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CHAPITRE 2 - L'AUTEL ET LA CUVE D'AIRAIN

L'Autel d'airain était placé à l'intérieur du Parvis, tout près du portail oriental; il servait au sacrifice des animaux pendant le service du Temple. L'idée de faire des sacrifices de boeufs ou de boucs semble barbare à notre esprit moderne, et nous ne pouvons nous imaginer que ceux-ci aient été de quelque efficacité. La Bible, en effet, confirme ce point de vue, car nous y lisons en divers endroits que Dieu ne prend pas plaisir aux sacrifices sanglants, mais demande un esprit soumis et un coeur contrit. Il semble donc étrange que ces sacrifices aient été ordonnés. Pour le comprendre, nous devons nous rendre compte qu'une religion ne peut élever ceux qu'elle est appelée à aider si ses enseignements sont trop au-dessus de leur niveau intellectuel et moral. Pour trouver un écho chez les barbares, il faut que la religion qu'ils pratiquent en possède quelques traits. Une religion d'amour n'aurait éveillé aucun intérêt chez les peuples d'alors; c'est pourquoi il leur a été donné une loi exigeant "oeil pour oeil et dent pour dent" (EXO 21:24, LEV 24:20, DEU 19:21, MAT 5:38). Il n'est fait, dans l'Ancien Testament, aucune mention de l'immortalité, car ces gens n'auraient pu comprendre ce qu'est le ciel, ni y aspirer. Comme ils aimaient les biens matériels, il leur avait été promis que s'ils agissaient avec droiture, eux

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et leurs descendants hériteraient à jamais de la terre, que leurs troupeaux prospéreraient, etc.

Ils savaient que leur avoir croîtrait en proportion de leur mérite, qui attirerait à eux la faveur du Seigneur, aussi leur enseignait-on à bien faire dans l'espoir d'une récompense sur le plan terrestre. Par ailleurs, ils étaient détournés du mal par la pensée d'un prompt châtiment qui leur était mesuré selon la gravité de leurs péchés. C'était là le seul moyen de les toucher; ils ne pouvaient pas plus agir par amour du bien qu'ils ne pouvaient comprendre le principe de s'offrir "en vivant sacrifice". Ils étaient probablement aussi éprouvés par la perte d'un animal offert au sacrifice expiatoire que nous le sommes par les reproches de notre conscience lorsque nous avons mal agi.

L'Autel était d'airain, métal qui ne se retrouve pas dans la nature, mais est fait de main d'homme, d'un alliage de cuivre et de zinc, montrant symboliquement que le péché n'avait pas été envisagé dans le plan de l'évolution et qu'il était une anomalie de la nature, aussi bien que ses conséquences, souffrance et mort, symbolisées par les victimes sacrifiées.

Mais il faut remarquer que, bien que l'autel lui-même ait été fait d'un métal artificiel, le feu qui y brûlait constamment était d'origine divine, et il était perpétuellement entretenu avec un soin jaloux. Il ne pouvait être fait usage d'aucun feu d'aucune nature, et nous pouvons faire notre profit de ce qui est arrivé à deux prêtres rebelles et présomptueux qui avaient poussé la témérité jusqu'à enfreindre cet ordre pour alimenter l'autel et qui en furent punis par une mort instantanée. La leçon à en tirer est qu'après avoir fait serment d'obéissance au maître mystique, le Moi supérieur, il est extrêmement dangereux de ne tenir aucun compte de ses injonctions.

Quand l'aspirant pénètre dans le Temple par le portail de l'est, il est "pauvre, nu et aveugle". A ce moment-là, il est l'objet de compassion, il a besoin d'être vêtu et conduit vers la lumière, mais ce chemin ne peut être parcouru tout d'une traite dans le Temple mystique. Pour parvenir de l'état de nudité au revêtement de la somptueuse robe du grand-prêtre, la voie est longue et difficile. Ce que l'aspirant

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doit en premier lieu apprendre, c'est que son avancement ne peut s'obtenir qu'au moyen de sacrifices. Dans l'initiation mystique chrétienne, le lavement des pieds des disciples par le Christ est ainsi expliqué; si les minéraux, par leur décomposition, ne s'offraient pas à l'assimilation du règne végétal, il n'y aurait pas de règne végétal possible; si celui-ci, à son tour, ne servait pas de nourriture au règne animal, ce dernier ne subsisterait pas, et ainsi de suite, le supérieur s'alimentant toujours de l'inférieur. Par conséquent, l'homme a toujours des devoirs envers les règnes inférieurs, et si le Maître lave les pieds de ses disciples, il accomplit symboliquement cet office de serviteur en reconnaissance du fait qu'ils lui ont servi de marchepied pour atteindre un degré plus élevé.

Lorsque l'aspirant est conduit à l'Autel d'airain, il y apprend comme leçon que l'animal est sacrifié pour lui, donnant son corps comme nourriture et sa peau comme vêtement. Il voit en outre le nuage de fumée épaisse, planant au- dessus de l'Autel, et y aperçoit une lumière, mais cette lumière est trop faible, trop enveloppée de fumée pour lui servir de guide. Ses yeux spirituels sont faibles et ne pourraient encore être exposés à la lumière des grandes vérités spirituelles.

L'apôtre Paul nous dit que le Tabernacle dans le désert est une ombre de plus grande choses à venir (Hébreux 10:1). Il est donc intéressant et profitable pour le candidat moderne venant au Temple de connaître la signification de l'Autel d'airain et de ses sacrifices d'animaux.

Afin de comprendre ce mystère, il faut d'abord saisir l'idée importante, absolument essentielle, sur laquelle repose tout véritable mysticisme, c'est- à-dire que ces choses sont intérieures et non extérieures. Ainsi que le dit Angelus Silesius, au sujet de la Croix:

"Le Christ serait-il né mille fois à Bethléem, S'il ne naît en toi, ton âme reste solitaire. La Croix du Golgotha tu contemples en vain, Tant qu'en toi- même elle ne s'élève point."

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Cette idée doit être appliquée à tout symbole, à toute phase d'expérience mystique. Ce n'est pas le Christ extérieur mais le Christ intérieur qui sauve.

Le Tabernacle dans le désert a existé; il peut être clairement vu dans la Mémoire de la Nature par ceux dont la vue spirituelle est suffisamment développée; mais nul n'est jamais aidé par le symbole extérieur. Il nous faut construire le Tabernacle en notre propre coeur, en notre propre conscience; y vivre, en une expérience intime véritable, l'entier rituel du service; devenir à la fois l'autel du sacrifice et l'holocauste, le sacrificateur et la victime. Plus tard, nous devons apprendre à nous identifier avec la Cuve mystique et à nous y purifier en esprit; passer ensuite derrière le premier voile, officier dans la Chambre-est; poursuivre notre route à travers le Temple tout entier jusqu'à ce que nous devenions nous-mêmes le plus grand de tous les symboles anciens, la Nuée du Sanctuaire; autrement tous nos efforts sont vain. En un mot, pour que le symbole du Tabernacle puisse réellement nous aider, il faut le transporter du désert de l'espace à un foyer en nos coeurs, afin que nous devenions tout ce qu'est ce symbole et ce qu'il représente spirituellement.

Commençons donc à construire en nous-mêmes l'autel du sacrifice, afin de pouvoir y apporter nos méfaits pour les expier dans le creuset du remords. Ceci s'accomplit d'après le système moderne de préparation au degré de disciple par un exercice fait le soir et scientifiquement élaboré par les Hiérophantes de l'Ecole occidentale des Mystères. D'autres écoles ont donné un exercice du même genre, mais celui-ci en diffère sur un point particulier. Après avoir expliqué l'exercice, nous donnerons la raison de cette différence essentielle. Cette méthode spéciale a un effet d'une telle portée qu'elle rend non seulement capable d'assimiler les leçons apprises ordinairement dans le cours d'une vie, mais encore d'atteindre à un développement qui nécessiterait plusieurs existences.

tant couché, on détend tous les muscles du corps. Ceci est très important, car lorsqu'une partie du corps est tendue, le sang n'y circule plus librement, il y est temporairement comprimé. Comme tout développement spirituel dépend du sang, l'effort maximum en vue de la croissance de l'âme ne peut être fait dans cette condition.

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Illustration: La Cuve d'Airain

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Une fois que les muscles seront parfaitement détendus, l'aspirant révisera les incidents remarquables de la journée, mais au lieu de commencer par les incidents de la matinée et de finir par ceux de la soirée, il procédera en sens inverse: il verra d'abord les évènements de la soirée, puis ceux de l'après-midi, et enfin ceux de la matinée. La raison de ceci est que, à partir du moment de sa naissance, dès sa première inspiration, l'air qui entre dans les poumons de l'enfant apporte avec lui une image du monde extérieur; à mesure que le sang traverse le ventricule gauche du coeur, chaque scène de la vie y est enregistrée sur un certain atome. Chaque inspiration amène avec elle de nouvelles images, et chacun des évènements, chacun des actes de notre vie se trouvent gravés sur ce petit atome-germe, de notre première inspiration jusqu'à notre dernier soupir. Après la mort, ces images forment la base de notre existence au purgatoire. Sous l'influence des conditions du monde spirituel, notre conscience, pour chaque action mauvaise, souffre des angoisses d'une violence incroyable, et nous sommes ainsi détournés du chemin du mal; par ailleurs, l'intensité des joies que nous éprouvons au sujet de nos bonnes actions agit comme un aiguillon pour nous encourager sur le sentier de la vertu dans les vies à venir.

Or, dans l'existence d'après-vie, le panorama de la vie écoulée se déroule en sens inverse, en vue de montrer d'abord les effets, puis les causes qui les ont produites, afin que l'esprit puisse apprendre comment la loi de cause à effet opère dans la vie. C'est pourquoi on enseigne à l'aspirant qui est sous la direction scientifique des Frères Aînés de l'Ordre de la Rose-Croix à faire aussi l'exercice du soir en sens inverse et à se juger chaque jour afin d'échapper aux souffrance du purgatoire après sa mort. Mais qu'il soit bien compris qu'une révision superficielle des scènes de la journée ne sert à rien. En présence d'une de ces scènes où nous avons fait un grave tort à quelqu'un, il ne suffit pas de dire: "J'en suis vraiment fâché et je voudrais bien ne pas avoir agi ainsi". A ce moment, nous sommes la victime expiatoire sur l'Autel des Holocaustes, et à moins

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que nous ne sentions le feu du remords divinement enflammé nous brûler jusqu'à la moelle des os pour les torts commis pendant la journée, nous n'accomplissons rien qui vaille.

Sous le régime de l'ancienne Alliance, les victimes étaient frottées de sel avant d'être placées sur l'Autel des Holocaustes. Nous savons combien il en cuit lorsque, accidentellement, une plaie vient en contact avec du sel. Cette coutume de frotter de sel les victimes des sacrifices symbolise l'intensité de la brûlure que nous devons éprouver lorsque nous nous plaçons sur l'Autel des Holocaustes. C'est le sentiment profond, de sincère regret pour ce que nous avons faite qui détruit l'image dans l'atome-germe et laisse celui-ci purifié, sans tache. De même que les transgresseurs qui, sous l'ancienne Alliance, étaient justifiés lorsqu'ils apportaient à l'Autel des Holocaustes un sacrifice qui y était consumé, ainsi, dans les temps actuels, nous effaçons la marque de nos péchés par l'exercice de rétrospection. Il est bien évident que nous ne pouvons, de soir en soir, accomplir ce sacrifice vivant sans en devenir meilleur et cesser peu à peu les fautes que nous devons nous reprocher lorsque nous faisons notre examen de conscience. Ainsi, cet exercice, non seulement nous purifie de nos fautes, mais encore nous élève à un degré de spiritualité supérieur à celui que nous pourrions atteindre autrement dans la vie présente, (1 COR 11:31).

Il est bon de faire remarquer ici que lorsqu'une personne avait commis une faute grave et se réfugiait dans le sanctuaire, elle se trouvait en sûreté à l'ombre de l'Autel des Holocaustes; là, le feu divinement allumé pouvait seul exercer un jugement. Elle échappait ainsi aux mains des hommes en se mettant dans la main de Dieu. De même, l'aspirant qui, chaque soir, reconnaît ses torts en se réfugiant vers l'autel du jugement vivant, y trouve un asile contre la loi de cause à effet, et "Quand nos péchés seraient comme l'écarlate, ils deviendront blancs comme neige" (Esaïe 1:18).

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La Cuve d'Airain

La Cuve d'airain était un grand bassin toujours rempli d'eau. La Bible nous dit qu'elle était placée sur le dos de douze boeufs, également d'airain, et dont la partie postérieure était tournée vers le centre du bassin. Mais on peut lire dans la Mémoire de la Nature que ces animaux n'étaient pas des boeufs, bien que représentant symboliquement les douze signes du zodiaque. A cette époque, l'humanité était divisée en douze groupes, un pour chaque signe zodiacal. Chaque animal symbolique attirait un rayon particulier, et tout comme l'eau bénite des Eglises catholiques est magnétisée par le prêtre pendant la consécration, ainsi l'eau de ce bassin était magnétisée par les Hiérarchies divines qui guident l'humanité.

Il ne peut y avoir aucun doute sur le pouvoir de l'eau bénite, préparée par une forte personnalité magnétique: elle absorbe les effluves de son corps vital, et ceux qui s'en servent subissent son empire à un degré proportionné à leur sensibilité. Par conséquent, les Cuves d'airain des anciens Temples atlantéens des Mystères dont l'eau était magnétisée par les Hiérarchies divines d'un pouvoir infini, étaient un facteur puissant pour guider le peuple en accord avec les désirs de ces dirigeants. Les prêtres étaient donc parfaitement soumis aux ordres et règles établis par ces guides spirituels invisibles et, par eux, le peuple les suivait aveuglément. Il était requis des prêtres de se laver les mains et les pieds avant d'entrer dans le Tabernacle proprement dit. La transgression de ce commandement entraînait la mort immédiate du prêtre coupable. Nous pouvons donc dire que, de même que la note fondamentale de l'Autel d'airain était "justification", l'idée principale de la Cuve d'airain était "consécration".

"Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus", (Matthieu 22:14) ainsi que le prouve l'exemple du jeune homme riche qui vient demander au Christ ce qu'il devait faire pour être parfait. Il assura qu'il observait la Loi, mais lorsque le Christ lui dit "Suis-moi", il en fut incapable, car il avait de grandes richesses qui le retenaient captif. Comme la grande majorité, il se contentait d'échapper à la condamnation et il

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était aussi trop tiède pour acquérir quelque mérite en servant, (Matthieu 19:16-22). La Cuve d'airain est le symbole de la sanctification et de la consécration à une vie de service.

De même que l'Esprit est descendu sur Jésus après la consécration du Baptême, ainsi l'aspirant au service de l'ancien Temple devait se sanctifier dans le courant sacré qui coulait de la Mer de fonte. Le Maçon mystique travaillant "sans bruit de marteau" à la construction d'un temple pour y servir, doit, lui aussi, se consacrer et se sanctifier, être prêt à abandonner toutes ses possessions terrestres afin de pouvoir suivre le Christ intérieur . Bien qu'il puisse conserver ses possessions matérielles, il doit les considérer comme un dépôt sacré dont il dispose à la manière d'un sage économe qui gère avec probité les richesses de son maître. Il doit être prêt à obéir en toute occasion à la voix du Christ Intérieur, quand il lui dit : "Suis-moi!", même si l'ombre de la croix se dessine obscurément au bout du chemin, car sans cet ultime abandon de la vie à la Lumière, à des fins supérieures, il ne peut y avoir de progrès spirituel. De même que l'Esprit est descendu sur Jésus quand il est sorti des eaux baptismales de la consécration, ainsi le Maçon mystique qui se baigne dans le bassin de la Mer de fonte commence à entendre confusément en son propre coeur la voix du Maître lui enseignant les secrets de son Art, afin qu'il puisse les employer au service d'autrui.

 

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