AU PAYS DES MORTS VIVANTS

Une Histoire Occulte

par

Prentiss Tucker



CHAPITRE VII - COMMENT LE "FRÈRE AÎNÉ" AIDA UN SOLDAT QUI VENAIT DE MOURIR À CONSOLER SA MÈRE - pages 131 à 149

Mr. Campion se tourna vers Jimmie en souriant:

- Vous n'avez pas oublié de glisser, je vois: aussi nous pouvons nous élancer.

Ils partirent directement, avec une rapidité vertigineuse; Jimmie tenant la main de Mr. Campion, remarqua beaucoup plus d'autres gens, en route comme eux à travers l'espace, qu'il n'en avait remarqué lors de sa première visite au Pays des Morts Vivants. Il les voyait se dirigeant dans toutes les directions, les uns glissant vite, les autres lentement, certains s'en allant à la dérive, apparemment endormis. Sa propre allure était si rapide qu'il mémorisa simplement ces observations avec l'espoir d'en parler plus tard à Mr. Campion.

En moins de temps qu'il n'en faut pour l'expliquer, ils se retrouvèrent sur la ligne du front, en France, et s'arrêtèrent en face d'une petite tranchée dans laquelle plusieurs hommes étaient en train de converser. Jimmie reconnut parmi eux le grand soldat qu'il avait rencontré au mess. D'après leur conversation, ces hommes s'attendaient sûrement d'un jour à l'autre à prendre part à une attaque, et ils discutaient des conditions d'existence dans l'au-delà, après s'être demandés, bien entendu, si cet au-delà était réel. Mais ils s'y prenaient d'une manière assez curieuse, semblant essayer de camoufler sous un verbiage insouciant leur soif de savoir. L'un d'entre eux déclara:

- Je ne crois pas que la mort termine tout, mais il me semble qu'on ne nous a pas donné la vraie lumière à ce sujet. Je me rappelle un vieil hymne que j'entendis un jour. Je ne me souviens plus exactement des paroles, mais en voici le sens:

"Un moment ici-bas mon âme se posera,

Un moment après, elle sera au-delà des étoiles."

-Qu'en pensez-vous?

- En ce cas, Saint Pierre n'aura pas l'occasion de questionner ce malheureux allant à un pareil train!

- De plus, ce pauvre diable irait si vite qu'il traverserait le Ciel de part en part et se trouverait de l'autre côté avant de pouvoir s'arrêter.

- Il n'aurait pas de chance, n'est-ce pas? Je crois que celui qui a écrit ces paroles n'en connaissait rien. Je ne crois pas que les gens se transforment à ce point lorsqu'ils meurent. Voyez Slim Johnson; ce type là est si lourd que naturellement il ne pourrait en un clin d'oeil perdre son poids; pensez-vous qu'il puisse devenir une fusée volante, s'il était tué? Il ne déploiera jamais une pareille vitesse. Il lui faudrait des semaines pour se rendre compte qu'il est mort. Je parie que, lorsqu'un homme vient de mourir, il est tout proche de son corps, puis va à droite ou à gauche.

- Où ça?

- Je n'en sais rien. Probablement là où il a à faire. Par exemple, certains désirent aller au Ciel jouer de la harpe et d'autres n'y tiennent pas. Quant à moi, je n'ai jamais joué de la harpe et ne sais pas chanter, en sorte que j'aimerais aller voir un peu partout comment cela se passe!

- Il se peut que tu en sois empêché. Suppose que tu sois occupé quelque part, et qu'un gaillard te harcèle avec une grande fourche?

- Non. Je ne crois pas en de telles histoires. Je n'ai aucune foi dans le diable. J'ai entendu certains anglais parler de choses qu'ils avaient vues la nuit, quand éclata cette guerre, et ils en furent tout transformés.

Le soldat questionneur de la cantine prit la parole:

- Je crois que la vraie thèse est celle d'un lieutenant avec qui j'ai discuté il y a quelques semaines. Il déclarait que nous avions déjà vécu précédemment et que nous reviendrions de nouveau, conservant la même physionomie après la mort. Cela me sembla insensé alors, mais plus j'y pense, plus je suis convaincu qu'il avait raison.

A ce moment, Mr. Campion entraîna Jimmie.

- Nous avons si peu de temps à perdre, dit-il, que nous devons en faire le meilleur usage.

- Vous voyez que le grain que vous avez semé et que vous jugiez perdu a germé et a forcé cet homme à réfléchir. Plus tard, lorsqu'il viendra en contact avec l'enseignement occulte, ce ne sera plus une nouveauté pour lui et il sera prêt à l'accueillir.

Pendant cette conversation, ils s'étaient déplacés avec une telle rapidité qu'ils se trouvèrent dans une chambre où était assis un vieux couple, assurément l'homme et la femme. Il était minuit passé, mais pour eux le sommeil avait fui. L'enveloppe officielle, ouverte, sur la table, aurait pu nous renseigner sur ce sujet si cela avait été nécessaire. La femme sanglotait bruyamment, l'homme pleurait silencieusement et les larmes coulaient doucement le long de ses joues. A leurs côtés se trouvaient un soldat dont l'uniforme était déchiré et couvert de boue, la poitrine trouée par une rafale de mitrailleuse. Il tressaillait de douleur et reculait lorsque la femme pleurait fort, lui tendait les bras et l'appelait:

- Maman! Mais elle ne l'entendait pas.

Mr. Campion s'approcha du soldat:

- Mon ami, lui dit-il, et Jimmie pensa que jamais il n'avait entendu une voie si bienveillante, si douce.

Le soldat se retourna:

- Je ne puis me faire entendre! Je ne puis me faire entendre! si seulement elle pouvait savoir que je suis vivant et que je ne souffre pas. Elle pense que je suis mort! Mais cela n'est pas. Je suis aussi vivant que je ne le fus jamais, malheureusement, je ne puis me faire entendre!

- Mon ami!

De nouveau cette voix aimable, si douce, sembla transformer les vibrations tendues de la chambre.

- Vous n'êtes pas mort, en effet, mais vous avez perdu votre corps charnel, et je puis vous aider. Ecoutez-moi, faites exactement ce que je vous dis: imaginez-vous que vous êtes revêtu d'un uniforme tout neuf et propre, heureux, sans blessure, et essayez d'imprimer cette pensée sur l'esprit de votre mère.

Lentement, sous les yeux de Jimmie, l'uniforme boueux redevint propre et frais, les blessures provoquées par les balles disparurent. Le visage de l'homme perdit cette expression douloureuse qui s'y était gravée. Il se regarda et jeta un cri de surprise.

- A présent, continua Mr. Campion, pensez tout le temps que vous êtes heureux, et dites lui: Je t'aime, je t'aime, et d'ici peu de temps, lorsqu'elle s'endormira, vous pourrez lui parler, car à ce moment elle aura quitté son corps. Tâchez alors de lui faire comprendre que vous êtes vivant, que vous vous portez bien, et que vous l'aimez. L'amour est la plus grande force dans tous les mondes, et, avec le temps, vous adoucirez sa grande douleur. La nuit, lorsqu'elle dort, vous pouvez être près d'elle et lui parler.

Le soldat porta son regard sur Mr. Campion, et dans ce regard se manifestait une gratitude, un respect, qu'aucun mot ne saurait exprimer. Il s'appliqua ensuite à pratiquer les conseils reçus.

Jimmie et Mr. Campion se retirèrent dans un coin, tandis que le soldat, se forçant à sourire, répétait la formule, en se penchant sur la femme en pleurs.

Graduellement, les larmes cessèrent de couler, et un regard paisible les remplaça.

- Henri, dit-elle à son mari, je sens que tout est bien pour lui. Il est vivant et parfaitement bien.

De nouveau, Mr. Campion prit Jimmie par la main, et ils se mirent en route. Cette fois-ci, c'était le retour au bateau, et Jimmie se retrouva planant au-dessus du navire à bord duquel son propre corps dormait paisiblement, dans la petite cabine.

La lune avait disparu. A la vision terrestre, la surface des flots devait paraître obscure, mais les voyageurs du Pays des Morts Vivants, n'ont pas besoin de lumière solaire, et la nuit l'obscurité ne les incommode pas.

Les lois naturelles opèrent dans tout le cosmos, ce qui est une autre façon d'affirmer que Dieu gouverne partout. Mais le fonctionnement de certaines lois naturelles diffère suivant les mondes, et ceux qui soudain se trouvent projetés dans les - Vous voyez que le grain que vous avez semé et que vous jugiez perdu a germé et a forcé cet homme à réfléchir. Plus tard, lorsqu'il viendra en contact avec l'enseignement occulte, ce ne sera plus une nouveauté pour lui et il sera prêt à l'accueillir.

Pendant cette conversation, ils s'étaient déplacés avec une telle rapidité qu'ils se trouvèrent dans une chambre où était assis un vieux couple, assurément l'homme et la femme. Il était minuit passé, mais pour eux le sommeil avait fui. L'enveloppe officielle, ouverte, sur la table, aurait pu nous renseigner sur ce sujet si cela avait été nécessaire. La femme sanglotait bruyamment, l'homme pleurait silencieusement et les larmes coulaient doucement le long de ses joues. A leurs côtés se trouvaient un soldat dont l'uniforme était déchiré et couvert de boue, la poitrine trouée par une rafale de mitrailleuse. Il tressaillait de douleur et reculait lorsque la femme pleurait fort, lui tendait les bras et l'appelait:

- Maman! Mais elle ne l'entendait pas.

Mr. Campion s'approcha du soldat:

- Mon ami, lui dit-il, et Jimmie pensa que jamais il n'avait entendu une voie si bienveillante, si douce.

Le soldat se retourna:

- Je ne puis me faire entendre! Je ne puis me faire entendre! si seulement elle pouvait savoir que je suis vivant et que je ne souffre pas. Elle pense que je suis mort! Mais cela n'est pas. Je suis aussi vivant que je ne le fus jamais, malheureusement, je ne puis me faire entendre!

- Mon ami!

De nouveau cette voix aimable, si douce, sembla transformer les vibrations tendues de la chambre.

- Vous n'êtes pas mort, en effet, mais vous avez perdu votre corps charnel, et je puis vous aider. Ecoutez-moi, faites exactement ce que je vous dis: imaginez-vous que vous êtes revêtu d'un uniforme tout neuf et propre, heureux, sans blessure, et essayez d'imprimer cette pensée sur l'esprit de votre mère.

Lentement, sous les yeux de Jimmie, l'uniforme boueux redevint propre et frais, les blessures provoquées par les balles disparurent. Le visage de l'homme perdit cette expression douloureuse qui s'y était gravée. Il se regarda et jeta un cri de surprise.

- A présent, continua Mr. Campion, pensez tout le temps que vous êtes heureux, et dites lui: Je t'aime, je t'aime, et d'ici peu de temps, lorsqu'elle s'endormira, vous pourrez lui parler, car à ce moment elle aura quitté son corps. Tâchez alors de lui faire comprendre que vous êtes vivant, que vous vous portez bien, et que vous l'aimez. L'amour est la plus grande force dans tous les mondes, et, avec le temps, vous adoucirez sa grande douleur. La nuit, lorsqu'elle dort, vous pouvez être près d'elle et lui parler.

Le soldat porta son regard sur Mr. Campion, et dans ce regard se manifestait une gratitude, un respect, qu'aucun mot ne saurait exprimer. Il s'appliqua ensuite à pratiquer les conseils reçus.

Jimmie et Mr. Campion se retirèrent dans un coin, tandis que le soldat, se forçant à sourire, répétait la formule, en se penchant sur la femme en pleurs.

Graduellement, les larmes cessèrent de couler, et un regard paisible les remplaça.

- Henri, dit-elle à son mari, je sens que tout est bien pour lui. Il est vivant et parfaitement bien.

De nouveau, Mr. Campion prit Jimmie par la main, et ils se mirent en route. Cette fois-ci, c'était le retour au bateau, et Jimmie se retrouva planant au-dessus du navire à bord duquel son propre corps dormait paisiblement, dans la petite cabine.

La lune avait disparu. A la vision terrestre, la surface des flots devait paraître obscure, mais les voyageurs du Pays des Morts Vivants, n'ont pas besoin de lumière solaire, et la nuit l'obscurité ne les incommode pas.

Les lois naturelles opèrent dans tout le cosmos, ce qui est une autre façon d'affirmer que Dieu gouverne partout. Mais le fonctionnement de certaines lois naturelles diffère suivant les mondes, et ceux qui soudain se trouvent projetés dans les un voyage merveilleux tel qu'on les décrit dans les "Mille et une nuits" et, bien des rois vous envieraient; vous avez vu un spectacle comme il y en a peu, mais ce voyage n'est pas l'essentiel, comparé au nombre de petites choses qu'apparemment vous n'avez pas remarquées.

- Les choses que vous devez rechercher sont celles qui contiennent de grandes vérités; les choses qui sont vraies pour chacun, pour tout le monde. Le voyage était important, en lui-même, mais il ne l'était que pour vous seul. Si vous racontiez cette merveilleuse aventure, les gens ne vous croiraient pas, et même s'ils vous croyaient, qu'auriez-vous accompli? Du point de vue de l'esprit qui évolue, vous n'auriez rien accompli.

- Mais, prenez un petit détail que vous avez remarqué, mais qui ne fit pas impression sur vous, car vous ne vous attendiez pas à ces choses - le petit fait que le soldat reculait lorsque sa mère sanglotait - prenez ce fait et demandez-vous: Pourquoi? Pourquoi agissait-il comme si quelqu'un lui donnait des coups de fouet? N'était-ce pas tout à fait naturel qu'elle pleure très fort? Si elle avait ri et souri, n'aurait-il pas eu le droit de se sentir profondément froissé, croyant qu'elle était satisfaite de se débarrasser de lui? Or, la clef réside en ceci; il se rendait compte, parce que plus sensible aux pensées de sa mère que lorsqu'il était dans son corps physique, qu'elle avait une peur sub-consciente que la mort soit la fin de tout, et que, une fois mort, il soit perdu pour elle, pour toujours. C'est cela qui lui causait une telle souffrance. C'est pourquoi il reculait et tressaillait ainsi. Il était vivant et il savait qu'il était vivant. Il était sur un autre plan d'existence, c'est vrai, mais il était vivant et non pas mort. S'il avait pu lui dire cela, se montrer à elle, vivant, ne fut-ce qu'un instant, l'intensité de sa douleur aurait diminué, l'aiguillon de la mort se serait émoussé, non pas de la moitié de son intensité, mais des neuf-dixièmes. Voilà la leçon, qu'en apprenez-vous?

Jimmie hésitait, contemplant son corps endormi sur sa couchette. Il ne comprenait pas au juste quelle était cette leçon. Toutefois, le Frère Aîné n'attendit pas longtemps et continua:

- Trouver la leçon est facile si vous procédez avec méthode. Tirez de cette situation les vérités permanentes, universelles; vous avez un fils qui a été tué, la mère qui sait qu'il a été tué; vous avez la mère qui manifeste un chagrin parfaitement naturel; et, comme vous étiez à même de voir des deux côtés du voile, vous avez vu le chagrin de la mère provoquer chez son fils, invisible pour elle, la souffrance la plus aiguë. Ces choses sont universelles comme la mort est universelle, car dans ce problème, la manière dont le fils est mort n'est pas une chose particulière. Il en résulte alors le fait qu'un intense chagrin provoque la souffrance chez le décédé. Nous notons aussi que les lamentations et gémissements pour les morts leur cause de la souffrance et détournent leur attention des nouvelles conditions qui les entourent, et par conséquent, les retardent dans leur évolution; ensuite, puisque la particulière intensité de ces lamentations est causée par la croyance ou la peur que la mort soit la fin de toutes choses, vous avez là une souffrance inutile et superflue, provenant de l'ignorance, nuisible aux morts et aux vivants. La chose devient-elle plus claire?

- Oui, d'un certain point de vue. Je comprends que le chagrin trouble les morts, et comme les vivants souffrent bien plus qu'il n'est nécessaire, tout cela par ignorance, est-ce bien la leçon à en tirer?

- En partie, mais en partie seulement. Dans l'au-delà, les souffrances sont plus aiguës que de ce côté-ci, pour la raison qu'elles ne sont pas atténuées par la chair; il en résulte que le défunt souffre beaucoup plus qu'il n'est nécessaire. De même, ceux qui restent souffrent beaucoup et inutilement, car ils ne savent pas que la mort n'est pas la fin. Mais il y a un côté positif. Non seulement ils souffrent sans nécessité, mais il perdent une grande partie des joies qu'ils pourraient avoir s'ils comprenaient la réalités des choses. La mère qui pleure son petit enfant cesserait de gémir si elle pouvait voir le bonheur extraordinaire du petit être dans le monde céleste. Son chagrin serait pour elle mais non pas pour l'enfant. En bien des cas, la mort est un avancement et non pas une perte, un bénéfice, une récompense, une chose dont on doit être reconnaissant. Il est nécessaire que nous nous débarrassions de cette vieille idée à laquelle nous sommes tous attachés: que la mort signifie un arrêt permanent de l'activité physique.

- Cependant ce problème a un autre aspect. Lors d'une mort naturelle, ne résultant pas d'un accident, ou survenue sur le champ de bataille, l'âme revoit les évènements de la vie qui vient de prendre fin, et c'est cette rétrospection qui forme la base réelle de notre progrès dans l'évolution. Je vous l'ai déjà expliquée dans le long entretien Rue d'Ex. Vous vous rappelez que la mémoire sub-consciente, l'une des propriétés du corps vital ou éthérique, est gravée sur le corps du désir, tandis que l'âme revoit sa vie entière. Cette empreinte forme la base de la vie au purgatoire ainsi qu'au ciel. Lorsque l'attention du défunt est distraite par les lamentations de ceux qui restent, cet enregistrement n'est pas reproduit sur le corps du désir, de cette façon, les vies du purgatoire et du ciel ont perdu leur raison d'être dans une large mesure et, pour elles, la vie qui vient de prendre fin a été inutile. Vous avez vu combien les morts sont sensibles à la douleur des vivants; non pas à la souffrance calme de l'absence, mais au déchaînement de l'émotion et du désespoir. Voilà une des leçons qu'il faut apprendre. A l'avenir, quel que soit l'endroit où votre vie de service vous transporte, faites tout ce qui sera en votre pouvoir pour expliquer aux gens cette réalité, afin qu'avec le temps, cette terrible injustice infligée aux morts cesse. Pour autant que vous pourrez réaliser cela, vous serez à même d'aider l'évolution et d'avancer le grand Jour de la Libération.

- Quelle était cette autre leçon dont vous parliez?

- Je vous ai montré l'une d'elles, quant à l'autre, je pense que vous vous en souviendrez beaucoup mieux si vous la découvrez vous-même.

- Mais, je ne comprends pas bien comment se grave la mémoire sub-consciente. Vous me dites qu'elle forme la base de la vie au purgatoire, et que de l'acuité des impressions dans cette région dépend notre conquête sur nos péchés?

- Exactement.

- Pourtant, dans les décès que j'ai pu observer de ce côté-ci, il n'y avait pas de rétrospection de la vie passée. Prenez par exemple le cas du sergent Strew: lorsqu'il fut tué, il sorti simplement de son corps et ce fut tout. Il n'y eut aucune lamentation, et il ne songea nullement à revoir sa vie. Alors, comment expliquer cela?

- Par la cause exceptionnelle du décès. La Nature impose et utilise la méthode du décès, il s'ensuit une revue des activités et erreurs passées, qui se prolonge au purgatoire et au ciel. Voilà le système qu'emploie normalement l'évolution; mais l'homme, avec son privilège divin de libre arbitre et de choix, transgresse souvent, temporairement les plans de la Nature. Ordinairement, il n'est pas prévu que l'homme meurt par accident ou de façon violente. La mort sur le champ de bataille ou le décès par accident qui, soudain, enlève l'Ego d'un corps jeune et vigoureux, n'est pas la méthode normale projetée pour la race, car elle s'oppose à la révision post mortem. La mort provoquée par le feu, comme c'est le cas dans un incendie ou un déraillement de chemin de fer, peut terrifier et irriter l'âme, à ce point que même longtemps après la rupture de la corde d'argent, et longtemps après que la rétrospection soit devenue impossible, l'âme tient éperdument à la scène de sa séparation violente du corps physique.

- Pour ceux qui meurent d'une commotion causée par un obus, la revue du passé est ordinairement impossible. Dans le cas du sergent Strew, il fut projeté hors de son corps instantanément, et n'en fut même pas conscient. Même s'il s'en était rendu compte, la violence des vibrations du moment aurait empêché toute vision rétrospective, même en l'absence de sa famille. Mais vous vous rappelez qu'il vous vit tout de suite, et venait à peine de vous saluer lorsqu'il fut énervé par les soldats qui s'occupaient de son corps. Cependant, si vous aviez été absent, il n'aurait pas eu la moindre vision du passé à cause de la soudaineté de cette mort accidentelle, et également à cause des vibrations néfastes sur toute la ligne de feu; d'autres raisons aussi y contribuaient, mais je ne les approfondirai pas aujourd'hui; mais vous voyez que la mort violente, accidentelle ou sur le champ de bataille est infortunée, car elle contrecarre le processus normal de la Nature. Cependant, celle-ci est trop puissante pour être entravée. Les moyens naturels peuvent être déviés de leur cours normal, mais ils ne peuvent être déjoués indéfiniment. La Nature emploie même ces conditions anormales pour arriver à ses fins. Tout compte fait, on peut voir que ce qui semblait momentanément une vie gaspillée ne l'était pas en réalité, mais que chaque moment en était utilisé. De sorte que, dans le grand univers de notre Père, nous trouvons l'évidence la plus merveilleuse de la sagesse régnant partout, sagesse sans limite, sagesse dont la profondeur et l'élévation nous restent inaccessibles.

Pendant que Jimmie regardait son ami parler, ce fut pour lui une nouvelle vision dans ce pays merveilleux. Il vit le corps de l'âme d'un Maître qui était ravi en adoration devant la Sagesse Divine et transporté d'amour pour le Divin Créateur.

Cette étincelante vision était d'une beauté au-delà de toute description. La petite cabine s'illuminait d'une auréole qui la remplissait d'une intense et éclatante lumière, dont les nombreuses nuances allaient du blanc pur au violet. Au centre de ce merveilleux rayonnement se trouvait le corps éthérique de l'homme, dont la tête se penchait comme en prière.

Pris à l'improviste par une telle vision, Jimmie recula instinctivement, et il s'en serait fallu de peu qu'il ne s'agenouillât, s'il ne s'était souvenu des paroles de l'ange en de semblables circonstances: "Regarde et contemple.". De sorte qu'il n'adora point, mais se tint dans le respect, saisi d'étonnement, lorsque l'auréole s'affaiblit graduellement, tandis que ce même ami redevenu familier le regarda et, tendant la main, lui dit:

- Pardonnez-moi, mon ami. Pendant un instant je ne pensais qu'au Père et à Son Divin amour, Sa clémence merveilleuse pour nous, et la Sagesse avec laquelle Il sait se servir de nos faiblesses et de nos échecs.

- Et maintenant, je vais vous quitter. Continuez les exercices que je vous ai indiqués. Recherchez l'autre leçon, et en parcourant le sentier, que la bénédiction du Père rejaillisse sur vous.

Lentement, la cabine s'assombrit, s'obscurcit; le mouvement du vaisseau se fit sentir, Jimmie sentit les bords de sa couchette, la douceur de sa couverture, et sa main étendue toucha la paroi rigide. Ce fut le réveil.



Chapitre 8
Table des Matières