page 243

Instantanément nous fraternisames. De café en café, les confidences allaient bon train, arrosées à l'occasion d'une bonne bouteille de vin, comme la vieille hospitalité française le prescrit particulièrement à l'époque des Fêtes! Elle était de langue anglaise malgré ses origines familiales canadiennes-françaises. Très intelligente, musicienne, artiste cultivée, nous tombèrent littéralement sous son charme et comme la volubilité paraissait une de ses qualités, nous échangeâmes un peu sur tout et elle nous fit des confidences sur de grands pans de sa vie. Elle nous dévoila son passé malheureux, sa situation financière lamentable et les difficultés rencontrées à élever seule ses deux fils encore très jeunes.

             Tout ce qu'elle racontait me semblait désespérément tissé d'ombres.

            Quoi qu'il en soit, elle éveilla en nous une étrange sympathie et comme nous étions à quelques jours de Noël, nous l'invitâmes avec ses fils, à célébrer le Réveillon chez nous, en toute simplicité.

           Nous l'avions prise en quelque sorte sous notre aile.

          Pendant ce congé des Fêtes, nous nous vîmes régulièrement. À Noël, on célébra chez nous, avec une petite distribution de cadeaux. Au Jour de l'An, ce fut chez elle qu'on mangea la dinde et qu'on vida quelques bouteilles en chantant au piano. C'était charmant, agréable, mais mon intuition me disait que cette nouvelle amitié, un peu précipitée, envahissante parfois, portait autour d'elle une étrange aura...

          Quoi qu'il en soit, un jour que nous étions en visite chez elle, F. demanda à Louis de refaire le branchement de sa chaîne stéréophonique. Bien sûr, Louis ne se fit pas prier et une demi-heure après, nous pouvions écouter tous ces disques confinés au silence pendant toutes ces années.

page 244

           Et puis, elle se plaignait que ses petits ne pouvaient jouer au sous-sol durant l'hiver, dû au fait, qu'elle ne trouvait pas l'énergie pour y faire le nécessaire ménage.

          N'écoutant que mon courage, je lui offris un coup de main, pour y mettre de l'ordre, sur-le-champ! Elle accepta.  Louis se joignit à moi dans cette tâche, que nous n'avions pas au préalable suffisamment évaluée... et qui allait s'avérer un travail de plusieurs heures dans les plus déprimantes conditions! La maison n’était pas de façon générale particulièrement impeccable, mais un souci de bon goût camouflait tant bien que mal les petits travers ménagers et la pauvreté des moyens.

           Après avoir renippé un peu la salle de bain au deuxième et avoir mis un sceau sous le lavabo rendu inutilisable à cause d'un tuyau brisé, nous nous attaquâmes à la cave...

           Arrivée en bas, j'eus un choc! Tel l'impression sordide d'entrer dans "l’antre de l'ombre..."     C'était un endroit désolant... Une atmosphère insoutenable y régnait.

          En plus, il n'y avait que des ampoules de 15 ampères, donnant un éclairage si blafard, que tout au long de la corvée, je me disais: "Comment fait-elle pour venir y faire sa lessive?"

          Les deux pièces de la cave étaient séparées par des parois de cartons, et partout on voyait le sol jonché de vêtements moisis. Près des escaliers, il y avait une montagne de détritus, à ce qui m'a paru. C'était très difficile d'y voir. Quand j'y mettais la main pour tenter de trier le bon du mauvais, j'y trouvais des souliers crasseux, des bottes désassorties, des jouets brisés, éparpillés, inutilisables,
page 245

des poupées déchiquetées, des livres déchirés, des valises toutes pleines d'un passé malheureux laissé dans une misère indescriptible, et puis des cartons d'épiceries... et des blattes !

            Je fis de mon mieux pour mettre de côté ce qui me semblait récupérable et le reste, j'en faisais un tas, pour les ordures.

           Louis de son côté, avait détecté d'où venait cette odeur fétide. Le renvoie d'eau au sol était bouché, d'où cette humidité, cette moisissure qui courait partout. Nous débouchâmes le revoie d'eau. Une balle et de petits jouets l'obstruaient.

         Pendant que nous faisions le ménage, F. était assise dans les marches et nous regardait pensive, sans mot dire, comme si cela ne la concernait pas... Étrange! Et puis, je lui demandai des sacs à ordures, pour y jeter les immondices... Croyais-je!

         A l'occasion, F. allait au salon voir les enfants, les siens et les nôtres. Entre temps j'avais rempli trois gros sacs verts, que j'allais déposer dehors près de la maison, afin de compléter cette tâche... que je m'étais moi- même assignée! Une fois le ménage terminé, je ne fus pas fâchée de retourner à l'air libre !

          Quoi qu’il en soit, tout semblait baigner dans l'huile et comme nous les avions invités pour le souper, nous nous quittâmes chaleureusement en nous donnant rendez-vous une heure plus tard, à notre domicile.

           J'étais à préparer le repas quand je vis F. arriver brusquement, en ouvrant la porte de notre cuisine de façon intempestive, un pot de café dans une main et la toile que je lui avais prêtée, dans l'autre. Elle était en... Furie!
page 246

          Elle se mit tout de go à m'invectiver, me disant qu’elle n ‘aurait  jamais plus confiance en moi... Que je l'avais trahie.

         J'étais... TRÈS  surprise, ne sachant à quoi je devais ce volte-face inattendu.
         Attristée, je tentai d'en savoir les raisons.

"Elle m'accusait de vouloir voler ses jouets! Que j’avais l'intention de revenir à la nuit... pour... reprendre les sacs !’’

         Le plus surprenant dans cette histoire, c'est  qu'elle semblait sincère… 

         Quoi qu'il en soit, en nous quittant ce jour-là, elle nous informa d'un dernier détail. Après notre passage chez elle, toutes les ampoules des chambres ont éclaté! Sur le coup, j'ai cru à un autre "mystère’’ mais Louis expliqua qu'au moment du nettoyage du sous-sol, il s'est aperçu qu'un des commutateurs du panneau électrique n'était pas en position de fonctionnement et voulant bien faire, il l'aura remis à "on". Un court-circuit a dû faire le reste.

         Sur cette précision, elle claqua  la porte... s'excluant ainsi de notre vie pour toujours.

          ‘’La porte s'était refermée’’. 

          Je fus un peu troublée par le déroulement précipité de tous ces incidents. Mais pas vraiment surprise ni déçue. Je m'attendais à quelque chose, mon sixième sens me l'avait prédit.

page 248

          Etrangement, le jour précédent la rupture, alors que je regardais la télé au salon, j'avais vu dans le "miroir", comme en enfilade, tous ces petits cadeaux reçus de F. pour Noël. Un dessin d'oiseaux, des petits paniers Nouvel âge contenant bagues, cristaux et parfums1, et à ce moment... une "information' m'est parvenue. J'ai pensé:

         "Tiens, la porte... est sur le point de se refermer !’’ Cette porte, c'était celle que F. avait

empruntée à la faveur "du miroir qui avait bougé"... et qui allait sous peu se refermer.

          Ce qui m'apparut dans cette invraisemblable histoire, c'est que F. était entrée dans notre vie suite à l'épisode "du tableau dans le miroir"... et qu'elle en ressortit, quand tous ses cadeaux chargés négativement, se sont " vus inversés", dans ce même miroir !

          Que s'était-il passé au juste? Bien futé celui qui le dira!

         Ce que je retiens malgré tout de ces événements, c'est que nous avions nettoyé le sous-sol de F., image de son subconscient. Quand je disposai des déchets, elle s'y accrocha inexorablement, c'était son passé! Quand Louis a voulu y faire la lumière, les plombs ont sauté. Les siens aussi! Ou peut-être était-ce ce clou arraché à l'Arbre-Porte... que je lui avais glissé dans la poche arrière de son jeans plus tôt dans la journée en lui disant : "Tiens, je te donne ce clou... peut-être pourra-t-il t'être utile…’’Je savais que ce geste de ma part n'était pas anodin, j'étais inspirée. Il l'invitait sans qu'elle le sut, à un quelconque dépassement, à une transcendance certaine, mais je ne connaissais pas de façon consciente les effets qu'il pouvait produire. Après tout, ce n'était qu'un clou !

1Ces cadeaux étaient les restes de l’inventaire d'une boutique Nouvel âge, dont elle fut la propriétaire. Objets qu'elle gardait... à la cave!

page 249

           Le plus mystérieux dans toute cette affaire, c'est qu'à la lumière des informations que F. nous avait données sur elle-même; à l'aide de noms, de dates, d'événements ; de coïncidences qui m'étaient apparues, j'avais découvert pendant ces quelques jours, le lien karmique présidant à notre relation d'amitié, et juste comme j'allais le lui dire... la porte se refermait... Définitivement!

          Ainsi soit-il !

          Quelques temps après, j'aperçus F. chez un marchand de mon quartier. Elle me semblait plus harmonieuse, moins sombre, comme si "l'ombre" avait disparu!

          Par ailleurs, tout récemment, Bobby la croisa dans l'autobus. Elle m'en fit mention et spontanément je lui demandai ses impressions.

          - Elle est pire... qu'avant... me dit-elle.

           Tout récemment, suite à cette longue réflexion sur les événements passés, m’est revenu à l'esprit un texte, qui pourrait clore cette aventure que constitue "le tableau dans le miroir' et plus particulièrement, son autre face, celle de "l'ombre au tableau", laquelle est à son niveau, une authentique énigme que je ne pourrai jamais expliquer plus à fond.

          Ce texte est tiré de l'Évangile de Matthieu. Il semble convenir à ce qui s'est peut-être passé... et lui donne à la limite, un certain sens.

          "Lorsqu'un esprit impur est sorti d'une personne, il parcourt les régions arides en quête de repos, mais il n'en trouve pas. Alors il se dit: " Je vais retourner dans mon logis là d'où je suis sorti." A son arrivée il le trouve inoccupé, balayé, mis en ordre. Alors il va
page 250A

prendre avec lui sept esprits plus mauvais que lui, ils y entrent et s'y installent. Et le dernier état de cette personne est pire que le premier. Ainsi en sera t-il de cette génération mauvaise." Matthieu: 12:43.

            Étrangement, ce texte de l'évangile de Matthieu suit immédiatement l'annonce de la "relève de la Reine du Sud"... Comme s'il fallait que ce passage de l'Évangile prenne aussi corps dans ma réalité, et ne soit pas que de simples mots sur du papier.

          Autre surprise concernant ce chapitre. J'ai remarqué tout récemment qu'en Matthieu 12:1 se situe ce texte que nous retrouvons cité dans le Document B; celui où j'avais vu apparaître la "Pierre de Sion", le "43", ainsi que le message "Sabb a repéré un site (TXT), le sit è survéié pa mandu cumara..." Fig .4.6

          Ce TXT est l’apparence qu’avaient pris trois arbres que je vois de chez moi, l’endroit même où était apparue cette amie transitoire et son ombre ( était-ce Mandu Cumara ?), le jour où le miroir avait glissé sous le tableau!

page 250 B

           Un dernier retournement eut lieu dans cette affaire. Quelques heures avant que je poste mon manuscrit à l'Éditeur, j'appris par le bulletin de nouvelles du matin, qu'une maison avait brûlé la nuit précédente, dans ma rue. L'incendie n'avait fait aucune victime. Ce qu’on nous disait, c’est qu'une chandelle laissée sans surveillance avait mis le feu... à la cave!

Je pensai tout de suite à F. Intriguée, je me rendis sur place. La maison avait toute l'apparence d'avoir subit l'assaut des flammes; les vitres étaient brisées et un long ruban jaune encerclait les lieux. Ça sentait le feu... c'était sinistre!                

page 250 C

          Je remarquai aussi sur sa maison, un panneau cabalistique. Un carré de cinq décoré de lettres hébraïques dans chacune des cases. Je me suis souvenue avoir vue F. dessiner du doigt des signes sur les portes, disant que par ceux-ci, elle empêchait  "les esprits négatifs d’entrer dans sa maison! Ce qu'elle ne savait probablement pas, c'est qu'en installant ces panneaux sur ses murs sans préparations adéquates, empêchait-elle tout bonnement "ceux qui y étaient déjà", d'en sortir !

           D'ailleurs, juste avant qu’elle ne s’installe à cette adresse (je l'appris hier), un pauvre bougre qui venait fraîchement d'y emménager, devint subitement fou ; tirant un peu partout avec une arme à feu. Il s'enfuit de justesse avant que la police n'arrive… Certaines maisons sont définitivement mal habitées!

           Pour en revenir à cette pauvre enfant naufragée du feu; sans doute le Propriétaire va-t-il la reloger ailleurs, dans une maison toute fraîche, sans blattes ! C'est ce que je lui souhaite. "A fresh new start" disent les Anglais. Les initiés eux, annoncent ‘’que la nature est complètement régénérée par le feu". Peut-être cette amie de l'ombre trouvera-t-elle alors... le chemin qui a du cœur.

                      

© Copyright - Chris Caron 1995. Tous droits réservés.

sommaire

suite