CHAPITRE 8 - LE RITE MYSTIQUE DU BAPTÊME
Nous ferons remarquer que presque tous les systèmes religieux ont prescrit des ablutions avant l'exercice des devoirs religieux, et le culte rendu dans l'ancien Temple atlantéen des Mystères, le Tabernacle dans le désert, ne faisait pas exception, comme nous l'avons vu précédemment.
Après avoir obtenu la "justification" par des sacrifices sur l'Autel des Holocaustes, le candidat devait se laver dans le bassin de consécration, ou Mer de fonte, avant de pouvoir entrer dans le Sanctuaire pour l'exercice de son ministère. C'est conformément à cette règle que nous voyons le héros de l'Evangile se rendre au Jourdain pour se soumettre au rite mystique du Baptême. Nous apprenons que, lors de son émersion, l'Esprit est descendu sur lui.
Il est donc évident que ceux qui suivent le Sentier mystique chrétien de l'initiation doivent, de même, être baptisés afin que sur eux descende l'Esprit qui doit être leur guide infaillible dans toutes les épreuves qu'ils auront à affronter.
Mais la nature du Baptême a occasionné des controverses d'une intensité presque incroyable. Les uns prétendent que ce doit être une simple aspersion; d'autres, une immersion du corps entier; les uns soutiennent qu'il est suffisant de porter un enfant à l'église, de l'asperger d'eau en dépit de ses protestations et le voilà chrétien, héritier du ciel, tandis que s'il vient malheureusement à mourir avant que le rite sacré ait été accompli, il doit inévitablement aller dans les limbes; les autres avancent plus logiquement, que le désir de l'individu d'être admis dans l'église est la base fondamentale de l'efficacité du rite, et attendent jusqu'à l'âge adulte pour la célébration de la cérémonie qui requiert l'immersion du corps tout entier.
Cependant, que le rite soit accompli dans l'enfance ou plus tard, n'est-il pas étrange qu'une immersion momentanée ou une aspersion d'eau possède le pouvoir de sauver une âme? Si nous examinons le cas de ceux qui ont été ainsi baptisés à l'âge adulte, avec leur plein consentement et selon leur désir, nous trouvons, en général, peu ou point de progrès après la cérémonie. Il est donc évident que, par lui-même, le rite ne constitue pas le Baptême, puisqu'il ne cause pas nécessairement la descente de l'Esprit. Par conséquent, nous devons chercher ailleurs l'explication de ce qui est l'essence du véritable rite mystique du Baptême.
On rapporte l'histoire d'un roi ottoman qui déclara la guerre à une nation voisine et lui livra nombre de batailles avec des succès variables. Finalement vaincu, il fut fait prisonnier, emmené au palais du vainqueur et contraint de servir comme esclave. Plusieurs années s'écoulèrent avant que la fortune lui sourie de nouveau. Il s'enfuit et alla s'établir dans un pays lointain où, à force de travail, il acquit une petite propriété, se maria et eut plusieurs enfants qui grandirent autour de lui. Arrivé à un âge avancé, se trouvant sur son lit de mort, dans l'effort de rendre un dernier soupir, il souleva la tête de dessus son oreiller et regarda autour de lui, mais aucun de ses enfants ne se trouvait là. Il n'était pas dans l'endroit qu'il avait considéré comme son foyer pendant de longues années, mais dans son propre palais qu'il avait quitté dans sa jeunesse, pensait-il, et
il se trouvait aussi jeune que lorsqu'il en était parti. Il était assis sur une chaise, une cuvette d'eau au menton; à côté de lui un serviteur était occupé à lui laver les cheveux et la barbe. Il venait d'immerger son visage dans l'eau quand le rêve d'aller en guerre avait commencé, et une vie entière avait été vécue pendant les quelques secondes qu'il avait prises pour laver sa figure. Nous pourrions multiplier à l'infini des exemples qui prouveraient qu'en dehors du monde physique le temps n'existe pas et que les évènements de milliers d'années peuvent être facilement examinés en quelques instants.
Par ailleurs, nous savons qu'une personne en train de se noyer voit sa vie se dérouler devant ses yeux avec une netteté surprenante, jusqu'aux plus petits détails, oubliés depuis longtemps. Il doit donc y avoir des archives des évènements passés, avec lesquels on peut revenir en contact, dans des circonstances particulières, lorsque les sens sont calmés ou que l'on est près de la mort.
Pour éclairer cette dernière phrase, il nous faut comprendre que l'homme est un être composite et qu'il possède des véhicules supérieurs qui interpénètrent le corps dense, considéré généralement comme l'homme tout entier. Pendant la mort ou le sommeil, ce corps dense est inconscient, à cause de sa séparation complète d'avec ses véhicules subtils, mais cette séparation n'est que partielle pendant le sommeil accompagné de rêves, ou au moment qui précède la mort par noyade. Cette condition permet à l'esprit d'imprimer les évènements sur le cerveau avec plus ou moins de précision, suivant les circonstances, particulièrement les incidents qui se rattachent à la vie de la personne même. A la lumière de ces explications, nous comprendrons plus facilement ce qui constitue le Baptême.
D'après le théorie nébulaire, ce qui forme maintenant la Terre était, à une certaine époque, un brouillard de feu lumineux qui s'est graduellement refroidi par le contact avec le froid de l'espace. Cette rencontre du chaud et du froid produisait l'humidité qui s'évaporait et s'élevait du centre chauffé jusqu'à ce que le froid la condense et qu'elle retourne, en tombant, à sa source. Ayant été ainsi sujette pendant des siècles à des alternances de condensation et d'évaporation, la surface de la Terre s'est finalement cristallisée en une
enveloppe qui recouvre maintenant son centre brûlant. Cette écorce molle, chargée d'humidité, a naturellement produit un brouillard qui a entouré la planète sous forme d'atmosphère, le milieu où s'est développé tout ce qui vit sur terre: hommes, animaux et végétaux.
La Bible décrit cette condition au deuxième chapitre de la Genèse, où il est dit qu'au temps du premier homme, un brouillard s'éleva de la Terre, car il n'avait pas encore plu . Evidemment, cet état continua jusqu'au déluge, où l'humidité descendit enfin, clarifiant l'atmosphère où l'arc-en-ciel apparut pour la première fois. Les ténèbres se dissipèrent et alors commença l'Age de l'alternance; jour et nuit, été et hiver.
En étudiant la cosmologie et les récits imagés de l'évolution donnés dans les Eddas nordiques, précieusement conservés par les Sages de la Scandinavie, nous pouvons en apprendre davantage sur cette période de l'histoire de la Terre et sur son rapport avec ce que nous avançons. De même que nous enseignons à nos enfants, au moyen d'histoires et d'images, des vérités qu'ils ne pourraient saisir autrement, ainsi les guides divins de l'humanité employaient des images et des allégories pour instruire les jeunes âmes dont ils avaient la charge et les préparer ainsi à un enseignement ultérieur plus élevé, plus noble. Le grand poème épique, appelé Chant des Niebelungen , nous donne l'histoire que nous cherchons, l'origine cosmique du Baptême, et la raison pour laquelle il est nécessairement le premier pas dans le développement spirituel du mystique chrétien.
La Cosmogonie des Eddas est semblable, à bien des égards, à celle de la Bible; par ailleurs, elle donne des points confirmant la théorie de Laplace. En voici l'essentiel:
"A la première aube de l'Etre, Quand tout n'était qu'abîme noir, Ni ciel ni terre à reconnaître: Brouillards glacés des entonnoirs Tout enténébrés de Niflheim, En montagne au nord s'étageaient,
Et du pôle de Muspelsheim Les feux sur le sud rayonnaient.
Quand eurent passé les éons, Dans le chaos lors se mêlèrent L'air chaud, et Niflheim en glaçons. Le froid, le chaud proliférèrent; Là se formèrent quelques gouttes Fertiles qui, chauffées par l'air En provenance de l'ardent Muspel, Formèrent le grand Aurgelmer."
Ainsi, par l'action de la chaleur et du froid, Aurgelmer, aussi appelé le Géant Ymer, fut originellement formé. Ce fut le terrain fertile d'où sont sorties les Hiérarchies spirituelles; les esprits de la terre, de l'air, de l'eau et, finalement, l'homme. En même temps, le Père créa la vache Audumla, des quatre pis de laquelle jaillirent quatre fleuves de lait qui nourrirent tous les êtres. Ce sont les quatre éthers, dont l'un sustente le règne animal; deux ensemble, le règne végétal; trois, le règne animal et, tous les quatre, le règne humain. Dans la Bible, ce sont les quatre fleuves sortis de l'Eden.
Finalement, ainsi que l'admet la science, une écorce doit s'être formée par suite du bouillonnement continuel de l'eau et, de là, un brouillard s'être élevé, comme l'enseigne le deuxième chapitre de la Genèse, puis le brouillard s'être refroidi et condensé par degrés, interceptant la lumière du soleil, de sorte qu'il aurait été impossible aux premiers hommes de voir leur corps, même s'ils avaient été doués de la vue physique. Mais dans de telles conditions, ils n'avaient pas plus besoin d'yeux que la taupe qui vit sous terre. Toutefois, ils n'étaient pas aveugles, car on nous dit qu'"ils voyaient Dieu". Comme "les choses et les êtres spirituels sont perçus spirituellement", ils devaient donc être doués de vue spirituelle. Dans les mondes hyperphysiques, le critère de la réalité diffère de celui du monde physique; il forme la base des mythes.
Dans ces conditions, il ne pouvait y avoir aucun conflit d'intérêts: les hommes se sont considérés comme les enfants d'un Père unique tant qu'ils vivaient sous les eaux de l'ancienne Atlantide. L'égoïsme n'est entré
dans le monde que lorsque le brouillard s'est condensé et qu'ils ont quitté l'humide atmosphère de ce continent. Quand leurs yeux se sont ouverts, qu'ils ont pu percevoir le monde physique et les choses qu'il renferme, que chacun s'est vu séparé et à part des autres, la conscience du "moi" et du "mien", du "toi" et du "tien" a pris forme dans les esprits naissants, et la cupidité a remplacé le sentiment d'unité qui prévalait alors. De cette époque jusqu'à la nôtre, l'égoïsme a été tenu pour l'attitude légitime; même dans la civilisation présente, dont nous nous faisons gloire, l'altruisme n'est qu'un rêve chimérique auquel les gens pratiques ne veulent pas se laisser aller.
Si l'on avait permis à l'humanité de suivre le sentier de l'égoïsme en toute liberté, il est difficile de concevoir où elle aurait abouti. Mais sous la loi immuable de cause à effet, toute cause doit produire un effet correspondant; le principe de la souffrance est né du péché, et son but bienfaisant est de nous ramener à la vertu. L'accomplissement de cette transformation nous demande bien des souffrances et de nombreuses incarnations, mais finalement, lorsque, après avoir fait connaissance avec le malheur, nous sommes devenus des "êtres de douleur", nous arrivons à cultiver la sympathie ardente, profonde, qui sent toute l'affliction du monde. Lorsque le Christ est né en nous , alors fleurit dans le coeur du mystique chrétien le désir ardent de chercher et de sauver ceux qui sont perdus et de leur montrer le chemin de la lumière et de la paix éternelles. Cependant, pour montrer le chemin, il faut le connaître; sans la véritable compréhension de la cause de la souffrance, nous ne pouvons enseigner aux autres comment trouver une paix permanente. Or cette connaissance de la souffrance, du péché et de la mort ne peut être acquise ni par la lecture, ni par l'enseignement public ou personnel; du moins, une impression d'une intensité capable de remplir l'être tout entier ne peut être produite de cette façon. Seul, le Baptême remplira ce but et sera le premier degré dans la vie du mystique chrétien.
Mais par Baptême, nous n'entendons pas une cérémonie où le candidat, après l'aspersion ou l'immersion,
fait certaines promesses à l'officiant. Le Baptême mystique peut aussi bien avoir lieu dans un désert que sur une île, car c'est un acte spirituel , en vue d'un but spirituel à atteindre. Il peut être reçu en tout temps, le jour ou la nuit, en été ou en hiver, car il a lieu lorsque le candidat aspire avec une ferveur ardente à connaître la cause de la souffrance et à l'alléger. Alors, l'esprit est conduit sous les eaux de l'Atlantide, où il voit l'état primitif d'amour, de compassion, où il perçoit le Père adorable entourant ses enfants de son merveilleux amour.
En retournant consciemment à cet océan d'amour, le candidat est tellement pénétré du sentiment d'union intime entre toutes les créatures, que l'esprit d'égoïsme est à jamais banni de son coeur. C'est parce qu'il est si pleinement pénétré de l'Esprit universel qu'il peut dire: "Si quelqu'un veut prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau; et si quelqu'un t'oblige à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui" (Matthieu 5:40-41). Se sentant un avec tous, il ne considère même pas le meurtre de sa personne comme un traitement injuste, mais il peut dire: "Père, pardonne-leur" (Luc 23:34). Il s'identifie à eux, il souffre de leurs actions, il est l'agresseur aussi bien que la victime.
Tel est le véritable Baptême spirituel du mystique chrétien, et tout autre baptême qui ne donne pas ce sentiment de fraternité universelle n'est pas digne de ce nom.