CHAPITRE 7 - L'ANNONCIATION ET L'IMMACULÉE CONCEPTION
Dans le monde occidental, on parle beaucoup de l'initiation, que la plupart des gens associent à l'occultisme enseigné dans les religions orientales et considèrent comme propre aux fidèles du bouddhisme, de l'hindouisme et autres doctrines religieuses n'ayant sans doute aucun rapport avec les religions occidentales, notamment avec le christianisme.
Dans les leçons précédentes, nous avons montré, au sujet des symboles de l'ancienne initiation, que cette idée est absolument sans fondement, et que l'ancien Tabernacle dans le désert représente, dans son symbolisme, le chemin du progrès à partir de l'ignorance naïve jusqu'à la connaissance supra- humaine. Les Védas ont apporté la lumière aux fidèles fervents des rives du Gange; les Eddas ont été l'étoile conductrice des peuples des monts de Scandinavie qui ont cherché la lumière dans l'ancienne Islande, dans les mers glaciales où les hardis Vikings dirigeaient leurs barques. "Arjuna", engagé dans le noble combat du "Mahabharata", ou Grande Guerre constamment soutenue entre le Moi supérieur et le moi inférieur, ne
diffère aucunement du mythe nordique de l'âme, "Siegfried", dont le nom signifie "qui parvient à la paix par la victoire".
Tous deux représentent le candidat subissant les épreuves de l'initiation; et bien que leurs expériences dans cette grande aventure varient sous certains rapports, selon la différence de tempérament entre les peuples septentrionaux et les peuples méridionaux dont il a été tenu compte dans les enseignements respectifs qui leur ont été donnés, les principaux traits sont semblables, et le but, qui est d'atteindre la lumière, est le même. Des âmes d'élite ont marché vers la lumière dans les temples brillamment illuminés de la Perse, où le dieu-soleil, dans son chariot de feu, était le symbole de la lumière, aussi bien que dans la beauté mystique, iridescente, répandue par l'aurore boréale dans les mers glacées du nord. Bref, il est de toute évidence que la vraie lumière de la connaissance ésotérique la plus profonde a existé à travers les âges et même dans les siècles les plus sombres.
Raphaël s'est servi de son merveilleux talent pour en donner une expression concrète dans deux de ses grandes oeuvres: "La Madone de la Chapelle Sixtine", et "Le Mariage de la Vierge", que nous conseillons au lecteur intéressé d'étudier; il est facile de se les procurer dans les magasins d'art. Dans l'original, il y a derrière la Madone et l'enfant Jésus, un brouillard doré d'une teinte particulière qui, bien que très imparfaite pour quiconque est doué de la vue spirituelle, est néanmoins une imitation de la couleur fondamentale du premier ciel, reproduite aussi fidèlement que le permettent les couleurs terrestres. Un examen attentif nous fera découvrir que le fond est formé d'une multitude de têtes et d'ailes d'anges.
Ceci est également une représentation aussi exacte que possible des conditions de ce monde-là, car, pendant le processus de purification qui a lieu dans les basses régions du monde du désir, les parties inférieures se désintègrent et seule la tête, qui contient l'intelligence de l'homme, reste lorsqu'il entre dans le premier ciel; et ce fait a intrigué beaucoup de ceux qui en ont vu les habitants. Quant aux ailes, elles n'ont de réalité que dans la peinture, ayant été mises pour montrer la faculté de se mouvoir rapidement, ce qui est le cas pour les
Les neuf degrés de l'Initiation mystique chrétienne
êtres des mondes invisibles. Le Pape montre du doigt la Madone et l'enfant Jésus. En examinant de près la main avec laquelle il les indique, nous verrons qu'elle compte six doigts. L'histoire ne nous dit rien au sujet d'une telle difformité, et le fait ne peut être accidentel: les six doigts doivent avoir été peints intentionnellement par Rapha¨l.
Nous apprendrons quelle était son intention en examinant le "Mariage de la Vierge", où se répète la même anomalie. Dans ce tableau sont représentés Marie et Joseph, unis en mariage par un rabbin. Le pied gauche de Joseph se trouve au premier plan, et ses orteils sont au nombre de six.
Par les six doigts de la main du Pape et par les six orteils au pied de Joseph, Raphaël nous indique que tous deux possèdent le sixième sens éveillé par l'initiation. Par ce sens subtil, Joseph devait être guidé dans la fuite en Egypte, pour garantie la sécurité de l'être sacré confié à ses soins. Le Pape avait développé le sixième sens afin de ne pas être un aveugle conduisant des aveugles, mais pour que, doué de la "seconde vue", il puisse montrer la Voie, la Vérité et la Vie. Un fait qui n'est généralement pas connu est, qu'à une ou deux exceptions près, lorsque le pouvoir politique était assez fort pour corrompre le collège de Cardinaux, tous ceux qui ont occupé le trône de Saint-Pierre ont été, à un degré plus ou moins grand, doué de vue spirituelle.
Dans nos précédentes leçons, nous avons vu que le Temple atlantéen des Mystères, connu sous le nom de Tabernacle dans le désert, était une école de croissance de l'âme, et l'on ne sera pas étonné d'apprendre que les quatre Evangiles contenant la vie du Christ sont aussi des formulaires d'initiation, révélant un sentier nouveau vers le pouvoir spirituel.
Dans les anciens Mystères égyptiens, Horus était le premier sujet d'initiation offert à l'aspirant. Il est digne de remarque que, dans le rituel de cette initiation, appelé de nos jours le "Livre des Morts", l'aspirant était nommé Horus Untel. Suivant la même méthode, nous pourrions aujourd'hui nommer celui qui suit le Sentier de l'initiation chrétienne "Christ Untel", puisque chacun de ceux qui le suivent est réellement un Christ en
devenir. Chacun à son tour arrivera aux stations de la "Via dolorosa" qui mène au Golgotha et éprouvera en lui-même les angoisses et les douleurs supportées par le héros des Evangiles. L'initiation est un phénomène cosmique d'avancement spirituel, d'expansion de la conscience et de développement de pouvoirs; c'est pourquoi les expériences de tous sont similaires dans leurs lignes générales.
L'initiation mystique chrétienne diffère radicalement de la méthode des Rose- Croix, laquelle a pour but d'amener le candidat à la compassion par la connaissance et de cultiver en lui les facultés latentes de la vue et de l'ouïe spirituelles (clairvoyance et clairaudience) dès le commencement de sa carrière d'aspirant à la vie supérieure. Cette forme d'initiation lui apprend à connaître les mystères cachés de l'être et à percevoir intellectuellement l'unité de chacun avec tous, afin de ressentir, par cette connaissance, le sentiment qui le met en plaine et parfaite harmonie avec l'Infini, faisant de lui un aide, un coopérateur dans le royaume divin de l'évolution.
Le but atteint par l'initiation mystique chrétienne est le même, bien que la méthode, comme nous l'avons dit, soit entièrement différente. Là, généralement, le candidat n'essaie pas d'atteindre un but défini, du moins pendant les premiers temps, et il n'y a dans cette noble Ecole d'initiation, qu'un Maître, le Christ, qui est toujours devant la vision spirituelle du candidat comme l'idéal et le but de tous ses efforts.
Le monde occidental est devenu, hélas, tellement intellectuel que les aspirants qu'il forme ne peuvent entrer dans le Sentier qu'après avoir satisfait aux exigences de leur raison; et ce n'est malheureusement que le désir d'augmenter leurs connaissances qui amène à l'Ecole des Rose-Croix la plupart de ses élèves. C'est une tâche bien ardue de cultiver en eux la compassion qui doit s'allier à la connaissance et être le facteur directeur dans l'usage à en faire, avant qu'ils soient qualifiés pour entrer dans le royaume du Christ.
Ceux qui sont attirés vers le Sentier mystique chrétien ne rencontrent pas une telle difficulté. Ils ont en eux-
mêmes un amour englobant toute la création, qui les pousse en avant, générateur, à la longue, de connaissances bien supérieures, pensons-nous, à celles qui sont atteintes par toute autre méthode. Celui qui suit le Sentier du développement intellectuel est enclin à se moquer avec suffisance de ceux que leur tempérament incline vers le Sentier mystique. Une telle attitude d'esprit est non seulement un obstacle au développement spirituel de celui qui l'entretient, mais elle n'a aucune raison d'être, comme le prouve les travaux d'un Jacob Boehme, d'un Thomas a Kempis et de tant d'autres qui ont suivi le Sentier mystique.
Plus nous possédons de connaissances, plus nous sommes coupables si nous en mésusons, mais l'amour qui est le principe fondamental du chrétien mystique ne peut jamais amener de condamnation ni de conflit avec les desseins de Dieu. Il vaut infiniment mieux pouvoir ressentir une seule noble émotion que d'avoir l'intelligence la plus vive et ne savoir que définir toutes les émotions possibles. Discuter interminablement sur la constitution et l'évolution de l'atome ne nous procurera certainement pas autant de croissance de l'âme que l'humble secours porté à notre prochain.
Il y a neuf degrés définis dans l'initiation mystique chrétienne, en commençant par le Baptême, qui est une consécration. L'Annonciation et l'Immaculée Conception le précèdent, bien entendu, pour des raisons qui seront données plus loin. Ayant préparé notre esprit par les réflexions antérieures, nous sommes prêts à considérer séparément chacun des neuf degrés de ce glorieux processus de développement spirituel.
Le mystique chrétien n'est absolument pas le produit d'une seule vie, mais la fleur de plusieurs existences préparatoires pendant lesquelles il a cultivé cette sublime compassion qui lui fait sentir les souffrances du monde entier et qui, en sa vision spirituelle, évoque l'idéal Christique comme le véritable baume de Galaad,
et la pratique de cet idéal comme la seule panacée contre toutes les afflictions et les douleurs humaines. Les Hiérarchies divines, qui sont chargées de notre avancement le long du sentier de l'évolution, prennent un soin tout spécial d'une telle âme, et lorsque le temps est venu d'entrer dans la vie où elle doit accomplir la course finale pour atteindre le but et devenir un Sauveur de son espèce, les anges veillent en chantant des hosannas dans l'attente joyeuse du grand événement.
Les semblables s'attirent, et les parents sont soigneusement choisis pour, et par, une âme si noble parmi "les fils et les filles du Roi". Ils peuvent être extrêmement pauvres au point de vue du monde et se trouver obligés de coucher l'enfant dans une crèche, mais quel don plus riche pourrait être fait aux parents que cette noble âme? Parmi les qualifications requises pour les parents d'un tel Ego, la mère doit être "vierge" et le père "constructeur".
Il est dit dans la Bible que Joseph était charpentier, mais le mot grec est "tektôn", qui signifie "constructeur". Dans la Maçonnerie mystique, le nom de Grand Architecte (arkhé-tektôn ) est donné à Dieu. En grec, "arkhé" signifie "substance primordiale"; "tektôn", ouvrier, constructeur. Ainsi, Dieu est le grand Maître-Constructeur qui, de la substance primordiale, façonne le monde en un champ évolutionnaire pour différentes espèces d'êtres. Il emploie dans son univers un grand nombre de "tektonès" (pluriel) diversement avancés. Quiconque suit le développement spirituel et s'efforce de travailler d'une manière constructive selon les lois de la nature, comme serviteur de l'humanité, est un tektôn , dans le sens qu'il a les qualifications requises pour aider l'évolution humaine en donnant naissance à une grande âme. Ainsi, lorsqu'il est dit que Jésus était charpentier et fils de charpentier, nous comprenons que tous les deux étaient "constructeurs" suivant les lois cosmiques.
Le mystère de l'Immaculée Conception, comme tous les autres mystères divins, a été traîné dans la boue du matérialisme et, étant si sublimement spirituel, il a, plus que tous, souffert de ce rude traitement. Peut-être
même a-t-il été plus atteint par les explications maladroites de ses partisans ignorants que par les railleries et les sarcasmes des sceptiques.
La doctrine de l'Immaculée Conception de la vierge, telle qu'elle est comprise par les masses, est qu'il y a environ deux mille ans, Dieu féconda miraculeusement une certaine Marie qui était vierge et que le résultat fut la naissance de Jésus, personnage qui, en conséquence, était le fils de Dieu, dans un sens différent de tous les autres hommes. La croyance populaire est que cet incident est unique dans l'histoire du monde.
C'est surtout ce dernier sophisme qui a servi à fausser la belle vérité spirituelle concernant la conception immaculée de Jésus. Ce fait n'est unique en aucun sens. Toute grande âme qui est venue au monde pour y vivre une vie de sublime sainteté, telle qu'elle est requise pour l'initiation mystique chrétienne, s'est incarnée chez des parents de virginité immaculée qui n'étaient pas souillés par la passion dans l'accomplissement de l'acte de génération. Le raisin ne pousse pas sur les ronces: on connaît l'arbre à son fruit et, avant de devenir Sauveur, il faut être pur et sans tache. C'est pour cette raison qu'un tel être ne pourra naître de parents indignes, mais qu'il choisira des parents vierges .
Cependant, la virginité en question n'est pas uniquement une question physique. La virginité n'est pas une vertu en elle-même, car tous la possèdent au commencement de la vie, quelques basses que puissent être leurs inclinations morales. La virginité de la mère d'un Sauveur est une qualité de l'âme, cette dernière restant sans tache tout en accomplissant l'acte physique de génération. Lorsque deux personnes accomplissent leur premier acte de génération sans désirer d'enfant, simplement pour la satisfaction des sens, elles perdent la seule virginité (physique) qu'elles aient jamais possédée, mais lorsque deux êtres s'unissent en esprit de prière, offrant leur corps sur l'autel du sacrifice pour fournir à une âme en voie de renaissance le corps dense dont elle a besoin pour un nouveau développement spirituel, leur pureté d'intention préserve leur virginité et attire à leur foyer une noble âme. Qu'un enfant soit conçu d'une façon immaculée ou dans le
péché dépend de la qualité inhérente à son âme, car celle-ci l'attirera infailliblement vers des parents de qualité d'âme semblable. Devenir le fils d'une "vierge" indique une carrière passée de spiritualité.
La "naissance mystique" d'un "constructeur" est un événement cosmique de grande importance, et il n'est donc pas étonnant que cet événement soit représenté dans le ciel d'année en année et indique, en un symbolisme graphique, dans le grand Monde ou Macrocosme, ce qui doit un jours se produire chez l'homme, petit monde ou microcosme. Nous sommes tous destinés à passer par les expériences que Jésus lui-même a connues, y compris la conception immaculée qui est une condition préalable pour la vie des saints et des sauveurs de différents degrés. La compréhension de ce grand symbole cosmique nous permettra de mieux nous rendre compte de son application à l'être humain.
Le Soleil est la "Lumière du monde" dans un sens matériel. Lorsqu'il parvient à la déclinaison australe extrême au solstice d'hiver, le 23 décembre, les habitants de l'hémisphère nord, où sont nées toutes les religions actuelles, sont plongés dans la plus profonde obscurité de l'année et sont privés de tout pouvoir vital émanant du Soleil, qui est alors partiellement "mort" quant à son influence sur les hommes. Il est donc nécessaire qu'une nouvelle lumière brille dans les ténèbres, qu'un Fils de Dieu naisse pour sauver l'humanité du froid et de la famine qui résulteraient inévitablement si le Soleil devait se maintenir dans la position australe qu'il occupe au solstice d'hiver.
Dans la nuit du 24 au 25 décembre, le Soleil ayant commencé à s'élever lentement vers l'équateur, le signe zodiacal de la vierge céleste immaculée est à l'orient dans toutes les latitudes septentrionales (pendant les heures qui précèdent immédiatement minuit). Or, en astrologie, c'est le signe et le degré à l'horizon oriental, au moment de la naissance, qui déterminent la forme du corps du nouveau-né. Pour cette raison, on dit que le Fils de Dieu est né de la sublime Vierge céleste, qui reste aussi pure après avoir donné naissance à son
Enfant-Soleil. Par analogie, le Fils de Dieu qui vient pour sauver ses frères en humanité doit, lui aussi, être né d'une vierge spirituellement immaculée.
D'après ce qui précède, il est évident qu'une longue période de préparation doit précéder l'entrée d'un mystique chrétien dans la sphère actuelle de la vie humaine, bien qu'en général, en sa conscience physique, il ignore complètement la merveilleuse aventure qui lui est réservée. Selon toute vraisemblance, les jours de son enfance et de sa première jeunesse s'écouleront dans l'obscurité, tandis qu'il vivra une vie intérieure d'une profondeur extraordinaire, préparant son Baptême, qui est le premier des neuf degrés de la Voie mystique.