MAX HEINDEL
LETTRE NO 31 - Juin 1913 - LA SECONDE VENUE DU CHRIST
L'un des principaux points de la leçon de ce mois (devenue le chapitre 3 des "Mystères des Grands Opéras"), un point généralement très mal compris, concerne le retour du Christ et le véhicule dont il se servira. La Bible nous donne pourtant très clairement cet enseignement, avec lequel celui de la Sagesse Occidentale Rosicrucienne est en plein accord. Cet enseignement diffère radicalement des idées courantes sur ce sujet, à la fois chez la majorité des Chrétiens et chez ceux qui, inconsciemment ou non, prônent de faux Christs, propres à induire en erreur les irréfléchis. Il est donc très important que les élèves de l'Ecole Occidentale comprennent à fond la question, aussi allons-nous résumer brièvement les principaux enseignements publiés à ce sujet dans la "Cosmogonie" et dans d'autres ouvrages.
Le Christ est l'Initié le plus élevé de la Période du Soleil, au cours de laquelle la Terre était formée de matière-désir. Le véhicule inférieur dont il se servait était fait de cette substance.
Nul ne peut se construire un véhicule en une matière qu'il n'a pas appris à façonner, et c'est pourquoi l'Esprit du Christ a travaillé avec notre humanité à partir de l'extérieur de la Terre, à la façon des Esprits-Groupes guidant les animaux dont ils ont la charge, jusqu'au moment où Jésus lui a cédé son
corps dense et son corps vital. Le Christ en a pris possession et a exercé physiquement son ministère parmi les hommes jusqu'au moment de la destruction de son corps dense, sur le Golgotha, où il est devenu l'Esprit intérieur de la Terre. A ce moment, le corps vital de Jésus fut mis de côté pour attendre la seconde venue du Christ.
Le Christ a mis ses fidèles en garde contre ses imitateurs, aussi peut-on se demander comment distinguer, en l'occurrence, le vrai du faux, mais Paul nous a donné des instructions tellement précises qu'il nous suffit de les avoir en mémoire pour être absolument à l'abri d'une erreur.
Il nous dit en effet (I Corinthiens 15:50) que "la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume". Il insiste sur le fait que notre corps sera changé à la ressemblance du véhicule du Christ (Philippiens 3:21). Même témoignage dans la première Epître de Jean (3:2).
Il est donc évident que quiconque se proclame le Christ en se présentant dans un corps physique a perdu la raison et doit être pris en pitié, à moins qu'il ne s'agisse d'un imposteur méritant notre mépris et notre réprobation. On ne nous laisse pas non plus dans l'incertitude touchant la nature du véhicule dans lequel nous rencontrerons le Christ pour être semblables à lui. Dans la première Epître aux Thessaloniciens (4:17) il est dit que nous irons à la rencontre du Seigneur dans les airs; par conséquent il nous faudra, de toute nécessité, posséder un véhicule plus léger que notre actuel corps dense. Cette transformation prendra des âges, du moins en ce qui concerne l'humanité ordinaire.
Dans la première Epître aux Thessaloniciens (5:23)Saint Paul déclare que l'être
complet de l'homme se compose de l'âme, de l'esprit et du corps. Lorsque nous abandonnerons définitivement notre corps dense, comme l'a fait le Christ, nous fonctionnerons dans un corps appelé "Soma psuchikon " - corps de l'âme - mentionné dans la première Epître aux Corinthiens (15:44) qui n'est autre que le "corps vital" de notre philosophie. C'est un véhicule formé d'éther, capable de lévitation, et de même nature que celui utilisé par le Christ après sa crucifixion. Ce véhicule n'est pas sujet à la mort dans la même mesure que notre corps dense, et il finit par se transformer en esprit, ainsi que l'enseigne notre littérature - et ainsi que le requiert le chapitre 15 de la première Epître aux Corinthiens.
Ainsi, les enseignements de la Sagesse Occidentale sont en parfait accord avec la Bible en déclarant catégoriquement que le Christ ne reviendra jamais dans un corps de chair, ce qui serait rétrograder. De même qu'une chenille brise le cocon dans lequel elle est enfermée et se transforme en un splendide papillon qui butine de fleur en fleur, de même, nous aussi, nous quitterons ces mortelles attaches qui nous lient à la terre et qui nous alourdissent. Nous fendrons les airs, âmes vivantes, dans une gloire radieuse, volant à la rencontre de notre Sauveur dans le monde des âmes, les Nouveaux Cieux et la Nouvelle Terre. Ceci est l'un des principaux points de doctrine de l'Ecole Rosicrucienne, et nous comptons bien que nos étudiants feront de leur mieux pour l'assimiler, afin d'être capables de donner une raison de leur foi.
LETTRE NO 32 - Juillet 1913 - LE CORPS VITAL DE JÉSUS
La leçon du mois dernier (devenue le chapitre 3 des "Mystères des Grands Opéras") contenait nombre d'enseignements qui n'avaient pas été donnés jusqu'ici en public. Mais d'autres mystères touchant la portée et la limitation des pouvoirs spirituels, ainsi que la préservation du corps vital de Jésus, sont également évoqués dans la conversation entre Faust et Lucifer. Lorsque ce dernier demande à Faust de faire disparaître l'étoile à cinq branches qui lui barre le passage, il reçoit pour réponse: "Pourquoi ne pas partir par la fenêtre?"
Les personnes étudiant la philosophie occulte se font souvent une idée exagérée des pouvoirs dont dispose celui qui a développé la vue spirituelle. En fait, les recherches sur le plan occulte sont limitées par les lois naturelles gouvernant les mondes invisibles, tout comme les expériences de physique, dans notre monde matériel, doivent se conformer aux lois de cette science.
En vue de maintenir un certain équilibre, il arrive souvent que les lois d'un certain plan soient exactement contraires à celles d'un autre. Ici, dans le monde physique, les formes denses sont attirées vers le centre du globe par la force de la pesanteur. Si la solidité de notre corps dense ne nous en empêchait pas, nous pourrions atteindre le Christ sans effort. Il faut une
certaine énergie pour soulever de terre, ne fût-ce que de quelques centimètres, un corps dense, alors qu'au contraire, les formes spirituelles ont une tendance naturelle à la lévitation. Par conséquent, un adepte de la magie noire peut se rendre avec une relative facilité jusqu'à la planète Mars, grâce à la force sexuelle dérobée à ses victimes. Il est naturellement attiré par la planète de la passion et, comme l'aura de Mars se mêle à celle de la Terre, une telle performance n'est pas très difficile. Mais il lui est impossible de traverser, fût-ce la première des neuf couches terrestres qui conduisent au Seigneur d'amour, l'Esprit de notre Terre. Une telle pénétration représente le Sentier de l'initiation, requérant le pouvoir de l'âme, la pureté et l'oubli de soi-même pour atteindre le Christ - et c'est ici la raison pour laquelle si peu de personnes sont capables de nous renseigner sur la constitution intérieure de la Terre.
Nous ne voyons pas les objets matériels à l'extérieur de nos yeux: ils se reflètent sur la rétine, et nous ne voyons que leur "image" à l'intérieur de notre organe de vision. Comme la lumière est l'agent de cette réflexion, les objets qui "résistent" au passage de la lumière apparaissent "opaques", alors que d'autres, tels que le verre, semblent clairs par le fait qu'ils se laissent traverser par les rayons lumineux. Lorsqu'on se sert de la vision spirituelle, une lumière d'une intensité supérieure est produite à l'intérieur du corps, entre les glandes pituitaire et pinéale. Elle est focalisée "à travers" la prétendue "tache aveugle", ou papille optique* (il s'agit du point d'entrée du nerf optique, formant un disque arrondi ou légèrement ovoïde. Ce disque est insensible à la lumière, étant dépourvu de cônes et de bâtonnets. En fermant l'oeil, on trouve facilement, en le cherchant, un point où un petit objet, le bout du doigt par exemple, ne sera plus perçu. C'est ce qu'on appelle aussi "la tache aveugle de Mariotte" - Larousse médical), directement sur l'objet à examiner.
Le pouvoir du rayon direct est complètement différent de celui du rayon physique reflété. Il pénètre un mur sans difficulté, mais aucun Esprit du Monde du désir ne peut voir à travers le verre. Ni Lucifer, ni aucun autre Esprit du mal n'ose même traverser un objet quelconque formé de cette matière, pas même une mince vitre.
Connaissant cette particularité, nos Frères Aînés ont placé le corps vital de Jésus dans un sarcophage de verre, afin de le protéger des regards des curieux et des profanes. Ce sarcophage est conservé dans une caverne, à une grande profondeur, où nul être non initié ne peut pénétrer. Toutefois, pour plus de précaution, des gardes vigilants surveillent constamment leur précieux dépôt; en effet, si ce véhicule venait à être détruit, la seule voie de sortie du Christ serait coupée, et il devrait rester prisonnier de la terre jusqu'à ce que, la Nuit cosmique ayant désintégré ses éléments, ils retournent au Chaos. Si cela se produisait, la mission du Christ, en tant que Sauveur, aurait échoué, ses souffrances seraient grandement prolongées et notre propre évolution en serait énormément retardée.
Travaillons, veillons et prions en vue de l'heureux jour de sa libération.
LETTRE NO 33 - Août 1913 - TIRONS PARTI DE NOS OCCASIONS FAVORABLES
L'un des plus importants points qui ressortent de la leçon du mois dernier (devenue le chapitre 4 des "Mystères des Grands Opéras") est le fait que nous avons le pouvoir d'allonger la durée de notre vie en apportant toute notre attention au but de l'existence, qui est d'acquérir de l'expérience. Que nous nous en rendions compte ou non, chaque action de notre vie hâte notre fin ou, au contraire, la retarde, selon que cette action est, ou non, en harmonie avec la loi. Si nous ne nous appliquons pas à la tâche de notre vie, si nous persistons à suivre une voie de nature à empêcher la croissance de notre âme, la dissonance de notre vie détruira l'archétype. Plus tard, une renaissance dans un milieu différent nous offrira une chance de rencontrer à nouveau les occasions perdues et de mieux faire. D'autre part, quand nous vivons en harmonie avec le plan de vie gravé sur l'archétype de notre corps dense, il y a, dans la consonance de leurs vibrations, une force constructive qui a pour effet de prolonger la vie de l'archétype et, par conséquent, celle du corps matériel également.
Si l'on se rend compte que notre vie sur terre représente les semailles, et que la valeur de notre vie d'outre-tombe est en proportion directe de la croissance réalisée grâce à l'usage de nos talents, cela montre combien il est
suprêmement important que nos facultés s'exercent dans la bonne direction. Bien que cette loi s'applique à l'humanité toute entière, son action intéresse tout particulièrement les aspirants, car lorsque nous travaillons de toutes nos forces pour le bien, chaque année gagnée augmente notre trésor dans d'éminentes proportions. A mesure que nous avançons en âge, nous devenons plus habiles à "cultiver" notre âme, aussi le fruit des quelques dernières années peut-il facilement dépasser ce que nous avons acquis dans la première partie de notre existence.
Si nous sommes convaincus de ce qui précède et si nous sommes désireux de progresser dans la plus grande mesure possible, une question se pose d'emblée: comment discerner quel est le bon chemin? La réponse est aisée: ce sont les astres qui nous le révèlent, en montrant quels sont nos talents, quelle est l'époque la plus favorable pour "semer le grain" qui fera croître notre âme, pour aider, pour guérir. C'est pour cette raison que notre mouvement insiste sur l'étude de l'astrologie, qui montre clairement ces périodes favorables. Connaître son message augmente le nombre de nos talents; or cette connaissance, le talent qui en découle et la croissance spirituelle qui accompagne son usage à bon escient sont à la portée de tous ceux qui voudront étudier le système simplifié de notre cours d'astrologie par correspondance. Si vous n'y êtes pas encore inscrit, je vous suggère de le faire: commencez dès maintenant, afin d'apprendre à tirer de votre vie le maximum de progrès spirituel.
A ce sujet, le moment est peut-être venu de vous rappeler que, lorsque vous aurez été six mois en correspondance régulière avec le Siège comme étudiant, vous pourrez demander à prendre l'engagement de candidat (en décembre 1916, ce
délai a été porté à deux ans). Bien que les leçons d'Astrologie envoyées aux candidats ne contiennent que les grandes lignes de ce qui est enseigné dans les classes du Siège, elles peuvent grandement aider ceux dont l'âme aspire à se développer.
Le 6 août, à 2 heures de l'après-midi, nous allons poser la première pierre de ce qui deviendra un jour un sanatorium où nous pourrons soigner les malades et permettre à nos étudiants d'acquérir une expérience pratique. D'autres détails à ce sujet seront donnés dans les "Echos de Mount Ecclesia", qui paraîtront désormais le 10 de chaque mois.
LETTRE NO 34 - Septembre 1913 - ASPIRONS A LA PURETÉ
Le point le plus important de la leçon du mois dernier (devenue le chapitre 5 des "Mystères des Grands Opéras") est le fait que la passion a le pouvoir de dégrader ceux qui s'y livrent. Nous en avons donné comme exemple les anthropoïdes, qui sont restés en arrière et ont dégénéré au point d'habiter des formes animales, pour avoir abusé de la force créatrice. Le rôle joué par les Esprits Lucifer dans leur condition a été souligné dans la "Cosmogonie", ainsi que le fait que les anthropoïdes pourront nous rattraper à condition d'avoir réalisé une avance suffisante avant le milieu de la prochaine Révolution.
Toutefois, la connaissance implique une plus grande responsabilité, selon les paroles du Christ: "A celui qui a beaucoup reçu, il sera beaucoup redemandé" (Matthieu 25:14-30). Or, tandis que la transgression de ces temps primitifs peut avoir relativement peu d'importance et n'entraîner qu'un retard de millions d'années, la condition de celui qui possède la lumière résultant d'une connaissance plus étendue - telle que l'humanité la possède aujourd'hui - et qui transgresse la loi en abusant de la force créatrice, peut devenir bien plus grave que celle des esprits habitant des corps d'anthropoïdes.
La Magie noire se pratique beaucoup plus communément qu'on ne l'imagine, parfois presque sans qu'on en ait conscience, car la ligne de démarcation
dépend souvent des motifs. Cependant, si nous abusons de nos connaissances plus grandes, même si nous sommes plus "raffinés" dans la façon de nous laisser aller à nos passions, le résultat ne pourra qu'être désastreux. A notre degré actuel de développement, la force vitale - à part la quantité insignifiante nécessaire à la reproduction de l'espèce - devrait être transmuée en pouvoir de l'âme. Puissions-nous, par conséquent, parcourir avec constance le sentier de la pureté, afin de ne pas nous exposer à un sort pire que celui des humains dégénérés, ayant Lucifer pour patron, rencontrés dans la cuisine des sorcières du mythe de Faust.
Si nous sommes, à un moment quelconque, tentés par des pensées impures, tournons aussitôt nos pensées vers des sujets n'ayant rien de commun avec la sensualité. Avant tout, respectons les lois du pays, qui requièrent le mariage avant l'union. En effet, bien que les paroles de cette cérémonie n'aient pas le pouvoir d'unir des époux, il n'en est pas moins souhaitable que ceux qui professent des idéaux élevés s'abstiennent de heurter la bienséance en vivant ensemble sans être mariés. Ceux qui sont au-dessus de la loi font montre, comme le Christ, d'une parfaite obéissance. En nous conformant aux lois sans nous révolter, simplement parce qu'il est bien de le faire, nous nous élevons au-dessus de ces lois, qui cessent de nous tenir enchaînés.
LETTRE NO 35 - Octobre 1913 - LE MYTHE DE FAUST ET LA LÉGENDE MAÇONNIQUE
La leçon du mois dernier (devenue le chapitre 6 des "Mystères des Grands Opéras") terminait notre étude du mythe de Faust. En le considérant dans son ensemble, nous noterons qu'il met en relief la même idée que la Légende maçonnique. D'un côté, nous avons Faust et Lucifer; de l'autre, Marguerite et les prêtres. Même dans ses heures les plus sombres, Marguerite montre sa foi dans les prêtres; cette foi la réconforte et la soutient, aussi finit-elle par atteindre le but de l'esprit. Ses péchés par omission et commission étaient dus à son ignorance, mais lorsqu'elle voit les pouvoirs du mal incarnés dans le personnage de Lucifer et qu'il lui offre de la libérer de la prison et de la mort, elle refuse de s'enfuir en pareille compagnie: par là, elle s'est suffisamment rachetée pour mériter une place dans le Royaume. De façon similaire, les fidèles de l'Eglise, les Fils de Seth, dépendent aujourd'hui d'un "rachat" plutôt que de leurs propres actes. Ils cherchent le salut dans la foi, car leur pouvoir de faire leur salut par des oeuvres est assez limité.
En Lucifer et Faust, nous trouvons des portraits des Fils de Caïn, qui sont positifs, actifs dans les travaux de ce monde. L'esprit même qui animait Caïn d'un désir de "faire pousser deux brins d'herbe là où il n'y en avait qu'un", l'instinct divin d'indépendance et de création qui a incité, de tout temps, les Fils de Caïn à exécuter le travail du monde, est également fort dans Faust. L'usage glorieux qu'il fait des pouvoirs du mal en leur faisant créer
une nouvelle contrée, une contrée libre, où un peuple heureux peut, en toute liberté, demeurer dans la paix et le contentement, nous donne une notion de ce que le futur nous réserve.
Par nos propres oeuvres, en faisant servir les pouvoirs du mal à des fins utiles, nous finirons par nous libérer à la fois des limitations de l'Eglise et de l'Etat qui nous enchaînent actuellement. Bien que les conventions sociales et les lois du pays soient maintenant nécessaires pour nous empêcher d'empiéter sur les droits d'autrui, un jour viendra où l'Esprit nous animera et nous purifiera, tout comme l'amour de Faust pour Hélène l'a purifié et l'a poussé à utiliser les forces de Lucifer de la manière indiquée. Une fois que nous avons maîtrisé le désir de travailler pour nous-mêmes, une fois que nous nous passionnons pour un travail au bénéfice d'autrui, comme Faust à l'heure de sa dernière vision du pays qui émergeait des eaux, nous n'aurons plus besoin des restrictions que nous imposent les lois et les conventions, car en nous pliant à toutes leurs exigences, nous nous élevons au-dessus d'elles. C'est seulement de cette manière que nous devenons réellement libres. Il est toujours facile de dire aux autres ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire, mais très difficile d'obtenir de nous-mêmes l'obéissance, même si, intellectuellement, nous acceptons les nécessités des conventions. Comme le dit Goethe:
"De tout pouvoir qui tient le monde enchaîné L'homme se libère, lorsqu'il sait se gouverner".
Le mythe de Faust nous enseigne que cet état d'utopie sera nôtre, une fois que nous aurons fait notre salut en usant de nos formidables forces intérieures pour nous rendre véritablement libres. Puissions-nous tous, par nos actions journalières, nous efforcer de hâter ce jour!
LETTRE NO 36 - Novembre 1913
MÉTHODES ORIENTALES ET OCCIDENTALES DE DÉVELOPPEMENT
Nous recevons fréquemment des appels à l'aide de la part de personnes ayant appartenu à des sociétés où elles sont tombées sous la domination d' "esprits obsesseurs" qui ne cessent de les hanter et de les harceler, à tel point que la vie leur est devenue intenable. Nous recevons aussi des appels de correspondants ayant fréquenté des sociétés recommandant des exercices respiratoires hindous. L'impatience d'entrer dans les mondes invisibles pousse beaucoup de personnes à pratiquer des exercices dont elles ne découvrent le danger qu'au moment où il est trop tard et où leur santé et leur esprit sont complètement détraqués. C'est à ce moment qu'elles viennent à nous, en demandant une aide que nous avons heureusement pu donner jusqu'ici à tous ces malheureux, bien que certains d'entre eux aient été à deux doigts de la folie.
C'est pour cette raison que la littérature rosicrucienne est pleine de mises en garde concernant tous les exercices respiratoires orientaux, qui ne sont pas faits pour des Occidentaux. Cela nous a fait beaucoup de peine d'apprendre qu'un de nos étudiants est tombé malade pour les avoir pratiqués, aussi pensons-nous qu'il est indiquer de préciser, une fois de plus, la raison de la différence entre les méthodes orientale et occidentale, afin de bien montrer
pourquoi il faut s'abstenir de ces exercices.
Rappelons-nous que l'évolution de l'esprit va de pair avec celle de la matière. L'esprit se développe en fonctionnant dans des corps de matière dense et en travaillant sur la matière qu'il trouve dans le monde environnant. A mesure que l'esprit progresse, la matière s'affine également, parce que l'esprit travaille sur elle. Les esprits des pionniers attirent naturellement une matière plus affinée que ceux qui sont derrière eux sur le chemin de l'évolution; et les atomes d'une race plus évoluée sont beaucoup plus sensibles que ceux des races plus anciennes.
Par conséquent, les atomes des peuples cultivés de l'Occident répondent à des ondes vibratoires non encore atteintes par les esprits habitant des corps orientaux. Des exercices respiratoires sont employés pour éveiller les atomes endormis des aspirants de l'Orient, et il en faut une bonne dose pour accélérer leur taux vibratoire. Un Indien d'Amérique ou un Boshiman pourrait pratiquer de tels exercices pendant des années sans aucun risque, mais lorsqu'une personne habitant un corps hautement sensibilisé de l'Occident essaie de les pratiquer, le résultat est tout autre. Les atomes de son corps ont déjà été sensibilisés dans le cours ordinaire de son évolution; lorsqu'une telle personne reçoit le surcroît de turbulence des exercices respiratoires, ses atomes se déchaînent, ni plus ni moins, et il est extrêmement difficile de les faire revenir à la normale.
L'auteur croit utile, ceci pouvant faire quelque bien, d'ajouter qu'il parle par expérience personnelle. Des années auparavant, alors qu'il s'engageait sur le Sentier avec l'impatience qui caractérise les ardents chercheurs à la poursuite de la connaissance, il a trouvé dans un livre les exercices recommandés par le Swami Vivekananda et il
s'est mis à les pratiquer. Pas pour longtemps, toutefois, car après deux jours seulement son corps vital avait été "tiré" hors de son corps dense. Il avait la sensation de marcher "en l'air", et son corps tout entier semblait vibrer à un taux excessif. Heureusement qu'il a eu le bon sens d'arrêter ces exercices, d'autant plus qu'il lui a fallu attendre deux semaines entières avant de revenir à la condition normale de marcher d'un pas ferme sur le sol, et avant que ces vibrations anormales aient cessé.
Dans la Parabole du Festin (Matthieu 22:2-13), il est dit que ceux qui n'avaient pas de robe nuptiale ont été jetés dehors. Avant d'avoir développé suffisamment notre corps de l'âme, tout essai d'entrer dans les Mondes invisibles peut aboutir à un désastre. Tout "instructeur" qui prétend pouvoir ouvrir l'accès à ces plans n'est pas digne de confiance. Il n'existe qu'un seul moyen d'y parvenir: persévérer patiemment dans le bien.
LETTRE NO 37 - Décembre 1913
LA RAISON DU GRAND NOMBRE DE RELIGIONS DIFFÉRENTES
La pensée centrale de la leçon du mois dernier (devenue le chapitre 9 des "Mystères des Grands Opéras"), une pensée à laquelle nous devrions bien réfléchir, est la raison du grand nombre de religions différentes, dont chacune a sa propre profession de foi, avec l'idée qu'elle est seule à détenir la vérité. Comme le montre cette leçon, cette condition provient du fait que l'Ego s'est limité en revêtant un corps dense qui le sépare de tous les autres Egos. En raison de cette limitation, il est incapable d'appréhender la vérité absolue et universelle, aussi a-t-il fallu lui donner des religions n'enseignant qu'une vérité partielle.
D'ailleurs, l'état de guerre et de lutte provoqué dans le monde par les influences séparatives des croyances a aussi aidé l'évolution de l'humanité. Si nous étions tous du même avis sur la question "Qu'est-ce que la vérité?" il n'y aurait pas de recherches approfondies pour trouver la lumière ou la connaissance: la vérité ne nous impressionnerait pas avec la même force que lorsque nous avons dû lutter pour nos croyances. Mais, d'un autre côté, l'esprit militant des Eglises montre à ceux des pionniers qui commencent à avoir des vues plus larges, à ceux qui reconnaissent que nul ne possède davantage qu'un rayon de la vérité et qui attendent de l'avenir un élargissement de leur capacité de la saisir - qu'un jour, cessant de ne voir qu'à travers un miroir, d'une manière obscure, ils connaîtront "comme ils sont
connus de Lui" (I Corinthiens 13:12).
Sachant que la diversité des religions repose sur une base cosmique, nous devrions nous abstenir d'essayer de "forcer" des idées avancées sur ceux qui sont encore limités par l'esprit de convention, ou de copier l'esprit militant et missionnaire des Eglises, mais, comme le conseille la Bible, ne donner nos perles de savoir qu'à ceux qui en ont assez de se nourrir des cosses et qui soupirent après le vrai Pain de Vie (Matthieu 7:6).
Parler de sujets relatifs à cette connaissance plus avancée peut intéresser ceux qui se sont réveillés de la léthargie spirituelle si commune à notre époque, mais discuter ne servira jamais de rien, parce que ceux qui aiment la discussion ne seront jamais convaincus par aucun de nos arguments. La prise de conscience de la vérité, seule à pouvoir renverser les barrières des limitations qui sont à la base des croyances, doit venir du dedans et non du dehors.
Par conséquent, bien que devant toujours être prêts à répondre aux questions de ceux qui désirent savoir, et aussi prêts à faire connaître les raisons de notre foi, nous devrions également nous garder de vouloir forcer les autres à accepter nos opinions. Etant parvenus à nous libérer d'une entrave, ne nous laissons pas retenir par d'autres chaînes, car la liberté est l'héritage le plus précieux de l'âme. C'est pour cette raison que les Frères Aînés n'acceptent pas d'élèves non libérés de toute autre attache, et qu'ils veillent à ce qu'ils ne s'engagent, ni envers eux, ni envers qui que ce soit d'autre. C'est seulement ainsi que l'anneau des Niebelungen et le cercle limitatif des dieux pourra être dissout. Puissions-nous tous tâcher de nous conformer à cet idéal de liberté absolue, tout en évitant, bien sûr, d'empiéter sur les droits des autres à la leur propre.
LETTRE NO 38 - Janvier 1914 - CE QUE L'ÉLEVE PEUT ATTENDRE DE L'INSTRUCTEUR
Le Christ disait: " Vous les reconnaîtrez à leurs fruits" (Matthieu 7:16- 20;12:33; Luc 6:44; Jean 13:35; 15:8,16; Galates 5:22). En supposant que des mauvaises herbes soient capables de parler, les croirions-nous si elles prétendaient être de la vigne? Sûrement pas: nous demanderions à voir leurs fruits et, tant qu'elles n'en produiraient pas, leurs protestations, si véhémentes soient-elles, ne nous feraient aucune impression. Dans les affaires matérielles, nous avons donc suffisamment de sagesse pour nous garder d'être induits en erreur; alors pourquoi n'appliquerions-nous pas le même principe à d'autres départements de la vie, en nous fondant sur notre bon sens? Si nous agissions ainsi, personne ne pourrait nous en imposer en matière de spiritualité, car tous les plans du Cosmos sont gouvernés par des lois naturelles; et la loi de l'analogie est la clé de tous les mystères, en même temps qu'une protection contre la tromperie.
La Bible nous enseigne très clairement (I Jean 4:1) que nous devrions éprouver les esprits et les juger sur le résultat. Grâce à cette précaution, nous ne nous laisserons jamais induire en erreur par des instructeurs qui se décernent à eux-mêmes ce titre. Nous éviterons ainsi, à nous-mêmes, à nos proches, au Rosicrucian Fellowship que nous aimons, beaucoup de peines et d'anxiétés.
Voyons donc un peu ce que nous avons le droit d'attendre de quiconque se prétend instructeur et, pour cela, commençons par nous demander quel est le but de l'existence dans notre univers matériel. A cette question, nous pouvons répondre que ce but est l'évolution de la conscience. Au cours de la Période de Saturne, alors que notre constitution était comparable à celle du médium expulsé de son corps par des esprits obsesseurs au cours d'une séance de matérialisation où la plus grande partie des éthers formant le corps vital a été soutirée: le corps dense est alors dans un état très profond de léthargie. Dans la Période du Soleil, alors que notre constitution était comparable à celle des végétaux, notre conscience était celle d'un profond sommeil sans rêves, où le Corps du désir, l'Intellect et l'Esprit sont à l'extérieur, ayant abandonné le corps vital et le corps dense étendus sur le lit. Dans la Période de la Lune, nous avions une conscience imagée, analogue à celle que nous avons en rêve, dans un état où le Corps du désir n'est que partiellement séparé du corps dense et du corps vital. Aujourd'hui, nous en sommes à la Période de la Terre, où notre conscience s'est étendue au point d'englober des objets extérieurs à nous, grâce à la position concentrique de tous nos véhicules pendant que nous sommes à l'état de veille.
Pendant la prochaine Période, celle de Jupiter, les globes sur lesquels nous évoluerons se trouveront sur les mêmes plans que pendant la Période de la Lune, et la connaissance imagée intérieure que nous possédions alors sera extériorisée , la Période de Jupiter étant sur l'arc ascendant. Ainsi, au lieu de voir les images en nous, nous serons capables, en parlant, de les projeter
sur la conscience de ceux auxquels nous parlerons. Par conséquent, quiconque prétend être un Instructeur doit être capable de fournir, de cette manière, la preuve de ce qu'il avance. En effet, les véritables Instructeurs, qui sont les Frères Aînés, préparent maintenant les conditions qui seront les nôtres pendant cette Période, et ils sont tous capables, naturellement et sans effort, d'utiliser ce langage d'images extérieures, donnant ainsi la preuve de leur identité. Ils sont seuls à pouvoir guider les autres en toute sécurité, alors que tous ceux dont le développement n'a pas atteint ce degré, même s'ils s'illusionnent et que leurs intentions sont bonnes, sont sujets à caution, et on ne doit pas se fier à eux. Ceci est un étalon absolument infaillible; et les prétentions de quiconque ne peut montrer ses "fruits" ne valent pas davantage que celles des mauvaises herbes dont nous parlions au début. Tous les Frères Aînés de l'Ordre de la Rose-Croix possèdent cet attribut, et je compte bien qu'à l'avenir, aucun de nos membres ne se laissera entraîner à pratiquer des exercices ou à passer par de quelconques cérémonies imaginées par une personne incapable de produire ces "fruits" en évoquant des images vivantes dans la conscience de ceux auxquels elle s'adresse.
LETTRE NO 39 - Février 1914
OU CHERCHER LA VÉRITÉ ET COMMENT LA RECONNAITRE?
A la fin de la leçon du mois dernier (devenue le chapitre 11 des "Mystères des Grands Opéras") nous avons vu Siegfried, le chercheur de vérité, atteindre l'objet de ses recherches: il avait trouvé la Vérité. En méditant sur ce sujet, il m'a semblé indiqué de consacrer cette lettre à une réponse à la question: "Où chercher la vérité, et comment savoir , sans l'ombre d'un doute, que nous l'avons découverte?"
Il est très important d'avoir une certitude absolue à ce sujet, car beaucoup d'entre ceux qui pénètrent accidentellement dans le Monde du désir, comme par exemple les médiums, sont la proie d'illusions et d'hallucinations, faute de savoir reconnaître la vérité. En outre, les Frères Aînés de l'Ordre de la Rose-Croix donnent aux candidats un enseignement défini et logique sur ce point et, afin de les prémunir contre les dangers en question, ils font passer à chacun une épreuve avant de l'accepter comme disciple: tous doivent arriver à un certain degré avant d'être admis à recevoir d'autres instructions. Vous serez sans doute surpris que cette discussion ne soit pas réservée aux candidats ou aux disciples, mais le Rosicrucian Fellowship ne croit, ni aux secrets, ni aux mystères. Tous ceux qui le désirent peuvent se rendre aptes à
passer n'importe quel degré; et ce n'est pas une question de "forme" mais de "vivre la vie supérieure".
A la première partie de la question: "Où chercher la vérité?" il n'y a qu'une seule réponse: au dedans . C'est strictement une question de développement moral; et la promesse du Christ qu'en "vivant la vie ", nous connaîtrons la doctrine (Jean 7:17) est vraie au sens le plus littéral. Vous ne trouverez jamais la vérité en étudiant mes livres ou ceux de n'importe qui d'autre. Tant que vous continuerez à courir après des maîtres extérieurs, après moi ou qui que ce soit d'autre, vous perdez votre temps. Des livres et des enseignants peuvent éveiller votre intérêt; ils peuvent vous aider à "vivre la vie", mais c'est seulement dans la mesure où leurs préceptes deviendront partie intégrante de votre moi intérieur que vous cherchez réellement dans la bonne direction. Le Frère Aîné que, peut-être à tort, j'appelle l'Instructeur, ne m'a jamais enseigné directement après la brève période du début, où j'ai reçu ce qui est devenu la "Cosmogonie". Depuis l'an dernier, j'ai appris à ne plus lui poser de questions, ayant remarqué qu'à chaque fois, il se contentait de faire allusion à la manière dont, moi-même, je pouvais obtenir l'information désirée. Maintenant, au lieu de lui poser des questions, je me contente de lui demander des directives me permettant de résoudre le problème. Vous voyez donc que c'est par l'usage de nos propres facultés, comparables aux talents de la parabole, que nous obtenons l'information qui aura le plus de valeur pour nous.
La meilleure réponse à la deuxième partie de la question: "Comment reconnaître la vérité?" est de se référer à l'exercice du soir décrit dans la onzième conférence (devenue le chapitre 22 du "Christianisme Rosicrucien") intitulée "Vue et pénétration spirituelles". Cet exercice peut être pratiqué par
quiconque, candidat ou non. Lorsqu'il l'a donné, l'Instructeur disait que si l'on pouvait parvenir à décider la personne la plus dépravée à le pratiquer fidèlement pendant six mois, elle serait définitivement réformée; et ceux qui le pratiquent régulièrement ont trouvé qu'il aiguise toutes les facultés mentales, notamment la mémoire. En outre, par ce jugement impartial de soi- même, soir après soir, on apprend à discerner la vérité de l'erreur, à un degré qui ne pourrait être atteint par tout autre moyen. Nos étudiants ne sont pas forcément tous désireux de devenir candidats et dans l'Ecole de la Sagesse Occidentale, nous n'incitons jamais personne à faire ceci ou cela. Toutefois, si vous désirez réellement connaître la vérité, je puis honnêtement vous recommander cette méthode. Elle développe une faculté intérieure qui vous permettra, une fois acquise, de discerner, dans n'importe quelle déclaration qui vous est faite, si elle est véridique, ou si elle sonne faux.
LETTRE NO 40 - Mars 1914
POURQUOI LE CHERCHEUR DE VÉRITÉ DOIT VIVRE DANS LE MONDE
Après la Transfiguration, au moment où le Christ et ses disciples se préparaient à redescendre de la montagne, ces derniers auraient bien aimé y rester et s'y construire des demeures. Cela ne pouvait toutefois leur être permis, car le travail qu'ils avaient à faire dans le monde n'aurait pu être mené à bien s'ils avaient mis leur projet à exécution.
La Montagne de la Transfiguration est le "Rocher de la Vérité" de la légende de Siegfried (voir le chapitre 11 des "Mystères des Grands Opéras") où l'Esprit libéré est admis à contempler les réalités éternelles. C'est le Grand Maintenant (le passé étant symbolisé par Moïse et Elie) où les prophètes de l'ancienne dispensation se rencontrent avec le Christ, le souverain Seigneur du Royaume à venir. Tout Esprit auquel il a été permis de contempler les splendeurs incomparables de ce Monde céleste, d'entendre les sublimes harmonies de la Musique des Sphères, d'admirer les merveilleuses couleurs qui accompagnent cette musique, répugne également à s'en détacher. Si ce n'était que nous semblons perdre à la fois notre forme et notre personnalité, tout en englobant en nous-mêmes ce monde tout entier, nous n'aurions probablement pas la force de retourner sur terre, mais le sentiment de garder "le ciel au dedans de nous" nous fortifie lorsque le moment est venu de tourner de nouveau
nos regards vers l'extérieur et de nous occuper de notre travail dans le monde.
Dans le Monde physique, les objets cachent toujours leur nature et leur structure internes: nous n'en voyons que la surface. Dans le Monde du Désir, les objets sont distincts de nous, et nous en voyons à la fois l'intérieur et l'extérieur, mais ils ne nous disent rien d'eux-mêmes et de la vie qui les anime. Dans la Région des Archétypes, il semble n'y avoir pas de circonférence, car où que nous dirigions notre attention, ce point est le centre de tout, et notre conscience est immédiatement remplie de la connaissance concernant l'être ou la chose qu'elle contemple. Il serait plus facile de graver sur un disque les harmonies qui nous arrivent des régions célestes que de décrire les expériences rencontrées sur ce plan, car il n'existe pas de mots pour les exprimer: tout ce que nous pouvons faire est d'essayer de les vivre .
Mais pour les vivre, si imparfaitement soit-il, il nous faut être dans le monde, car nous n'avons pas le droit de nous retirer à l'écart avec la vérité que nous avons trouvée. Telle est la grande leçon qui découle de la séparation de Siegfried d'avec sa bien-aimée. Il ne doit pas rester avec elle, car la vie est un perpétuel changement, et la stagnation est une grave faute, les expériences nouvelles étant d'importance vitale pour le progrès. Si nous avons trouvé la vérité, notre devoir impérieux est de chercher un rayon d'action où elle puisse servir, et notre moisson dépendra de notre jugement en cette matière et de la diligence avec laquelle nous aurons planté et arrosé.
C'est là une question que nous devrions examiner attentivement: "quel usage faisons-nous des enseignements que nous recevons?" Tout en vivant dans une ville, nous pouvons être comme absents dans les montagnes du rêve, et aussi
sourds aux clameurs de ceux qui aspirent à davantage de lumière, que s'ils étaient à cent lieues. A moins de partager par nos vies - qui parlent plus haut que des mots - la vérité que nous avons trouvée, nous encourons une grave responsabilité, car "à celui qui a beaucoup reçu, il sera beaucoup redemandé".
Rappelons-nous que "la connaissance enfle, alors que l'amour édifie" (I Corinthiens 8:1), et que le service est l'étalon de mesure de la vraie grandeur .
LETTRE NO 41 - Avril 1914 - COMMENT DISTINGUER LA VÉRITÉ DE SON IMITATION
Dans la lettre de février (NO 39) nous avions traité du sujet suivant: Où chercher la vérité, et comment la reconnaître?" Mais il est inutile de chercher la vérité, ou de la connaître après l'avoir trouvée, sans l'utiliser de façon pratique dans nos vies. Ne croyons surtout pas que l'un découle automatiquement de l'autre: un nombre relativement grand de collectionneurs parcourent le monde à la recherche de trésors artistiques ou archéologiques, par exemple des tableaux de maîtres, des meubles anciens, des monnaies, etc.; mais il existe aussi de nombreux falsificateurs qui fabriquent des imitations, aussi les collectionneurs risquent-ils d'être dupés s'ils ne savent distinguer le vrai du faux.
En ceci, le collectionneur court le même danger que le chercheur de vérité, car il existe un grand nombre de pseudo-cultes et d'"inventions" propres à nous induire en erreur. Certains amateurs de pièces rares cachent leurs trésors dans une retraite secrète et les couvent du regard dans la solitude. Il n'est pas rare qu'après des années, ou après leur décès, on découvre que celles de leurs pièces qui étaient les plus jalousement gardées et "adorées" étaient des faux et des imitations sans valeur. De la même manière, celui qui trouve ce qu'il croit être la vérité peut "enterrer son trésor" en lui-même ou
"mettre sa lumière sous le boisseau" - pour découvrir, peut-être après bien des années, qu'il a été induit en erreur par une imitation. Il est donc nécessaire de disposer d'un moyen infaillible de vérification, capable d'éliminer toute possibilité de fraude. Comment peut-on trouver et utiliser ce moyen?
La réponse est aussi simple que la méthode est efficace. Quand on demande à un collectionneur comment il a découvert que telle ou telle pièce qu'il chérissait était une imitation, la réponse est généralement qu'il l'a montrée à quelqu'un qui avait vu l'original. On peut, ou bien tromper en permanence une partie des gens, ou bien tromper tout le monde une partie du temps, mais pas à la fois tout le monde et tout le temps; et si le collectionneur avait montré sa pièce en public au lieu de la cacher, il aurait vite appris, grâce à la connaissance collective du monde, si sa découverte était authentique ou non.
Maintenant, veuillez noter ceci, qui est très important: de même que le mystère dont s'entourent les collectionneurs favorise la fraude chez les antiquaires, de même aussi, le désir de connaître et de garder pour soi des secrets non connus du vulgaire favorise le commerce des "marchands d'imitations", avec leur cérémonial destiné à décider la victime à se séparer de son numéraire.
Comment pouvons-nous éprouver la valeur d'une hache, pour savoir si elle conservera son tranchant après avoir servi à de rudes travaux? L'achèterions- nous si le vendeur nous demandait de la conserver dans un coin où personne ne puisse l'apercevoir et s'il nous interdisait de l'utiliser? Certainement pas: nous désirerions nous en servir pour nos travaux et pour voir si son acier est de bonne trempe. Si oui, nous l'apprécierions; dans le cas contraire, nous dirions au marchand de reprendre sa camelote.
Selon le même principe, à quoi bon "acheter" ce que nous offrent les marchands de secrets? Si leur marchandise était de bon aloi, il n'y aurait pas besoin de la garder secrète et, à moins de pouvoir l'utiliser dans la vie quotidienne, elle est sans valeur: c'est comme une hache qui rouille dans un coin et perd son tranchant sans servir à rien. Il faut donc absolument que quiconque trouve la vérité l'utilise pour son travail dans le monde, à la fois comme une sauvegarde pour lui-même - afin de voir si elle subira la grande épreuve - et pour offrir aux autres une chance de participer au trésor qu'il apprécie. Il est donc très important de nous conformer au commandement du Christ: "Laissez luire votre lumière."
LETTRE NO 42 - Mai 1914 - NOS RESPONSABILITÉS DE PROPAGATEURS DE LA VÉRITÉ
Au sujet de la lettre du mois dernier (voir NO 41) un de nos étudiants nous écrit: "Est-ce à dire que la personne connaissant des vérités occultes puisse les diffuser sans garder de secrets et sans faire preuve de discrétion? N'encourt-il, de ce fait, aucune responsabilité personnelle? Sur ce point, votre lettre ne semble pas très claire."
Il est évidemment impossible d'épuiser un sujet aussi vaste en une lettre, et même en plusieurs, mais cette question de responsabilité dans la diffusion de la vérité concerne réellement chacun de nous dans la mesure où il existe le danger d'un mauvais usage. Notre correspondant dit encore que "dans notre pays, il existe des mouvements qui ont certains pouvoirs, dont ils se servent à des fins égoïstes et pour amasser de l'argent"; et il demande si l'on aurait tort de leur refuser des pouvoirs occultes. Certainement pas, mais les Frères Aînés prennent soin de ces choses, et ce sont eux qui sont les véritables gardiens de tout ce qui est hautement dangereux. L'hypnotisme est évidemment dangereux, mais pas autant que les pouvoirs occultes dont parle notre correspondant.
Au cours de l'ancienne dispensation hébraïque, l'obscurité régnait dans le Saint des Saints, et l'accès au Temple n'était permis qu'à quelques prêtres et Lévites. Le Grand-Prêtre était seul à pouvoir pénétrer, une fois par année, dans le Saint des Saints, mais lors de la Crucifixion, le voile s'est déchiré, le Temple a été inondé de lumière et, depuis lors, l'initiation a cessé d'avoir ses secrets. Toutefois, dans un certain sens, elle est aussi secrète
que jamais, car, comme le disait la lettre du mois dernier, elle ne consiste nullement en une cérémonie. C'est une expérience intérieure, et nous devons avoir en nous-mêmes le pouvoir de vivre cette expérience avant qu'elle puisse se présenter à nous. Elle est secrète dans le même sens que les mystères de la racine carrée sont secrets pour le petit enfant. Aucune somme d'argent pour une soi-disant initiation ne pourrait transmettre à un mental enfantin la compréhension d'un tel sujet: il faut d'abord qu'il se développe pendant quelques année et qu'il mûrisse suffisamment pour qu'il soit possible de l'instruire. Lorsque ce point est atteint, il n'est pas difficile d'éclairer l'enfant à ce sujet: il saisira facilement cette vérité.
C'est précisément de cette vérité que je parlais dans la lettre du mois dernier. Le disciple doit avoir subi une période d'entraînement qui le mûrisse et le rende suffisamment "malléable" pour qu'il puisse vivre la vérité intérieure. Le moment venu, il est alors très facile à l'Instructeur, ou Initiateur, de lui montrer pour la première fois comment mettre en oeuvre la vérité qu'il a trouvée, comment utiliser la force qu'il a accumulée en lui. Dès lors, il est initié, mais l'expérience par laquelle il a passé ne peut être racontée à qui que ce soit; de fait, il est absolument inutile d'essayer de le faire. Cette expérience ne lui arrive pas par une cérémonie ou un quelconque rituel extérieur, mais comme un résultat authentique de ses propres actions. Par conséquent, il peut en appliquer la vérité dans sa vie quotidienne, bien que d'autres soient dans l'incapacité absolue de la saisir, tout comme le petit enfant est incapable de comprendre ce qui se produit lorsqu'une racine carrée est extraite sous ses yeux. C'est ainsi que les vérités réelles et vitales se trouvent préservées et placées hors de portée de tous, jusqu'à ce que la clé du mérite ouvre la serrure du trésor.
LETTRE NO 43 - Juin 1914 - LE SUFFRAGE FÉMININ ET L'ÉGALITÉ MORALE
En réfléchissant à la leçon du mois dernier sur Tannhäuser (devenue le chapitre 15 des "Mystères des Grands Opéras") nous devons reconnaître - si étrange que cela puisse paraître - qu'on y retrouve, sous forme légendaire, un plaidoyer pour le suffrage féminin, dont on entend tellement parler à l'heure actuelle. Il est aussi évident, comme nous l'avons vu, que le fruit ne tombe pas loin de l'arbre, et c'est ainsi qu'une femme timide et craintive, forcée d'accepter un mariage dans lequel elle se sentira ravalée au même niveau que les autres possessions de son mari, sans être libre d'exprimer ses opinions et ses idéaux, ne saurait être capable de donner naissance à des être nobles et sans peur, à des êtres ayant le courage d'adhérer solidement à leurs idéaux. Par conséquent, si nous tenons les femmes en esclavage, si nous leur dénions la place à laquelle elles ont droit dans le monde, une place de collaboratrices et de compagnes de l'homme, nous ne faisons que retarder le développement de l'humanité et le nôtre propre. Ceci est donc la raison ésotérique pour laquelle la pleine égalité doit être réalisée.
Si seulement les hommes pouvaient se pénétrer profondément de l'idée que nous naissons alternativement dans des corps masculins et féminins, ils s'empresseraient d'accéder aux justes revendications féminines - quand ce ne serait que pour une raison égoïste, à la pensée que, dans une vie future, ceux qui sont maintenant des hommes devront endosser des vêtements féminins et
vivre dans les conditions qu'ils réservent aujourd'hui aux femmes. D'un autre côté, les femmes de maintenant jouiront, sans avoir à les demander, des privilèges auxquels elles aspirent aujourd'hui. Cependant, l'auteur croit que les femmes aspirent surtout, non pas tant au droit de vote, mais à l'égalité morale, dont elles ont le sentiment qu'elles devraient pouvoir jouir - et il est certain que ce droit leur appartient par privilège divin, aussi bien qu'aux hommes.
Un point de l'opéra de Tannhäuser devrait intéresser tout spécialement ceux qui s'efforcent de vivre une vie supérieure, et c'est que Tannhäuser est aussi bien tenu pour responsable par ceux de ses amis qui connaissent son crime, qu'il l'est par l'Eglise. Il n'y a pas, dans la nature, de double critère de moralité. Un péché demeure un péché, quel que soit celui qui le commet, et ceci d'autant plus qu'il sera beaucoup redemandé à celui qui a beaucoup reçu (Matthieu 25:14-30).
Par conséquent, ceux qui ont reçu quelque lumière doivent apprendre avant tout à vivre une vie propre et pure, en harmonie avec les idéaux qu'ils professent. Si cette lumière nous place au-dessus de la loi, abstenons-nous, comme le dit Saint Paul, d'abuser de notre liberté en cédant aux désirs de la chair. La doctrine des "âmes-soeurs" et des "affinités" a ruiné mainte vie qui, autrement, aurait été couronnée d'une grande croissance spirituelle.
Ce que l'ombre est à la lumière, ce que le "diable" est à Dieu, la luxure l'est à l'amour. L'amour est une chose divine, un compagnonnage d'âmes libres . La luxure est diabolique, et le transgresseur est esclave du péché, peu importe si ce péché a été légalisé par l'Etat ou béni par l'Eglise.
Efforçons-nous donc de nous aimer les uns les autres par l'esprit plutôt que par la chair.
LETTRE NO 44 - Juillet 1914 - LE VICE D'EGOISME ET LE POUVOIR DE L'AMOUR
Dans notre dernière leçon (devenue le chapitre 16 des "Mystères des Grands Opéras") nous avons vu le Seigneur de Wartburg demander au ménestrel de décrire l'amour. Comme nous aspirons tous à développer en nous cette qualité, il est sans doute très important d'aborder carrément le problème et de voir sur quel point nous rencontrons la plus forte résistance, car il est indéniable que, chez nous tous, cette sorte d'amour fait cruellement défaut. Même si nous pouvons faire illusion autour de nous - lorsque nous sondons nos propres coeurs, nous avons honte, connaissant les véritables motifs d'actes que d'autres considèrent comme dictés par des sentiments altruiste. En analysant ces motifs, nous découvrirons qu'ils sont tous inspirés par une sorte ou une autre d'égocentrisme et, qui plus est, c'est là un travers que nous n'avouons jamais. J'ai entendu des personnes se confesser en public et en privé, en avouant tous les péchés possibles, excepté celui d'égoïsme. Oui, nous allons même jusqu'à entretenir l'illusion que nous ne sommes pas égoïstes. Pour peu que nous soyons observateurs, nous discernons très nettement ce travers chez les autres, mais nous ne voyons pas la poutre dans notre propre oeil et, aussi longtemps que nous ne reconnaîtrons pas cette grande carence, en nous efforçant sérieusement de la surmonter, nous ne pourrons progresser dans la voie de l'amour.
Thomas a Kempis disait: "J'aimerais mieux ressentir la componction que de savoir la définir", et nous pourrions très bien remplacer le mot componction par celui d'amour. Si seulement nous pouvions ressentir l'amour plutôt que de le définir! Mais nous ne pouvons le connaître, si ce n'est dans la mesure où nous nous purifions de cet important péché d'égoïsme. La vie est notre bien le plus précieux, aussi le Christ a dit: "Il n'est pas de plus grand amour (ou de désintéressement) que de donner sa vie pour ses amis.
Par conséquent, dans la mesure où nous cultiverons ce désintéressement (unselfishness) nous parviendrons à l'amour (love) car ces deux termes sont synonymes, comme le montre Paul dans son inoubliable treizième chapitre de la première Epître aux Corinthiens. Lorsqu'un pauvre cheminot frappe à notre porte, lui donnons-nous aussi peu que possible? Si oui, nous sommes égoïstes. Ou bien l'aidons-nous seulement parce que notre conscience ne nous permet pas de le renvoyer? C'est encore de l'égoïsme, car nous voulons éviter la morsure du remords. Même si nous donnons nos vies pour une cause, ne nous reste-t-il pas l'idée que c'est notre oeuvre? Souvent, lorsqu'une telle pensée me passe par la tête au sujet du Rosicrucian Fellowship, la honte me prend et je me voile la face...Il faut évidemment que le travail se poursuive en dépit de tout, mais ne nous laissons pas leurrer, résistons au démon de l'égoïsme, en nous gardant sans cesse de ses subtiles attaques. Si nous l'entendons murmurer que nous avons besoin de repos et que nous ne sommes pas en mesure de nous dépenser pour les autres, essayons de "forcer" notre vertu de générosité. Après tout, nous ne gardons, en vérité, que ce que nous donnons, car nos corps se décomposent et nos biens sont abandonnés, alors que nos bonnes actions nous restent pour l'éternité.
LETTRE NO 45 - Août 1914
ON N'ARRIVE PAS A L'INITIATION PAR DES EXERCICES RESPIRATOIRES
C'est bien à regret que je me vois amené de nouveau à traiter la question des exercices respiratoires et de leurs effets sur le corps, mais il est absolument nécessaire de publier une nouvelle mise en garde contre les enseignements erronés et dangereux de personnes agissant, soit par ignorance, soit par manque de scrupules et désir de s'enrichir. Les exercices respiratoires sont absolument contraires aux enseignements du Rosicrucian Fellowship, car ces enseignements montrent que des résultats spirituels ne peuvent être atteints que par des méthodes spirituelles et non par des exercices physiques. Malheureusement, le grand désir de certains étudiants de progresser rapidement en fait une proie facile pour de tels "maîtres". Un de nos élèves, qui promettait beaucoup, se trouve maintenant dans un asile d'aliénés pour avoir écouté les promesse d'un charlatan qui avait offert de l' "initier" pour la somme de vingt-cinq dollars.
Je viens d'apprendre que, dans l'un de nos Centres, un homme qui n'est pas affilié au Rosicrucian Fellowship demande des montants variables pour l'établissement de thèmes astrologiques, contrairement à nos enseignements. En une année, malgré nos besoins financiers et par fidélité au principe qui veut qu'une science spirituelle ne doive pas être prostituée pour une somme
d'argent, nous retournons de nombreux dollars à des personnes qui nous demandent des analyses astrologiques et des prédictions, aussi cela nous chagrine beaucoup d'apprendre que des individus sachant que de telles pratiques sont contraires aux principes du Rosicrucian Fellowship soient admis à faire des exposés dans nos Centres d'études et se présentent au public comme des personnes chargées d'enseigner et d'expliquer notre philosophie. La personne dont nous parlons a aussi copié, dans des ouvrages hindous ne coûtant que quelques sous, des exercices respiratoires qu'il vend à de trop confiantes victimes pour la somme d'un dollar.
Mes chers amis, ne voulez-vous pas accepter l'avis d'un homme qui a suivi le Sentier et qui sait par expérience personnelle qu'il n'existe pas de train express pour le Temple de l'Initiation? Le chemin est long, raide et ardu; il doit être parcouru pas à pas, même si les pieds se couvrent de plaies et si le coeur, lui aussi, saigne de douleur et de peine. Le corps de l'âme - la robe nuptiale d'or - seul mot de passe permettant de franchir le seuil, se construit au moyen de bonnes actions accomplies jour après jour, avec patiente persévérance dans le bien, à l'exclusion de toute autre méthode. Ne pouvez- vous pas comprendre que des exercices respiratoires ne sauraient remplacer les bonnes actions? Je sais de quoi je parle, ayant moi-même, tout au début de mes efforts vers la spiritualité, trouvé ces exercices respiratoires hindous. Je les ai pratiqués pendant deux jours, et mon corps éthérique est partiellement sorti du corps dense. Heureusement que je me suis rendu compte du danger et que j'ai cessé, mais j'ai mis deux semaines entières à m'en remettre, avec le sentiment de ne pouvoir placer mes pieds sur le sol, de marcher en l'air, et j'ai beaucoup souffert au cours de ces deux semaines. D'autres peuvent ne pas
avoir la même persévérance dans leurs efforts pour guérir, et finir dans un asile d'aliénés, aussi un tel essai est-il extrêmement dangereux. Bien entendu, il est des personnes sur lesquelles ces exercices n'auront pas d'effet, mais il est dangereux de jouer avec le feu, et vous devriez vous en abstenir. D'un autre côté, si vous voulez bien, jour après jour, vous efforcer de servir dans la vigne du Christ, en vous évertuant à des actes de miséricorde, vous pouvez être certains de tisser votre robe nuptiale d'or, votre corps de l'âme qui, un beau jour, vous ouvrira sûrement la porte du Temple.
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Leçon NO 46 - Septembre 1914
LA GUERRE MONDIALE ET LA MORTALITÉ INFANTILE
C'est à dessein que, jusqu'ici, je me suis abstenu de commenter les évènements du jour, mais j'ai le sentiment que la crise cosmique actuelle demande, de la part du Siège, un message susceptible de guider l'attitude de nos étudiants en face de cette calamité. Les répercussions de ce massacre sans précédent d'êtres humains dépassent de beaucoup ce qui nous apparaît sur le plan physique.
Il est évident que nous sommes consternés par les effets visibles de cette guerre, et que nous ressentons sympathie et pitié pour les milliers de familles éprouvées par la perte cruelle d'un père, d'un époux, d'un fils. Mais la douleur et la souffrance rencontrées sur le plan physique ne sont rien en comparaison de ce qui se passe sur les plans invisibles. Les milliers de victimes de cette guerre cruelle, qui se réveillent de l'état d'inconscience causé par leur transition subite de la vie physique au Monde du désir, emportent avec elles les scènes du champ de bataille. Beaucoup d'entre elles sont étourdies par le choc et errent sans but, n'étant pas capables de se rendre compte de ce qui leur est arrivé. D'autres, qui commencent à comprendre qu'elles ont passé d'un plan d'existence à un autre, sont alors en proie à la tristesse, en pensant à ceux qu'elles ont dû abandonner. Nous avons donc, à l'heure actuelle, dans le monde, une somme énorme et indescriptible de
souffrances et de chagrins, aussi bien mentaux que physiques.
De fait, depuis que le monde existe, nous n'avons jamais vu de souffrance aussi universelle, mais cela ne doit pas nous faire oublier qu'en ce moment, nous sommes en train d'accumuler une somme énorme de peines futures. Comme cela est expliqué dans notre littérature, ceux qui sont si atrocement et brusquement privés de leur corps dense sont dans l'impossibilité de passer leur vie en revue, aussi l'impression du panorama de l'existence écoulée ne peut-elle s'effectuer comme elle le devrait. Ces Egos ne pourront donc récolter, en purgatoire et dans le Premier Ciel, le fruit de leur vie. Plus tard, ils reviendront s'incarner sans cet appoint, et il sera nécessaire, pour leur faire récupérer ce qu'ils ont perdu, de les laisser mourir pendant leur enfance, afin que leurs nouveaux corps du désir et vital puissent recevoir, gravée en eux, la quintessence de cette précédente vie.
Pour cette raison, dans un futur encore éloigné, il se trouvera une épidémie, ou quelque autre fléau, qui fera mourir ces milliers d'enfants, tandis que nous, leurs contemporains, porterons leur deuil. Si seulement cette loi de la mortalité infantile pouvait être comprise, nous n'aurions pas à prier pour la paix comme nous le faisons. Que chacun de nous, dans le Rosicrucian Fellowship, prie le matin, à midi et le soir pour que revienne la paix aussitôt que possible! Nous devons être conscients des responsabilités qui découlent de la connaissance et nous efforcer de les assumer au jour le jour. La connaissance que nous avons reçue doit être diffusée chaque fois que cela est possible sans importuner autrui. Oh! si le monde connaissait les lois de renaissance et de cause à effet, s'il comprenait la loi de la mortalité infantile, une guerre telle que celle-ci n'aurait jamais pu éclater et, plus
nous essaierons de diffuser ces enseignements, mieux nous servirons la cause de la paix et de la bonne volonté envers les hommes, tout en servant aussi l'humanité.
Veuillez bien, aux dates des réunions de guérison, concentrer avec ferveur toutes vos énergies sur le travail de guérison qui s'opère à notre Siège, car nous avons besoin de toute l'aide possible.
LETTRE NO 47 - Octobre 1914
LES AIDES INVISIBLES ET LEUR ACTIVITÉ SUR LE CHAMP DE BATAILLE
Un autre mois s'est écoulé, et la guerre européenne continue de faire rage dans toute son intensité. Des milliers et des milliers de personnes ont franchi la limite qui les séparait du monde invisible; et la détresse, d'un côté comme de l'autre, est sans précédent dans l'histoire du monde. Comme vous l'avez appris par nos écrits, le Monde du désir est un monde d'illusion et d'erreur; et les pauvres être humains qui s'y sont trouvés soudainement transférés avec un corps dense mutilé par d'affreuses blessures s'imaginent - comme c'est souvent le cas lors d'accidents mortels - que les lésions de leur corps dense les affectent encore. Ils souffrent terriblement de ces blessures illusoires, comme ils le feraient ici-bas, et leur tourment est naturellement sans objet. Beaucoup d'entre eux vont de ci, de là, avec, sur leurs corps subtils, de terribles blessures, surtout lorsqu'elles proviennent d'obus ou de coups de baïonnette, mais ils serait relativement facile, pour les Aides invisibles, de les détromper en leur prouvant que ces blessures sont imaginaires, n'était le nombre immense de ces cas. Ainsi, ces Aides se trouvent devant une tâche qui dépasse leurs possibilités, bien qu'ils se montrent aussi actifs que possible.
D'ailleurs, ce n'est pas tellement l'angoisse résultant de ces lésions imaginaires qui leur donne du travail, que les angoisses mentales: souci pour
ceux qui sont laissés en arrière, pour les enfants privés de leur père, souci des mères laissées seules avec la charge d'une famille à élever. Tel est l'obstacle le plus sérieux qui se présente aux Aides Invisibles, et c'est sur ce point que je voudrais vous demander instamment votre coopération.
Aux Etats-Unis, le Président Wilson a choisi le 4 octobre comme jour de prières pour la paix. Il est toujours bon de s'unir à de telles initiatives, car nos pensées disciplinées exerceront un effet considérable et renforceront tout particulièrement leur influence générale. Ceux de nos étudiants qui prennent leur rôle au sérieux devraient passer cette journée à prier pour que le monde soit délivré de cet affreux carnage. Leurs pensées devraient être spécialement dirigées vers l'apaisement de ceux qui sont dans ce monde, et aussi de ceux qui, dans le monde invisible, se font du souci pour les familiers dont la mort les a séparés. Chacun de nous devrait nourrir la pensée que, même si la guerre actuelle semble atroce, elle ne représente qu'un incident par rapport à une longue période qui n'a ni commencement ni fin. En notre qualité d'esprits, nous sommes immortels, et les choses qui, dans le moment présent, nous semblent d'une énorme importance, deviennent moins actuelles lorsqu'elles sont considérées sous l'angle spirituel et avec la conviction de notre réelle immortalité. Tout ce qui peut nous arriver sera incorporé à notre nature spirituelle, comme une leçon destinée à nous rendre conscients de l'horreur du carnage qui désole aujourd'hui notre terre.
Avec toute la ferveur possible, souhaitons que cette guerre soit la dernière à troubler la paix du monde; prions pour que l'humanité, ayant appris cette coûteuse leçon, se décide à détruire une fois pour toutes les instruments de
guerre en transformant les épées en socs de charrue (Esaïe 2:4). Puissent ces idées occuper l'esprit de tous nos étudiants en ce 4 octobre - mais comme cette date semble trop proche pour que notre lettre les atteigne tous, nous voudrions que tous les membres du Rosicrucian Fellowship réservent leur dimanche 18 à la prière pour la paix. A cette date, tous nos étudiants auront reçu ce message et, de nouveau, nous serons unis du matin jusqu'au soir pour aider à ramener la paix dans le monde. Puisse bientôt le règne du Christ supplanter celui des hommes, car ces derniers se sont certainement montrés des gouverneurs inefficaces.
LETTRE NO 48 - Novembre 1914
LA GUERRE MONDIALE ET LA FRATERNITÉ UNIVERSELLE
Dans presque chaque courrier, nous recevons des lettres contenant des commentaires sur la guerre, mais, à peu d'exceptions près, nos correspondants n'ont pas pris parti, montrant ainsi qu'ils se placent à un point de vue plus élevé que l'attitude inculquée par les divers Esprits de Race, cette attitude à laquelle on donne communément le nom de patriotisme. Au contraire, l'état d'esprit de ceux qui se placent au-dessus des querelles partisanes est le seul qui soit compatible avec les principes du Rosicrucian Fellowship. Nous sommes tous groupés en une association internationale, et nous aspirons tous au Royaume qui supplantera les nationalités. Le fait que nous sommes nés dans des parties différentes du globe et que nous parlons diverses langues n'abolit pas l'injonction du Christ: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même"; il ne nous excuse pas non plus de jouer le rôle du "brigand" plutôt que celui du "samaritain". En notre qualité de membres du Rosicrucian Fellowship, il nous appartient de nous élever au-dessus des barrières nationales et d'apprendre à dire, comme Thomas Paine - un homme qui a été beaucoup diffamé de son vivant - "Le monde est ma patrie; faire le bien est ma religion". Nous devons cesser d'être simplement des "nationaux", et nous efforcer de devenir universels dans nos sympathies.
Mais il est une guerre qui vaut la peine d'être menée, une guerre à laquelle nous pouvons légitimement consacrer toute notre énergie, une guerre dans laquelle nous ferons bien de persévérer avec un zèle incessant; et l'un de nos étudiants exprime tellement bien cette idée que nous ne saurions faire mieux que de citer sa lettre:
"En réfléchissant à cette guerre, l'idée nous vient qu'un jour, lorsque les hommes en auront assez de cette épouvantable lutte intestine et mettront bas les armes, lorsque la paix régnera de nouveau - de notre continent, chargé des dépouilles d'amis aussi bien que d'ennemis, et dont les fleuves sont teintés du sang de la jeunesse des empires, naîtra une nouvelle Europe, où une civilisation plus élevée succédera à celle qui aura été détruite.
Et la grande armée des inconnus qui sont morts ou en train de mourir va constituer, pour la paix, une force plus puissante que s'ils avaient vécu. C'est ainsi que, sur les ruines causées par les passions déchaînées des humains, une Divinité juste et aimante apporte finalement un bien plus grand.
Si les hommes, et aussi les femmes, voulaient seulement consacrer, à la guerre envers l'ennemi bien plus réel qui se cache en eux-mêmes, la dixième partie des forces dépensées à combattre un ennemi supposé, au-delà d'une frontière imaginaire sur la surface de la bonne Terre de Dieu, le règne du Prince de la Paix pourrait s'instituer. Toutes les armes meurtrières seraient éliminées, en même temps que se réaliserait la glorieuse promesse: "Paix sur la terre, et bonne volonté envers les hommes".
En ce qui me concerne, je prends la résolution de ne pas cesser mes efforts avant la disparition des derniers vestiges de mal, d'erreur et de haine qui
subsistent en moi, et avant le règne indisputé, dans mon coeur, de la sublime Trinité du Bien, de la Vérité et de l'Amour.
Dans cette lutte réelle, je me sens un piètre soldat, et le sport des armes se décide souvent dans une mauvaise direction, mais même si je devais succomber mille fois, la leçon doit être apprise et le sera. Un jour, grâce à un coeur vaillant, une volonté tenace et une persévérance invincible, la bataille sera gagnée et la paix régnera - cette paix qui surpasse toute intelligence."
Joignons-nous tous à notre frère dans ce noble combat, en nous remémorant ces paroles de Goethe:
"De tout pouvoir qui tient le monde enchaîné L'homme se libère, lorsqu'il sait se gouverner."