu'il voit. Il atteint ainsi la connaissance; mais comme le dit Paul, "la connaissance enfle, mais l'amour édifie" (I Corinthiens 8:1); et avant que la science puisse lui être utile dans son développement spirituel, l'occultiste doit apprendre à la sentir, sinon il ne saurait la vivre.
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Lorsqu'il a réussi à le faire, il est à la fois mystique et occultiste.
Le Mystique qui développe particulièrement la faculté de consécration, sent la vérité sans avoir besoin de raisonner. Il sait, mais ne peut ni donner la raison de sa foi, ni l'expliquer aux autres pour les aider. Il doit développer le côté intellectuel de sa nature, pour être le plus possible utile au développement de l'humanité; alors seulement l'intelligence agit comme un frein sur les émotions, et par ailleurs la consécration guide sûrement l'intelligence. Si nous suivons exclusivement l'une des deux voies, nous serons obligés par la suite de prendre l'autre pour combler cette lacune. Aussi vaut-il mieux développer dès maintenant la faculté qui nous manque; c'est ainsi que nous progresserons le plus rapidement vers le but final, avec une sécurité parfaite.
La clarté et le netteté d'une photographie dépendent de la façon dont l'objectif est mis au point par le photographe. Une fois placé, l'appareil reste stable; s'il possédait vie et volonté propre, s'il pouvait changer sa direction et sa mise au point, les images seraient brouillées. L'intellect est dans le même cas, il erre sans but, dans une véritable danse de Saint-Guy, et réagit violemment contre tout frein. Mais il peut et doit être dompté, et la persévérance est le meilleur moyen de le brider. Dans la mesure où le mental est calmé, l'esprit peut se refléter dans le corps triple, selon le principe que le soleil se mire dans une mer calme, mais que les lames houleuses font dévier ses rayons.
Le corps vital est comme un miroir, ou plutôt comme un film de cinéma; il fixe aussi bien les images du monde extérieur, selon nos facultés d'observation, que les idées de l'Esprit intérieur selon la clarté et la discipline de l'intellect. La Consécration et le Discernement - en d'autres termes l'émotion et l'intelligence - décident de notre attitude à l'égard de ces images, et leur action équilibrée conduit à un développement bien complet.
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Evolués jusqu'à un certain point, ils déclenchent inévitablement un processus de purification.
L'aspirant se rend compte que pour atteindre le but il doit écarter tout ce qui entrave ses progrès. Un bon mécanicien cherche à avoir les meilleurs outils et à les garder dans un ordre parfait, car il connaît leur valeur pour faire du bon travail. Nos corps sont des instruments de l'esprit; et dans la mesure où ils sont engorgés ils l'empêchent de se manifester. Le discernement nous apprend ce qui nous entrave, et la consécration à la vie supérieure nous aide à éliminer les habitudes ou traits de caractère indésirables en surmontant nos désirs instinctifs.
La nourriture carnée, obtenue au prix de la vie et de la souffrance d'une créature amie, est imprégnée de ses désirs et de ses passions; de plus, elle est dans un état de corruption; elle n'est donc pas une nourriture pure, et aucun aspirant aux pouvoirs supérieurs ne saurait choisir de nourrir son corps avec de tels rebuts. Il étudiera le moyen de satisfaire aux besoins de son corps avec une nourriture pure. Il se rend compte de l'importance de garder son cerveau clair, pour que la conscience qui s'éveille soit largement ouverte aux influences spirituelles; par conséquent, il cessera de faire usage de tabac et d'alcool qui stimulent le cerveau, mais le laissent ensuite assoupi. La modération est un non-sens en matière de boisson; tout usage d'alcool est un excès, et un désastre pour la recherche d'acquisitions spirituelles.
Toute forme de colère est contraire au développement spirituel; elle dissipe une grande quantité d'énergie qui pourrait être utilement employée; elle empoisonne le corps, le ruine et entrave énormément tout progrès.
De même, toute critique est nuisible, et l'aspirant doit s'en abstenir autant que possible. Le Discernement nous apprend d'une manière impersonnelle ce qui est bon et mauvais, mais ne nous donne aucun sentiment à ce sujet, et c'est là le point capital. L'examen d'un fait, d'une idée ou d'un objet, et une décision concernant sa valeur, sont nécessaires et il ne faut jamais s'y soustraire.
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Mais toute pensée blessante doit être évitée parce qu'elle crée une forme-pensée en forme de flèche; et celle-ci en sortant de nous traverse et bloque le courant de pensées bonnes qu'irradient constamment les Frères Aînés et qui sont attirées par toute personne d'une moralité élevée.
Deux exercices spécifiques sont donnés à l'aspirant sur le sentier de la préparation: tous deux mènent au développement de la vue et de la pénétration spirituelles. Le premier suit le chemin direct et s'adresse surtout à l'occultiste intellectuel; mais il est de grande valeur pour le mystique, parce qu'il développe la faculté qui lui manque le plus: le raisonnement. Cet exercice s'appelle la Concentration, qui produit le "pouvoir de la pensée". L'autre donne un résultat similaire d'une manière indirecte; il s'adresse surtout au mystique, mais il est de première nécessité pour l'occultiste intellectuel, parce qu'il apporte le sentiment de la vérité, qui est au-delà de la raison: cet exercice est la Rétrospection, qui développe le "pouvoir de consécration". Tous deux sont nécessaires pour atteindre un développement bien équilibré.
Du point de vue philosophique, atteindre la vue et la pénétration spirituelles consiste à obliger le corps du désir à accomplir, à l'intérieur du corps dense et pendant que nous sommes entièrement éveillés et conscients, le même travail qu'il accomplit à l'extérieur du corps pendant le sommeil et pendant l'état qui suit la mort.
Il existe certains courants dans le corps du désir de chaque personne. Ils sont forts, bien définis et forment sept grands tourbillons chez le clairvoyant, mais ils sont faibles, brisés et démunis de tourbillons chez l'homme ordinaire qui ne peut pas "voir". Le développement de ces courants et de ces tourbillons conduit à la vision spirituelle. Pendant le jour, alors que nous sommes absorbés dans nos occupations matérielles, ces courants sont lents;
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mais dès que l'homme sort du corps dense pendant le sommeil et commence le travail de restauration décrit dans la quatrième conférence, les courants s'animent et les tourbillons tournent et brillent, car le corps du désir est alors dans son élément naturel, délivré du poids embarrassant du corps matériel.
De notre manière d'utiliser notre corps physique dans la journée, dépend le temps nécessaire au corps du désir pour accomplir son oeuvre et rétablir le rythme du corps vital et du corps physique. Si nous avons causé à notre corps, pendant la journée, une grande dépense d'énergie, l'inharmonie régnera dans la même mesure, et il faudra presque toute la nuit pour rétablir le rythme et l'harmonie: l'homme sera ainsi lié à son corps jour et nuit. Mais s'il apprend l'habileté dans l'action, s'il conserve son énergie pendant le jour, et cesse de gaspiller ses forces en paroles et en actes inutiles, s'il commence à contenir ses colères et à empêcher l'inharmonie due à des fautes d'observation, son corps du désir n'est plus occupé pendant le sommeil à restaurer le corps dense; une partie de la nuit peut être employée pour le travail à l'extérieur. Si les centres sensoriels du corps du désir sont suffisamment évolués, comme ils le sont chez la plupart des gens intelligents, l'homme peut s'esquiver et prendre son essor dans le monde du désir. Là il enregistre scènes et vues, bien qu'il ne se les rappelle habituellement pas jusqu'à ce qu'il ait effectué la séparation entre les parties supérieure et inférieure du corps vital, ainsi que nous l'avons expliqué antérieurement.
Nous voyons donc l'importance considérable de l'observation juste, de la consécration à un idéal élevé, de l'alimentation pure: tout cela tend à harmoniser nos vibrations intérieures et extérieures. En proportion même des résultats que nous obtenons dans ces domaines, le temps nécessaire à la restauration pendant le sommeil est diminué et nous sommes libérés pour travailler dans le monde du désir.
L'exercice du soir, la RÉTROSPECTION, est plus efficace que toute autre méthode pour faire avancer l'aspirant dans la voie du progrès.
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Il a un effet si étendu qu'il permet à chacun d'apprendre dès maintenant, non seulement les leçons de cette vie, mais aussi des leçons ordinaires réservées pour les vies futures.
Une fois que l'aspirant est couché, les muscles de son corps détendus, il passe en revue les scènes de la journée en ordre inverse; en commençant par les évènements de la soirée, puis il revoit les incidents de l'après-midi, de la matinée, jusqu'à son réveil. Il s'efforce de se représenter chaque scène aussi fidèlement que possible; il cherche à reproduire devant son mental tout ce qui a eu lieu dans chaque scène vécue en jugeant ses actions, en s'assurant si ses mots ont bien eu le sens voulu ou ont au contraire donné une fausse impression; il doit chercher s'il n'a ni exagéré ni amoindri les faits en les exposants à d'autres. Il passe en revue son attitude morale en rapport avec chaque scène: aux repas, a-t-il mangé pour vivre, ou a-t-il vécu pour manger, pour flatter son palais? qu'il se juge lui-même et se blâme où il doit être blâmé, et se loue lorsqu'il l'a mérité.
L'aspirant trouve parfois difficile de rester éveillé jusqu'à la fin de l'exercice. Dans de tels cas, il est permis de s'asseoir dans son lit, jusqu'à ce qu'il soit possible de suivre la méthode ordinaire.
La valeur de la rétrospection est énorme et dépasse de beaucoup tout ce qu'on peut imaginer. En premier lieu, ce travail de rétablissement de l'harmonie est accompli en pleine conscience et en un temps plus court que ne peut le faire le corps du désir pendant le sommeil, ce qui laisse une grande partie de la nuit disponible pour travailler à l'extérieur. En second lieu, l'aspirant vit chaque nuit son purgatoire et son premier ciel, et fixe ainsi dans l'esprit sous forme de Sentiment juste l'essence de l'expérience de la journée: il échappe ainsi au purgatoire après la mort et gagne une partie du temps qu'il aurait à passer au premier ciel. Enfin, dernier avantage mais non le moindre, ayant extrait jour après jour, et fixé dans l'esprit l'essence des expériences qui contribuent à développer l'âme, il se développe et vit réellement avec une attitude d'esprit réservée ordinairement pour des vies futures.
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Par l'accomplissement fidèle de cet exercice, nous expurgeons jour par jour de notre mémoire sub-consciente des faits indésirables: ainsi nos péchés sont effacés, notre aura commence à briller de l'or spirituel que la rétrospection extrait des expériences de chaque jour; et ainsi nous attirons l'attention de l'Instructeur.
Les purs verront Dieu, a dit le Christ, et l'Instructeur bientôt ouvrira nos yeux lorsque nous serons prêts à entrer dans le "Lieu de la connaissance", le monde du désir, où nous obtenons nos premières expériences de la vie consciente sans le corps physique.
La CONCENTRATION, le second exercice, est accompli le matin au moment du réveil de l'aspirant. Celui-ci ne doit pas se lever pour ouvrir les volets, ni accomplir aucun autre acte qui ne serait pas nécessaire. Si son corps est à l'aise, il doit aussitôt le mettre en état de détente et commencer à se concentrer. Ceci est très important, car l'Esprit vient juste de rentrer du monde du désir à l'instant du réveil, et à ce moment le contact de la conscience avec ce monde est plus facilement retrouvé qu'à n'importe quel autre instant de la journée.
Si le corps n'est pas à l'aise, l'aspirant peut se lever avant l'exercice, mais par suite de ce retard, la concentration de la pensée est beaucoup moins efficace.
La quatrième conférence nous a appris que pendant le sommeil, les courants du corps du désir sont en mouvement et que ses tourbillons sont extrêmement rapides. Mais dès qu'il rentre dans le corps physique, ces courants et tourbillons sont presque arrêtés par la matière dense, et aussi par les courants nerveux du corps vital, porteurs des messages qui vont et viennent au cerveau. L'exercice du matin a pour objectif de réduire le corps physique au même degré d'inertie et d'insensibilité que pendant le sommeil, l'Esprit restant en lui parfaitement éveillé, alerte et conscient. Nous créons ainsi un état dans lequel les centres sensoriels du corps du désir peuvent commencer à tourner même pendant qu'ils sont dans le corps physique.
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Concentration est un mot qui intrigue beaucoup de gens et n'a de signification que pour bien peu; aussi nous efforcerons-nous de rendre son sens bien clair. Le dictionnaire donne plusieurs définitions, toutes applicables à notre idée. L'une est: "grouper dans un centre"; une autre tirée de la chimie: "réduire à une pureté et à une force extrêmes par le rejet de constituants dénués de valeur". Appliquée à notre problème, l'une des définitions ci-dessus nous dit que si nous fixons nos pensées sur un centre, un point, nous augmentons leur force, de même que le pouvoir des rayons solaires est augmenté lorsqu'ils sont concentrés au foyer d'une loupe. En éliminant de notre mental pour un temps donné tous les autres sujets, notre pouvoir de pensée est tout entier utilisable pour atteindre l'objet ou résoudre le problème sur lequels nous nous concentrons; nous pouvons nous absorber dans notre sujet au point que le canon pourrait être tiré au-dessus de nos têtes sans que nous l'entendions. Certaines personnes se perdent à tel point dans un livre qu'elles oublient tout le reste: l'aspirant à la vision spirituelle doit acquérir la faculté de s'absorber à ce même degré dans l'idée sur laquelle il se concentre, de manière à exclure le monde sensoriel de sa conscience et à donner son attention tout entière au monde spirituel. Lorsqu'il aura appris à le faire, il verra le côté spirituel d'un objet ou d'une idée illuminé par la lumière spirituelle, et il obtiendra ainsi une connaissance de la nature intime des choses que ne peut imaginer l'homme ordinaire.
Lorsque l'aspirant a atteint ce degré d'abstraction, les centres sensoriels de son corps du désir commencent à tourner lentement dans le corps physique et s'y font ainsi une place; avec le temps cette place se précisera de plus en plus, et il faudra de moins en moins d'efforts pour les mettre en mouvement.
Le sujet de la concentration peut être n'importe quel idéal élevé et sublime, mais doit de préférence être de nature à emmener l'aspirant loin des choses ordinaires perceptibles aux sens, au-delà du temps et de l'espace;
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et il n'y a pas de meilleur sujet que les cinq premiers versets de l'Evangile de Saint Jean. En les prenant phrase par phrase, chaque matin, ils donneront à l'aspirant, avec le temps, une connaissance intérieure merveilleuse de l'origine de notre univers et de la méthode de création, connaissance bien supérieure à celle d'un enseignement livresque.
Après un certain temps, lorsque l'aspirant a appris à conserver devant lui sans flottement pendant cinq minutes l'idée sur laquelle il se concentre, il peut essayer d'abandonner brusquement cette idée et de laisser se produire un vide. Qu'il ne pense à rien, attendant simplement pour voir si quelque chose entrera dans ce vide. un moment viendra où les visions et les scènes du monde du désir rempliront l'espace vide. Après s'y être habitué, l'aspirant pourra demander que telle ou telle chose se présente à lui: elle viendra, et il pourra l'étudier.
Le point capital, cependant, est qu'en suivant ces instructions, l'aspirant se purifie; son aura commence à briller et attirera nécessairement l'attention d'un Instructeur; celui-ci enverra quelqu'un pour l'aider à faire un pas de plus sur le sentier du développement. Même si des mois et des années s'écoulent et n'apportent pas de résultat visible, aucun effort n'est jamais vain; les grands Instructeurs voient et apprécient nos efforts; ils sont aussi désireux d'avoir notre aide que nous le sommes de travailler. Ils peuvent voir des raisons qui rendent inopportun pour nous de travailler pour l'humanité, soit dans cette vie, soit seulement pour le moment; lorsque les conditions restrictives disparaîtront, nous serons admis à la lumière qui nous permettra de voir par nous-mêmes.
Une vieille légende dit que la recherche d'un trésor doit être faite dans le calme de la nuit et dans le silence absolu; dire un mot avant que le trésor ait été extrait en toute sécurité le fera inévitablement disparaître. C'est là une parabole mystique qui a trait à la recherche de l'illumination spirituelle. Si nous bavardons, ou racontons à d'autres les expériences de notre heure de concentration, nous les perdons:
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elles ne supportent pas la transmission orale, et s'évanouiront en fumée à moins que nos méditations en tirent une pleine connaissance des lois cosmiques profondes; même alors l'expérience en elle-même sera sans intérêt, car nous nous apercevrons qu'elle est seulement la coque qui cachait l'amande. La loi a une valeur universelle, comme nous le verrons aussitôt, car elle explique les faits de la vie et nous apprend comment utiliser avantageusement certaines conditions et en éviter d'autres. La loi peut être librement enseignée au gré de celui qui la découvre, pour le bien de l'humanité: l'expérience qui a révélé la loi apparaît alors dans sa vraie lumière et son intérêt n'est que passager. Ainsi, l'aspirant doit regarder tout ce qui se produit pendant la concentration comme sacré, et le garder strictement pour lui-même.
Enfin, qu'il évite de considérer les exercices comme un devoir ennuyeux; qu'il les estime à leur véritable valeur: ils sont notre privilège le plus grand. C'est seulement en les appréciant comme tels que nous leur rendons justice et que nous en tirons le maximum de bénéfice.
Dans The Rosicrucian Fellowship, les Frères Aînés distinguent trois classes:
1 - Les Etudiants qui étudient simplement la Philosophie. Des personnes de religions diverses entrent dans les établissements d'enseignement comme Harvard ou Yale, et y étudient la mythologie, la psychologie et les religions comparées sans préjudice pour leurs affinités religieuses. Les étudiants peuvent s'affilier à The Rosicrucian Fellowship sur les mêmes bases. Tout le monde y est reçu à condition de n'être ni hypnotiseur, ni médium, chiromancien ou astrologue professionnel.
2 - Les Candidats qui sont des étudiants mais qui aspirent à une connaissance directe les mettant à même de servir l'humanité. Sur demande, le Siège envoie à tout aspirant, ayant donné des preuves de sa fidélité, un texte d'engagement dans lequel l'aspirant se promet à lui-même d'exécuter fidèlement les deux exercices, d'en établir un compte rendu quotidien et d'envoyer ce compte rendu chaque mois au Siège.
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Le temps de probation est d'au moins cinq ans; il a pour but de mettre à l'épreuve la volonté et la persévérance de l'aspirant, et de lui donner la possibilité de se purifier lui-même avant d'aborder les méthodes de développement plus directes qu'implique l'état de disciple. Le compte rendu doit aider l'aspirant dans l'accomplissement de ses exercices: il est humain de vouloir faire la meilleure impression possible, et l'aspirant essaiera de faire mieux s'il sait que son travail est vérifié.
Toute personne qui a été inscrite pendant au moins deux ans comme étudiant et qui est assez convaincue de la véracité de ces enseignements pour être prête à rompre toute attache avec d'autres ordres spirituels ou religieux - les Eglises Chrétiennes et les Ordres Fraternels exceptés - peut prendre l'engagement l'admettant au rang de Candidat.
Nous ne voulons pas dire par là que toutes les autres écoles spirituelles sont sans valeur; loin de là. Bien des chemins mènent à Rome, mais nous y parviendrons avec bien moins d'efforts si nous suivons l'un d'entre eux seulement, au lieu de zigzaguer de sentier en sentier. D'abord, notre temps et nos forces sont limités; ils sont aussi réduits par la famille et les devoirs sociaux que nous ne devons pas négliger pour notre développement personnel. C'est pour ménager l'énergie légitimement utilisable pour nous-mêmes, et pour éviter le gaspillage des rares instants dont nous disposons, qu'il est demandé d'abandonner tous les autres ordres.
Le monde nous présente beaucoup d'occasions à saisir, mais pour cela, nos efforts doivent se concentrer dans une seule direction bien définie. Le développement de nos pouvoirs spirituels nous rendra capables d'aider nos frères plus faibles, ou de leur nuire: il n'est justifiable que s'il a le service de l'humanité comme objet.
La méthode Rosicrucienne d'accomplissement personnel diffère des autres systèmes par une particularité: elle vise, dès le début, à émanciper l'élève de toute dépendance envers les autres;
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elle lui apprend à ne compter que sur lui-même, afin de pouvoir affronter, seul, toutes les situations et de résoudre tous les problèmes qu'il rencontre. Seul, celui dont le caractère est aussi solidement équilibré peut aider les faibles.
Lorsqu'un certain nombre de personnes se réunissent pour se développer d'une manière négative, les résultats sont en général obtenus en peu de temps, en vertu du principe qu'il est plus aisé de suivre le courant que de le remonter. Le médium n'est pas maître de ses actes, il n'est que l'esclave d'un esprit-contrôle; aussi les Candidats doivent-ils éviter de telles réunions.
Même les groupes qui se réunissent avec une attitude mentale positive sont déconseillés par les Frères Aînés, parce que les facultés latentes de tous les membres s'additionnent, et les visions des mondes intérieurs qu'on y obtient sont dues en partie aux facultés des autres. La chaleur du charbon au centre du foyer est augmentée par celle des charbons qui l'entourent; ainsi, le clairvoyant produit dans un cercle d'études, si positif soit-il, est comme une plante de serre chaude obtenue artificiellement: il est trop dépendant de l'entourage pour qu'on puisse lui confier le soin de s'occuper des autres.
C'est pourquoi chaque Candidat de The Rosicrucian Fellowship accomplit ses exercices dans la retraite de sa chambre. Les résultats sont plus lents à obtenir par ce système, mais lorsqu'ils se manifesteront, ils apparaîtront comme des pouvoirs cultivés par lui-même et utilisables indépendamment de toute autre personne. De plus, les méthodes Rosicruciennes forment le caractère en même temps qu'elles développent les facultés spirituelles, et protègent ainsi l'élève contre la tentation de sacrifier des facultés divines pour des gains matériels.
Tout ce qui précède n'implique pas que le Candidat doive donner tout son temps à l'effort spirituel. S'il ne peut donner plus, cinq minutes le matin et quinze le soir suffiront. En fait, consacrer au développement des facultés spirituelles du temps qui pourrait être employé en un effort matériel légitime serait une erreur: nous devons accomplir tout notre service sur le plan matériel avant de pouvoir servir dans les mondes spirituels.
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Quiconque est infidèle à son devoir terrestre ne peut être fidèle à son travail spirituel.
Lorsque soixante comptes rendus consécutifs auront été reçus par le Siège, le Candidat pourra faire une demande pour l'instruction individuelle, qui lui sera donnée si les Frères Aînés le jugent opportun.
3° les Disciples, qui ont terminé leur temps de probation et ont été acceptés par les Frères Aînés; ils reçoivent l'instruction individuelle.
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En regardant autour de nous dans le monde matériel, nous voyons une multitude de formes. Ces formes ont une certaine couleur, et beaucoup d'entre elles émettent un son - on peut même dire toutes, car le son existe jusque dans la nature dite inanimée. Le vent dans les arbrees, le murmure des ruisseaux, la houle de l'océan, tous ces sons contribuent à l'harmonie de la nature.
D'entre ces trois attributs: forme, couleur et son, la forme est le plus stable; elle tend à demeurer indéfiniment dans le statu quo et ne se modifie que très lentement. Les couleurs s'altèrent et certaines changent de nuance selon l'angle d'éclairage, mais le son est le plus insaisissable de tous; il va et vient comme un feu follet que nul ne peut saisir, ni retenir.
Nous avons aussi trois Arts qui cherchent à exprimer le Bien, la Vérité et la Beauté dans ces trois attributs de l'Ame du Monde: la Sculpture, la Peinture et la Musique.
Le sculpteur, qui travaille sur la forme, cherche à emprisonner la beauté dans une statue de marbre qui résistera aux ravages du temps durant les millénaires - mais une statue est froide et ne parle qu'aux êtres assez évolués pour pouvoir lui infuser leur propre vie.
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Le peintre, dont l'art s'exprime par la couleur, ne donne pas de forme tangible à ses créations; en effet, matériellement parlant, dans une peinture, la forme n'est qu'une illusion, et pourtant une peinture est, pour la plupart, bien plus réelle que la tangible statue, car la beauté des formes évoquées par un grand peintre est vivante; c'est une beauté que beaucoup peuvent apprécier et goûter.
Mais dans le cas de la peinture, nous avons le problème du caractère transitoire de la couleur, car le temps ternit bientôt sa fraîcheur et, de toute manière, un tableau ne saurait survivre à une statue.
Néanmoins, ces deux arts qui s'expriment par la forme et la couleur ont ceci de commun que leurs oeuvres sont créées une fois pour toutes. En cela, ils diffèrent radicalement de l'art du son, car la musique est si éphémère qu'il faut la créer à nouveau chaque fois qu'on désire la goûter, mais en revanche elle a le pouvoir de parler à tous les êtres humains d'une manière qui surpasse de beaucoup les deux autres arts. La musique exalte nos plus grandes joies; elle apaise nos plus profonds chagrins; elle peut calmer la passion qui nous dévore et susciter la bravoure chez le plus grand des poltrons. Elle exerce sur l'humanité l'influence la plus forte que l'on connaisse, et pourtant, considérée d'un point de vue purement matérialiste, elle est superflue, ainsi que l'ont démontré Darwin et Spencer.
En passant derrière la scène du monde visible, nous réalisons que l'homme est un être composite - esprit, âme et corps - et nous pouvons comprendre pourquoi nous sommes affectés différemment par ces trois arts.
Pendant que l'homme vit une vie extérieure dans le monde de la forme - en tant que forme au milieu d'autres formes - il vit aussi d'une vie intérieure qui, pour lui, a une importance bien plus grande.
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Dans cette vie intérieure, ses sentiments, ses pensées, ses émotions créent devant sa "vision intérieure" des images, des scènes continuellement changeantes. Plus cette vie intérieure est pleine, moins l'homme a besoin de rechercher la compagnie d'autres personnes, car il est son propre compagnon et le meilleur; il est indépendant des distractions extérieures si vivement recherchées par ceux dont la vie intérieure est improductive, par ceux qui connaissent une foule de gens mais sont pour eux-même des étrangers, effrayés de leur propre compagnie.
Si nous analysons cette vie intérieure, nous lui trouvons deux aspects:
1 - la Vie de l'Ame, en rapport avec les sentiments et les émotions,
2 - l'activité de l'Ego, qui dirige tous nos actes par la pensée.
Le monde matériel est le terrain d'où sont tirés les matériaux pour le corps physique; il est essentiellement le monde de la forme. De même, il y a un monde de l'âme que les Rosicruciens appellent le Monde du Désir, qui est le fonds d'où provient le subtil vêtement de l'Ego que nous appelons l'âme; et ce monde est essentiellement le monde de la couleur. Mais le Monde de la Pensée, plus subtil encore, est la demeure de l'Esprit humain, l'Ego, et aussi le royaume du son. Donc, des trois arts, la musique a le plus grand pouvoir sur l'homme. Car dans cette vie terrestre, nous sommes exilés de notre demeure céleste, et souvent nous l'avons même oubliée dans nos occupations matérielles. La musique surgit alors comme un doux parfum chargé d'indicibles souvenirs; comme un écho de notre demeure céleste, elle nous rappelle ce pays oublié où tout est joie et paix; et, bien que notre intelligence matérielle puisse rejeter de telles idées, l'Ego reconnaît dans chaque note bénie un message de sa patrie et y trouve sa joie.
Cette compréhension de la nature de la musique est nécessaire pour apprécier un chef d'oeuvre comme "Parsifal" de Richard Wagner, où la musique et les personnages sont unis mieux que dans toute autre production musicale moderne.
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Le drame de Wagner est tiré de la légende de Parsifal, légende dont l'origine se perd dans le mystère qui recouvre la première enfance de la race humaine. Ce serait une erreur de croire qu'un mythe est une fiction née de l'imagination humaine, et sans fondement réel. Au contraire, le mythe est un écrin qui contient parfois les joyaux les plus précieux de la vérité spirituelle, des perles d'une beauté rare et si éthérée qu'elles ne supportent pas d'être dévoilée à l'intellect matériel. Pour les protéger et leur permettre cependant de travailler à l'élévation spirituelle de l'humanité, les Grands Guides de notre évolution, invisibles mais puissants, donnèrent à l'homme primitif ces vérités spirituelles enchâssées dans le pittoresque symbolisme des mythes; elles peuvent ainsi travailler sur ses sentiments jusqu'au jour où son mental naissant sera suffisamment évolué et spiritualisé pour qu'il puisse à la fois sentir et savoir. C'est le même principe qui nous fait donner à nos enfants des enseignements moraux au moyen de livres d'images et de contes de fées, réservant pour plus tard un enseignement plus direct.
Wagner fit plus que de copier la légende. Les légendes, elles aussi, s'abîment par la transmission et perdent leur beauté. C'est un trait du génie de Wagner qu'il ne fut jamais lié dans son expression par la mode ou par une croyance: il a toujours accordé à l'art la prérogative et a traité les allégories choisies par lui, librement et sans entrave aucune.
Il écrit dans "Religion et Art": "On peut dire que là où la Religion devient artificielle, il est réservé à l'Art de sauver l'esprit de la Religion en reconnaissant la valeur figurative des symboles mythiques, que la Religion voudrait nous faire croire dans un sens littéral, et en révélant leur vérité profonde et cachée par une présentation idéale.(...)
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Le prêtre s'appuie en toutes choses sur des allégories religieuses qu'il veut faire accepter comme des faits; l'artiste n'a pas cette limitation, puisqu'il donne son oeuvre librement et ouvertement comme sa propre invention. La Religion est tombée dans une vie artificielle lorsqu'elle se vit obligée d'ajouter sans cesse à l'édifice de ses symboles dogmatiques, cachant ainsi la vérité divine sous un amas toujours croissant de choses incroyables, qu'elle nous recommande de croire. Ainsi, elle a toujours cherché l'aide de l'Art qui, à ses côtés, est toujours resté incapable d'une évolution plus haute tant qu'il lui fallut présenter aux adorateurs cette prétendue réalité sous la forme de fétiches et d'idoles. L'art ne peut réaliser sa vraie vocation que s'il conduit, par la présentation idéale de l'allégorie, à la compréhension de son contenu intérieur: la vérité divine ineffable."
La première scène du drame de Parsifal se situe au château de Montsalvat. C'est un lieu de paix, où toute vie est sacrée; les animaux et les oiseaux sont apprivoisés, car, comme tous les hommes réellement saints, les chevaliers sont inoffensifs et ne tuent ni pour manger ni par plaisir. Ils appliquent la maxime: "vivre et laisser vivre" à toutes les créatures vivantes.
C'est l'aube, et nous voyons Gurnemanz, le plus âgé des chevaliers du Graal, assis sous un arbre avec deux jeunes écuyers. Ils viennent de s'éveiller, et aperçoivent au loin Kundry qui vient au galop sur un coursier sauvage. Kundry est une créature menant deux existences; dans l'une, elle sert le Graal, voulant ardemment aider les chevaliers du Graal par tous les moyens en son pouvoir; dans l'autre existence, elle est l'esclave involontaire du magicien Klingsor qui l'oblige à tenter et à harceler les chevaliers du Graal qu'elle brûle de servir. Le passage d'une existence à l'autre est le "sommeil" et elle est contrainte de servir celui qui vient l'éveiller. Quand Gurnemanz la trouve elle sert le Graal avec joie; mais lorsque Klingsor par ses maléfices l'appelle, il a droit à ses services, qu'elle le veuille ou non.
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Au premier acte elle est vêtue d'une robe en peaux de serpent qui symbolise la doctrine de la renaissance, car comme le serpent se dépouille, l'une après l'autre, des peaux qu'il sécrète lui-même, l'Ego dans son pèlerinage à travers l'évolution émane de lui-même un corps après l'autre; il abandonne chaque véhicule, comme le serpent quitte sa peau, lorsque ce corps s'est cristallisé au point de devenir inutilisable. Cette idée est aussi associée aux enseignements de la Loi de Conséquence, qui nous donne la moisson de ce que nous avons semé, ce que Gurnemanz explique au jeune écuyer qui lui avoue sa défiance à l'égard de Kundry:
Peut-être est-elle sous la fatalité De quelque vie d'un obscur passé Cherchant à se racheter du péché Par des actes de service envers nous Sans doute est-elle à la recherche du bien, S'aidant elle-même, tandis qu'elle nous sert.
A son entrée en scène Kundry tire de son sein une fiole qu'elle dit avoir rapporté d'Arabie; elle espère qu'elle pourra être un baume pour la blessure d'Amfortas, le roi du Graal, blessure qui lui cause d'indicibles douleurs et qui ne peut guérir. Vient alors à passer le roi malade, couché sur une litière, en route vers le lac voisin où il se baigne chaque jour. Deux cygnes qui en agitent l'eau la transforment en une lotion qui adoucit ses terribles souffrances. Amfortas remercie Kundry, mais déclare qu'il n'y aura pas de soulagement pour lui jusqu'à la venue du libérateur, prophétiquement annoncé par le Graal comme "un fou au coeur pur, illuminé par la pitié". Mais Amfortas pense que la mort viendra avant la délivrance.
Amfortas est transporté vers le lac, et quatre des jeunes écuyers réunis autour de Gurnemanz lui demandent de leur conter l'histoire du Graal et de la blessure d'Amfortas. Ils s'installent sous l'arbre, et Gurnemanz commence ainsi:
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"Le soir où notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ fit son dernier repas avec ses disciples, il but le vin dans un certain calice dont se servit ensuite Joseph d'Arimathie pour recueillir le sang qui coulait du flanc du Rédempteur. Joseph conserva aussi la lance ensanglantée avec laquelle la blessure avait été faite, et il conserva ces deux reliques à travers mille périls et persécutions. Ellle furent enfin recueillies par des anges qui les gardèrent jusqu'au moment où, une nuit, un messager mystique envoyé par Dieu apparu à Titurel, le père d'Amfortas, lui ordonnant de construire un Château pour recevoir et garder en sûreté ces reliques. Le Château de Montsalvat fut construit sur une haute montagne, et les reliques y furent placées sous la garde de Titurel et d'une compagnie de saints et chastes chevaliers qu'il avait réunis autour de lui. Le Château devint un centre d'où de puissantes influences spirituelles rayonnèrent sur le monde extérieur.
Mais à une certaine distance, dans la vallée, vivait un chevalier qui n'était pas chaste; désireux cependant de devenir un chevalier du Graal, il se mutila pour y parvenir: il se priva ainsi de la possibilité de satisfaire sa passion, mais la passion subsista. Le roi Titurel vit son coeur plein de noirs désirs et lui refusa son admission. Klingsor jura alors que s'il ne pouvait servir le Graal, le Graal devrait le servir. Il construisit un château avec un jardin magique et le peupla de jeunes filles d'une ravissante beauté, émettant un parfum comme les fleurs; elles guettaient les chevaliers du Graal qui devaient passer devant le château de Klingsor en quittant Montsalvat ou pour s'y rendre, les attiraient pour les faire manquer à leur foi et violer leur voeu de chasteté: ils furent ainsi faits prisonniers par Klingsor et bien peu demeurèrent pour défendre le Graal.
Pendant ce temps Titurel avait confié la garde du Graal à son fils Amfortas; celui-ci, voyant les ravages accomplis par Klingsor, résolut d'aller à sa rencontre et de le combattre. Dans ce but, il emporta la sainte lance.
"Le rusé Klingsor ne rencontre pas lui-même Amfortas. Il évoque Kundry; de la hideuse créature qui servait le Graal il fait une femme d'une transcendante beauté.
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Sous l'emprise de Klingsor, elle rencontre et tente Amfortas, qui cède et tombe dans ses bras, laissant tomber la sainte lance. Klingsor surgit alors, saisit la Lance et blesse Amfortas désarmé; et, sans les efforts héroïques de Gurnemanz, il aurait emporté Amfortas prisonnier dans son château magique. Toutefois, il a gardé la Sainte Lance, et le Roi est estropié et souffre, car la blessure ne peut guérir".
Les jeunes écuyers bondissent, enflammés d'ardeur, jurant qu'ils vont vaincre Klingsor et reprendre la Lance. Gurnemanz hoche tristement la tête, disant que la tâche dépasse leurs forces; mais il répète la prophétie que la rédemption sera accomplie par un "fou au coeur pur, illuminé par la pitié".
On entend alors des cris: "Le cygne, oh! le cygne"; et un cygne vient s'abattre sur la scène, tombant mort aux pieds de Gurnemanz et des écuyers bouleversés à cette vue. D'autres écuyers amènent un robuste adolescent armé d'un arc et de flèches; comme Gurnemanz lui demande tristement: "Pourquoi as-tu tué cette innocente créature?" il répond: "Qu'y a-t-il là de mal?" Gurnemanz lui parle alors du Roi blessé, du rôle du cygne dans le bain apaisant. Parsifal, profondément ému par ce récit, brise son arc.
Dans toutes les religions, l'esprit vivifiant a été représenté symboliquement par un oiseau. Lors du baptême, pendant que le corps de Jésus était dans l'eau, l'Esprit de Christ descendit sur lui sous la forme d'une colombe. "L'Esprit marche sur l'eau", milieu fluidique, comme les cygnes nagent sur le lac sous les branches de l'Yggdrasil, l'arbre de vie de la Mythologie du Nord, ou sur les eaux du lac dans la légende du Graal. L'oiseau est donc une représentation directe de la plus haute influence spirituelle, et les chevaliers ont raison de pleurer sa perte. La Vérité revêt bien des aspects: il y a au moins pour chaque mythe sept interprétations valables, une pour chaque Monde.
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Du point de vue matériel et littéral, la compassion née chez Parsifal et son geste de briser son arc indiquent un grand pas en avant vers la vie supérieure. Nul ne peut être vraiment miséricordieux ni aider à l'évolution tant qu'il tue pour manger, soit personnellement, soit par personne interposée.Une vie inoffensive est une condition préalable essentielle, absolue, pour accéder à une vie de service à autrui.
Gurnemanz commence alors à interroger l'adolescent, lui demandant qui il est et comment il vint à Montsalvat. Parsifal se montre de la plus étonnante ignorance. A toutes les questions, il répond.: "Je ne sais pas". Kundry enfin prend la parole et dit: "Je peux vous dire qui il est. Son père était le noble Gamuret, prince parmi les hommes, qui mourut en combattant en Arabie alors que cet enfant était encore dans le sein de sa mère, Herzleide. Dans son dernier souffle, son père expirant le nomma Parsifal, le fou au coeur pur. Craignant qu'en grandissant il n'apprît l'art de la guerre et ne lui fût enlevé, sa mère l'éleva dans une épaisse forêt dans l'ignorance des armes de la guerre. Ici Parsifal approuve: "Oui, et un jour j'ai vu des hommes sur de belles bêtes et j'ai voulu être comme eux; je les ai suivis pendant de longs jours jusqu'à ce que j'arrive ici, et j'ai eu à combattre beaucoup de monstres ressemblant à des hommes".
Cette histoire donne un excellent tableau de la recherche par l'âme des réalités de la vie. Gamuret et Parsifal sont des phases différentes de la vie de l'âme. Gamuret est l'homme de ce monde, qui un jour épousa Herzleide, ce qui signifie "l'affliction du coeur". Il rencontre la douleur et meurt au monde, comme tous ceux d'entre nous qui entrent dans la vie supérieure. Tant que la barque de la vie flotte sur une mer d'été et que notre existence semble une douce et belle chanson, rien ne nous incite à nous tourner vers la vie supérieure.
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Mais quand les vagues de l'adversité grondent autour de nous, et que chaque lame menace de nous engloutir - nous avons alors épousé "l'affliction du coeur" et sommes devenus des hommes de douleur; et nous sommes prêts à naître comme Parsifal, le fou au coeur pur, l'âme qui a oublié la sagesse du monde et qui cherche la vie supérieure. En effet, tant qu'un homme cherche à amasser de l'argent ou à bien vivre, il est sage selon la sagesse du monde; mais s'il se tourne vers les choses de l'esprit, il devient un fou aux yeux du monde. Il oublie toute sa vie passée et laisse les chagrins derrière lui, comme Parsifal a laissé Herzleide, qui mourut lorsque Parsifal ne revint plus auprès d'elle: ainsi meurt la souffrance lorsqu'elle a donné naissance à l'âme qui aspire au sublime et fuit le monde, qui peut être dans le monde pour y accomplir sa tâche, mais qui n'appartient plus à ce monde.
Gurnemanz est maintenant pénétré de l'idée que Parsifal doit être le libérateur d'Amfortas, et il l'emmène au Château du Graal. A la question de Parsifal: "Qui est le Graal?" il répond:
"Nous ne le disons pas; si c'est Lui qui t'appelle,
La vérité, à tes yeux, ne restera point cachée,
Et il me semble bien reconnaître ton visage.
Aucun chemin ne conduit à Son royaume,
Et le rechercher ne fait que l'éloigner,
Lorsque lui-même n'est point le guide."
Wagner ici nous ramène aux temps pré-chrétiens, car avant la venue du Christ l'Initiation n'était pas à la portée de "quiconque veut", mais elle était réservée à certains élus, tels les Lévites et les Brahmanes, qui recevaient des privilèges spéciaux en retour de leur consécration au service du temple. La venue du Christ apporta cependant dans la constitution de l'homme certains changements qui nous ont tous rendus capables d'entrer dans le sentier de l'Initiation: il devait d'ailleurs en être ainsi lorsque les mariages internationaux supprimèrent les castes.
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Au Château du Graal, Amfortas est invité de tous côtés à accomplir le rite sacré du service du Graal, à découvrir le Saint Calice pour que sa vue renouvelle l'ardeur des Chevaliers et les stimule à agir pour le service de l'esprit. Mais le Roi redoute la douleur que cette vue lui fera éprouver: la blessure de son flanc recommence à saigner lorsqu'il contemple le Graal, comme la blessure du remords nous fait souffrir lorsque nous avons péché contre notre idéal. Il cède enfin aux instances de son père et des chevaliers; il accomplit le rite sacré. Mais pendant ce temps il souffre la plus terrible agonie, et Parsifal, debout dans un coin, éproue par sympathie la même douleur sans savoir pourquoi. Et quand Gurnemanz lui demande anxieusement après la cérémonie ce qu'il a vu, il reste muet. Il est alors chassé du château par le vieux chevalier irrité et désappointé.
Les sentiments et les émotions qui ne sont pas modérés par la connaissance sont des sources importantes de tentation. L'innocence même et la sincérité de l'âme qui aspire à la vie supérieure font souvent d'elle une proie facile pour le péché. Il est nécessaire pour la croissance de l'âme que les tentations soient présentées afin de faire ressortir nos points faibles: si nous succombons, nous souffrons comme Amfortas, mais la douleur développe la conscience et nous donne l'horreur du péché; elle nous rend fort contre la tentation. Tous les enfant sont innocents parce qu'ils n'ont pas été tentés; mais nous ne sommes vertueux qu'après avoir été tentés et être restés purs, ou bien après avoir succombé, et nous être repentis et réformés. C'est pourquoi Parsifal doit être tenté.
Au second acte, nous voyons Klingosr évoquer Kundry, car il a guetté Parsifal en route vers son château, et il le craint plus que tous ceux qui vinrent avant lui, parce qu'il est un fou. Un homme qui possède la sagesse du monde est facilement pris au piège des filles-fleurs. Mais la simplicité de Parsifal le protège; quand les filles-fleurs s'assemblent autour de lui, il demande innocemment:
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"Etes-vous des fleurs? Vous sentez si bon!" Contre lui les savants artifices de Kundry sont nécessaires; et bien qu'elle se défende, proteste et se révolte, elle est forcée de tenter Parsifal et elle apparaît devant lui sous les traits d'une femme d'une grande beauté, l'appelant par son nom. Ce nom évoque en lui des souvenirs d'enfance, de l'amour de sa mère; et Kundry l'invite à s'asseoir à ses côtés, puis commence, avec subtilité, à jouer sur ses sentiments, lui parlant du tendre amour de Herzleide et de son profond chagrin lors de son départ, un chagrin dont elle est morte. Elle mentionne alors un autre amour qui pourrait servir de compensation, celui de l'homme pour la femme, et termine en imprimant sur ses lèvres un long et ardent baiser.
Suit un profond et terrible silence, comme si le destin du monde entier était suspendu à ce fervent baiser, puis tandis qu'elle le tient toujours dans ses bras, le visage de Parsifal change graduellement et se contracte de douleur. S'arrachant à cette étreinte comme si ce baiser avait pénétré tout son être d'une douleur poignante, il se lève soudain, tandis que ses traits se creusent plus encore sur sa face livide et que ses deux mains se pressent sur sa poitrine pour comprimer les battements de son coeur et calmer quelque horrible angoisse qui semble avoir envahi son âme. La coupe du Graal lui apparaît, puis Amfortas dans la même affreuse agonie, et il s'écrie enfin: "Amfortas, ô Amfortas!... maintenant je sais!...la blessure de la lance dans ton flanc...elle me brûle le coeur, elle consume mon âme!...ô douleur, ô supplice, angoisse sans nom!...la blessure saigne là, dans mon propre flanc!"
Et il reprend, avec la même angoisse dans la voix: "Non, ce n'est pas la blessure de la lance dans mon flanc, car c'est le feu dans mon coeur, c'est sa flamme qui met en délire tous mes sens, c'est la terrible folie des tourments d'amour ... Maintenant je sais comment le monde entier est agité, tirailé, convulsé et souvent perdu de honte par les terribles passions du coeur."
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Kundry le tente à nouveau: "Si ce seul baiser t'a donné tant de connaissance, combien plus grande sera-t-elle si tu cèdes à mon amour, ne fût-ce qu'une heure!"
Mais maintenant Parsifal n'hésite plus; éveillé au sens des réalités, il distingue le bien du mal, et il répond: "L'éternité serait perdue pour nous deux su je cédais à ton amour, même pour une heure...Cependant je te sauverai et te délivrerai de la malédiction de la passion, car l'amour qui brûle en toi n'est que sensuel, mais entre ce sentiment et l'amour vrai de deux coeurs purs, il y a un abîme aussi profond qu'entre le ciel et l'enfer."
Lorsque Kundry doit finalement s'avouer vaincue, elle entre dans une violente colère et appelle Klingsor à son aide. Il apparaît avec la sainte lance, qu'il jette contre Parsifal, mais comme ce dernier est pur et inoffensif, rien ne peut le blesser. La lance plane inoffensive, au-dessus de sa tête. Parsifal s'en saisit, fait avec elle le signe de la croix, et le château de Klingsor, avec son jardin enchanté, s'effondre en ruines.
Le troisième acte se passe plusieurs années après, le jour du Vendredi-Saint. Un guerrier, couvert de la poussière d'un long voyage, revêtu d'une cotte de mailles noire, entre dans le domaine du Mont-Salvat, où Gurnemanz vit dans une hutte. Il ôte son heaume, place sa lance contre un rocher voisin et s'agenouille pour prier. Gurnemanz arrive avec Kundry qu'il vient de trouver endormie dans un taillis. Il reconnaît Parsifal et la sainte lance. Transporté de joie, il lui souhaite la bienvenue et lui demande d'où il vient.
A sa première visite, Parsifal avait répondu "je ne sais pas" à la même question, mais cette fois-ci sa réponse est bien différente: "A force de chercher et de souffrir, je suis arrivé". Sa première venue symbolise l'une des brèves visions entrevues par l'âme à la recherche des réalités de la vie supérieure, alors que la seconde dépeint l'acquisition consciente d'un niveau plus élevé d'activité spirituelle par l'homme qui a subi chagrins et souffrances.
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Parsifal poursuit en disant qu'il a souvent été serré de près par des ennemis et qu'il aurait pu se sauver en employant la lance, mais qu'il s'en est toujours abstenu parce qu'elle est un instrument de guérison et non une arme destinée à blesser. La lance est le symbole du pouvoir spirituel acquis par celui dont le coeur et la vie sont purs mais qui ne doit être employé qu'à des fins désintéressées. L'impureté et la passion causent sa perte, ainsi que l'illustre le cas d'Amfortas. Même si celui qui possède ce pouvoir peut, à l'occasion, l'utiliser pour nourrir cinq mille personnes affamées (Jean 6:1-14), il ne doit pas changer une seule pierre en pain pour apaiser sa propre faim (Matthieu 4:1-3). Même s'il peut s'en servir pour arrêter le sang coulant de l'oreille du soldat qui vient l'appréhender (Luc 22:51), il ne doit pas l'utiliser pour arrêter le sang qui coule de son propre flanc. On a toujours dit de tels êtres: "ils ont sauvé les autres, mais ils n'ont pas pu, ou pas voulu, se sauver eux-mêmes".
Parsifal et Gurnemanz entrent dans le château du Graal, où Amfortas est instamment prié de célébrer le rite sacré. Il refuse afin d'éviter la souffrance que lui cause la vue du Saint Graal; mettant sa poitrine à nu, il supplie ses sujets de le tuer. A ce moment, Parsifal s'approche du roi et, touchant de sa lance la blessure, la guérit. Toutefois, il détrône Amfortas et assume lui-même la garde du Saint-Graal et de la Lance.
Seuls ceux qui sont parvenus au désintéressement le plus complet, associé au discernement le plus lucide, sont qualifiés pour la possession du pouvoir spirituel symbolisé par la lance. Amfortas s'en serait servi pour attaquer et blesser un ennemi, alors que Parsifal n'aurait même pas voulu s'en servir pour se défendre. C'est pourquoi il était capable de guérir, alors qu'Amfortas était tombé dans le piège même qu'il avait tendu à Klingsor.
Au dernier acte, Kundry qui représente la nature inférieure, ne prononce qu'un seul mot: servir. Elle aide Parsifal, l'esprit, à atteindre par son intermédiaire le service parfait. Au premier acte, lors de la visite de Parsifal, elle s'était endormie, car à ce degré, l'esprit ne peut prendre son essor vers les plans supérieurs que lorsque le corps repose dans le sommeil ou dans la mort.
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Mais au dernier acte, Kundry, le corps, entre aussi dans le château, car il s'est consacré au service du Moi supérieur. En effet, lorsque Parsifal, ou l'esprit, a triomphé, il a atteint le niveau de la libération dont il est parlé dans l'Apocalypse (3:12): "Celui qui vaincra, j'en ferai un pilier dans le Temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus." Un tel être travaille pour l'humanité dans les Mondes intérieurs; il n'a plus besoin de corps physique, étant au-delà de la Loi de Renaissance, et c'est pourquoi Kundry meurt.
Dans son beau poème, "Le Nautile cloisonné" Oliver Wendell Holmes a exprimé en vers cette idée de progression constante dans des véhicules de plus en plus parfaits, qui aboutit à la libération finale. Le Nautile construit la spirale de sa coquille en sections séparées par des cloisons; dès qu'il se sent à l'étroit dans sa cavité, il s'en cré une plus grande.
Les années ont marqué le labeur silencieux
Qui étendit son enroulement lustré;
La nouvelle spire développée,
Il quitta la demeure exiguë pour la nouvelle,
Passa sans bruit à travers son arche brillante,
Construisit sa fausse porte,
S'étira dans sa demeure nouvelle, délaissant l'ancienne.
Grâces te soient rendues pour ton céleste message,
Enfant de la mer aventureuse,
Jeté hors de son sein, abandonné!
De tes lèvres mortes jaillit une note plus claire
Que celle que Triton tira jamais de sa conque enroulée!
Pendant qu'elle résonne à mon oreille,
Dans mon être intime, j'entends une voix qui chante:
Mon âme, bâtis-toi de plus fières maisons,
Durant que coulent les saisons;
Laisse au passé sa voûte basse;
Fais un temple plus beau que celui qu'il remplace,
Abrite-toi sous un dôme plus altier
Jusqu'au jour où, enfin libérée
De ton écaille devenue inutile,
Tu quitteras la mer agitée de la Vie!
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