MEDITATION
S'il est un thème que l'on retrouve régulièrement dans les préoccupations de toute personne attirée par la spiritualité, c'est bien celui de la méditation.
Qu'est-elle ? Comment cela fonctionne ? Où cela mène ?
On la croit spécifiquement indienne, parce que c'est de lointaines contrées d'Orient que des précisions nous furent données. Mais la méditation n'est pas l'appropriation de l'Inde, elle est universelle. Toutes les cultures spirituelles de la planète, d'une façon ou d'une autre aborde tôt ou tard la méditation.
Ce n'est pas une technique qui s'apprend, mais un art d'être, un épanouissement de la conscience. Le mot en soi peut poser problème, tant il ne se définit pas. Aussi devrions-nous parler plutôt d'état méditatif. Sans entrer dans un descriptif lexicologique, et souhaitant rester pratique, on dira que la méditation permet à l'individu de rompre le cycle lancinant de l'attache de l'esprit à la causalité descriptive. En plus simple, tout ce que nous percevons ne nous parvient qu'à travers le filtre des mots. Nous ne savons rien d'une chose observée sans l'interface du langage, et entre l'observateur que nous sommes, et la chose observée, subsiste un vide que nos mots s'empressent de combler. La méditation va tenter de rompre cet empire, en restituant à la sensation directe sa place véritable. L'intérêt, bien que n'étant pas à priori évident, est de nous faire passer de la préhension subjective au toucher absolu.
On peut donc en déduire que savoir méditer c'est vivre sans les mots. C'est exact, au point près que les mots peuvent toujours exister, mais qu'ils n'exercent plus une domination sans partage comme avant. Définie ainsi, on peut avoir quelque mal à bien saisir le sens pratique. Notons donc qu'un sentiment puissant ressenti par nous se passe de mots. L'instant où l'on est amoureux de quelqu'un est un instant méditatif. Mais dès que les mots viennent s'y mêler, le sentiment se brouille, et nous entrons dans des cycles de justification de cet amour - et l'être aimé s'éloigne de la sensation intime pour entrer dans des concepts culturels préacquis sur l'amour. L'amour en faite est déjà mort. Ainsi, tout comme nul ne peut raisonnablement prévoir quand il tombera amoureux, nul ne peut savoir quand il entrera en méditation, c'est un "happenning" quelque chose qui vient. On a voulu la restreindre aux mystiques et aux religieux, mais c'est le fait de tout un chacun, et à chaque instant.
On l'a confondu à la concentration, et dans ce cafouillage, nombre de maîtres exotiques orientaux n'auront pas aidé à sa compréhension, en proposant des recettes toutes faites, qui aboutissent certes à un bien être et une détente de l'esprit, mais pas à la méditation véritable, qui elle reste hors des techniques, des temples et des concepts.
En pratique, deux phénomènes sont en jeu : une conscience cognitive, et une existence sensitive à l'autre bout. Quand les deux phénomènes se rejoignent, il y a communion, donc méditation. Nous parlons de confusion (con - fusion). En préalable, il faut une intention née de la prise de conscience d'un manque non-formulée verbalement, car on ne peut méditer sans un manque intérieur. Ce sera ce manque qui créera l'appel "d'air". - Ensuite, il faut savoir cerner sa propre conscience, évaluer son mode de fonctionnement. - Puis, point capital, connaître ses pulsions émotionnelles qui sont autant de samskaras (blocages) à l'épanouissement de l'état espéré. - Enfin, positionner son attention sur les "espaces" entre les mots issus des émotions. Il y a de fortes chances que le flux des mots se démultiplie à ce moment là. L'essentiel est de les laisser s'exprimer sans intervenir ni donner caution comme on le fait couramment. Puis, attendre, attendre, sans espérer. l'espérance est désir, donc émotion, donc frein ! L'état méditatif viendra à ce moment là, ou ne viendra pas, c'est en soi sans importance, seul l'effort entrepris l'est. C'est une dynamique. On comprend donc à la lueur de ces explications, que l'on a souvent peu l'occasion de méditer vraiment, et que ce que nous prîmes pour tel, n'était que concentration avancée, dilatation de la conscience nerveuse.
L'état méditatif dans les débuts, et encore très longtemps après dure très très peu de temps, à peine quelques secondes, mais quelles secondes ! Au passage, qu'en est-il des ouvertures tels les mantras et autres sons de voyelles ? En vérité, les mantras sont des techniques d'abrutissement de l'esprit, conçues pour l'endormir, mantra d'ailleurs en sanskrit veut dire suggestion. Ce sont des aides utiles au début, pas après, quand on se connaît bien. On nous dit que le mantra sacré AUM est le nom de Brahman, ça nous fait une belle jambe si on ne sait pas s'en servir ! En bref ! à lire tout ceci, on se dit évidemment que c'est bien compliqué et exigeant.
Pourtant, c'est simplissime, il faut juste être soi-même. Les enfants sont de grands méditants. Qui n'a pas vu un enfant partir dans des absences ? L'adulte raisonne, théorise, intègre des données exogènes sans rapport avec la méditation comme ses concepts religieux ou spirituels, et n'aboutit qu'à un auto-ébahissement de lui-même, et des déceptions en final. On parle quelque fois de méditation avec support, en se concentrant sur une image sainte (ou vu comme telle) ou sur une rose. Mais nous sommes là dans la concentration, pas la méditation. Les maîtres parlent régulièrement des plans extraordinaires où mènent l'état méditatif, comme si un véhicule spatial nous menait au loin dans des contrées galactiques au lointain. Mais, pour le dire, il faut d'abord "savoir" y être.
Méditer c'est juste être, juste sentir, juste aimer, car qui sent pleinement ne peut qu'aimer pleinement, être heureux, dans une joie sans mélange; mais une joie qui peut toucher l'un proche, comme le multiple. Et si on peut esquisser pour finir une définition du Maître sous cet abord, on dira que c'est un individu en perpétuel état méditatif.