AU PAYS DES MORTS VIVANTS

Une Histoire Occulte

par

Prentiss Tucker



CHAPITRE VIII - ÉTUDE D'AURAS - pages 151 à 161

Jimmie ne dormit plus de la nuit. Il se mit à réfléchir à tout ce qui venait d'arriver et, graduellement, il eut la conviction que la plus grande leçon ne lui avait pas encore été expliquée, et qu'on la lui laissait découvrir.

Il commença à raisonner. Pourquoi avait-il été choisi et pourquoi lui avait-on montré tant de choses merveilleuses? Il était évident que ce n'était pas pour satisfaire sa curiosité, ni en vue de consoler, de temps en temps, quelqu'un pour la perte d'êtres chers, sans aucun doute ce dernier but n'était que secondaire. Quelle pouvait donc être la grande idée qu'il y avait derrière cela?

Ce n'était pas non plus pour guérir les malades, malgré tout ce que Mr. Campion lui avait appris sur la guérison des maladies physiques par le travail sur le corps vital. Ce n'était pas non plus pour qu'il puisse conter ses aventures au Pays des Morts Vivants, car on l'avait prévenu de s'en abstenir. Les expériences spirituelles ne doivent pas être répétées, d'ailleurs, on lui avait déclaré que les gens ne le croiraient pas.

Il se souvenait que le plus grand Guérisseur qui ait jamais vécu ne s'était jamais écarté de Sa route pour guérir. Il est vrai qu'il en avait guéri un grand nombre, mais seulement ceux qui se trouvaient sur Son chemin et qui insistaient plus ou moins pour être guéris. Aussi, que devait-il faire? Quel était le but important pour lequel il avait été instruit?

Guérir n'était pas la raison principale ni consoler les affligés. Entraîner sa propre personnalité comme but essentiel était hors de question, car cela ne ferait que développer l'élément égoïste. Ce ne pouvait être qu'un enseignement à propager autour de lui. De cela il n'y avait aucun doute, et il se mit à raisonner par analogie:

Supposons que je sois un homme riche, se disait-il, comment pourrais-je employer mon argent de manière à faire le plus de bien possible? Je pourrais donner de l'argent aux indigents, mais d'autre part, donner de l'argent aux pauvres n'est pas toujours sage, car cela amène souvent plus de troubles que de guérisons.

Il pourrait construire des usines et partager les profits avec ses employés. Ceci vaudrait mieux, ce serait aider les autres à s'aider eux-mêmes. Lorsque le Christ était sur terre, Il accomplit de nombreux miracles et le Pouvoir lui permettant de multiplier les pains jusqu'à ce qu'ils soient en nombre suffisant pour nourrir des milliers de personnes, aurait sans doute transformé des pierres en or. Pourquoi donc le Christ n'a-t-il pas aboli la pauvreté en distribuant de l'or à tous les malheureux qu'Il rencontrait?

Jimmie poussa son raisonnement et se dit que le Christ considérait la chose du point de vue du grand Esprit Solaire qu'Il était, sachant que tous ces gens étaient des esprits en évolution dont le progrès depuis la douleur et le malheur des degrés inférieurs de l'évolution, jusqu'aux grandes joies et splendeurs des degrés plus élevés, dépendait uniquement de l'avancement spirituel, et non pas de l'accumulation d'argent et de biens. Il savait aussi que le progrès spirituel est souvent retardé par les possessions qui, étant à notre portée et en évidence, semblent être, à leur propriétaire, les choses les plus désirables qu'offre la vie. Par conséquent, Il leur donna, ce qui a le plus de valeur: l'aide, l'encouragement, l'enseignement qui, si on le suit selon les indications données, apporte la seule, réelle récompense permanente. En d'autres mots, le Christ aidait ceux qui voulaient bien Le suivre, à s'aider eux-mêmes sur la voie de l'accomplissement spirituel.

Jimmie comprenait que cette vie prise dans son ensemble, depuis la première différenciation de l'esprit individuel à l'intérieur de ce Grand Etre Divin Qui est Dieu, et le long pèlerinage jusqu'au jour de la libération où l'aspirant pourra prononcer les mots glorieux: "Tout est consommé" ressemble à une école dans laquelle nous apprenons nos leçons. La même loi travaille pour le bien, comme durant les jours d'école de notre enfance, et personne ne peut apprendre nos leçons à notre place. Un instructeur ne peut qu'aider, encourager et nous montrer le chemin. L'acquisition des connaissances doit se faire par notre propre travail.

Il est vrai qu'à l'école, l'enfant peut être forcé à travailler par la crainte des punitions; les questions et les examens révèlent ensuite le degré de son savoir. Mais les punitions ou la crainte de celles-ci, n'aboutissent à rien si ce n'est à favoriser une mentalité négligente et paresseuse. L'instruction librement acquise est le résultat des efforts personnels de l'enfant sans tenir compte du stimulant.

Aussi, en poursuivant l'analogie, le progrès spirituel pour la majorité des hommes est le résultat du travail personnel de l'esprit, puisque eux sont entièrement ignorants du fait qu'ils sont à l'école, ignorent la loi de croissance spirituelle, par conséquent manquent du vrai stimulant spirituel pour progresser.

L'éducation d'un enfant qui n'étudie que sous la contrainte des punitions est d'une bien pauvre qualité, comparée à celle obtenue par l'élève qui sait qu'il est en train de recevoir un enseignement qui l'aidera à faire son chemin dans le monde, et qui, en conséquence, essaie d'étudier et de seconder l'instructeur. Mais, quoique cette éducation dépasse de beaucoup la première, elle n'est cependant pas comparable à celle obtenue par l'enfant possédant une vraie soif de connaissance et qui n'a besoin ni des coups de fouet de la crainte ni du stimulant de l'intérêt pour le faire avancer.

Ainsi en est-il de la croissance spirituelle. D'abord, elle est stimulée par la peur, peur de la mort, de l'éternité, ainsi que toutes les autres craintes qui agissent sur l'humanité.

Cette étape de la croissance spirituelle est excessivement lente, ne montrant, vie après vie que très peu de progrès. Lorsque l'intérêt devient le motif, le progrès est un peu plus rapide. Cependant, ce n'est que lorsque le soi est oublié, et que l'homme agit par amour seulement que ce progrès devient rapide. Alors, il a atteint le stade décrit dans la parabole du Fils Prodigue qui, malgré son écart et ses erreurs, a été vu par le Père, qui vint à sa rencontre.

Jimmie se mit à réfléchir soigneusement à toutes ces choses. Le but principal n'était ni la guérison ni la consolation qui étaient plutôt secondaires. Le but essentiel devait être lié au fait d'aider les gens à s'aider eux-mêmes. La clef du problème devait évidemment résider là et s'y trouver cachée.

Maintenant, comment pourrait-il aider les autres à s'aider eux-mêmes? Le progrès spirituel peut se faire comme l'éducation, uniquement par les propres efforts de l'esprit. Mais lorsque cette réalisation ne se fait que par le stimulant de la loi de compensation, et lorsque le résultat n'est incorporé à l'esprit qu'après la mort, ce progrès est très lent.

L'enfant à l'école, même peu disposé à apprendre, peut comprendre la géographie et l'alphabet dont il doit retenir la liste des noms et des mots. L'esprit, forcé d'apprendre sous la direction des grandes Lois Jumelles de Réincarnation et de Conséquence, ne comprend pas et apprend en aveugle.

La connaissance des lois de Réincarnation et des Conséquences pourrait être d'un grand secours à bien des gens. Elle leur montrerait ce qu'ils avaient fait et pourquoi ils l'avaient fait, et dans un grand nombre de cas cela accélérerait merveilleusement le progrès spirituel.

Jimmie se rendait compte que là n'était pas encore la vraie réponse à son problème, mais il sentit aussi que c'était un pas en avant vers cette réponse, et il était certain que, s'il faisait de son mieux pour propager la connaissance qu'il avait acquise, non pas les détails de ses aventures, mais le fait souverain qu'une vie spirituellement merveilleuse et prodigieuse se manifeste constamment autour de nous, et qu'à la mort, nous sortons de notre cocon physique vers une liberté glorieuse, s'il faisait de son mieux pour propager cette connaissance ainsi que celle des grandes Lois Jumelles, il recevrait plus tard la vraie réponse.

Au camp d'entraînement auquel il venait d'être transféré, Jimmie s'absorba avec ardeur dans son travail. Celui-ci n'était pas trop ardu car ses supérieurs étaient indulgents pour son état physique et lui donnaient autant de facilité qu'il était possible. En fait, il avait eu après son débarquement toute une semaine de loisirs et, durant ce temps, il visita la ville près de laquelle était situé le camp. Il avait songé à aller voir ses parents, mais son congé n'était pas assez long et il ne pouvait le prolonger.

Pendant ses promenades dans cette ville, qui lui était étrangère, il s'exerça et mit en pratique son nouveau pouvoir croissant, en observant les auras des gens qu'il rencontrait. Il évitait particulièrement d'observer celles de ses camarades ou de toutes autres personnes familières, car Mr. Campion avait beaucoup insisté sur ce point: défense absolue à n'importe quel étudiant en occultisme de faire des recherches sur les couleurs auriques de toute personne personnellement connue de lui. Il ne devait se servir de ce pouvoir qu'avec les étrangers et ceux qu'il était certain de ne jamais connaître.

Cette faculté de voir l'aura s'était développée chez lui assez rapidement, et au début, il ne comprenait pas très bien ce que c'était mais supposait que c'était encore l'influence de sa commotion d'obus. Lorsqu'il vit pour la première fois les couleurs claires et changeantes auréolant la tête et les épaules, il pensait que sa vue se troublait. Marjorie lui avait parlé des auras, et lorsqu'il avait repris connaissance, il avait vu entourant le visage de son infirmière, une couleur, mais, de toute façon, ces impressions avaient été vagues. Mais lorsqu'il vit une aura après l'effacement du premier charme de la vie au-delà du voile, il ne la reconnut pas.

Il en vit pour la première fois dans les tranchées; de jeunes soldats avaient été adjoints à sa compagnie, à son retour au front. Il surveillait l'un d'eux lorsqu'un obus de petit calibre vint siffler à ses oreilles, très près au-dessus du parapet où se trouvait cet homme. Celui-ci ne bougea pas, ne poussa aucune exclamation. Il demeura calme comme un vétéran ayant à son actif plus de vingt ans de guerre de tranchées. Mais, pour Jimmie qui l'observait, il fut subitement enveloppé d'un nuage gris et brumeux, lequel se modifia ensuite en une nuance écarlate considérable. Ceci prouvait que la peur de l'homme était celle d'un brave, car il se mettait en colère, en partie contre lui-même, ayant enregistré son effroi. Cela montrait, en plus, que pendant que l'homme ressentait la peur, il ne cessait cependant d'être sous le parfait contrôle de lui-même, et ne voulait pas se permettre de la laisser voir. Cela prouvait que le soldat était un brave parmi les braves.

La première vision d'une aura qu'eut Jimmie n'était pas très distincte. Il avait l'impression que ses yeux s'étaient embués d'humidité ce qui, pensait-il, pouvait expliquer le brouillard gris dont l'homme était environné, mais la nuance écarlate l'avait intrigué. Pendant plusieurs jours, cette vision ne se renouvela pas, mais par la suite, elle devint de plus en plus fréquente, spécialement après qu'il l'eût reconnue pour ce qu'elle était et qu'il ait commencé à s'exercer et à l'utiliser.Il remarqua qu'il lui était facile de déterminer si les gens étaient effrayés ou non, s'ils étaient en colère ou non, et à quel degré.

Plus tard encore, il remarqua la différence entre l'aura et le corps vital qu'il n'avait pas pu distinguer tout d'abord, bien qu'il ait su que l'aura s'étendait considérablement au-delà du corps vital.

Pendant sa traversée, il avait exercé ce pouvoir naissant sur les membres de l'équipage et ceux dont il était certain de ne pas faire connaissance plus tard. Ce n'était cependant pas tout-à-fait satisfaisant, car les membres de l'équipage n'avaient pas de grandes variations dans leur coloration aurique, et les teintes qu'il y trouvait étaient généralement confuses, troubles. Même lorsque des nuances plus vives se montraient, elles étaient atténuées par les couleurs avoisinantes, et ne présentaient qu'un rouge terne et mélangé à d'autres couleurs.

En ville, c'était différent. Il y avait beaucoup de gens qui montraient seulement des couleurs non développées mais il rencontrait parfois certaines personnes dont l'aura était très belle. Il se rendit un dimanche matin à l'église, espérant que là au moins il trouverait les teintes les plus élevées de couleurs très rares, mais il fut désappointé. La plus belle couleur bleue qu'il observa était celle d'une vieille dame, dont la surprise aurait sans nul doute été très grande si on lui avait déclaré qu'elle dépassait en spiritualité le prêtre lui-même.

Souvent Jimmie remarquait dans la rue un homme d'affaires élégamment vêtu, possédant l'expression la plus aimable et bienveillante; malheureusement, son aura dénotait l'avidité, l'envie, la luxure, la cruauté, et Jimmie se demanda avec étonnement ce que pourrait faire un homme pareil dans un monde où de telles choses sont visibles à tous. Si nous pouvons, ici-bas, garder le respect de nous-mêmes seulement en faisant croire aux autres que nous sommes ce que nous ne sommes pas, bien que nous fassions des efforts pour nous améliorer, que faire alors dans un monde où le caractère est un livre ouvert à tous ceux qui prennent le soin de le lire? Il lui devenait évident que notre devoir consistait à nous modeler un caractère tel que nous n'ayons pas à en rougir, lorsqu'il deviendrait visible aux yeux de tous.

Mentalement, Jimmie se fit alors la réflexion que la concrétisation de cette vérité était l'une de ces choses proposées par le Frère Aîné, et qu'il était prévu qu'il l'accomplisse. Peut-être bien était-ce une partie de sa réponse.



Chapitre 9
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