AU PAYS DES MORTS VIVANTS

Une Histoire Occulte

par

Prentiss Tucker



CHAPITRE IX - UNE EXPÉRIENCE AVEC LES ESPRITS DE LA NATURE - pages 163 à 175

La vie de Jimmie se passa comme un rêve éveillé durant les quelques mois qui suivirent, bien remplie par les exigences de son travail, et imprégnée d'un curieux sentiment que quelque chose allait bientôt se produire, un sentiment de malaise, d'attente et d'incertitude. Il écrivit à Louise régulièrement et reçut d'elle des réponses apparemment satisfaisantes, à en juger par le nombre de fois qu'il lisait et relisait chaque lettre. Durant sa "vie de sommeil", qui se faisait de plus en plus distincte et réelle, il se développait rapidement.

Chaque nuit, il quittait son corps et s'élançait dans le grand monde invisible qui nous entoure, et chaque fois qu'il le faisait, il était plus profondément pénétré de l'exaltation merveilleuse que produisait l'"atmosphère" de ce monde.

En général, il est impossible de décrire ces impressions par le langage et encore moins par l'écriture. Je crois qu'il n'existe qu'un seul moyen de se faire comprendre de ceux qui lisent cette petite histoire. Avez-vous une fois fait un rêve très vivant qui vous a fait vivre une expérience ou une aventure enchanteresse? Pouvez-vous vous rappeler même de la manière la plus imparfaite l'atmosphère merveilleuse de ce pays enchanté que vous rêviez de visiter? Souvenez-vous, lorsque vous avez essayé de décrire votre rêve, combien vos paroles étaient froides et insipides. Ne pouvez-vous vous rappeler que la grande chose qui vous rendit si enthousiaste à propos de ce rêve, ne fut pas tant l'aventure elle-même que l'enchantement étrange, merveilleux et vibrant de la chose? Enchantement n'est pas le mot exact car, comme déjà dit il n'existe pas de mot dans notre langue pour suggérer, beaucoup plus que décrire, le sentiment étrange, vivifiant que l'on éprouve dans ce beau pays des rêves. Ce sentiment, il faut l'avoir expérimenté pour le comprendre. Il n'est pas possible d'en faire une image à qui ne l'a jamais ressenti. Un aveugle peut écouter vos paroles décrivant la beauté de couleur et la splendeur d'un coucher de soleil, mais pour lui ces mots ne signifient rien. Vous parlez d'une "palette de couleurs" lorsque vous avez en mémoire un merveilleux étalage de coloration atmosphérique, lorsque le Soleil descend à l'ouest et se couche.

L'aveugle sait ce qu'est une palette et il a une notion académique de ce qu'est la couleur, mais la combinaison de tous les éléments, si claire dans votre esprit, il ne la conçoit pas et ne peut la concevoir.

Aussi, pour ceux d'entre nous qui sont incapables de visiter ces régions glorieuses, leur description semble bien terne. Et ce qui est plus regrettable, c'est que les actions familières à ces régions et leurs lois semblent absurdes.

Voici une autre preuve de la justesse de ce verset biblique: "que la sagesse de Dieu n'est que folie pour les hommes". Nous sommes si imprégnés d'égoïsme, même ceux d'entre nous qui se félicitent le plus de leur générosité, que lorsque nous nous trouvons face à face avec la vraie sagesse, nous sommes "muet" comme l'homme de la parabole.

Jimmie continuait avec confiance les exercices du matin et du soir, donné par le Frère Aîné, car à présent, il se rendait compte de leur efficacité et ressentait de plus en plus leur effet immense. Depuis longtemps il avait abandonné le régime carné, ainsi que le tabac. Cet abandon de sa part était constamment un sujet d'étonnement pour ses camarades qui ne pouvaient pas comprendre qu'une personne saine d'esprit cesse de manger de la viande, sauf, peut-être, pour se guérir des rhumatismes; quant à son renoncement au tabac, il ne pouvait être justifié que par le mot "fanatisme".

Il aimait assister aux offices religieux, non seulement pour les puissantes vibrations spirituelles qui étaient présentes dans l'église, mais aussi pour s'entraîner à pratiquer la lecture des couleurs des différentes auras. Le prêtre de l'église où il se rendait habituellement pensaient que ses sermons seuls l'attiraient, et il voyait dans l'assiduité de Jimmie aux offices un compliment à son égard. Mais, Jimmie savait, ainsi que tout occultiste, que le dimanche, les vibrations du pays entier sont différentes de celles de la semaine et bien meilleures. Dans quelques-unes de ses excursions, il avait visité des pays sauvages, observé les différents rites religieux des habitants, aussi était-il capable de comparer ces vibrations avec celles qui régnaient le dimanche dans son propre pays. Ce contraste important lui fit comprendre le fait que la race occidentale est à la veille de quelque chose de "différent".

Tandis que son temps était pris par la tâche d'exercer les jeunes recrues, par des activités sociales variées, ainsi que par son développement occulte absorbant, de plus en plus intéressant, la terrible débâcle russe prit une importance grandissante dans les nouvelles du jour, les pensées et paroles des hommes. Par moment, Jimmie était à même d'observer certains indices à ce sujet lorsque dans le sommeil, il faisait ses excursions de nuit. Mais il était néanmoins fort gêné par le fait qu'il n'avait pas encore appris comment quitter son corps consciemment, et de ce fait il n'était pas en complète possession du choix du lieu où le conduiraient ses excursions. En général, lorsqu'il se concentrait fortement avant de s'endormir, il pouvait déterminer l'endroit de sa visite, mais cela demandait un intérêt pour la chose; et, comme à l'occasion d'une visite qu'il avait faite dans le pays du Tsar précédent, il n'avait pas été capable de comprendre la moindre chose de ce qu'il avait entendu, cet intérêt demeurait plus ou moins faible comparé au désir intense de passer son temps sur le champ de bataille parmi ses vieux camarades, pour aider de temps à autre l'un d'eux à passer dans l'au-delà.

Une question pourrait se poser en ce moment à l'esprit de plus d'une personne, question très naturelle d'ailleurs: comment se fait-il qu'avec son nouveau pouvoir, Jimmie ne rende pas visite à Louise, puisqu'il l'aimait et correspondait avec elle?

A cela, deux raisons. En premier lieu, Jimmie était de bonne famille, et son éducation première avait été soignée, de sorte qu'il lui eût été impossible d'utiliser un pouvoir occulte pour espionner sa bien-aimée. La deuxième raison, qui aurait été déterminante si la première n'avait pas été son impulsion première, est l'avertissement que Mr. Campion avait fortement gravé en lui: la loi occulte n'autorise pas l'utilisation du pouvoir occulte pour un quelconque motif de curiosité ou d'égoïsme.

Lorsqu'une personne développe la capacité de voir dans les autres plans, ou de voyager en "pays étrangers", elle doit s'exercer et, dans ce but, on l'autorise à observer les auras et le jeu des couleurs auriques; il lui est donc permis de voyager dans les pays éloignés, d'y observer les gens et leur vie, mais seulement comme sujet d'étude et de pratique. L'abus du pouvoir spirituel amène sa propre punition, particulière et terrible. Mais, même en écartant la crainte du châtiment, la nature de Jimmie aurait été opposée et indignée à l'idée d'espionner Louise. Aussi, cette pensée ne lui vint pas car, avant tout, c'était un gentleman.

Quand à la seule facilité de communication avec elle, en envoyant un message des plans supérieurs, il avait promis de ne pas l'employer, car étant constamment occupée, elle ne pouvait prendre son repos qu'à des intervalles irréguliers, lorsque cela lui était permis. S'il l'avait appelée, elle serait venue, mais peut-être juste au moment nécessitant son attention pour une opération critique, qui aurait pu coûter une vie. Aussi, Jimmie avait promis, et comme gentleman, tenait loyalement sa parole. De cette façon, son unique moyen de communication était cette même poste utilisée par tous les amoureux du monde.

Mais une telle règle ne s'appliquait au cas de Marjorie. Il était libre de l'appeler lorsqu'il passait dans l'au-delà, et quelques instants après, Marjorie arrivait, heureuse, joyeuse, et tous deux s'élançaient en glissant parfois à l'entour de la moitié du globe.

Ce fut Marjorie qui l'introduisit chez les esprits de la nature dont elle était une grande favorite, et Jimmie fit connaissance des elfes, des gnomes et même des fées. Il apprit ainsi qu'il y avait plus d'une tribu de ces étranges créatures, dont certaines évitent l'homme dans la mesure du possible, tandis que d'autres lui sont activement hostiles.

Généralement, celles qu'il rencontrait au cours de ses promenades étaient de gentilles créatures, timides, ou alors gentilles si elles n'étaient pas timides. Sa sympathie grandissait particulièrement envers les gnomes qu'il rencontrait toujours lors de ses promenades en forêt. Il prenait plaisir à leur parler ou partager leurs jeux, aussi commençaient-ils à l'aimer en retour, car ils sont d'une nature plutôt affectueuse, quoique défiante vis-à-vis des humains, car les vibrations de l'homme ordinaire sont très grossières et désagréables pour un être de nature sensible.

Les fées étaient plus difficiles à connaître, mais avec l'aide de Marjorie, il devint bientôt l'ami de plusieurs d'entre elles, qui vinrent parfois lui rendre visite quand il était seul dans les bois.

Cette phase de sa vie extra-physique était pleine d'aventure et ressemblait à un long conte de fées, mais je n'en parle ici qu'avec l'intention de montrer la formidable puissance d'énergie qu'est la volonté humaine.

Jimmie n'était pas très favorisé en fait de congé. Cependant, il eut un jour l'occasion de quitter le camp et de pénétrer dans les bois après un très court trajet en chemin de fer. Il aimait se rendre dans la forêt car c'est là qu'il pouvait rencontrer ce petit peuple; et lorsque ces petites créatures eurent découvert qu'il était inoffensif pour eux, ils se réunissaient en bandes autour de lui lorsqu'ils le trouvaient, se promenant seul, et ils passaient ensemble de joyeux moments.

C'est au cours d'une de ses promenades à travers bois, qu'il perçut dans l'éther certaines vibrations désagréables. Il n'entendit aucun cri, mais comprit qu'il devait se passer quelque chose dans les environs et il se mit à chercher. Quelques minutes seulement après qu'il eut senti la perturbation dans l'éther, il vit dans une petite clairière, l'un de ses amis gnomes essayant de se défendre contre les attaques de cinq êtres vraiment repoussants. Ma description se limitera à dire qu'ils étaient d'apparence semi-humaine et semi-animale. Ils n'étaient, à l'évidence, pas du type inoffensif des esprits de la nature, car le pauvre petit gnome se trouvait face à eux, dans une bien mauvaise condition. Il n'avait aucune arme, mais parfois, au moyen de certains mouvements dans leur direction, il les faisait reculer, comme s'il les avait frappés. Aussitôt cependant, ils se ressaisissaient et le serraient à nouveau de près, et Jimmie savait, bien que cette expérience soit la première du genre, qu'il était témoin d'un combat sur le plan éthérique.

Lorsque Jimmie s'approcha, le gnome essaya d'échapper à cet entourage hostile, mais il était certainement affaibli par un moyen quelconque, et il fut arrêté par trois de ces créatures qui le firent reculer.

Elle ne touchaient pas le gnome, et celui-ci ne les touchait pas non plus, cependant l'évidence montrait qu'il y avait un contact, car Jimmie pouvait voir aux mouvements de son petit ami, que ce dernier ayant tout contre lui, était dans une grande détresse.

Il n'y eut pas de la part de Jimmie la moindre hésitation. C'était la première fois qu'il assistait à un combat sur ce plan, bien qu'il connut l'existence de luttes entre catégories de forces. Evidemment, il était le témoin d'une ces luttes, et il imaginait la raison pour laquelle le petit gnome n'avait pas eu la victoire.

Sur cet autre plan, un combat ne se livre pas au moyen de coups ou de quoi que ce soit qui correspond à la force physique, mais au moyen de la volonté. Ce n'est pas non plus entièrement au moyen de la volonté. Par exemple, quelques esprits enclins au mal peuvent tourmenter quelqu'un, mais lorsqu'un Maître s'approche et met fin à cette situation, il ne le fait pas par sa force physique, ni même par une manifestation très forte de volonté, bien que celle-ci soit, évidemment, plus forte. Son pouvoir d'arrêter un acte cruel est le résultat d'une volonté plus forte, combinée au fait que sa position, plus élevée dans l'échelle des êtres, lui a donné une aura dont les vibrations sont si puissantes, qu'un être dont les vibrations sont moins bonnes ou franchement mauvaises, ne peut, tout simplement, pas supporter le taux vibratoire très élevé de la présence d'un Maître. Ceci est naturellement un exemple extrême, mais il est valable sur tous les plans de la nature où les hautes vibrations peuvent être ressenties, et cela agirait de pleine autorité sur le plan physique, si ce n'était le fait qu'ici-bas les vibrations, même les plus élevées, sont tellement alourdies par la chair qu'elles perdent leur force et ne peuvent agir que lentement. Cela nous rappelle un cantique où il est dit : "Là où se trouve Ta présence, le mal ne peut exister", et cette affirmation reste vraie dans tous les cas où le bien entre en contact avec le mal; l'effet varie avec le degré de différence entre l'intensité du bien et l'intensité du mal.

Or, les gnomes sont de petits être gentils, sympathiques, qui ne peuvent lutter longtemps, mais ce sont des esprits de la nature et, du fait qu'ils sont innocents et sensibles à un grand degré, leur innocence n'est pas le résultat d'un long combat positif et prolongé, contre la tentation, mais ressemble plutôt à l'innocence de l'enfance, et n'est pas, en conséquence, une source de pouvoir. Dans bien des domaines, ils sont semblables aux petits enfants, ayant une affection et une intuition d'enfant, des sympathies et des antipathies, mais avec une bonne part de faiblesse enfantine contre l'agression.

Ainsi donc, ce petit gnome qui luttait si bravement contre des forces tellement inégales et terribles, n'avait pas la force qui aurait été la sienne si lui-même avait été le produit d'une longue évolution sur le plan physique, avec ces souffrances et son entraînement. Il était pareil à un faible petit enfant combattant bravement, mais inutilement, contre une bande de loups retenus seulement parce qu'ils le croient plus fort qu'il n'est en réalité.

Voilà où en étaient les choses lorsque Jimmie entra en scène. Après avoir jeté un cri, en un clin d'oeil, il se trouva aux côtés du gnome, et fit face aux élémentaux immondes qui l'attaquaient. Il les regarda et dit, explicitement: "Partez", ensuite avec son imagination et sa volonté, il les fit disparaître et les désintégra. Leurs yeux clignèrent méchamment dans sa direction, ils grimacèrent et produisirent des sons inarticulés, mais la volonté humaine, fruit d'une longue évolution, était trop forte pour eux, et ils disparurent à sa vue comme une image s'efface sur l'écran.

Le gnome s'était affaissé lorsque Jimmie avait pris le combat en main mais, dans cette région éthérique, le pouvoir récupérateur est rapide, et les élémentaux avaient à peine disparu que le petit être se redressa et d'un bond se jeta dans les bras de Jimmie, s'accrochant à lui, sanglotant d'une façon incohérente comme un enfant; et comme la taille du gnome n'avait pas plus de soixante centimètres, le jeune homme eut l'impression d'avoir sauvé un enfant des crocs d'un chien méchant.

C'était la première fois qu'un gnome le touchait, car ces petits êtres ont une nature plutôt timide. Mais maintenant que son amitié était prouvée, la petite créature se cramponnait à lui caressant ses joues, ses cheveux, répétant sans cesse: "Jimmie, mon ami, Jimmie, mon ami".

Ils marchèrent quelques minutes, et comme le gnome, étant une entité éthérique, n'avait aucun poids, Jimmie le porta plus facilement qu'il l'aurait fait d'un enfant; il essaya de le calmer gentiment et de l'aider à se remettre de sa frayeur. Les choses en étaient là, lorsque une troupe entière de ces petits êtres sortit en dansant de la forêt épaisse et les aperçus.



Chapitre 10
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